Disclamer : Tout à JKR
Résumé : Minerva jette un énième coup d'œil à la liste de ses nouvelles recrues. Infirmière ? Une croqueuse d'hommes sexy et courtisée. Premier verre de whisky pur feu avalé d'un trait. Défense ? Une ancienne Miss-Je-Sais-Tout à la carrière ratée. Deuxième verre qui prend le même chemin. Potion ? Un ex Mangemort désabusé. Troisième verre. Métamorphose ? Autant finir la bouteille…
Narrateur : Albus Dumbledore
Rating : M pour langage parfois vulgaire et scènes explicites
Note : Nos héros ont trente ans, et une vie qui ne ressemble en rien à celle qu'ils avaient espérée. Je me suis un peu inspirée de la série Desperate Housewives pour mettre en forme cette histoire qui me trotte dans la tête depuis un petit moment. Mais juste pour la forme. Pas de plombier musclé et sexy ne va y faire son apparition, promis, juré, tatoué.
« Tout n'est qu'apparence, non ? »
... Alberto Giacometti
C'est au début de l'été de l'année 2004 que Minerva me fit part de son désir de remplacer les professeurs qui officiaient à Poudlard depuis très longtemps. D'après elle, cette décision murement réfléchie préserverait l'école des contraintes liées à l'emploi de personnel trop âgé, voire déjà mort. En vérité, je savais pertinemment que ce désir s'était imposé de lui-même le jour où le professeur Binns avait négligemment traversé le mur des cabinets du quatrième étage tandis qu'elle y soulageait un besoin irrépressible. Mais qu'importe, je trouvais moi aussi que notre cher château avait besoin de sang neuf, et c'est avec ma bénédiction qu'une dizaine de nouvelles têtes firent leur entrée au courant du mois d'août.
Dans l'aile qui leur était dévolue, deux nouveaux enseignants découvraient ce qui serait, pour les dix mois à venir, leur appartement personnel. Il s'agissait de petites loges identiques et concomitantes desservies par un corridor dont l'entrée nécessitait la possession d'un mot de passe. Dans la première chambre à gauche, une jeune femme rangeait soigneusement ses vêtements en plusieurs piles parfaitement alignées, en fonction de la partie du corps pour laquelle ledit vêtement était prédestiné. Pour celle qui devrait bientôt expliquer à une classe d'étudiants plus bêtes les uns que les autres la différence entre un Inferi et un Zombie, il était impensable que les petites culottes puissent côtoyer les chemisiers sur la même étagère.
Dans la pièce d'à côté, un jeune professeur aux traits encore adolescents fourrait sans ménagement les quelques habits que contenait sa valise dans la grosse armoire dont il disposait. Après avoir jeté un dernier regard sombre à la masse informe qui frétillait d'indignation dans son immense placard, il se dit qu'au moins, il ferait des économies de potion nettoyante.
Puis, la femme aux petites culottes bien rangées et l'homme à la malle unique décidèrent de faire un tour dans ce château qu'ils avaient quitté des années auparavant. Ils se rencontrèrent sur le pas de leur porte respective.
Lorsque Minerva pénétra dans le corridor, les deux premiers professeurs à avoir pris possession de leurs appartements faisaient connaissance. Ou plutôt…
« Granger ! Je ne savais pas que Poudlard recrutait désormais les sans-abris dont la carrière ne décolle pas. »
La dénommée Granger dissimula habilement sa surprise – qui était pourtant de taille bien plus imposante que la garde-robe de son interlocuteur, et marqua dignement une pause avant de répondre.
« Tiens, Malefoy. Excuse-moi de ne pas t'avoir reconnu plus tôt mais ça fait si longtemps qu'on a pas entendu parler de toi que je pensais que tu étais mort. Elle doit être époustouflante ta carrière, à toi. »
Et elle s'éloigna à pas décidés, sans omettre de lancer un regard meurtrier à Minerva lorsqu'elle arriva à sa hauteur.
Malheureusement pour ma collègue, il apparut bien vite que la jeunesse apportait elle-aussi dans ses bagages son lot de petites contrariétés.
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Épisode 1 – Défiez-vous des apparences
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« A trente ans, nous avons l'apparence des adultes, l'apparence de la sagesse, mais l'apparence seulement.»
... Isabelle Sorente
Les apparences, c'est cette image photoshopée que chacun de nous renvoie à ses semblables. Cette illusion vitale que nous préservons avec le plus grand soin et qui nous permet de classer les gens en différentes catégories. Ainsi, une femme qui dépose un baiser sur le front de son enfant nous apparait comme une mère aimante et attentionnée, et un étudiant qui planche sur un devoir dès que son professeur le lui a demandé comme un élève studieux. En apparence, Minerva McGonagall se voulait être une femme partiale, honnête, affable et maitresse de ses émotions en toutes circonstances. Cependant, les entretiens qu'elle mena tambour battant pour réunir une équipe d'enseignants au complet au sein de Poudlard vinrent à bout de la plus tenace des apparences.
Minerva mit sa partialité entre parenthèses lorsque Drago Malefoy se présenta spontanément à elle, un matin pluvieux de juin.
« Vous me demandez un poste de professeur ? »
Elle arrêta sa plume à mi-chemin du parchemin qu'elle était en train de noircir et releva la tête. La perplexité ridait un peu plus son épiderme marqué.
« Sérieusement, Mr Malefoy ? »
« Pas du tout, c'était une blague. » rétorqua-t-il avec neutralité, les bras croisés sur son sweat-shirt Moldu qu'il n'avait pas pris la peine de changer avant de se rendre à Poudlard. « Comme vous le voyez, j'ai les yeux humides tellement je rie. »
« Ah ! » souffla-elle en ramenant sa paume droite contre son cœur. « Vous m'avez fait peur. J'ai failli vous croire. »
Drago baissa le regard. Il s'y était attendu au fond. On n'effaçait pas une Marque des Ténèbres comme on lavait une tache de confiture sur un jeans avec une touche d'Ariel liquide senteur pommier. Mais il avait eu la naïveté de croire que les choses pourraient être différentes à Poudlard. Malheureusement, la vieille bique en post ménopause face à lui ne semblait pas être disposée à devenir la première personne à lui donner sa chance en cinq mille quatre cents soixante-douze jours de galère.
« Vous avez jeté un coup d'œil à ma candidature, au moins ? »
« Je ne suis pas encore arrivée au bas de la pile, désolée. » rétorqua-t-elle d'une façon qui signifiait on ne peut plus clairement qu'elle ne l'était pas.
« Je suppose que le bas de la pile regroupe les éléments indésirables. »
« Les années vous ont donc rendu pertinent. »
McGonagall se reconcentra sur son parchemin avec indifférence.
« J'ai travaillé dans le laboratoire de potions expérimentales de Saint Mangouste durant plusieurs mois. » reprit maladroitement Drago.
« Seulement deux, si je ne m'abuse. Et si je portais un tant soit peu crédit aux rumeurs, j'ajouterais même que vous avez été remercié pour incompétence. »
« J'ai été agressé en rentrant chez moi, nuance. Puis ils m'ont viré. Effectivement, remuer des potions délicates avec une triple fracture du poignet droit et les tendons du bras gauche à moitié sectionnés est plutôt difficile. » Il dissimula tant bien que mal la souffrance que lui procurait encore cet incident. « Je vous en déconseille l'essai. »
La directrice adjointe ne put retenir une légère grimace de compassion. Mais elle ne se laissa pas attendrir.
« J'ai également participé à plusieurs études consistant à élaborer de nouvelles potions dans les domaines cosmétique et judiciaire. » persista le candidat.
