Je ne suis pas seule. Là où la pièce est blanche comme les perce-neiges du printemps, les murs de ma maison, cette pièce dans laquelle je suis calfeutrée depuis des années, sont multicolores, resplendissant de teintes automnales, pourrait-on dire. Et de leur côté, face à mon lit auquel je suis enchaînée chaque soir, il y a un arbre.
Cet arbre noueux, tentaculaire dont j'ai toujours la peur incompréhensible de m'en approcher davantage. Et, tandis qu'un galet d'un gris morne tombait dans l'eau qui remplissait à peine mon refuge, je contemplais ces créatures aux douces écailles ramper le long des branches monstrueuses. Elles s'ondulaient lentement avec une élégance qui aurait pu laisser bouche bée ces hommes tout de blanc vêtu.
Ah, si seulement ils pouvaient les voir, tout comme moi !
Mais, un jour, c'en était trop. Cette obsession me dévorait un peu plus chaque seconde : il me fallait leur montrer toute la beauté de ces pythons majestueux, qui me tenaient compagnie dans ma piètre cellule depuis le moment où on m'y a enfermé. Si bien que je demandai à ces bourreaux vêtus de roses blanches de me prêter des pinceaux et une toile, alors que certains « fous », comme ils les appelaient, bavaient, immobiles, le temps d'une sortie dans le parc.
Il fallait que je saisisse toute la magie, toute la magnificence envoutante de ce que j'avais dans ma pièce. Car ils étaient aveugles, ces démons fleurant les médicaments et les sédatifs, je me devais de souiller une toile vierge de couleurs pétillantes, étincelantes comme les écailles des reptiles qui me regardaient avec empathie chaque soir, alors qu'on m'avait attachée à mon lit par des sangles, semblables à leurs anneaux étouffants.
Enfermée dans ma cellule, je ne pus que peindre leur danse tranquille.
