La langue qui fourcha

Elrond s'assit avec un soupir de satisfaction devant la table bien garnie. Il avait erré neuf jours dans les montagnes pour aller soigner un Rôdeur trop blessé pour être déplacé. Au début, sortir de sa vallée lui avait plu, mais il réalisa vite qu'il peinait à supporter la rude vie des Rôdeurs. Décidément, il avait pris goût au confort d'Imladris…

Pendant le voyage du retour, sous une pluie glaciale, des images avaient flotté devant ses yeux : de l'eau chaude et parfumée dans une baignoire, un bon feu dans l'âtre, et surtout une assiette bien remplie pour contenter son estomac gargouillant.

Et enfin, il était rentré. Ce n'était pas encore l'heure du dîner, et il ne s'imaginait pas aller grignoter en cuisine il se consola en se savonnant des pieds à la tête et en faisant soigneusement disparaître le poil hirsute qui lui naissait au menton.

Il profita du festin comme jamais, reprenant plusieurs fois de chaque plat. Les autres Elfes les regardaient avec étonnement.

« Ils ne connaissent pas le plaisir de combler une grande faim, pensait Elrond avec amusement. Finalement, ça a du bon d'avoir du sang d'Homme dans les veines… »

A la fin du repas discrètement un peu de mou à sa ceinture pour respirer plus à son aise. Si les récits de ce soir étaient assez passionnants, il pourrait faire une sieste pendant la veillée sans qu'on le regarde.

Il se leva le plus légèrement possible.

« Et maintenant, nous allons chanter et narrer des histoires dans la salle de la veillée. Veuillez vous y digérer… »

Et le Semi-Elfe, qui voyait d'habitude le sommeil comme une perte de temps, se consola en pensant qu'il lui apporterait l'oubli de ces regards moqueurs et de ces lèvres pincées contre le rire…