Chapitre 1 : La proposition
Je n'avais jamais apprécié Céleste Granger. Même lorsque nous étions enfants. Nos chamailleries avaient toujours un peu attendri les adultes parce qu'ils n'avaient jamais rien compris. Ce n'était pas une manière de nous démontrer notre affection mutuelle. Nos mauvaises blagues avaient toujours été au contraire, la démonstration de l'animosité que nous avions l'un pour l'autre. Néanmoins, je n'avais jamais réfléchi à la raison qui m'avait toujours poussé à détester Céleste.
Jusqu'à aujourd'hui.
Du haut de mes dix-sept ans, j'avais à présent enfin compris pourquoi. Moi, j'étais l'aîné du grand Harry Potter et de la célèbre poursuiveuse de l'équipe d'Angleterre Ginny Potter. Chaque personne que j'avais rencontrée depuis mon plus jeune âge attendait que je sois à leurs hauteurs. Hauteur que je n'égalerais jamais. J'avais constamment été dans l'ombre de mes parents. Pas assez bon au quidditch, pas assez charismatique, pas assez bon en cours. Pas assez bon tout court. J'en voulais ainsi à Céleste de vivre tout à fait l'inverse. Elle, elle était la fille d'un mage noire. Une pauvre petite orpheline qui parvenait facilement à s'attirer la sympathie des autres et qui ne pouvait que remonter dans l'estime de ceux qu'elle rencontrait, alors que moi, j'étais une déception à chaque fois.
- James, tu as finis avec le jus de citrouille ? S'enquit Steeve.
Je relâchai la carafe pour la passer à mon meilleur ami.
Notre arrivée à Poudlard en première année avait néanmoins quelque peu rééquilibré la balance. Elle qui avait toujours été couvée depuis sa naissance et entourée de personnes aux petits soins, avait enfin été confrontée à des personnes qui ne l'aimaient pas. Il s'agissait pour la plupart d'élèves ayant soufferts de la terrible organisation de son père. Certains étaient allés très loin dans leur méchanceté et même si j'avais quelque fois pris sa défense –davantage par peur que mes parents apprennent que je n'avais rien fait, j'en avais toujours retiré une petite satisfaction. Même si j'avais honte de l'admettre. Cependant, Céleste avait tout de même trouvé quelques parades. Sa faculté à ne pas avoir besoin de baguette pour pratiquer la magie lui permettait d'effrayer les élèves désagréables avec elle. Elle faisait par exemple trembler les tables de temps à autre ou provoquait des sortes de cris étouffés, sans qu'on sache réellement si c'était elle qui en était à l'origine. Certains pensaient que les fantômes de ses parents hantaient les murs de Poudlard et elle se servait de ça pour tenter de les maintenir à distance.
Ainsi, malgré ces petits désagréments, Céleste avait toujours été une fille joyeuse que la plupart des gens aimaient.
Jusqu'à notre entrée en septième année.
Cela faisait un mois que nous étions rentrés de vacances et Céleste avait radicalement changé de comportement. Je m'en étais rapidement aperçu. Si elle avait toujours été joyeuse, souriante et sympathique, elle semblait à présent complètement renfermée sur elle-même. Son visage était continuellement impassible quelque soit la situation. Je n'étais certainement pas le seul à l'avoir remarqué. Mon frère et Rosalia qui ne quittaient jamais Céleste d'une semelle, savaient surement quelque chose. Et pourtant, je n'arrivais pas à me résoudre à leur poser la question.
Je jetai un discret coup d'œil à Steeve qui discutait avec ma soeur. Je l'avais rencontré le premier jour de mon arrivée à Poudlard et nous ne nous étions plus quittés. Il était d'une fidélité incroyable, dans le sens, où je savais pertinemment qu'il craquait pour Céleste, mais que jamais il n'oserait me faire un coup pareil. Car cela aurait en effet été la pire des trahisons. L'intérêt de mon meilleur ami à l'encontre de Céleste avait d'ailleurs tout de suite été une nouvelle raison de la détester.
D'ailleurs, Steeve était actuellement en train de fixer Céleste installée à l'autre bout de la table entre Rosalia et mon frère. Avait-il lui aussi remarqué son changement de comportement ?
- Pourquoi tu la fixes comme ça ? S'enquit-t-il soudain en se retournant vers moi.
- C'est mon frère que je regarde.
