Alors que je visionnais Thor pour la *toussetousse*ième fois (avec arrêt stratégique à 36 minutes 36 secondes, quand il sort de la douche Thor-se nu... si si, je suis très drôle), j'ai soudain eu une illumination : le problème majeur de Loki, en fait, c'est d'être un garçon. Ses aptitudes et sa manière d'être ne collant pas avec les attentes de la société Asgardienne — sans même parler du fait que tout son entourage le compare sans arrêt à son frère aîné, à son total désavantage —, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il ait fini par mal tourner. Tandis que s'il avait été une fille... eh bien, ça aurait tout changé.

Si si, vous allez voir...

Ceci est ma version de la manière dont l'univers cinématique Marvel aurait évolué si Odin avait recueilli une petite fille et non un petit garçon, à Jotunheim.

J'espère vraiment que ça vous plaira ! Si c'est le cas, n'hésitez surtout pas à me le dire, je fonctionne toujours mieux avec des encouragements !


Prologue - Asgard

Alors qu'Odin leur racontait pour la énième fois comment les Asgardiens avaient vaincu — quoique, selon Loki, "laminé" aurait été un mot plus approprié — les géants des glaces, la fillette observa avec amusement les yeux de son grand frère devenir de plus en plus vitreux. Loki aurait été prête à parier que Thor s'imaginait déjà au beau milieu d'un champ de bataille, découpant des dizaines de géants des glaces en tranches à l'aide d'une grosse épée.

Si les yeux de Loki étaient aussi vitreux que ceux de son frère, c'était pour une toute autre raison. Quoiqu'elle n'aurait jamais osé le formuler à voix haute — parce qu'Odin Allfather parvenait, avec son unique œil, à se montrer beaucoup plus intimidant que la plupart des gens à deux yeux de sa connaissance —, la fillette avait du mal à comprendre l'attrait de la violence physique. Outre le fait qu'un combat à mort était horriblement définitif, il lui semblait que ça manquait aussi cruellement de sens pratique. On devait pouvoir arriver à un résultat similaire sans verser de sang, non ?

— Quand je serai Roi, déclara alors Thor en claquant la paume contre sa propre poitrine je combattrai les géants des glaces et je les éliminerai tous. Comme vous père.

— Quand tu seras Roi, rétorqua Loki sans réfléchir, je ferai disparaître tous les géants des glaces pour t'empêcher de les tuer

Son père et son frère se tournèrent vers elle d'un même mouvement. Le premier haussa un sourcil, tandis que le second la fixait de ses yeux azur écarquillés. Loki baissa la tête et se mit à triturer sa robe verte avec embarras. Un jour, elle apprendrait enfin à tenir sa langue. Mais aujourd'hui n'était clairement pas le jour en question.

— Un bon Roi, déclara finalement Odin d'un ton sentencieux en saisissant les mains de chacun de ses enfants et en les pressant pour attirer leur attention sur ses paroles, ne recherche pas la guerre, mais il est toujours prêt à la mener.

Dans le dos de leur père, Thor et Loki échangèrent un regard. L'aîné lança un clin d'œil à la cadette, qui lui tira la langue en retour. Lorsqu'Odin les relâcha, Loki poussa un cri strident et bondit en avant, courant de toute la force de ses jambes, son frère sur ses talons. Thor la laisserait gagner la course — il le faisait toujours —, mais ne lui faciliterait pas la tâche pour autant.

Derrière eux, Odin secoua la tête avec un sourire indulgent.

Loki était assise à la commode de sa mère et farfouillait dans ses flacons de parfum, tandis que Frigga brossait ses cheveux. Au fil du temps, c'était devenu pour elles une sorte de rituel, un moment privilégié auquel Loki n'aurait renoncé pour rien au monde. Même quand sa mère démêlait les nœuds. Elle finit par trouver un parfum qui lui plaisait — un mélange de lavande et de miel, avec une légère arrière-odeur de pin, curieuse mais pas déplaisante — et se tourna à demi vers sa mère en haussant un sourcil interrogateur.

