Résumé : Qui a dit que Jedusor n'a jamais eu d'ennuis ? Est-ce bien prudent pour un adolescent tout juste diplômé de parcourir ce vaste monde rempli de mages noirs ? A peine quitte-t-il l'Angleterre que les problèmes lui tombent déjà dessus en la personne d'une jeune amnésique et d'une très inquiétante polonaise aux tendances pyromanes. Sans oublié un Grindelwald plus terrifiant que jamais, un sorcier maudit vivant dans une cabane en bois entouré de corbeaux, deux Américains et Baba Yaga en personne !
Une chose est sûre : notre apprenti mage noir n'en a pas fini avec ses déboires !
Rating : Hum, après réflexion avec moi-même, je le laisse à T. Mais ça frôle le M à cause de la violence de certains passages.
Genre : Euuh Aventure – Hurt/comfort – Romance. Oui, j'ai bien mis Romance.
Rythme de publication : Un chapitre tout les trois semaines à priori, en alternance avec Ridicule mon cher Riddle et Les Monstres de Serpentard. Pour le moment, j'ai de la réserve (9 chapitres d'écrits), donc ça devrait le faire.
Partie 1 : l'Aigle et le Serpent
Chapitre 1 : Impossible
De gros flocons de neige fondue martelaient la vitre. Ils formaient de petites auréoles qui brouillaient la campagne très verte de la Normandie. Avec le crépuscule qui obscurcissait peu à peu le ciel, on ne verrait bientôt plus que les lueurs fragiles des quelques hameaux traversés par la voie de chemin de fer.
Le jeune homme soupira en changeant légèrement sa position — toujours inconfortable — sur un siège trop dur à son goût. La perte de la vue sur le paysage était bien le dernier de ses soucis. Parmi ceux-ci, il y avait cette marmaille bruyante qui ne cessait de brailler depuis le Havre. Les trois mômes pas plus hauts qu'un elfe de maison étaient doués d'un potentiel de nuisance sonore que Peeves n'aurait pas renié. Le jeune homme n'avait jamais supporté les enfants. Les pleurs incessants d'un nourrisson que la mère en face de lui tentait en vain de calmer, se révélait particulièrement usant pour ses nerfs. Cela faisait bien longtemps que le jeune homme se retenait de lancer un sort de silence à cette petite chose pas plus grande qu'un chat et plus bruyante qu'une horde de beuglantes en furie. Parfois, il songeait même à le jeter par la fenêtre — ou à le démembrer selon l'intensité des hurlements. Ce qui, malheureusement, était impossible. Il y avait aussi ce voisin qui le comprimait contre la vitre. C'était un Français gras, pesant, avec les joues mangées par une couperose précoce et des robes défraîchies. Il empestait l'alcool de mauvaise qualité, le tabac froid et reniflait bruyamment tous les quarts de seconde.
Une nouvelle fois, le jeune homme regretta de ne pas avoir les moyens de se payer autre chose qu'un billet dans la grande salle où se massait la frange la plus grossière de la nation sorcière.
Enfin et surtout, il avait très envie d'aller aux toilettes. Envie à un point critique. Comble du malheur, depuis plus d'une heure une longue queue se massait devant la porte des sanitaires. La situation ne tarderait pas à devenir catastrophique. Résigné et le ventre douloureux, le jeune Anglais se leva, enjamba maladroitement les jambes boudinées de son voisin et se dirigea vers la queue. Il tenta tant bien que mal de conserver une démarche fluide. Ce qui, bien sûr, était impossible.
Une longue et particulièrement laborieuse attente débuta. Demeuré debout tout en conservant un air décontracté se révélait être une épreuve ardue, même pour un sorcier aussi exceptionnel que lui. Avec un certain agacement, il nota qu'une jeune fille le dévisageait d'un air rapace. Ou amusé. Le jeune homme rassembla toute sa volonté de futur mage noir pour se composer un visage serein. Ce qui, avec les sphincters qui menaçaient à tout instant de lâcher, était impossible.
Il crut que ses malheurs seraient terminés une fois la porte des sanitaires passées. Ses illusions s'envolèrent en même temps que le délicat fumet d'urine venait agresser ses narines. Les lieux étaient d'une répugnance épouvantable pour quiconque ne serait pas l'un de ses petits cafards qui grouillaient autour du miroir barbouillé de crasses. L'un des cafards explosa. Heureusement, le jeune sorcier avait sa baguette avec lui. En revanche, il regretta de ne pas avoir appris le sort visant à remplacer le papier toilette en cas de pénurie.
Un bruit de chasse d'eau. Le cliquetis du loquet. Soulagé malgré ses déboires, le jeune homme sortit d'humeur plus légère, certain cette fois-ci, que plus rien ne pourrait lui tomber dessus. Excepté une jeune fille.