« Vous pensez que je vais vous embaucher pour votre exceptionnelle maitrise de l'élixir teint parfait ? »
« J'ai acquis bien d'autres compétences. »
« A la bonne heure. Vous avez également appris à préparer une potion toucher soyeux pour poils de canidés ? »
Malefoy ignora l'insulte et persista de plus belle. Il avait besoin de ce poste. C'était aussi vital pour lui que l'oxygène qui alimentait ses poumons, même si celui de la pièce dans laquelle il se trouvait sentait un peu le meuble défraichit. Il était au bord de l'asphyxie financière.
« Je ne vous demanderai pas de doubler mon salaire actuel. »
« Pourtant, vu le si peu que vous deviez toucher les dernières années, j'accepterais volontiers de vous le quadrupler. »
« A votre place je ne m'avancerais pas autant. »
« Zéro fois quatre font toujours zéro. »
« Je gagnais bien plus que ça ! » rétorqua Malefoy, franchement agacé désormais. « Mon frigidaire ne se remplissait pas tout seul à la fin du mois. »
« Vraiment ? » réattaqua Minerva en détaillant chaque partie du corps de l'ancien Serpentard qu'elle apercevait par-dessus son imposant bureau. « Puis-je me permettre de vous demander de quelle façon ? »
« Je vendais mon corps. » lâcha-t-il froidement.
« Eh bien vous ne semblez pas être une marchandise très lucrative. »
Drago commençait sérieusement à se demander ce qu'il était venu faire ici. McGonagall, avec ses quarante ans d'expérience des répliques cinglantes, lui tenait tête avec une facilité déconcertante et un mépris non dissimulé. En plus d'être frustré de ne pas avoir le dernier mot, il se sentait à court d'arguments valables.
« Vous ne pouvez nier que j'ai toutes les compétences requises ! » reprit-il, irrité en s'agitant sur le bout de bois inconfortable qui lui servait actuellement à poser ses fesses.
Sur que la vieille chatte avait choisi ce siège exprès pour qu'il reste le moins longtemps possible.
« Vous avez beau avoir un bon CV, il ne fait pas état de l'ensemble de votre passé. » l'informa Minerva, chaleureuse comme un ours blanc sur son iceberg.
« Et que voulez-vous que j'y mette au juste ? Qu'il m'est déjà arrivé d'avoir un P en Métamorphose ? Que j'ai fait pipi au lit jusqu'à mes cinq ans ? Que j'ai menti à ma mère en lui jurant que j'ai rangé ma chambre ? »
« Arrêtez vos enfantillages ! J'exige bien plus que de simples compétences. J'ai besoin de personnes intègres et dignes de confiance pour éduquer des élèves toujours plus turbulents au fil des années. »
« Laissez-moi une chance de vous prouver que je peux tenir ce rôle. »
« Impossible. »
« Impossible ? »
« Oui, vous avez bien compris Mr Malefoy. C'est impossible. »
« Ecoutez-moi ! » ordonna-t-il en rapprochant dangereusement son visage de celui de la directrice, la forçant à se reculer au fond de sa chaise pour échapper à ses postillons rebelles. « Ça fait quinze ans que je traine ces préjugés comme un boulet de canon enchainé à ma cheville. Ai-je fait le moindre faux pas durant toutes ces années ? Aucun, et vous le savez parfaitement ! Pas une seule facture payée en retard, pas une seule amande pour accoutrement étrange. Je n'ai même jamais roté en public ! Ne pourriez-vous pas mettre de côté mes erreurs de jeunesse rien qu'une fois ? »
Une goutte de sueur roula le long de son front, qu'il chassa d'un geste brusque.
« C'est impossible. » répéta la directrice adjointe, une lueur de lassitude brillant imperceptiblement dans le fond de ses iris. « Je suis désolée » et elle avait presque l'air de l'être sincèrement. « Si je vous embauche, cet établissement se retrouvera à l'état de cadavre en moins d'une semaine. Pulvérisé. Atomisé. Je suis trop vieille désormais pour croire au miracle. »
Elle se remit à l'écriture de son parchemin, de nouveau impassible.
« Vous connaissez le chemin, Mr Malefoy, je ne vous raccompagne pas. »
Minerva mit son honnêteté de côté trois jours plus tard lorsqu'elle débaucha une brillante historienne de la Bibliothèque Magique Internationale pour pourvoir au poste d'Histoire de la Magie.
« Vous avez un curriculum vitae exemplaire. » constata-t-elle, une touche de miel dans la voix.
Elle feignit de s'en étonner et relut le parchemin qu'elle avait eu tant de mal à obtenir. En vérité, elle connaissait sur le bout des doigts à force d'y avoir posé les yeux.
« J'en ai conscience. » admit son interlocutrice avec politesse.
« Je suis convaincue que vous ferez une excellente enseignante. Bien meilleure que tous vos prédécesseurs. »
« Je l'ignore, n'ayant jamais dispensé le moindre cours de mon existence. »
« C'est une certitude, n'ayez crainte. » minauda Minerva. Elle fit apparaitre deux tasses de thé en porcelaine anglaise ainsi qu'une théière finement ouvragée qu'elle réservait aux grandes occasions. « Vos évaluations annuelles mettent en avant votre sens inné de la pédagogie et votre goût pour la transmission du savoir. »
« Je suis bibliothécaire, professeur McGonagall. »
« Certes, mais il me semble que vous prenez une part active dans le choix des auteurs publiés par votre établissement dans la section Historique. »
Elle versa habilement un Rooibos à la camomille dans chaque mug et en tendit un à Mary Westley.
« Je seconde parfois notre responsable d'édition effectivement. Mais entre nous, ça n'a pas grand-chose à voir avec la gestion d'une classe pleine de fauves. »
« Ne dramatisez pas, ce n'est pas si difficile. La plupart des fauves se révèlent être doux comme des boursoufflets lorsqu'on les connaît un peu. »
Des boursoufflets un rien hyperactifs, mais ça, son interlocutrice n'avait pas besoin d'en être informée. Interlocutrice qui d'ailleurs lui affichait depuis le début de l'entretien un sourire aussi maîtrisé et réfléchi que ses propres compliments.
« Je serais presque tentée de vous croire, si votre ride du lion particulièrement creusée ne me soufflait pas le contraire. »
« Faites confiance à vos qualités et tout ira bien. »
« Les compliments ne prennent pas avec moi, Minerva. Vous m'offrez un emploi qui pourrait très bien transformer ma vie en cauchemar éveillé avec supplément insomnies et chute dans les escaliers, alors que mon poste actuel me convient parfaitement. Pour quelles raisons devrais-je accepter ? »
Il fallait que Minerva trouve un autre angle d'attaque. La première gorgée de thé qu'elle happa du bout des lèvres lui brula la langue, lui donnant un moment de répit pour réfléchir. Mary Westley était réputée pour sa rigueur, son intelligence et sa persévérance. Un bon profil donc, quoi qu'un peu coincée au goût de Minerva – qui pourtant ne représentait pas une référence niveau sexe, drogue et rock'n roll. Un profil qu'elle avait étiqueté d'une plume bleue, qui signifiait officieusement « à obtenir, tous les coups sont permis, pas de quartier », dès qu'elle avait lu la rubrique la concernant dans le Daily Witches, catégorie employée que tous les sorciers influents rêveraient de recruter du mois. Un profil à ne pas laisser s'échapper si elle voulait que Poudlard soit prêt à accueillir ses élèves en septembre.