— Juste une goutte, déclara celle-ci, avant de se remettre à la tâche.

Sa fille ouvrit précautionneusement le flacon et déposa une minuscule goutte au creux de son poignet, avant de le frotter contre l'autre, puis à l'intérieur de son cou, comme elle avait vu Frigga le faire tant de fois.

— Mère... commença-t-elle alors d'un ton hésitant.

— Oui, mon trésor ?

— Est-ce que vous pensez vraiment que la violence est une solution ?

Frigga posa la brosse et leva les yeux pour croiser le regard de sa fille dans le miroir de la commode. Thor avait hérité de ses yeux d'un azur parfait. Odin aussi avait les yeux — enfin, l'œil — bleu, quoique plus froid que les leurs, à la manière d'un glacier. Loki était la seule à avoir des yeux gris qui, selon l'éclairage, paraissaient parfois verts.

— Ton père, commença Frigga avec un regard sombre que Loki ne lui avait encore jamais vu, a connu une période de grande violence, à l'aube de sa vie. C'était avant de me connaître, précisa-t-elle, en réponse au regard interrogateur de sa fille. Il pensait — et pense toujours d'ailleurs — qu'il n'y a rien de plus important que de protéger son foyer à tout prix. Heureusement, il s'est assagi avec le temps. Et le mariage...

Son air sombre laissa la place à un sourire tendre, son regard se faisant lointain, comme à chaque fois qu'elle parlait de son époux. Loki fronça les sourcils. Les relations entre hommes et femmes demeuraient pour cette dernière un mystère insoluble. Pas au sens physiologique du terme. Sur ce point, hélas, elle avait une idée bien précise depuis le jour où, pénétrant en douce dans le garde-manger du palais pour y dérober un bonbon au miel, elle était tombée sur un des gardes, les fesses à l'air, collé contre la plus jolie des aides de la cuisine, la jupe remontée jusqu'au nombril, l'un et l'autre en train de pousser des cris qu'elle aurait crus réservés aux animaux sauvages. Réprimant un frisson de dégoût, Loki avait refermé la porte sans un bruit en décidant qu'elle n'avait jamais rien vu d'aussi barbare. Que le reste d'Asgard, y compris sa mère, la femme la plus sage et intelligente qu'elle eût jamais connue, s'abaisse à de tels comportements la laissait perplexe. Une chance que ce soit le rôle de Thor de fournir le prochain héritier du trône d'Asgard.

— Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question, fit remarquer la fillette après un instant de réflexion.

— Tu as raison. Mais tu as un don pour poser des questions difficiles. Tu ne pouvais pas te contenter de me demander comment on faisait les bébés, comme ton frère ?

Loki fit la grimace.

— J'ai une assez bonne idée de la manière dont on fait les bébés, merci. Assez pour savoir que je n'en aurai jamais. C'est trop dégoûtant !

Frigga éclata d'un rire cristallin.

— Tu es encore un peu jeune pour y penser, de toute façon.

— Même dans mille ans, j'aurai toujours le même avis, protesta sa fille, le visage plissé de dégoût. J'espère que vous ne comptiez pas sur moi pour avoir des petits-enfants !

— On verra bien, répondit sa mère en déposant un baiser affectueux sur le sommet de son crâne. Et pour répondre à ta question, je ne crois pas que la violence soit une bonne solution. Même si je partage l'avis de ton père sur le fait que, parfois, on n'a pas d'autres choix.

— Eh bien moi, je ferai en sorte de trouver un autre choix, répliqua la fillette avec détermination. Quoi qu'il arrive.


C'était le grand jour de Thor.

