Disclaimer : Kusuriuri ne m'appartient pas.


C'était un cauchemar.

Pour lui, c'était... normal.

Est-ce que ça voulait dire que son existence était cauchemardesque ?

Quelle importance ?

La pièce trembla sous la colère du mononoke piégé à l'intérieur par la barrière de talismans qu'il avait placés sur les murs. La femme hurla.

- Vous avez dit que vous pouviez le détruire ! Faites quelque chose !

L'Apothicaire resserra froidement sa prise sur l'épée et l'énergie qui s'en dégageait.

Les clochettes des balances se mirent à tinter.

La force sombre qui se déchaînait autour d'eux, volute de fumée noir, se heurtait violemment aux barrières de papiers blancs recouvert de symboles et d'écritures rouges mais surtout d'un œil. L'oeil qui voyait tout. Rien, ni personne, n'échappait à son regard. Pas même lui.

- J'ai dit que nous pouvions le détruire. Vous êtes à l'origine de ce mal. Vous avez pactisé avec Lui.

Mais quelque chose n'allait pas. Aucune des balances n'indiquait la même direction.

- Je veux seulement que mon époux revienne !

Certaines tintèrent à nouveau, penchant dans le sens inverse. Sans aucune logique. Les balances semblaient incapable de localiser le mononoke avec précision.

- Votre époux est mort. Tant que vous ne l'accepterez pas, nous serons dépendant de sa volonté.

- Non... il est en vie ! Je le sais... je le sens !

Il sentit son regard brûlant de colère sur lui mais ne la regarda pas. Qu'importe la femme, il devait trouver l'ennemi. Des ombres s'amassèrent dans un coin, formant une silhouette... avant de se dissiper aussitôt, sans que les balances n'aient la moindre réaction claire dans sa direction.

Illusion.

Il connaissait la Forme. Il connaissait la Raison... mais tant que cette femme refuserait de lui avouer la Vérité et d'accepter la mort de son époux, il ne pourrait rien contre l'Amanojaku. Il devait briser les illusions de cette femme pour affaiblir le mononoke.

- Pourquoi pactiser... si vous le croyez en vie ?

Il devina un doute dans le silence de la femme.

- Ne l'écoutes pas, femme. Ton époux est en vie. Il est perdu. Toi seul peut permettre son retour au foyer...

La voix profonde du mononoke, traîtreusement douce, vecteur de puissance en elle-même, lui fit serrer les dents. Il tressaillit. La femme pleurnicha, faible.

- C'est une ruse. Il a besoin de vous. Il se nourrit de vos sentiments.

- Qu'il les prenne... du moment que mon cher Koichi... revienne enfin sous notre toit...

La femme tomba à genoux, en larme. Les murs disparurent sous un épais brouillard... mais tant qu'elle serait sous la protection de la barrière, le mononoke ne pourrait pas consommer le pacte. Néanmoins, la question n'était pas de savoir si elle en sortirait de son abri mais combien de temps encore il saurait soutenir la puissance du mononoke...

Celui-ci était différent des autres.

Plus fort que les autres.

Insaisissable.

Très intelligent.

Trop fort peut-être.

Sa faiblesse était la femme.

La source de sa force.

- Il ne peut pas le ramener. Ce qui est mort... ne peut que le rester. Ses mots ne sont que des mensonges.

- Non... vous mentez !

Lentement, la femme semblait enfin réaliser.

- Je ne vous crois pas ! Il a promit ! Il reviendra !

Mais son déni renforça le déchaînement d'énergie et les balances devinrent folles, passant d'un côté sur l'autre, comme des carillons dans une tempête. Il serra les dents en sentant une bourrasque lui griffer violemment la joue.

C'était inutile.

Briser la femme était la seule solution.

Ca ne serait pas dur.

Une frêle brindille serait plus résistante.

- Même si c'était possible, pourquoi reviendrait-il auprès de vous ?

- Que voulez-vous dire ?

- Votre faiblesse et vos larmes sont une insulte à l'amour qu'il vous a porté.

- Vous ne pouvez pas dire ça ! Je l'aime !

- Non. Vous avez peur. Peur d'être seule. Peur de vivre. Peur d'avoir peur. Si vous l'aimez vraiment, oubliez-le.

Son hurlement déchirant - qui le laissa de glace - surpassa les grondements et la femme prostrée à terre, la main sur les oreilles, gémissant lamentablement. Le poids qui pesait sur ses épaules s'allégea et il renforça leur défense, reprenant un peu le dessus sur la force maléfique qui tentait de l'écraser. Il se redressa, dans les grondements et les tremblements. Il devait reprendre le dessus sur le mal. Tout de suite.

- La peur vous dévore... mais vous pouvez encore faire honneur à l'amour de votre époux... en le laissant partir. En acceptant la vérité. En repoussant le mal que vous avez appelé dans votre foyer.

- Koichi...

- Koichi est mort. Il ne reviendra pas. Vous devez l'accepter.

