Bonjoir! Le voici le recueil dont je vous avais parlé dans le premier chapitre de Désordre des sentiments (qui devrait bientôt changer de nom).
Les OS de ce recueil n'ont pas d'autres liens que la thématique, ils n'ont aucune connexion entre eux. Les relations entre personnages peuvent changer, l'univers aussi.
Enfin bref, j'espère que ça va vous plaire, bonne lecture. :3
C'est pas un mal
Mathieu x Patron
Un café m'attend sur la table lorsque je descends ce matin là. A mon arrivée dans la pièce, Mathieu relève la tête et me sourit brièvement.
-Patron. , me salue-t-il.
-Mathieu. , grogné-je.
J'empoigne la tasse sans même porter attention à celui qui me l'a préparé et dont je sens peser le regard sur le moindre de mes gestes.
J'apprécie tout de même le liquide bouillant et le silence que respecte Mathieu, bien qu'il m'observe avec insistance. Ca me rend nerveux d'être dévisagé par lui, il le sait. Je pose ma tasse sur la table et attaque pour ne pas perdre de temps:
-Qu'est-ce qu'y a ?
-Un peu plus apte à parler maintenant ? , s'enquiert-il en souriant.
Je me cale dans le fond de ma chaise en soupirant, pose mes pieds sur la table et bascule légèrement en arrière. Mathieu ne dit rien, il m'observe.
-Je t'écoute. , dis-je enfin.
-Oh j'ai rien de spécial à dire, j'veux juste te faire part de deux trois trucs.
Mon silence le pousse à continuer.
-Le Panda aimerait que tu arrêtes de lui voler sa liqueur de riz et que tu essaies de ne plus sauter sur le Geek. Le Hippie aimerait que tu lui fournisses un peu d'herbe au lieu de tout garder dans ta chambre. Le Geek ne veut plus aller chercher des clopes pour toi quand t'es bourré. Et entre nous, ricane-t-il, tu aurais pu demander à quelqu'un qui fait plus âgé que lui d'y aller.
-Mmh. C'est tout ?
-Non. , martèle soudain Mathieu.
-Qu'est-ce qu'il y a alors ?
-Tu saignes souvent du nez en ce moment non ?
Je plisse légèrement les yeux derrière mes lunettes de soleil. Je ne vois pas où il veut en venir. Je glisse un prudent mais mesuré :
-Comment tu le sais ?
-J'trouve du sang partout. Sur des mouchoirs, dans les lavabos, le bord de la baignoire.
-Et évidemment, les soupçons se portent sur moi. , ricané-je légèrement.
-Je sais que c'est pas les autres, je leur ai demandé. , réplique directement Mathieu. Et puis y en a aussi sur la moquette de ta chambre, tes draps, tes vêtements. Pourquoi iraient-ils vers tes affaires ?
Mon estomac se noue mais je souris.
-Ok, j'admets, c'est moi. Je ferais plus attention gamin.
Il me détaille en silence. J'espère ne pas pâlir. Ses yeux semblent soupçonneux.
-T'as peut-être une veine pétée, tu veux pas qu'on aille à l'hôpital pour qu'ils la cautérisent ?
-Pas la peine.
-Ca fait au moins deux mois que ça dure, plusieurs fois par semaine.
-Pas la peine j't'ai dit.
-Ou alors c'est parce que tu sniffes trop.
Je repose tous les pieds de la chaise au sol et m'accoude à la table.
-Ce serait ton souci ?
-Tu ne nies pas ?
-Tout le monde dans cette baraque me traite de débauché. Si je n'ai même plus le droit de faire honneur à ma réputation gamin…
Il ne rit pas. Il s'avance vers moi en se penchant vers la table. Sa main s'approche avec assurance jusqu'à ma paire de lunettes. Je ferme les yeux alors qu'il les enlève. Il est le seul à pouvoir le faire sans se soucier de quelconques représailles. Je rouvre prudemment mes paupières pour rencontrer les prunelles de Mathieu qui me sondent impitoyablement.
-Tu me mens.
Je me crispe.
-Tu me mens mais j'aimerais que la vérité vienne de toi. , réclame-t-il posément.
-J'ai rien à te dire que tu ne sais déjà alors, gamin.
Il tente de poser sa main sur mon poignet libre, la main droite tenant mon briquet avec lequel je joue nerveusement. Je me rétracte brusquement au contact et plaque mon bras contre mon ventre dans un mouvement instinctif.
-Alors la voilà la vérité…, souffle-t-il.
Je me lève dans un sursaut que je contrôle mal. Je me sens faible. Terriblement faible.
-Sympa le café gamin, merci pour la parlotte mais j'dois y aller. , dis-je en m'en allant.
-Patron reviens là, j'ai pas fini de parler !
Mathieu se précipite à ma suite et attrape fermement la manche de mon costard pour me retenir dans la cuisine. Je me laisse faire, grimace un peu mais ne dit rien.
-Putain mais qu'est-ce que t'as ? , m'attaque-t-il. Qu'est-ce qu'il se passe en ce moment ?
Je m'adosse contre le mur en croisant les bras pour toiser l'homme qui me fait face.
-Dis-moi Mathieu, honnêtement, qu'est-ce que ça peut te foutre ?
Il se rembrunit et s'assoit sur le bord de la table en silence. Je sais qu'il attend que je parle alors je ne dis justement rien. Je fais déjà l'effort de rester, je ne vais pas en plus parler le premier.
-Ok très bien. , capitule-t-il au bout d'un moment. Patron… Je sais que tu vas pas bien. Tu te forces pour tout, ça se voit. Dans le moindre de tes gestes il y a une tension et un souci de ne pas te faire trop remarquer. Ce qui, entre nous, ne te ressemble franchement pas.