« Je comprends parfaitement vos réticences. Mais cela fait plus de dix ans que vous exercez le même travail, je me trompe? »
« C'est exact. »
« Peut-être est-il temps pour vous de vous lancer un nouveau défi ? D'évoluer ? N'est-ce pas cette raison qui vous a poussée à faire la chronique du Daily il y une quinzaine de jours ? »
Surprise, Westley croisa nerveusement les jambes. Jamais elle n'avait imaginé que McGonagall était tombée sur l'article lorsque le hibou voyageur lui avait apporté la proposition d'embauche aux couleurs de Poudlard. Il était de notoriété publique que cet entrefilet casé entre les recettes de nifleur au sésame de grand-mère et la nécrologie intéressait plus les sorciers puissants et libidineux en mal d'une assistante – qui avait plus sa place sous le bureau que devant – qu'une directrice exigeante et caractérielle. Mais Mary avait conscience de sa valeur et de ses compétences. Elle prit deux grandes inspirations pour ne pas se laisser déstabiliser par la chaleur qui lui montait sournoisement aux joues et ordonna avec politesse :
« Dans ce cas, persuadez-moi. »
C'est à cet instant précis que Minerva décida qu'un petit mensonge de temps en temps ne pouvait faire de mal à personne.
« Nous n'avons aucun problème de discipline actuellement » argumenta-t-elle avec fermeté. « Très peu de retenues données l'année dernière, et aucun élément perturbateur identifié. »
Elle dissimula discrètement sous un vieux grimoire le rapport qu'elle venait de recevoir mentionnant les trois cents devoirs supplémentaires récoltés par Teddy Lupin lors de sa scolarité à Poudlard.
« Pas de soucis de gestion de la colère chez nos élèves. »
Les quelques éclats de verre qui tapissaient encore le sol disparurent sous le bureau d'un coup de talon maitrisé. Inutile d'avouer qu'un James Potter Junior particulièrement furieux venait de réduire en miettes son vase préféré juste avant l'arrivée de Westley.
« Oh, bien sûr, on ne peut jamais anticiper ce qui nous attend avec les premières années. Mais en règle générale, ce ne sont pas les plus turbulents. »
Et elle ne mentionna pas non plus la fois où Beaumont Londubat avait, durant son premier mois à l'école, consécutivement bouché les toilettes du deuxième étage en provoquant une inondation dans laquelle aurait pu se dérouler les championnats du monde de natation synchronisée, mis le feu au parquet de la salle des trophées, détruisant ainsi la majorité des récompenses obtenues par les anciens élèves beaucoup plus doués que lui, et fait exploser la moitié de la réserve d'ingrédients pour potions sur ses camarades de classe. D'ailleurs, elle trouvait qu'Evan Gromlish avait toujours gardé le nez un peu de travers depuis cet incident.
« Comme je vous l'ai dit, des boursoufflets. » termina-t-elle en esquissant un sourire discret.
« J'y réfléchirai. » consentit finalement la bibliothécaire avec réticence. « Mais je ne vous promets rien. »
« Parfait. Je vous attends donc le 28 aout au matin pour la première réunion des enseignants. »
Enfin, lorsque qu'elle se battit pour obtenir le professeur de métamorphose le moins incompétent de tous ceux qu'elle avait eu le déplaisir de rencontrer, Minerva éprouva plus de difficultés que d'ordinaire pour intérioriser ses émotions.
Lavande Brown lui expliquait son sens de la pédagogie depuis à peine trois minutes trente et elle sentait une humidité désagréable se former juste au-dessus de sa lèvre supérieure. Heureusement qu'elle avait eu le réflexe d'ôter le duvet qui s'y prélasse habituellement avant que ne débute l'entretien, sinon elle serait littéralement en train de suer de la moustache. Foutue vieillesse.
« Je pense qu'il est inutile de se montrer strict et trop exigent. » persévérait Lavande, ses yeux lourdement hourdés de fard battant avec paresse. « L'ouverture d'esprit ne passe pas par la punition, mais par l'incitation à faire ses propres expériences et à en tirer ses propres conclusions. »
Et que faire si un élève considère que torturer ses camarades est une activité ludique et une expérience scientifique acceptable ? eut envie de répondre Minerva. On le regarde couper le troisième doigt du pied gauche de son voisin de classe en espérant qu'il ne perde pas trop d'hémoglobine et que l'orteil repousse tout seul comme une pâquerette?
« Je suis contre enfermer les enfants dans cette société stéréotypée et superficielle. » continua Lavande avec sa sérénité post séance de yoga. « C'est une usine à fabriquer des clones idiots et dénués d'empathie. Donnons-leur la chance d'exprimer leur moi intérieur. »
Lavande surfait sur la tendance écolo new age qui, après avoir trouvé ses lettres de noblesse auprès des Moldus, commençait à se faire une place dans le monde sorcier. Vêtue d'une jupe longue bariolée et d'un T-shirt blanc dans lequel aurait pu également rentrer sa mère, son père, ses trois sœurs, le chien de la famille et le cadavre de l'arrière-grand-père, elle militait pour transmettre ses idées anti utilisation abusive de la magie autour d'elle. Ce qui avait plu à Minerva ? Certainement pas son look. Plutôt la manière dont ses idéaux avaient permis une amélioration fulgurante de ses compétences. Non seulement le niveau de métamorphose de Miss Brown était devenu admirable – après des années de recherche sur la métamorphose végétale au service de la nutrition internationale – mais la directrice pressentait qu'elle pourrait déclencher des vocations chez certains des étudiants qui foulaient les pavés du château. Une langue de vipère aurait dit plus pragmatiquement qu'elle voulait faire mentir le salopard qui avait osé écrire dans la Gazette que les futurs professeurs seraient à l'image de la directrice de l'établissement : des culs-bénits au chignon serré avec un cadenas cousu sur leurs sous-vêtements.
« Du moment qu'ils ne l'expriment pas trop fort… » remarqua McGonagall.
La réflexion fit sortir la jeune blonde de son calme quasi méditatif.
« Je comprends qu'avec votre façon d'assoir votre autorité sur tout être humain ou non humain, mes principes vous effraient beaucoup, Minerva. » répondit-elle d'un ton placide. « Mais si vous m'avez fait venir à vous, c'est qu'ils vous intéressent malgré vos préjugés. »
Evitant soigneusement les iris translucides encadrés de deux rideaux de cils pâles de son interlocutrice, Minerva oublia de répondre. Il lui fallait un professeur de métamorphose, et elle sentait que l'ancienne Gryffondor n'hésiterait pas à lui claquer la porte au nez si elle n'acceptait pas sa liste de conditions, qu'elle devinait longue comme un devoir de Severus Rogue.
Ragaillardie par le silence résigné de la directrice, Lavande Brown reprit sur sa lancée.
« Par conséquent, si je suis professeur ici, les élèves n'auront aucun devoir à rédiger. »
Quoi !? Non, non, non, hors de question. Minerva posa ses deux mains à plat sur son sous-main pour leur éviter tout tremblement intempestif. Ne pouvoir crier à l'inconscience lui donnait l'impression qu'un bulldozer lui passait sur le corps.
« Je suis aussi anti note et système d'évaluation discriminant. La concurrence peut être très néfaste sur des jeunes enfants n'ayant pas acquis assez de confiance en eux pour surmonter les échecs et les humiliations en classe. Oh, bien entendu, je ferai en sorte de les évaluer individuellement et d'émettre un avis détaillé qui servira de base pour établir des objectifs à atteindre. »
Bien entendu, se répéta intérieurement Minerva. Bien entendu. Droite comme un piquet sur sa chaise, elle sentit la goutte de sueur de moustache épilée, attirée par la gravité, chatouiller sa lèvre supérieure et emplir sa cavité buccale d'un arôme âcre. Dans quoi était-elle en train de se fourrer… Son index droit tressauta imperceptiblement. Bien entendu.
