Boires et Déboires d'une tête de pioche
Introduction
Un après midi venteux près du marché…
Je me frottais les côtes, accablé par la bise mordante qui soufflait depuis des heures, et l'abri contre lequel je me tenais accroupi ne coupait guère le vent, les planches disjointes n'auraient d'ailleurs rien arrêté…
Depuis l'aube, je me tenais devant ma sébile, avec l'espoir toujours renouvelé que les passants seraient un peu plus généreux par ce temps inclément, et qu'ainsi ma mère et moi verrions notre quotidien amélioré d'un peu de fromage et de fruits secs pour notre dîner.
Je parle, je parle, mais je ne me présente pas ! Je suis Vallack, je suis âgé d'environ une quinzaine de printemps, et j'exerce la profession de mendiant depuis plus d'un mois, depuis que ma mère avait perdu notre logement, lorsque notre logeuse a découvert sa profession peu recommandable. Eh oui, ma mère est une prostituée, mais elle compte bientôt arrêter, du moins, c'est ce qu'elle répète depuis que je suis assez petit pour me souvenir de quelque chose. De par son métier, vous devinez que je ne connais probablement pas mon père, et vous avez raison. Je n'ai pas de vie, pas d'avenir, les hommes qui passent fréquemment la nuit à la maison me le répètent assez, en disant qu'il faut que ça rentre dans ma tête de pioche.
Depuis que je suis assez grand pour marcher, je vis près du port, même si le quartier change souvent, la mer, elle, ne bouge jamais. J'ai été bercé par les odeurs iodées qui s'élèvent en tout temps, ainsi que par la puanteur du poisson pourri et des choux moisis. Les cris des matelots et des haranguères, vantant le poisson frais à la Halle furent mes seules berceuses. Les quais branlants ont été témoins de mes premiers pas et l'eau a accueilli mes premières chutes, m'apprenant de cette manière plutôt originale à nager dès l'âge de deux ans.
Ma mère ne m'a pas vraiment élevé, je crois qu'elle avait honte de m'avoir eu, mais ça ne me fait rien, j'ai vu ce que la maternité fait à beaucoup de prostituées, et je suis heureux que ma mère soit encore là, même si la tendresse n'est pas au rendez-vous.
Je chaparde sur les étals du marché pour me nourrir dans la journée, j'avale une soupe pour tout souper, car les marins qui sont les clients principaux de ma mère ne sont pas très généreux, même avec leur solde et un coup dans le nez.
Voilà, voici ma courte et triste histoire, en quinze années, il ne m'est rien arrivé, et rien ne viendra probablement me sortir de cette vie.
