Bonjour, bonjour ! Me revoilà pour une nouvelle histoire, d'un genre un peu différent... J'espère que malgré le style un peu plus alambiqué de l'écriture, les aventures de nos Baker Street Boys sauront vous séduire, bonne lecture !
Dès que l'on passe la porte d'entrée, la plus banale des portes d'entrée, celles en chêne, avec les veines du conifères qui courent sur toute la surface, sombres et moins sombres, semblant suivre un chemin qui échappe à la rationalité de l'être humain, créature uniquement intéressée par le bouton de cuivre légèrement lustré et qui grince quand on l'empoigne sans ménagement, alors, c'est un véritable capharnaüm qui s'offre à l'œil inexpérimenté. Mais pour celui qui sait y voir, le panneau de bois caresse doucement le parquet craquelé, chatouille les poils du tapis bariolé et vient rencontrer le mur nu, sans un bruit. La peinture, hésitant entre le blanc et le gris, craquelle. Une des fissures s'étend tout le long du mur, grimpe jusqu'au plafond, contourne le lustre où une des appliques est mourante, déséquilibrant l'ensemble, rejoint le mur d'en face et disparaît, pile au-dessus de la cheminée. Pas un feu n'a brûlé dans son foyer depuis qu'on s'est rendu compte que tourner la molette d'un radiateur électrique était beaucoup plus simple que monter plusieurs étages, un tas de bois sur les bras. Constat ô combien surprenant.
Désormais, la cheminée a pour but ultime de tenir lieu de… d'à peu près tout en fait. Un couteau de chasse est profondément planté dans le bois tendre de la tablette, assassinant sans états d'âme une pile assez inquiétante de factures. Ni babioles ni photos, mais des douilles de divers calibres, des découpes de journaux, et tout un tas d'objets hétéroclites. Au bord de l'étagère, le regard tourné vers le visiteur, trône un crâne aux orbites d'un vide abyssal.
Si ce ne sont les trouvailles étonnantes que l'on peut faire en prêtant un peu d'attention à la pagaille qui jonche le salon, le sofa plus esthétique que confortable, le fauteuil de cuir d'un autre âge et la table basse disparaissant sous une tonne de papiers sont d'une banalité affligeante. Au bout du couloir, deux chambres ; l'une vide, parfaitement rangée, le lit fait au carré ; l'autre dans le désordre le plus complet, une, puis deux pantoufles, ainsi qu'une robe de chambre bleu nuit semées jusqu'au lit dans lequel une longue silhouette, dont seule la masse sombre de cheveux bouclés dépasse de sous les draps, s'abaisse puis se soulève, au rythme des battements de son cœur. Dans la salle de bain, le goutte à goutte du robinet bat la mesure. Seule la cuisine, ou ce qui mériterait de porter ce titre si tout un laboratoire ne s'étalait pas sur toutes les surfaces planes, témoigne d'un soupçon de vie à cette heure matinale en la personne du Dr. John Watson.
John Watson était un homme simple, et pour lui, malgré les turpitudes auxquelles son colocataire l'avait habituées, ce n'est pas un corps encore frais qui le mettait en appétit le matin, mais bel et bien la plus simple des traditions britanniques, celle qui avait su résister à tout, l'indétrônable tasse de thé. C'est pourquoi ce matin-là, encore fourbu de leur course poursuite de la veille, mais bien obligé de quitter la chaleur de son lit pour s'adonner à l'activité qui, loin d'être aussi palpitante que de courir après les criminels jusqu'à pas d'heure dans le dédale des rues de Londres, avait au moins le mérite de payer les factures, notre cher docteur Watson, s'apprêtait à venir tremper ses lèvres dans le breuvage salvateur, quand le silence de l'appartement, ô combien précieux de par sa rareté, fut soudain brisé.
Ce n'était pas son colocataire qui menaçait à nouveau l'existence même de leur logement par une de ses expériences des plus douteuses – et inappropriées dans un lieu autre qu'un laboratoire respectant les normes de sécurité obligatoires, quoique Sherlock ne devait même pas connaître l'utilité de ce genre de règles, mot depuis longtemps banni de son vocabulaire – puisque ce dernier, n'ayant pas dormi depuis cinq jours, date du début de leur dernière enquête, semblait avoir finalement cédé à l'appel du sommeil, et se trouvait en ce moment même profondément endormi, et, chose exceptionnelle, avait cédé aux exhortation de John qui s'entêtait à dire que « non, Sherlock, se vautrer sur le canapé à peine quelques heures en somnolant à moitié, ce que j'appelle faire de la récupération de sommeil ! Sommeil qui est, sauf erreur de ma part, nécessaire à tes expéditions suicidaires... Alors fais-moi plaisir et va dormir dans ton lit ! »
Mrs Hudson, quant à elle, ne serait jamais venue frapper à leur porte de si bon matin, sauf cas de force majeur (assassin psychopathe dans la cuisine, cadavre sur le perron, brigade des stups dans l'escalier…) et encore, cette femme sans qui l'Angleterre s'effondrerait selon l'avis général, était, malgré son âge avancé, encore capable d'affronter bien des situations.
Alors, quand John entendit le son des pas dans l'escalier malgré l'heure matinale, suivi quelques secondes plus tard du grincement caractéristique du bouton de porte, et ce sans que quiconque n'ait sonné pour annoncer sa venue – il était donc si facile de pénétrer dans leur appartement ?! Pas étonnant qu'ils soient si souvent attaqués…-, l'ex-soldat, encore en pyjama, les cheveux en bataille, le regard alerte malgré les cernes violacés qui lui mangeaient la figure, s'empara du premier objet qui lui tomba sous la main - à savoir la théière – et s'approcha silencieusement de la porte d'entrée, sur ses gardes, et prêt à riposter.
Alors, je continues ? Je m'arrêtes là ? Qu'en as-tu pensé, ô lecteur ? Et surtout, qui se tient derrière la porte du 221B ?
Bisous bisous et j'espère à très vite !