« Je pense aussi que mes cours ne seront pas obligatoires… »
« Par Merlin. » lâcha faiblement Minerva, incapable de se contrôler.
Elle était désormais au bord de l'épilepsie généralisée.
Oui, les apparences. On nous apprend toujours comment les conserver, mais pas assez à quel point il faut s'en méfier.
Lorsque j'ai rencontré Hermione Granger, elle était l'une des élèves les plus brillantes qu'il m'avait été donné d'avoir à Poudlard. Elle collectionnait les excellents résultats scolaires, les éloges de ses professeurs et l'admiration de ses camarades – voire encore plus souvent l'envie. Elle était incontestablement promise à un avenir brillant dans le domaine qu'elle souhaitait, future Ministre adjointe, ambassadrice de la lutte contre les inégalités ou trônant au centre du Magenmagot. Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsqu'elle passa près de mon tableau en cette fameuse rentrée. A trente-cinq ans, elle accumulait finalement une carrière désastreuse, un mariage raté et un divorce encore plus déplorable. Sa vie entière frisait l'échec irrécupérable. Une démonstration de casseroles à la chaine. Il était de notoriété publique que les élèves de Poudlard la citent en exemple lors de leurs démonstrations les plus périlleuses sur le thème : il est inutile d'obtenir de bons résultats scolaires.
Hermione franchit une nouvelle volée de marches au pas de course. Elle essayait de se rassurer depuis des heures. C'est un cauchemar qu'elle se passait en boucle. Stop. Retour arrière. Lecture. Pause. Accéléré. Pause. Marche arrière. Son magnétoscope interne était au bord de la rupture.
« Que peut-il m'arriver ? » Au pire, je bégaye un peu, ou j'inverse deux mots. Tant que je ne parle pas de Stangoulot ou de Nicorne… Non, vraiment, il ne pourra rien se passer d'humiliant, ou d'effrayant. Ou de honteux. »
Elle poussa la porte du couloir du troisième étage tellement fort que celle-ci rebondit contre la pierre et vint la percuter en pleine figure.
« Aie ! » gémit-elle.
Une goutte de sang perla le long de sa narine droite, qu'elle s'empressa de faire disparaître d'un sort anticoagulant.
Elle lutta de nouveau contre le battant avec un brin moins d'énergie.
« Aucun élève ne me jettera un livre, ou ne se moquera ouvertement de moi. Même Malefoy n'osait pas s'en prendre directement à un enseignant lorsqu'il était encore ici. Sauf à Trelawney. Et à Binns, Et à Hagrid… »
Elle chassa ses mauvaises pensées d'un revers de main impatient.
« Mais je n'ai rien à voir avec eux. Je ne suis pas une folle dingue aux doubles paires de cul de bouteille qui prend son bain avec ma boule de cristal. Je suis capable de faire entendre mon autorité sans regarder l'intérieur du gros intestin de mes élèves. Je ne suis pas non plus un demi-géant qui dresse des araignées en cachette dans un placard à balai. »
L'escalier suivant fut avaler plus vite encore que les précédents.
« Alors pourquoi est-ce que je ne dors plus depuis des jours ? Pourquoi est-ce que j'ai encore plus la frousse que lorsque je suis partie à la chasse aux Horcruxes ? »
Sa précipitation lui fit rater une marche et elle dévala le reste de l'escalier sur les fesses. La descente lui parut interminable, son coccyx percuta violemment chacun des rebords de pierre brut. Lorsqu'elle arriva enfin au terminus, ses fessiers devaient être marqués d'environ dix-sept bleus, si ses calculs étaient exacts.
Essoufflée et toujours au sol, elle massa son dos maltraité lorsque deux chaussures Fred Perry grises traversèrent son champ de vision et s'arrêtèrent non loin de son pied gauche. Hermione releva lentement la tête. Elle vit d'abord le bas d'un pantalon noir retomber élégamment sur des baskets taille 44. Puis le haut d'un vêtement qui laissait imaginer la musculature fine et dessinée des cuisses qu'il recouvrait – ses lèvres s'entre-ouvrir d'elles-mêmes. Puis le bas d'une chemise d'uniforme qui pendait de façon négligemment travaillée sur un torse large et viril – elle pouvait presque sentir la bave couler le long de sa mandibule.
Puis le visage de Teddy Lupin.
Hermione referma la bouche aussi sec.
Teddy lui tendit la main pour l'aider à se relever. Elle remit ses hémisphères cérébraux à la bonne place avant d'oser la saisir. Il attrapa ses doigts avec la délicatesse d'un gentleman et, d'une légère pression, l'attira vers lui avant de lui soutenir la hanche de son autre main.
« Tata ! » s'écria-t-il d'un ton ampoulé. « Quel plaisir de te revoir. »
« Ted… Teddy. » bafouilla-t-elle en retour, rouge de honte. « Que fais-tu là ? »
« Qu'est-ce que je fais là ? Attends, laisse-moi réfléchir. » Il posa négligemment la main qui lui tenait la taille un instant auparavant contre sa tempe droite. « Que pourrais-je faire à Poudlard un premier septembre à – il cilla pour jeter un coup d'œil à sa montre – exactement neuf heures, 5 minutes et 42 secondes ? Ah oui, je me souviens, ça y est. Il parait que j'ai un cours de défense avec une nouvelle prof habillée comme un sac de pommes de terres des années quarante. »
Cette fois l'esprit d'Hermione fut totalement éclairé.
« C'est moi, le professeur. » l'informa-t-elle froidement.
« Toi !? » Il la regarda avec amusement. « Non, tata, tu dois faire erreur. Vu le nombre d'horreurs que j'ai entendues sur elle… Il parait qu'elle est mariée à un type qui lui fait des cornes longues comme des tentacules et qu'elle vit dans une cabane en contreplaqué. »
« C'est moi le nouveau professeur de défense. » répéta-t-elle avec obstination.
« Il parait même qu'elle ne s'est pas coiffée depuis la défaite de Vol… »
Il jeta un coup d'œil faussement incertain aux cheveux d'Hermione et laissa sa phrase en suspens. La jeune professeur du s'accrocher à la rambarde pour ne pas fondre en larmes. Finalement, elle semblait tenir une bonne place entre les fantômes et les demi-géants alors même qu'elle n'avait jamais dispensé le moindre cours.
« C'est génial ! » s'cria Teddy avec verve en pressentant l'arrivée imminente d'une cascade de larmes.
« Pourquoi ça ? » demanda-t-elle sèchement.
« Qui n'a pas rêvé d'avoir sa tante comme professeur ? »
« Je dirais, tout le monde. »
« Oui, bon, peut être que quelques personnes ne sauraient apprécier cette chance miraculeuse. Personnellement, savoir que mon professeur ne me reprochera jamais d'arriver en retard ou d'avoir omis d'écrire un devoir est une bénédiction. »
Il la gratifia d'un clin d'œil.
« Ce n'est pas parce qu'on se connait que tu auras droit à un traitement de faveur, Teddy. De plus, je ne suis pas réellement ta tante. Et encore moins depuis que moi et Ron avons divorcé. Donc tu auras toujours le droit de passer quelques heures à balayer les couloirs si tu « omets » de me rendre un travail. »
« Vraiment ? » rétorqua-il avec une innocence feinte. « Certes, je n'ai pas l'idiotie de croire que le fait qu'on se connaisse te persuadera de me traiter avec favoritisme. Par contre, je suis certain que tu n'as pas envie que j'ébruite les conditions de nos retrouvailles à l'ensemble des étudiants. »
« Tu peux être plus clair ? »
« Mais certainement. Ta petite culotte rose en dentelles manque un peu de fraicheur, si tu veux mon avis. Et comme je sais que devenir la risée de Poudlard dès ton premier jour de classe ne fais pas partie de tes objectifs pédagogiques, je pense que tu fermeras les yeux sur le fait que je sois arrivé en retard ce matin. »
Hermione resta bouche bée de l'insolence de son neveu et resserra inconsciemment les jambes autour de sa petite culotte en dentelles qui manquait un peu de fraicheur. Il est vrai qu'elle n'avait pas vu Teddy depuis de longs mois maintenant. Mais dans son esprit, il avait gardé le caractère innocent et tranquille qu'on espère de tous les chérubins. Elle le voyait encore courir en couches culottes derrière les gnomes dans le jardin des Weasley. C'était presque comme si c'était la veille, dans sa mémoire. Mais force était de constater que les couches de Teddy avaient séché depuis bien longtemps.