Le calme revint brusquement dans la maison et les clochettes se turent enfin.

Illusion.

Il regarda autour de lui, encore plus méfiant alors que la femme relevait la tête avec espoir.

- Il est... parti ?

L'Apothicaire serra les dents, en sentant la pression maléfique revenir à la charge. Sans grondement. Sans tremblement. Sans tempête.

Dans le silence et les ombres qui hantaient toujours les lieux.

Ses oreilles sifflaient.

Un rire grave fit vibrer les murs et le sol.

- Voilà de belles affirmations de la part d'un être... aussi "vivant" que je le suis.

- Que voulez-vous dire ?

La femme regarda autour d'elle, stupéfaite, à la recherche du personnage qui avait parlé et regarda finalement l'Apothicaire, comprenant brusquement la portée de ses mots. L'espoir illumina son visage, réduisant à néant tout son travail.

Il avait beau lutter, c'était inutile. Le mononoke lui fit courber l'échine. Il se retrouva bientôt à genoux, hors d'haleine. Le silence lui perçait les oreilles.

- Vous êtes morts, monsieur l'Apothicaire ? Mais vous êtes ici ! Vous êtes revenus !

- Je ne suis... pas mort. Je n'ai pas eu... à revenir. On ne revient pas de... Là-Bas...

- Vous êtes revenus... on peut revenir. Je savais qu'il n'était pas mort... Koichi ! Où es-tu, mon amour ? Tu as promis de revenir !

Elle ne semblait même pas l'avoir entendue, le regard perdu dans l'illusion et répéta les mensonges qui lui avaient permit de tenir le coup jusqu'ici. Les mensonges qui avaient permit à ce mononoke de posséder son cœur et son esprit. Les mensonges qui le nourrissait. Les mensonges qui la mènerait à sa propre perte... et à la sienne.

Une silhouette apparue dans le brouillard. Les balances se penchèrent vers elle dans un même tintement. La femme se releva, en la fixant.

- Koichi...

Ce n'était qu'une illusion mais le mononoke se cachait réellement sous cette apparence. C'était le moment ou jamais. Avec ou sans Vérité. Si il pouvait montrer la véritable apparence de cette chose à la femme, alors elle le croirait.

Il saisit son miroir et invoqua Leur pouvoir pour en faire un miroir assez grand pour refléter la véritable apparence du mononoke... mais l'ombre tendit le bras et intercepta l'objet pour le retourner vers l'Apothicaire.

- Vois le mensonge, mon amour.

Elle regarda vers lui, à travers le miroir et pâlit, semblant terrifié en découvrant sa véritable identité, l'Ombre de son âme.

- C'est vous le démon...

- Je suis ce que je suis... mais lui non plus n'est pas celui que vous pensez qu'il est.

Elle le regarda avec haine. Une haine farouche.

- Regardez... et vous saurez.

Elle le regarda, en silence.

Elle savait. Il le lisait dans son regard. Elle savait mais ne voulait pas voir.

Elle se retourna vers son illusion.

Elle tendit les bras vers l'ombre alors que l'air se faisait épais et lourd autour de lui. Il ne pouvait rien contre les sentiments. Elle fit un pas en avant. Puis un autre. Elle allait sortir de la barrière !

- Arrêtez !

Elle le regarda, irritée et s'arrêta mais cet effort l'avait épuisé. Autant hurler au sommet d'une montagne.

- C'est vrai... Vous pouvez le retrouver.

- Comment ?

La pression s'affaiblit un peu mais son corps était toujours aussi lourd. Ses mains étaient collés au sol. Sa tête lui faisait mal comme si quelqu'un essayait de lui écraser le crâne.

- Il n'y a qu'un moyen pour vous de rejoindre votre époux... votre véritable époux... et il n'est pas dans cette vie.

C'était sa dernière carte.

- Ayumi. Je suis rentré.

La voix de l'homme-ombre était douce, aussi douce que la fourrure d'un fauve affamé. Le mononoke déguisé tendit les bras vers elle. Elle détourna le regard, fascinée par l'apparition, se moquant visiblement que ce ne soit qu'un leurre.

- Bienvenue à la maison, Koichi.

La femme sortit du cercle protecteur et les papiers se dissipèrent avant de se faire engloutir dans un des tourbillons sombres. L'air revint dans ses poumons et il renforça sa propre protection, laissant la femme suivre son destin. Le sol pencha vers la gauche et un grincement inquiétant se fit entendre au-dessus de lui alors que la femme se blottissait dans les bras de son illusion. Elle disparue de sa vue, dans le brouillard, alors que le rire du mononoke résonnait en écho. Les murs semblaient avoir disparus. Le sol incliné s'effrita sous son poids et il tomba dans le vide alors qu'un énorme craquement lointain éclatait au-dessus de lui.

"Tu m'appartiens..."

Il ignora la voix suave et ferma son esprit.


A suivre...