Lorsque nous descendîmes en direction des cachots pour notre premier cours de la journée, Steeve et moi fûmes les premiers à nous immobiliser devant l'un des murs du couloir.
« Céleste Malefoy, n'oublions jamais son vrai nom » était écrit en lettres rouges. Cela avait du être fait durant la nuit car la peinture était totalement sèche. Le brouhaha des élèves dans notre dos s'arrêta, nous signalant qu'ils venaient de voir l'inscription à leur tour. Steeve se retourna, surement pour chercher Céleste du regard. Quant à moi c'était un autre visage que je cherchais. Celui de Doug Owen. C'était un élève de notre âge à Serdaigle qui s'en était pris à Céleste dès notre première année à Poudlard. Il observa l'inscription pendant quelques secondes avant de lancer à Céleste à regard particulièrement provocateur. Cependant, celle-ci ne lui prêta pas la moindre attention. Son regard fixait le mur sans laisser transparaitre la moindre émotion. Etait-elle triste ? En colère ? Indifférente ? Je ne savais pas. Comme depuis un mois.
- Je peux savoir pourquoi personne n'avance ?
C'était la voix du professeur Flock qui nous administrait les cours de potion depuis notre première année. Il n'avait pas encore vu l'inscription étant donné qu'il tenait une pile de livre si haute entre ses bras, qu'il ne pouvait pas voir quoi que ce soit devant lui. Je l'observai se faufiler entre les élèves jusqu'à ce qu'il laisse tomber ses livres au sol. Il observa le mur d'un air médusé pendant quelques secondes qui me parurent cependant durer une éternité.
- Le ... le cours est annulé, articula-t-il finalement. Mlle Granger restez avec moi. Vous aussi M. Potter, ajouta-t-il précipitamment en me cherchant du regard.
Les élèves ne bougèrent pas d'un pouce, mis à part Céleste qui avança en direction de la salle de classe que Flock venait d'ouvrir. Je n'avais pas envie de les suivre. Et d'ailleurs pourquoi annuler le cours ? N'était-ce pas montrer trop d'importance à ce qui était inscrit sur le mur ?
- Potter, vous venez ? Insista le professeur Flock en constatant que je ne bougeais pas.
- Pourquoi ?
- Vous êtes de sa famille non ?
- Non.
- Oui enfin c'est tout comme, insista-t-il.
Je croisai brièvement le regard de Céleste, mais elle restait fidèle au comportement qu'elle avait adopté en début d'année. Dénuée de la moindre émotion. Steeve me donna un coup de coude et j'avançai finalement dans leur direction, sous les chuchotements des autres élèves.
Soudain, des hurlements étouffés semblèrent sortir des murs alors qu'eux-mêmes se mirent à trembler. Cela dura à peine cinq secondes, puis tout s'arrêta. Le couloir était redevenu brusquement silencieux et je pouvais lire de la peur sur la plus part des visages. Ce n'était pas possible que je sois le seul à avoir compris depuis toutes ces années que c'était Céleste qui faisait ce genre de chose, n'est-ce pas ?
- Allez rentrez, insista Flock qui semblait quelque peu nerveux.
Une fois dans la salle, Flock se mis à faire les cent pas face à nous, attendant que l'un de nous dise quelque chose. Cependant, nous restâmes parfaitement silencieux.
- J'imagine que vous ne savez pas qui a fait ça ? Finit-il par demander.
Nous nous contentâmes tout deux de secouer la tête.
- Mlle Granger, cela se passe-t-il mal avec certains élèves ?
- Pas spécialement.
- Tu plaisantes j'espère ? Lâchai-je en levant les yeux au ciel.
- Pourquoi tu ne te mêles pas de tes affaires, comme tu sais si bien le faire ? Me souffla Céleste à voix basse.
- M. Potter ? Insista le professeur avec l'espoir que je poursuive.
- Certains élèves ne sont pas toujours très agréables avec elle, mais je ne sais pas de qui il s'agit exactement, mentis-je sous le regard scrutateur de Céleste. J'en ai juste entendu parler.
- Mais enfin M. Potter, vous n'êtes pas sans savoir qu'être un bon observateur est une qualité importante chez un Auror.
- Je ne compte pas devenir Auror.
- Ah bon ? S'exclama Flock surpris.
- Ce n'est pas parce que mon père est Auror que j'ai forcément envie de le devenir, répliquai-je d'une voix particulièrement sèche.