« C'est bien ce que je pensais. » termina-t-il. « J'ai toujours aimé trouver un compromis avec toi, tata. »
Et il tourna les talons avec désinvolture avant de se diriger lentement vers le lieu de son premier cours de l'année.
Oui, la vie d'Hermione Granger était un désastre pour tout le monde, y compris aux yeux de sa propre famille.
Minerva se dirigeait à grandes enjambées vers le cours de potions, au bord du désespoir. Elle avait fini par céder. Comment ? Après avoir épluché chaque candidature des centaines, des milliers, des milliards de fois, réduisant certains des parchemins en antiquités de musée à force de manipulation. Après avoir proposé le poste à de nombreuses personnes lui ayant toutes opposé un refus catégorique saupoudré d'un regard de hibou ébloui par les phares d'une vieille Toyota et d'un hochement de tête frénétique proche de la convulsion. Et, surtout, après deux bouteilles de xérès trouvées dans une vieille armoire de Trelawney lui ayant filé la gueule de bois la plus mémorable de sa vie. D'ailleurs, elle ne gardait aucun souvenir du message d'embauche que Malefoy avait reçu deux jours plus tard. Pas le moindre flash la visualisant une plume à la main ne lui revenait en mémoire. Elle s'était alors promis de ne plus boire une goutte d'alcool. Puis il y avait eu le poste de sortilèges à pourvoir… Bref, elle avait finalement préféré arrêter plus tard.
Elle avait donc prévu d'assister au premier cours de Malefoy pour être rassurée sur le contenu de la leçon tout comme sur la survie des étudiants. Elle avait toujours pensé qu'en perdre un ou deux le jour de la rentrée faisait désordre. Son pouls pulsait plus rapidement qu'à l'ordinaire, et ses céphalées débutantes marquaient une tension artérielle qui avait tendance à augmenter proportionnellement au nombre d'années qu'elle passait dans ce maudit château.
Un brouhaha de salle d'attente se répercuta en écho le long des murs dès que Minerva approcha du lieu du crime envers l'enseignement. Des rires gras, des gloussements féminins, et même un gémissement d'origine non identifiée. Ses doigts se crispèrent autour du manche de sa baguette magique, prête à être dégainée plus vite que le colt de Lucky Luke et son pas s'accéléra immédiatement.
Elle s'arrêta net dans l'embrasure de la porte entrebâillée des cachots et rattrapa son dentier avant qu'il ne s'échappe de sa bouche béatement ouverte de surprise.
Une dizaine de chaudrons bouillonnaient joyeusement de part et d'autre de la pièce en projetant des lueurs bleutées psychédéliques sur les murs de pierre brute. L'ensemble des étudiants formaient une petite ronde autour de la potion de l'un deux, et tous arboraient un visage concentré et souriant. Avant qu'elle n'ait pu intervenir, Malefoy, qu'elle n'avait pas vu jusqu'ici, se leva tranquillement de la chaise sur laquelle il avait pris place entre les première année et réclama le silence d'un geste décidé de la main.
« Il me semble avoir entendu la bonne réponse. » dit-il avec douceur. « Mary, voudriez-vous répéter ce que vous venez de dire ? »
Une jeune fille dont les cheveux blonds noués en queue de cheval n'arrêtaient pas de se balancer avec enthousiasme reprit la parole avec assurance.
« Je pense que peut être les racines de Tamus ont été coupées en très gros morceau. »
« Et est-ce que tu sais pourquoi les gros morceaux risquent de transformer cette potion en jus de chaussettes ? »
Les élèves rirent de nouveau.
« Ils cuisent moins vite ? » proposa un jeune garçon joufflu installé à la droite de la jeune blonde.
« C'est presque ça. » admit Malefoy, un sourire indulgent dévoilant ses dents blanches parfaitement alignées. « Des ingrédients ciselés trop épais ou trop fins changeront l'aspect de votre potion. S'ils sont trop épais, leur sève mettra plus de temps à s'en écouler, alors que trop fin, elle s'écoulera instantanément. N'oubliez jamais que l'ajout de chaque ingrédient à un moment donné et d'une façon donnée est primordial. C'est la base de l'art des potions. » Il adressa un geste de la main à l'ensemble de la classe. « Venez, suivez-moi. »
Il se dirigea avec une certaine grâce malgré ses vêtements élimés vers le chaudron le plus près de la porte, suivi du petit groupe d'élèves qui se bataillaient pour avoir la meilleure place près de leur professeur. En chemin, ses yeux se posèrent sur la directrice adjointe, toujours interdite sur le seuil. Il lui envoya une moue à mi-chemin entre le sourire satisfait et la rancœur qui signifiait à peu près « j'espère que vous sentez parfaitement idiote d'avoir douté de moi, et j'accepte vos futures excuses. Mais merci quand même de m'avoir offert cette opportunité ».
« Comme vous pouvez l'observer, cette potion-là est beaucoup plus claire que ce que décrit votre manuel. On s'approche plus du bleu électrique que du bleu marine. »
« C'est Charles qui l'a faite ! » dénonça un Serpentard avec malice.
« Ça m'est égal. » le coupa immédiatement Malefoy, une autorité innée et naturelle dans la voix. « Peu importe qui a réalisé cette potion aujourd'hui. Considérons que nous sommes tous en position de faire un jour une potion plus bleu clair que bleu foncé. L'objectif de ce cours est de cibler les petites imperfections courantes qui empêchent d'obtenir le résultat espéré alors que le travail est réalisé avec application et sérieux. Donc ce bleu ciel, d'où vient-il ? »
« J'ai coupé mes racines en morceaux trop petits. » expliqua piteusement le dénommé Charles.
« La sève de Tamus s'est libérée trop rapidement dans ta liqueur de châtaigne, entrainant un mélange trop rapide des deux composants qui n'a pas libéré assez de sucs. »
Malefoy attrapa quelques racines verdâtre laissées sur la table attenant au chaudron et les trancha habillement avec son couteau en argent. Il ajouta trois des tranches ainsi obtenues dans la mixture. Devant le regard ébahit des élèves, la potion prit docilement une teinte saphir.
Minerva tourna les talons en vacillant. Elle avait la sensation de s'être pris un coup de poing en pleine figure. KO en un round. Malefoy et professeur n'avaient pas plus de place dans la même phrase que Rogue et vie sociale. C'était, par définition, des antonymes. Pourtant, si elle faisait confiance à ce qu'elle venait de voir, le dictionnaire venait de commettre une erreur.
Elle s'attendait à ce que le sol s'éventre sous ses pieds, l'attirant au plus profond des entrailles de la Terre dans une chute vertigineuse. Oh, cela faisait longtemps maintenant que Minerva savait que c'était l'Enfer qui l'attendait en bas. Elle ne s'était plus confessée depuis des années et péchait désormais plus de cinq fois par jour. Elle s'était fait une raison, à force. D'ailleurs, elle préparait déjà sa riposte. Et les démons n'auraient qu'à bien se tenir, car au moindre faux pas Cerbère finirait noyé au fond du Styx et le Diable se retrouverait condamné à voir son trident lui sortir des fesses pour l'éternité et plus encore.