La population asgardienne au grand complet s'était rassemblée dans le hall principal du palais d'Odin, au milieu duquel un immense tapis rouge avait été déroulé jusqu'à l'estrade menant au trône de leur souverain. Ce dernier y était assis en tenue d'apparat, son sceptre à la main, le visage si impassible qu'on aurait pu le prendre pour une statue. Debout à l'extrémité droite de l'estrade, entre sa mère et Lady Sif, Loki regardait avec une impatience grandissante son frère avancer au ralenti en souriant comme un demeuré et en jetant son marteau en l'air pour faire le malin. La jeune femme se prit à souhaiter qu'il se le prenne sur le coin de la tête, ça lui servirait de leçon. Loki n'était du reste pas la seule à penser de la sorte. Du coin de l'œil, elle remarqua en effet Lady Sif qui roulait des yeux en laissant échapper entre ses dents un "Pitié !" où l'exaspération se mêlait clairement à l'amusement.

Loki avait toujours apprécié la belle guerrière, avec laquelle elle se sentait certaines affinités. À première vue, elles n'auraient pourtant pas pu être plus différentes. Lady Sif était une guerrière jusqu'à la moelle et participait sans retenue aux beuveries comme aux combats de ses compagnons masculins. Loki, en revanche, était studieuse et discrète, préférant la compagnie de sa mère ou la solitude aux bruyantes libations qui constituaient le passe-temps privilégié de ses compatriotes. Bien entendu, elle participait à tous les banquets officiels — c'était son devoir en tant que princesse — et il lui arrivait occasionnellement de céder aux moues implorantes de son frère pour se joindre aux repas de son groupe d'amis. Mais lorsqu'elle avait le choix, Loki préférait manger dans ses appartements ou dans les jardins du palais.

Quoi qu'il en soit, Lady Sif et elle avaient néanmoins un point commun de taille; elles n'avaient pas leur place dans la société asgardienne traditionnelle. La première parce que le combat était jusqu'alors réservé aux hommes — les femmes étaient encouragées à apprendre le maniement des armes, mais uniquement dans l'hypothèse où un ennemi venait à attaquer Asgard quand les hommes étaient au loin et qu'il fallait défendre les enfants. Quant à Loki, elle lisait des livres pour le plaisir et se passionnait pour l'astronomie, un centre d'intérêt jusque là réservé à des érudits d'un certain âge dont le peuple asgardien se moquait en douce. Et au lieu de laisser la société les enfermer dans un carcan qui ne leur convenait pas, l'une et l'autre avaient décidé de tracer leur propre voie, avec le soutien inconditionnel d'un membre de la famille royale. Thor avait en effet bataillé ferme avec son père pour laisser Lady Sif rejoindre l'armée et Frigga en avait fait autant quand, à l'orée de l'adolescence, sa cadette avait soudainement manifesté le désir d'apprendre autre chose que le point de tapisserie et les danses d'apparat.

Les deux femmes ne seraient probablement jamais amies — leurs centres d'intérêt étaient trop différents pour cela —, mais elles éprouvaient un respect mutuel, une reconnaissance tacite que l'autre savait également ce que c'était de devoir se battre pour se faire accepter telle qu'on était plutôt que de se conformer aux attentes d'autrui.

Enfin, Thor finit par arriver au bout de l'estrade, où il eut le culot de lancer un clin d'œil à leur mère, laquelle lui fit les gros yeux pour lui rappeler de se conformer au sérieux de la situation. En pure perte, naturellement. Il souffla un baiser à sa petite sœur, qui réprima l'envie de le gratifier d'une vilaine grimace en retour. Tant qu'à faire, autant qu'au moins un des enfants d'Odin se tienne correctement dans un moment aussi solennel. Toutefois, lorsque leur père frappa le sol de son sceptre et que la salle se fit soudain plus silencieuse qu'une tombe, le visage de Thor se fit plus sérieux, et il s'agenouilla devant Odin.

— Thor, déclara ce dernier d'une voix où l'émotion perçait un peu, mon premier-né, mon héritier, jures-tu...