Il ne l'avait pas vue arriver. Elle était arrivée à toute vitesse pour le percuter de plein fouet. Son coude lui meurtrit méchamment les côtes. Il la repoussa vivement contre la paroi opposée qui vibrait au rythme régulier si caractéristique d'un train à sa vitesse de croisière. La jeune fille se laissa mollement tomber au sol. Elle était inconsciente.
Le sorcier la détailla quelques instants, circonspect. C'est n'était encore qu'une jeune adolescente — treize ans peut-être, ou quatorze, mais certainement pas plus de quinze — avec déjà des formes prometteuses et un visage adorable encadré par de belles boucles blondes.
— Hé ! Vous, qu'est-ce que vous lui avez fait ?
Le contrôleur arrivait, casquette violette solidement vissée sur la tête et mine peu engageante sur un visage étroit.
— Rien, je ne lui ai rien fait, répondit le jeune homme d'un ton qu'il espérait calme. Elle m'est rentrée dedans.
Voilà qu'il était devenu le centre des attentions du wagon et qu'on le regardait pour certains avec une hostilité avouée. En particulier, une vieille femme, à deux rangés de sièges, qui tricotait des chaussettes d'un jaune qu'on ne pouvait faire plus hideux.
— C'est la vérité, intervint une jeune fille, celle-là précisément, qui l'avait longuement dévisagé alors qu'il subissait les mille douleurs de la vessie pleine.
L'agent du GRoupe Européen des Voies Ensorcelées Sorcières finit par relâcher le jeune homme Il était furieux. Il détestait être accusé, surtout lorsqu'il était innocent — ce qui arrivait rarement. De toute façon, cette fille ne présentait que pour seul intérêt d'être agréable à regarder. Il retourna donc s'asseoir sans plus s'attarder sur l'incident.
Ce faisant, Tom Jedusor commit la plus grande de ses erreurs.
oOoOoOo
Son dos la faisait horriblement souffrir. La douleur irradiait depuis le creux de rein pour remonter le long de la colonne vertébrale et exploser dans le crâne. Aveuglée par la migraine qui lui vrillait les tympans, l'adolescente ne percevait que des bruits étouffés de son environnement, agrémentés de quelques sensations ouatinées. On lui parlait. Elle ne comprenait pas. C'était des mots enchâssés dans des phrases sans queue ni tête. Les idiomes se mélangeaient dans le plus grand désordre. Le ronronnement du train achevait de brouiller l'information.
Sa vision s'éclaircit un peu. Deux personnes lui faisaient face. Deux femmes. Non, une femme et un homme, mais ce dernier portait également une robe d'un violet tapageur doté de gallons roses sur les épaules. L'adolescente cilla. L'homme n'avait pourtant rien d'efféminé, c'était même tout le au contraire : une carrure de bûcheron, un cou de taureau surmonté par une large face au teint olivâtre. Il la regardait avec une certaine indifférence, contrairement à la femme.
Très douce, elle lui offrit un sourire rassurant. Elle murmura quelques paroles dont le sens demeura obscur pour l'adolescente. La femme soupira et échangea quelques mots avec l'homme. Le ton monta. Peu troublé, l'homme sortit un objet que l'adolescente identifia comme un billet de train. De train.
Elle réalisa qu'elle se trouvait dans un train. Elle réalisa également qu'elle n'avait pas la moindre idée de comment elle avait pu s'y retrouver. Son souffle s'accéléra.
Perdant patience, l'homme sortit un bout de bois de sa poche et marmonna deux mots. Un bout de papier sortit d'une poche de l'adolescente. L'homme le lut, l'étudia attentivement. Satisfait, il le rendit à sa propriétaire et repartit faire sa ronde, sous le regard noir de la femme.
L'adolescente parcourut à son tour le papier. Comme elle s'en doutait, il s'agissait d'un billet de train. Si elle comprenait ce qui était écrit — elle ne reconnaissait que les chiffres des dates et des noms de villes —, elle se trouvait à bord du Londres-Bucarest. Son cœur rata un battement en se fixant sur la date. Le 5 novembre 1944.
C'était impossible.
La femme l'aida à se relever. De plus en plus paniquée, l'adolescente observait frénétiquement le wagon. Pourtant, tout concordait. Des boiseries vieillottes, le velours élimé des sièges, des voyageurs pour la plupart en robes aux couleurs tapageuses, et surtout les petites chandelles qui voletaient au-dessus de leur tête pour éclairer le wagon. La nuit avait obscurci les fenêtres.
C'était impossible.
L'homme avait utilisé une baguette de bois. Il avait lancé un sortilège d'attraction. Il y avait également ce crapaud qui coassait sur les genoux d'un moutard ou cette chouette qui mordillait les barreaux de sa cage, posée sur une montagne de valises en cuirs toutes désuètes.