Ginny Weasley, au contraire, avait, elle, en apparence tout réussi. C'était la success story dont toutes les jeunes sorcières rêvaient. Un mari reconnu, fortuné et influent, une carrière sportive épanouissante jusqu'à sa retraite choisie et trois beaux enfants sages et parfaitement obéissants. Ginny se plaisait à dorloter cette image. Elle y apportait quelques retouches lorsque quelqu'un se frottait d'un peu trop près à ce tableau parfait, y arrachant une pointe de peinture. Elle comblait les fissures du temps avec un point de colle et dissimulait les coins écornés derrière un nouveau cadre en bois sculpté dès que nécessaire. Elle allait même jusqu'à cacher quelques cadavres dans le placard du manoir familial, surtout ceux de journalistes un peu trop curieux. Oh, bien sûr, elle se gardait bien d'informer quiconque que le scarabée Rita Skeeter trônait désormais en bonne place dans la collection d'insectes naturalisés qu'avait débuté Albus pour ses six ans. Mais, pour Ginny, la protection de sa famille et de l'image parfaite qu'elle renvoyait au monde des sorciers valait plus qu'un Scarabrute à vernis à ongles carmin. Je dois reconnaitre que Ginny avait su mettre au profit de sa carrière son caractère affirmé, son charme naturel et son intelligence de la meilleure des façons. Elle qui n'était connue lors de ses années d'étudiante que pour être la sœur de, ou la petite amie de, n'avait à ce jour plus rien à envier à ses amis en terme de notoriété. Sur le papier, la voir revenir à Poudlard en qualité de consultante de Quidditch à mi-temps était une aubaine pour les étudiants. Pour Minerva aussi, d'ailleurs.
« On fera installer des tribunes à détection automatique de Souaffle. » reprit-elle. « Juste là. » D'un geste décidé, elle désigna les anciens gradins vétustes du stade de Quidditch de l'école qui accueillaient encore les élèves de Serdaigle. « Ce sont les dernières sur le marché et j'ai envie de les tester depuis plusieurs semaines. Je pense que Lyska pourra m'en prêter une. A condition que son enseigne figure en bonne place lors de la cérémonie d'ouverture, bien entendu. »
« D'accord. »
Ginny continuait d'énumérer toutes les idées qui lui passaient par la tête : buts importés du stade des Canon de Chudley, tournoi interscolaire, grandes vedettes internationales, buffet d'accueil pour les invités, rien ne semblait impossible ou excessif à ses yeux. Essoufflé, Olivier Dubois trottinait à ses côtés en essayant de prendre des notes, comme elle le lui avait demandé en arrivant sur le terrain de Quidditch – ou plutôt imposé, selon lui.
« Lyska est une excellente partenaire, mais assez dure à la négociation. Bref, je m'arrangerai pour lui faire une offre si alléchante qu'elle ne pourra refuser. Il faudra lui envoyer un hibou au plus vite, elle met des années à répondre parfois. J'écrirai le message et tu te chargeras de négocier un hibou convenable avec Minerva. La majorité des chouettes de l'école ressemblent à des poulets à la retraite qui auraient fait la guerre. » Elle jeta un coup d'œil à celui qu'elle considérait comme son assistant et lui demanda. « C'est bon, tu as tout écrit ? »
Olivier grommela une réponse inaudible et retira avec dextérité l'épine qu'il venait de se planter dans le bas du mollet. C'était la treizième depuis qu'ils avaient commencé leur inspection minutieuse du terrain de Quidditch dans tous les recoins les plus inaccessibles. Il ne comprenait toujours pas l'intérêt d'aller jeter un coup d'œil sous les gradins, où personne ne se rendait jamais, pas même les étudiants en mal de bécotage, mais Ginny semblait y apporter une importance cruciale. Comme s'ils allaient organiser les matchs sous les tribunes… Même pas une heure qu'ils étaient ensemble et elle l'énervait déjà, la rouquine avec ses grands airs.
« Bien, que nous reste-t-il à organiser ? » continua-t-elle avec son aplomb de femme d'affaires.
« Hum… » Olivier retrouva tant bien que mal la liste des tâches qu'il avait coincée derrière le parchemin noirci sur lequel il prenait des notes – qu'il n'était pas certain de pouvoir relire un jour. Il releva exagérément les pieds en marchant, de peur de chuter sur un ennemi végétal sournois qu'il ne pouvait désormais plus voir. « Nourriture, liste des invités... »
« Trop tôt pour cette partie. » coupa Ginny avec autorité. « Je n'ai pas encore pu budgétiser le meeting, on en reparlera à la fin septembre. »
« Fixer la date et… »
Une racine rebelle accrocha son pied droit avant de s'enrouler amoureusement autour de son mollet nu et de l'attirer silencieusement à elle, le faisant chuter discrètement.
« La date ? » poursuivit Ginny, qui, marchant en tête ne s'était aperçue de rien. Elle était ouvertement contrariée désormais. « Tu m'écoutes quand je te parle ? Cela fait au moins trois fois que j'évoque une possibilité pour le weekend du trois novembre. A cette période, les températures sont encore douces et tout le monde pourra profiter sans avoir à se couvrir de peaux de bêtes auto-chauffantes. Certes, sous réserve d'obtenir l'accord de l'attaché aux centres de formation de Quidditch du Ministère, mais c'est un vieil ami. »
Elle afficha un sourire satisfait qu'Olivier ne fût pas en mesure de voir.
« Zacharias est devenu très conciliant depuis j'ai camouflé l'histoire d'exhibitionnisme en forêt de son fiston adoré. Sûre que les Flèches d'Appleby n'auraient pas gardé comme gardien un type qui danse la salsa à moitié nu devant une mare à canards. Sobre, qui plus est. »
Enfin, Ginny réalisa qu'elle ne voyait plus Olivier dans son champ de vision. Elle tourna instinctivement le regard à sa droite, puis à sa gauche. Personne. Elle parlait aux poteaux du stade depuis plusieurs secondes.
« Olivier ? »
Où était-il passé, bon sang ? Il ne pouvait pas disparaitre aussi rapidement.
« Olivier ? » répéta-t-elle avec irritation, ses yeux balayant la végétation luxuriante alentours avec l'œil d'une mère entrainée à surveiller une ribambelle de marmots turbulents et aventuriers.
Un gémissement sourd lui parvint, semblant provenir d'un pylône en acier assez large qu'elle avait croisé une minute auparavant. Le second gémissement lui fit prendre conscience qu'Olivier devait se trouver juste derrière. Elle fit demi-tour en faisant attention à l'endroit où elle posait ses orteils. Le lieu semblait miné. Elle l'aperçut enfin lorsqu'elle contourna la structure d'acier. A plat ventre et la tête à dix centimètres d'une bouse de Sombral, son collègue ne semblait pas en très bonne posture.
« Mais qu'est-ce que tu fais par terre ? »
« J'avais envie de me rouler dans les chardons. Ça m'arrive parfois. » articula-t-il avec difficultés. « Mais je vais bien, merci de m'avoir posé la question. »
Cho Chang rangeait ses flacons de potions en fonction de leurs effets dans la petite armoire au-dessus de son bureau. Elle savait que certaines d'entre elles n'étaient pas tout à fait légales ici, à Poudlard, mais au fond, qui irait regarder de très près ses activités. McGonagall était submergée par ses obligations et, en temps qu'infirmière, elle faisait désormais partie des figures d'autorité du château.