En dépit de ses meilleures résolutions, Loki ne put empêcher son esprit de se mettre à vagabonder. Elle avait toujours su que son frère monterait sur le trône, une femme ne pouvant pas régner à Asgard. Ce qui l'arrangeait, du reste. Thor se régalait d'être au centre de l'attention, alors qu'elle-même préférait demeurer dans l'ombre. On en apprenait toujours bien plus quand les gens ne se savaient pas observés. Toutefois, dans le secret de son âme, elle ne pouvait s'empêcher de douter des aptitudes de Thor à régner.

Loki aimait son frère de tout son cœur. Après leur mère, c'était sans doute sa personne préférée. Mais cela ne la rendait pas pour autant aveugle à ses défauts. Thor était un grand frère attentionné, un fils aimant et un ami loyal. Malheureusement, c'était aussi une tête brûlée, un colérique et il était incapable de réfléchir avant d'agir. Sans compter que sa témérité lui avait déjà joué plusieurs vilains tours, ainsi qu'à ses amis. Loki ne doutait pas une seconde que son frère avait à cœur le bien d'Asgard. Mais il pensait avant tout au bien de Thor...

L'impression d'être observée lui fit relever les yeux, et elle croisa le regard de Fandral, positionné juste en face d'elle, quoique de l'autre côté de l'estrade. De tous les amis de son frère, c'était celui qu'elle appréciait le moins. Ou, plus exactement, c'était celui qu'elle appréciait de moins en moins. Hogun était trop discret et inexpressif pour qu'elle se sente vraiment à l'aise en sa compagnie. Quant à Volstagg, tout dépendait de son humeur du moment. Soit il décidait de l'inclure dans leurs conversations, soit il l'ignorait totalement. Mais le comportement de Fandral à son égard avait radicalement changé quand Loki avait quitté l'adolescence pour passer à l'âge adulte. Alors qu'autrefois, il passait volontiers du temps en sa compagnie, à plaisanter ou à lui raconter par le menu les situations invraisemblables dans lesquelles son frère parvenait toujours à se fourrer, désormais, il se contentait de la regarder en silence avec un sourire narquois et un regard qui lui faisait penser à un fermier évaluant la qualité d'une vache sur un étal.

Ce jour-là, le protocole avait voulu que Loki enfile une robe de soie verte qui faisait ressortir ses yeux, son teint de porcelaine et le noir corbeau de sa chevelure, relevée sur le sommet de sa tête en plusieurs tresses maintenues à l'aide de multiples rubans. Après s'être examinée dans un miroir, Loki voulait bien admettre que le résultat était plaisant à regarder, mais elle aurait préféré ne pas avoir l'impression que sa coiffure s'employait à essayer de la scalper. Quant à la robe, elle exposait un peu trop sa poitrine à son goût. La jeune femme n'était pas aussi pourvue de ce côté que d'autres asgardienne — à commencer par sa mère —, mais elle avait néanmoins quelques formes que la robe semblait conçue pour mettre en valeur.

Fandral, en tout cas, semblait se demander à quoi elle ressemblait sans.

Loki savait pertinemment que si elle racontait à son frère — ou même à Lady Sif — que Fandral la regardait d'une manière qui la mettait mal à l'aise, il s'empresserait de faire rentrer dans le crâne de ce dernier, à coups de marteau, la notion que sa petite sœur n'était pas un morceau de viande. Nul doute qu'après cela, le guerrier numéro deux lui ficherait une paix royale. Cependant, étant une femme intelligente doublée d'une puissante magicienne, Loki s'estimait parfaitement capable de se débrouiller toute seule. Si Fandral se permettait la moindre remarque ou le moindre geste déplacé, elle ne se gênerait pas pour le remettre à sa place d'une manière particulièrement humiliante. Il ne la verrait plus de la même manière après que son épée se soit changée en serpent pour s'enrouler autour de lui et le mordre...

— Je le jure ! clama son frère en levant Mjollnir, ramenant l'attention de Loki vers l'avant de la scène.

— Alors je te proclame... déclara Odin avant de s'interrompre brusquement tandis que son regard se perdait dans le lointain. Des géants des glaces !