Cet Os avait déjà été posté dans un recueil, mainteant il est indépendant ^^
Bonne lecture ;)


Il neige

Frottement de main, boucle de ceinture qui clique dans le silence, déglutissement sonore. Et pourtant, le soupire qui les accompagne colle parfaitement à la nuit, s'y mêle, fait corps avec elle, se dissout dans le froid. Car tout n'est que soupire. Tout n'est que gris, bleu, et un peu blanc.

Au milieu de l'obscurité, la naissance d'une lueur rougeâtre qui sitôt disparaît. Furtive, se faisant la plus discrète du monde. Laissant place au son d'un souffle libérateur qui perce l'étrange opacité de l'air.

Une respiration lente, une langue qui claque et remue la salive, le doux bruissement d'un bras qui caresse machinalement son jumeau.

Léger silence, nouvelle expiration, nouveau jet de fumée qui plane un instant dans l'air avant de descendre comme un mouchoir de jongleur. Ceux de toutes les couleurs qui volent gracieusement sur la piste.

Il jongle avec de la fumée. De la fumée bleue.

- Man...

Le mot sort dans un nouveau soupire. À bout de souffle, à bout de force. Il perce le néant mais ne s'envole pas. Il retombe sans même décoller.

Il ferait un bien piètre jongleur de mots. Un poète raté.

Troisième bouffée, troisième drapé bleu qui quitte ses lèvres gercées. La température reste glacée, malgré la petite flamme rouge qui s'évanouit à chaque fois qu'il finit de tirer une taffe.

Bruissements de vêtements, doigts qui agrippent le chapeau et l'entraîne avec eux dans une longue descente. Nuque qui craque. Lèvres qui se descellent. Salive qui coule un peu au fond de la gorge.

- ... Il neige...

Nouveau nuage bleu qui flotte, devient clair en passant face à la fenêtre ouverte. La fenêtre qui elle aussi crache son souffle glacé. Qui mêle le blanc au bleu de ses pensées et au gris de ses mots.

Mots qui rampent au sol de son esprit, fourmillent dans un brouhaha indistinct et paradoxalement silencieux.

Même un simple froncement de sourcils semble signe de vie, dans ce calme oppressant. Nouveau foulard qui quitte sa bouche pour effectuer un vol plané, qui tourne dans le vide, s'y diluant tout en comblant celui dans sa tête.

Au fil du temps qui perd tout son sens et ses lois, les échos s'amoindrissent, le gris se colore un peu. Juste un peu. Parce que tout ne reste que soupire.

Les mots viennent mais bloquent, forcent plusieurs fois le passage, s'y agglutinent.

Frottement de main. Boucle de ceinture qui clique dans le silence. Déglutissement sonore. Larme qui coule.

- ... Tu me manque...