Sa première prise de l'année n'allait pas tarder à franchir le pas de sa porte. A peine une poignée d'heures que les cours avaient repris et déjà quelqu'un mordait à l'hameçon. Presque une pêcheuse professionnelle, désormais. Elle attrapa une potion orangée dont elle dévissa le bouchon de la fiole d'une main experte, puis humidifia son doigt qu'elle frotta délicatement derrière le lobe de son oreille droite pour y déposer une goutte d'élixir. Elle eut tout juste le temps d'ajuster ses bas et de rajouter une touche de gloss à ses lèvres déjà outrageusement rosées avant que les coups discrets ne retentissent contre le battant de sa porte. Elle jeta un dernier coup d'œil à son reflet dans le miroir installé près de l'entrée, puis, une fois assurée de son sex-appeal, ouvrit à son visiteur.
Ce qu'elle vit dans l'entrebâillement de la porte lui fit l'effet d'une douche froide.
« Ah, Minerva. » dit-elle, déçue « C'est vous. »
« Qui voulez-vous que ce soit ? »
« Demandez-moi plutôt qui je voulais que ça ne soit pas. »
« Pardon ? » lâcha McGonagall, stupéfaite par tant d'audace.
« Non, rien, laissez tomber. Vous aviez une information à me communiquer ? »
« J'aimerai entrer avant, si vous me le permettez. »
« C'est un peu en désordre chez moi. Avec cette première journée intense, je n'ai pas vraiment eu le temps de ranger. Et je m'étale tellement facilement… »
Elle se repositionna devant la porte de sa loge pour endiguer les tentatives de Minerva de regarder par-dessus son épaule.
« Au contraire, vos appartements paraissent d'une propreté impeccable. » remarqua son interlocutrice d'un œil suspicieux.
« Vous devez avoir la vue qui baisse, Minerva. Si vous le souhaitez, je pourrais vous conseiller un excellent ophtalmomage. Il n'exerce plus à Sainte Mangouste, mais étant donné que c'est l'un de mes amis proches, je suis sûre qu'il acceptera de vous recevoir dans un délai convenable. »
« Je suppose que vous parlez de votre quatrième mari. »
« A vrai dire, c'était officiellement le troisième. » rectifia Cho qui ne se laissa pas déstabilisée par la remarque acerbe de sa supérieure. « Puisque qu'avec celui d'avant nous ne sommes pas restés suffisamment ensemble pour que le sortilège d'union fasse légalement effet. »
« Vous me voyiez ravie de l'apprendre, Miss Chang. Ceci dit, j'ai une information à vous transmettre et croyiez-moi, vous préfériez l'entendre loin des oreilles indiscrètes. »
« Je passerai demain à votre bureau dans ce cas. » Et elle ajouta avec son sourire le plus charmeur « enfin si vous n'y voyiez pas d'inconvénients, bien entendu. »
« Comme vous l'avez si bien dit, je n'y vois plus grand-chose. » termina Minerva qui semblait au contraire y voir pas mal d'inconvénients, comme se voir rembarrer par une allumeuse et s'être déplacée pour rien alors que ses rhumatismes se rappelaient à son bon souvenir, par exemple.
La directrice tourna brusquement les talons et Cho s'empressa de refermer la porte. Un long soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle s'adossait contre le mur. L'intimité serait beaucoup plus difficile à avoir dans ce foutu château qu'à l'hôpital. Il allait falloir qu'elle soit maligne, inventive et discrète pour berner la vieille McGonagall. Et si il y avait bien une chose que Cho Chang avait appris à faire, c'était duper les autres…
Drago Malefoy ? Que pourrais-je dire de lui ? Peu de choses, finalement. J'étais heureux qu'il ne m'ait pas assassiné, mais, sans prétention aucune, je ne l'avais jamais considéré comme une menace sérieuse. Une victime, assurément. Oh, je n'irais pas jusqu'à prétendre qu'il n'avait pas mérité tout ce qu'il avait enduré avant de revenir à Poudlard. La vie s'était chargée par elle-même de lui dégonfler les chevilles et d'abimer ses pointes capillaires peroxydées bien trop lisses. Un autre bénéfice de cette galère passée était la mise en marche des ères « esprit critique » et « je-pense-par-moi-même » de son cerveau, peu stimulées jusqu'alors. Mais disons qu'il avait payé ses erreurs avec un taux d'intérêt digne d'un banquier véreux qui vous regardait par-dessus sa monture en écailles de crocodile et vous affichait son sourire orné d'une dent en or pour mieux vous voler. Cher. Très cher. Evidemment, il était utopique d'espérer que tous ses petits travers de jeunesse aient été gommés. Les nés Moldu étaient toujours pour lui des nés Moldu, les Weasley étaient toujours des Weasley, et il avait baptisé son crapeau domestique défunt – et disparu dans le tourbillon du siphon des toilettes du Chaudron Baveur depuis bien longtemps – Crapure.
A dix-huit heures, Drago regagna ses loges, narcissiquement satisfait de sa prestation de la journée. Etre bienveillant envers les Gryffondors idiots qui peuplaient les classes des première et deuxième année n'avait pas été chose facile. Trop de rancœur bouillonnait encore dans ses veines envers leurs parents. Tous ces gens qui l'avaient abaissé plus bas que terre ces dernières années. Tous ces hypocrites qui se sentaient plus sereins, les fesses réchauffées par le velours de leur canapé, après l'avoir pris comme bouc émissaire. Bien plus facile de se focaliser sur les erreurs des autres. Et bien moins délétère pour l'ego.
Lorsqu'il rabattit le panneau de bois derrière lui avec un brin d'agacement, la première chose à laquelle son regard s'accrocha fut une petite chouette lapone aux couleurs quelconques, nichée sur un coin du bureau bancal. Son agacement disparut en même temps que sa cape d'enseignant brodée du sceau de Poudlard, jetée en vrac sur le lit minuscule.
« Enfin. » murmura-t-il à la lettre qu'il considérait avec convoitise. « J'ai cru que tu n'arriverais jamais. »
C'est une main fébrile qui détacha la précieuse missive de la patte brunâtre de l'animal. Le souffle de Drago se fit plus saccadé et un frisson électrisa son corps entier tandis qu'il dépliait le rouleau de parchemin d'un geste impatient. Les poils virils de ses avant-bras, mis au garde à vous par la contraction de leur muscle érecteur, réclamaient avidement les caresses de la personne qui avait rédigé cette lettre.
Depuis plusieurs mois, Drago avait trouvé une raison d'accepter les insultes et les coups bas. Ou plutôt, il l'avait percutée par inadvertance, sans la voir venir. Il lui était rentré dedans, au propre comme au figuré, sans aucune possibilité de retour en arrière. Une raison qui prenait possession de son corps, de son âme, de son lui tout entier au rythme de leurs rendez-vous secrets et de leurs retrouvailles passionnées.
Les quelques lignes tracées à l'encre fine fixait leur prochaine entrevue plus tard dans la semaine, si Drago réussissait à se libérer en toute discrétion. Le lieu restait à déterminer, mais l'ancien Serpentard connaissait l'imagination de sa raison et n'était pas inquiet. Ils trouveraient un endroit insolite et excitant, il le savait.
« Alors, cette première journée ? »
Ginny s'affala sur le petit pouf en croûte de cuir vert dont Hermione se servait habituellement comme repose pieds. Se retrouver entre copines après une journée de cours bien chargée avec été un rituel, fut un temps, et la jeune rousse pressentait que ça n'allait pas tarder à en redevenir un. Cependant, c'était dans les loges des professeurs qu'elles seraient amenées à se confier l'une à l'autre, désormais.