Je lâche un petit « Mmh si tu le dis » en haussant les épaules.
Mathieu me regarde plus franchement puis prend un ton doux.
-Dis-moi ce qu'il y a Patron…
Malgré moi, ma gorge se serre un peu et je me prends à hésiter. Mais ma bouche reste fermée sur tout ce que j'aurais à dire.
-Très bien…, poursuit-il avec un visage plus fermé face à mon mutisme. Tu me laisses pas le choix, c'est con.
Je n'ai pas le temps de me demander de quoi il parle. Dans un élan qui me prend de court, il m'attrape le poignet gauche.
-Tu bois, tu fumes de plus en plus.
Le retourne et relève vivement ma manche de costard.
-Te drogue sûrement. Et…, essaye-t-il de finir alors que sa voix s'étrangle.
Ma chemise obstrue encore le chemin vers ma peau. Mathieu grogne d'un air autoritaire, qui m'aurait sûrement excité au lit :
-Déboutonne-la.
Un étau de panique prend ma poitrine mais je ne me dérobe pas et m'exécute dans des gestes précis et vifs. Mathieu raffermit sa prise. Je fixe un point droit devant moi.
-Et ça…, souffle-t-il.
Il y a un temps de silence où je sens les cellules de Mathieu vibrer avec violence contre les miennes sous le coup de l'émotion.
-Regarde. , m'ordonne-t-il.
Je ne bouge pas.
-Putain Patron, regarde bordel de merde !
Je baisse lentement les yeux sur ma chaire. Rougie, à vif, emprisonnée dans une douleur qui pulse le long des estafilades désordonnées. Les blessures ouvertes s'avoisinent avec les bandes de peau rosâtre et neuve dans un chaos absolu. Certaines cicatrisent, d'autres se sont rouvertes et saignent doucement.
-Et alors ? , dis-je enfin en essayant de me montrer indifférent. En quoi c'est ton problème ?
Ses jointures sur mon poignet deviennent blanches, son regard est furieux mais je ne cille pas.
-Ca te contrarie parce que je suis issu de ton esprit, que mon corps t'appartient et tu ne supportes pas que je l'abîme, hein ?
Sans surprise, la gifle fuse. Je reste droit.
-J'me fiche de ça, vous m'appartenez pas ! J'vais pas t'en vouloir parce que tu te fais du mal même si moi ça me blesse de te voir comme ça… J't'en veux parce que t'as rien dit, t'as accumulé ta souffrance jusqu'à te faire ça !
-Et alors ? Chacun ses problèmes.
Il exerce deux pressions successives sur mon bras en disant :
-Et ça t'en fait un de plus.
-Que veux-tu gamin, j'suis pas toujours aussi fort qu'on ne le pense. , réponds-je d'un ton détaché.
-Ca, je l'sais. Par contre t'es trop fier pour demander de l'aide parce que t'admets pas qu'tu puisses être fragile comme tout l'monde.
-Et comment vous auriez fait pour m'aider ? , raillé-je.
Mathieu soupire et fait glisser sa main dans la mienne.
-On est une famille Patron. Un peu particulière, un peu imparfaite, un peu bruyante, vivante, trop chiante même parfois. Mais une famille quand même.
Je me sens faiblir et préfère me reconcentrer sur ses doigts qui réchauffent les miens.
-On est là pour faire face avec toi, ensemble. Tu le disais tout à l'heure, tu n'es pas forcément fort mais tous ensemble on peut l'être pour toi.
-Oh arrête gamin, tu vas me faire pleurer. , ironisé-je en détournant malgré tout les yeux.
Il me regarde avec un sourire amusé.
-Je sais, désolé. J'avais oublié que j'dois pas faire dans les sentiments avec toi. Mais plus sérieusement Patron, tu dois pas t'empêcher de vivre en te taisant sur ce que tu ressens. Pas quand ça t'empoisonne comme ça, que ça te prend tes forces et toute ta vie.
Il apporte ma main à sa hanche et l'y dépose. Je redirige mon regard vers ses yeux qui me détaillent avec douceur. Mathieu ouvre ses bras et après un long moment où je reste figé d'hésitation, je m'avance pour lui accrocher la taille, enfouir ma tête dans son cou. La chaleur de sa peau masque celle de mes larmes de soulagement.
Je ne m'étais pas autorisé à pleurer depuis longtemps, jouant dangereusement avec la limite que m'imposent mes nerfs, limite que je repoussais ou estompais le plus possible par les excès : alcool, tabac, baise. Drogue.
J'ai usé et abusé de tous ces artifices pour oublier et me maintenir en vie. Des mois et des mois de face à face solitaire avec ma souffrance.
Et quand je sens ce corps chaud et aimant contre le mien, ces mains qui câlinent mon dos et ce souffle réconfortant sur ma peau, je me sens con. La solution était là, à portée de main.
Il me suffisait d'un rien pour la saisir. A part ravaler ma fierté, arrêter de penser que personne ne peut rien pour moi et aller chercher de l'aide. Ca m'emmerde de le dire, mais j'en ai besoin.
Je relève la tête pour voir le Panda, le Geek et le Hippie qui se sont réunis dans le salon. Ils me sourient.
Ouais, j'ai besoin d'eux tous.
Ouais la fin est niaise. :3 C'est fait exprès, histoire de vous mettre dans le bain pour certains OS qui paraîtront par la suite.
Dois-je redire que boire, fumer (ouais ça a beau être légal, les deux sont pas terribles hein, j'vous apprends rien), se droguer et se scarifier c'est mal? Ouais? Bon bah voilà c'est dit.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et on se retrouve bientôt, soit pour la suite de ce recueil, soit pour Désordre des sentiments. :)