C'était impossible.
La femme, tout en lui parlant sur un ton rassurant, l'accompagna jusqu'à une banquette où se trouvaient deux places libres. À sa droite, l'adolescente découvrit effaré un homme d'une trentaine d'années, les cheveux noirs en bataille et portant des lunettes rondes. Elle fut plus effrayée en constatant que son vis-à-vis serait un adolescent d'une vingtaine d'années, grand, mince, brun, avec des traits aristocrates finement ciselés et une mine austère. Pour l'heure, il s'appuyait contre la fenêtre, une expression indéchiffrable sur le visage.
Elle rêvait, c'était la seule explication.
La femme lui tendit une barre de chocolat. Réalisant que son estomac criait famine, l'adolescente accepta avec soulagement.
— Tienū, dit-elle machinalement.
Le fondant du chocolat, son parfum si soyeux en bouche, lui apporta un réconfort qu'elle n'aurait pas suspecté. Elle allait mordre une nouvelle fois lorsqu'elle réalisa que l'homme aux lunettes la fixait avec trop d'intensité à son goût.
— Parles-tu russe ? demanda-t-il dans un russe troublé par un léger accent anglais.
L'adolescente se mordilla les lèvres, hésitantes. L'homme eut alors un grand sourire amical. Ses yeux pétillaient d'un brin de malice.
— Ne t'inquiète pas, nous ne te voulons aucun mal. Je m'appelle Charlus Potter et voici ma femme, Dorea.
Ainsi, la jeune femme à la voix si douce n'était autre qu'une Black. L'adolescente aurait pu s'en douter : grande avec le teint pâle et les cheveux noir corbeau, Dorea ressemblait précisément à l'image qu'elle se faisait de Black. À ceci près que loin d'être imbue de sa personne, elle paraissait gentille et attentionnée.
— Comment t'appelles-tu ?
L'adolescente hésita. Elle ignorait comment elle avait pu se retrouver dans une pareille situation ou même si tout cela était bien réel. Non, ça ne pouvait être qu'un rêve ou plutôt un cauchemar. Elle se devait cependant de rester prudente, d'autant plus que le jeune homme assis à côté de Charlus Potter semblait suivre de loin la conversation.
— Je ne sais pas. Je ne sais plus.
L'excuse de l'amnésique. Quoi de plus facile pour éviter de révéler que l'on provennait d'une époque lointaine dans le futur où la magie n'existe pas et où tout ceci n'est qu'une histoire pour enfant ? Telle était la conclusion de l'adolescente : pour dieu — ou plutôt Merlin — seul savait quelle raison, elle venait d'atterrir dans le monde d'Harry Potter, elle, une... Elle s'arrêta à ce point dans ses pensées. Elle était réellement amnésique. Elle avait beau se concentrer, fouiller sa mémoire, elle ne trouvait que quelques vagues images, une rue sous la pluie, une lumière aveuglante... des détonations. Elle eut franchement envie de paniquer. Les larmes lui montèrent à la gorge alors qu'elle cherchait frénétiquement dans sa mémoire le moindre indice sur sa présence ici. Ou même sur son nom, son identité, son histoire. Elle n'en trouva aucun. Non ! Ce n'était qu'un de ces mauvais rêves horriblement réalistes, qui vous tourmentaient jusqu'à ce que vous réveillez enfin, bien en sécurité dans votre lit. Un simple cauchemar, n'est-ce pas ?
Sa détresse devait se lire sur son visage, car Dorea et Charlus Potter échangèrent rapidement quelques paroles en anglais, tout en lançant brièvement des regards critiques à l'adolescente.
— Et cet idiot de contrôleur qui ne cherchait qu'à savoir si tu avais un billet, jura Charlus en russe. A-t-on idée de laisser une gamine de ton âge toute seule. Dorea me dit que d'après ton billet, tu es censé te rendre jusqu'à Bucarest. Nous descendons à Dijon. Il serait plus prudent que tu viennes avec nous. Au-delà, Grindelwald menace et il y a encore la guerre chez les moldus...
Pouvait-on rêver meilleure période pour atterrir dans le monde Harry Potter ? Sans oublier que le beau brun assis en face d'elle était potentiellement le jeune Tom Jedusor qui partait à l'aventure dans le monde sorcier, en quête de pouvoir. Le désespoir saisit l'adolescente à la gorge. Elle allait se réveiller, non ?
Les bras chaleureux de Dorea l'enveloppèrent et l'attirèrent contre elle. Dans la sécurité de l'étreinte, l'adolescente laissa librement couler ses larmes. Puis, bercer par le ronronnement continu de train, elle finit pas s'endormir. De toutes ses forces, elle espérait se réveiller en 2012.
C'était impossible.
C'est tout pour aujourd'hui !