Notre professeur s'appuya contre l'un des bureaux de la salle et m'observa avec attention.
- Ce n'est pas faux. D'ailleurs, vous êtes particulièrement doué en potion M. Potter, peut-être qu'exercer un métier dans ce domaine pourrait vous plaire ? Je comptais vous en parler durant notre cours... en septième année je crée un cours supplémentaire pour les élèves les plus doués. Ce serait bien que vous fassiez partie de cette classe. Nous étudions de possibles nouvelles potions.
- Comme quoi ? M'enquis-je piqué par la curiosité.
- Eh bien par exemple, un remède contre la morsure de loup-garou, ou encore contre le sort oubliette. C'était le projet de mes élèves de l'année dernière. Toutes les nouvelles idées sont d'ailleurs bonnes à entendre si vous en avez. Vous aussi Mlle Granger, ajouta-t-il en se tournant vers Céleste. Je sais que vous êtes excellente dans tous les cours, mais peut-être que vous avez un attrait plus particulier pour les potions ?
Céleste se contenta d'hausser les épaules. Cela ne m'étonna pas. Elle avait beau être excellente dans tous les domaines confondus, elle n'avait jamais montré davantage d'intérêt pour un cours ou un autre.
Nous passâmes une bonne demi-heure à parler de ce cours avancé de potion, puis le professeur Flock nous demanda de nous rendre en étude. J'imagine qu'il allait de son côté aller voir la directrice pour parler de l'inscription sur le mur.
Céleste et moi marchions l'un à côté de l'autre dans un silence complet. Ne pas parler ne semblait pas la gêner, mais moi, c'était quelque chose qui mettait particulièrement mal à l'aise.
- Tu n'as vraiment aucune idée de qui a pu mettre cette inscription sur le mur ?
- Non.
- Je ne t'ai pas demandé de me dire son nom, précisai-je. Je veux juste savoir si tu sais qui c'est.
- Alors oui.
Si elle s'imaginait que j'allais la harceler de questions sur l'identité de l'élève, elle se mettait le doigt dans l'œil. Je n'étais pas comme Albus ou Rosalia.
- Pourquoi tu te laisses faire si tu sais qui de qui il s'agit ?
Elle ne répondit pas.
- Peut-être que le statut de victime te plait, poursuivis-je.
Elle ne répondit toujours pas et l'envie de la secouer fut tellement forte que je serrais mes poings à m'en faire mal. Elle m'insupportait. Elle avait bien plus les moyens de se défendre que n'importe quel élève ici, alors pourquoi ne le faisait-elle pas ?! Pourquoi avait-elle radicalement changé de comportement cette année ? Etait-ce pour attirer l'attention ? Parce que mon attention, il était hors de question qu'elle l'ait.
Lorsque je relevai les yeux de ma première grosse dissertation de l'année, je constatai que la salle commune des gryffondor était pratiquement vide. Quelques élèves de cinquième année terminaient une partie de jeux de carte près de la cheminé, une élève de quatrième année s'était endormie sur un fauteuil, un livre entre les mains et Albus avait le nez collé à la fenêtre, comme si quelque chose d'incroyable se déroulait à l'extérieur. Le raclement de ma chaise le fit sursauter et il sembla reprendre ses esprits.
- Tu n'es pas couché ? Lui lançai-je dans le but d'entamer la conversation.
- Je vais y aller.
- Attends, dis-je en rassemblant rapidement mes affaires pour les fourrer dans mon sac à dos.
Albus était rarement seul. Habituellement il était toujours entouré de Rosalia et Céleste, c'était donc une occasion à ne pas louper.
- Qu'est-ce que tu regardais à travers la fenêtre ? Lui demandai-je en le rejoignant.
- Rien de spécial, je réfléchissais.
- A Céleste ?
Albus arqua un sourcil étonné. Ce n'était pas tant que le sort de Céleste m'inquiétait, c'était plutôt de la curiosité.
- Pourquoi tu me dis ça ? Me demanda-t-il.
- Tu as remarqué n'est-ce pas ?
- Remarqué quoi ?
- Son comportement, insistai-je. Elle est étrange depuis la rentrée.
- Oh oui, peut-être.
- Tu es son meilleur ami. Dis-moi que tu ne veux pas m'en parler, mais ne me réponds pas « peut-être ».
- L'idée de quitter Poudlard la rend triste.