Les deux femmes étaient restées très proches lorsqu'Hermione avait récupéré son nom de Granger à l'issue d'un divorce douloureux. Plus liées que jamais malgré leur vie à l'opposé, elles s'étaient juré qu'aucun homme ne les séparerait. Elles avaient même craché par terre, ce qu'Hermione ne revenait toujours pas d'avoir fait.
« Une porte heurtée de plein fouet, une chute dans les escaliers, un élève qui essaie de me faire chanter, des septième année indisciplinables qui ne doivent même pas se souvenir du timbre de ma voix tellement ils ont foutu le bazar. » énuméra Hermione, comptant ses péripéties sur les doigts de sa main gauche pour n'en omettre aucune. « Mais j'ai survécu. »
« Wow. » soupira son amie, compatissante. « Difficile de faire mieux. »
Elle posa sa main pâle sur le bras de son amie et pressa doucement pour la réconforter.
« Et toi ? »
« Tranquillement. J'ai lancé mon plan de bataille pour que le Quidditch redevienne une priorité. Tu te rends compte, ça fait trois ans qu'aucun joueur national n'est issu de cette école ?!» s'exclama-t-elle en dodelinant la tête avec véhémence, comme si la baisse du niveau de Quidditch des étudiants était la pire ineptie à ses yeux.
« Et ce plan consiste en ? » fit mine de s'intéresser Hermione, pour qui le Quidditch restait un sport violent et incompréhensible.
« L'organisation d'un meeting de Quidditch au château où des démonstrations seront réalisées par les plus grands clubs du pays et où les étudiants auront la possibilité de jouer avec leurs idoles, expliqua Ginny sans reprendre son souffle une seule fois. »
« Rien que ça. » remarqua Hermione, admirative. « Et tu gères tout toute seule. »
« Pas totalement. Ils m'ont collé Dubois comme partenaire ». indiqua Ginny.
« Notre Dubois ? »
« Notre Dubois. Enfin celui qui passait des heures à inventer des stratégies inutiles et incompréhensibles en pensant avoir inventé la Pierre Philosophale. Remarque, un assistant peut avoir son utilité. »
Hermione ne releva pas. Les années l'avaient habituée au caractère dominant et parfois méprisant de Ginny. Si elle ne partageait pas son avis, elle avait conscience que le train de vie de la rousse lui avait accordé certaines libertés. Et personne n'y trouvait jamais rien à redire.
Elles se turent un instant.
« Du chantage, tu dis ? » questionna Ginny pour relancer la conversation.
« Ouais… » acquiesça piteusement son amie.
« Qui te fait chanter ? »
« Te… »
Hermione eu un moment d'hésitation. Harry et Ginny avaient élevé Teddy presque comme leur propre enfant. Le jeune garçon passait la majeure partie du temps chez les Potter durant les vacances scolaires. C'était même Ginny qui lui avait transmis tout ce qu'il savait sur le Quidditch. Hermione ne savait pas comment avouer à Ginny que le jeune garçon à qui elle avait changé les couches, essuyé les larmes et appris à voler était devenu un manipulateur narcissique. Ginny adulait Teddy plus que ses propres enfants, il incarnait pour elle la perfection. Bien élevé, respectueux, attentionné, affectueux. Bien sûr, elle n'avait jamais entendu parler des hiboux de Poudlard annonçant que le fils prodige avait enfermé un de ses camarades de dortoir dans une armure durant trois jours et qu'il avait administré illégalement un philtre d'amour à son ex petite amie pour qu'elle tombe amoureuse de la tête de turc de l'école afin de se venger d'avoir été quitté. Non, Ginny n'avait jamais été confrontée à cette facette de la personnalité de Ted Lupin Junior. Et pour cause, c'était Hermione qui signait chaque parchemin en imitant la signature de Harry. Depuis son divorce, Teddy était devenu assez ingénieux pour récupérer le courrier destiné à son tuteur avec discrétion et apposer lui-même le paraphe à la fin des lettres rédigées sur un ton de plus en plus désespéré au fil du temps.
Elle se reprit juste à temps :
« Théophile Lancarfer, de cinquième année. »
Cho Chang. Cho Chang. Surement la plus insaisissable des nouvelles têtes que je croisais lors de cette rentrée scolaire. Toujours plus prompte à montrer sa petite culotte que ses émotions, de ce que j'ai entendu dire. Il est vrai que voir ce qui se dissimulait sous sa jupe devait être un ravissement pour tout être aimant les courbes féminines et les peaux halées. Ils avaient d'ailleurs été plutôt nombreux à avoir cette chance depuis qu'elle avait terminé ses études d'infirmière à la Ste-Mangouste Académie. Mais qui pouvait se vanter de savoir ce qu'elle enfermait au plus profond d'elle-même ? Personne. Son premier mari, à la tête d'une fabrique de célèbres balais volants, était bien trop occupé à parcourir le monde et à tester les délices charnels qu'offraient les pays exotiques pour s'en soucier. Cela lui avait valu un petit tas de Gallions d'or en moins dans sa chambre de Gringotts, d'après les rumeurs. Son second époux menait en réalité une double vie et s'était fiancé à une veille Moldue héritière d'un empire cosmétique. Le troisième avait révélé publiquement son attirance pour les hommes après deux semaines de noces seulement. Le quatrième n'avait pas fait mieux que ses prédécesseurs. Beaucoup avaient essayé de faire changer les mœurs de la belle asiatique, lui assénant qu'il faillait qu'elle privilégie la qualité à la quantité. Mais Cho n'écoutait plus les leçons dégoulinant de morale bienpensante. Elle était libre, sans complexes et comptait le rester. Que les médisants aillent se faire voir.
De nouveau seule dans ses appartements, Cho ôta ses talons aiguilles de vingt-cinq centimètres rouge sang et entreprit de faire glisser son bas de soie le long de sa jambe fuselée sans l'effiler avec ses ongles manucurés. Un art délicat qu'elle maitrisait à la perfection.
Finalement, son amant d'un soir avait fini par la rejoindre. Pas le plus nul de ceux qu'elle ait connus. Assez satisfaisant pour qu'elle considère sa demande d'une autre partie de jambe en l'air avec attention, en tout cas.
Entièrement nue, elle se glissa dans les draps froids et impersonnels qui habillaient son lit. Rien n'accentuait davantage son sentiment de solitude que de se coucher sans un homme pour entourer son corps svelte de ses bras puissants. Elle savait qu'en revenant ici, au château, c'était un luxe auquel elle devrait renoncer.
A ses côtés, dans son bocal arrondi, Cédric somnolait tranquillement, sa bouche entre ouverte éclairée par les doux reflets des rayons de Lune que laissaient filtrer les fenêtres de sa loge. Elle l'observa religieusement plusieurs minutes avant d'apposer une croix supplémentaire sur le calendrier qui surplombait son lit. C'était un rituel qu'elle s'imposait chaque soir. Une journée de plus d'écoulée. Une journée de moins à vivre. Combien lui en restait-il déjà ? Peu.
Si peu.
Puis elle souffla la dernière bougie qui illuminait ses iris humides d'une lueur terne et vacillante.
La première journée de cours touchait à sa fin et moi, Albus Dumbledore, je m'en retournais dans mon cadre doré, un sourire bienveillant sur les lèvres.
En les regardant s'endormir, tous vêtus de leurs faiblesses et de leurs imperfections, je me dis qu'à défaut d'être irréprochables, ils portent en eux assez d'humanité pour la tâche qui leur a été confiée. Il faudra que je dise à Minerva qu'il n'est pas nécessaire qu'elle vide une nouvelle bouteille de whisky pur feu made in Les Trois Balais ce soir. Derrière le rideau des apparences, son casting n'est pas si mauvais.
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