Cette fois, ce fut à moi d'hausser les sourcils d'étonnement. Quitter Poudlard était l'une des choses les plus motivantes de l'année !
- Elle est peut-être également stressée par ses examens de fin d'année, ajouta-t-il.
- C'est la meilleure élève de l'école, commentai-je d'un air blasé.
- Je ne sais pas quoi te répondre d'autre. Elle ne me dit rien ! Je ne sais rien ! Elle n'est même pas rentrée se coucher !
Albus semblait très nerveux. Etait-il possible que même lui ne sache pas réellement ce qui arrivait à sa meilleure amie ? Dans tous les cas, il se passait réellement quelque chose et j'étais certain que c'était pour aucune des raisons auxquelles pensait mon frère.
Lorsque la salle commune fut entièrement vide, je montai jusqu'à ma chambre récupérer l'héritage que m'avait confié mon père en début d'année, puis je redescendis m'installer sur l'un des canapés. J'ouvris la carte des maraudeurs, levai le sortilège qui protégeait son contenu et constatai qu'en effet, Céleste n'était pas dans sa chambre. Il était pourtant une heure-trente du matin et nous étions en pleine semaine. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire dans le château en plein milieu de la nuit ? Pendant un instant, je sentis mon estomac se contracter et je jetai aussitôt un œil au dortoir des garçons. Steeve était bien en train de dormir. Au moins, il n'y avait pas de trahison dans l'air. Je parcourus l'immense carte pendant près d'une demi-heure et alors que j'allais abandonner de fatigue, le nom de Céleste Granger apparu enfin sur la carte. Elle était dans l'une des tours condamnées du château.
Et elle n'était pas seule.
J'avalais difficilement ma salive tout en sentant mes mains devenir moites et mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine. Elle était en présence, d'après la carte, de Drago Malefoy et Hermione Granger. Quand mon père m'avait donné cette carte quelques jours avant la rentrée, il m'avait bien précisé qu'elle ne se trompait jamais. Il m'avait même parlé de la fois où il y a avait vu Peter Pettigrow. Pourtant, les parents de Céleste étaient morts depuis dix-huit et même si cela n'avait pas été réellement le cas, je les imaginai mal se cacher durant toutes ces années dans le château. Et dans quel but ?! La solution qui restait était que...certains élèves aient eu raison depuis le début. Là, en effet ils n'auraient pas eu d'autres choix que de rester coincés ici. Mais tout de même... Comment était-ce possible que personne ne les ai jamais vus ? Croisés ? En fait non, il y avait bien quelqu'un qui les avais vus. Céleste. Avait-elle pris connaissance de leur présence à notre entrée en septième année ? Etait-ce pour ça qu'elle était étrange ? Je refermai brusquement la carte et me levai du canapé. Me poser des questions auxquelles je n'avais pas de réponse était une perte de temps. J'avais le deuxième cadeau de mon père, la cape d'invisibilité. Et j'allais l'utiliser dès ce soir.
Même si j'étais invisible, j'avais l'impression que n'importe qui aurait pu entendre mon cœur battre violement dans ma poitrine. Cela devint encore pire lorsque je montai les dernières marches menant à la tour où j'avais vu Céleste pour la dernière fois. J'avais tellement peur qu'on m'entende que je n'osais même pas ressortir la carte pour vérifier qu'ils étaient toujours là.
Je m'immobilisai soudain. Je n'avais pas besoin de ressortir la carte, j'entendais la voix de Céleste. Je décidai de ne pas m'approcher davantage et me contentai d'écouter ce qu'il se passait.
- Tu dois absolument en parler à la directrice, insista une voix féminine.
Ce n'était pas celle de Céleste. Il s'agissait donc forcément de celle d'Hermione Granger. Par Merlin, Hermione Granger, la mère de Céleste. C'était tout bonnement ahurissant.
- On pourrait régler ça à ma façon.
C'était une voix d'homme cette fois. Appartenant sans nul doute au dangereux mage noir, Drago Malefoy. Sa voix suffit à me donner l'impression que mon sang gelait à l'intérieur de mes veines. Drago Malefoy était à seulement quelques marches de moi. L'homme qui avait créé le Triangle du sang et orchestré tous ces meurtres était à Poudlard.
- Je n'ai pas besoin d'en parler à McGonnagal! S'exclama Céleste. Et vous n'aviez pas à intervenir, j'en ai marre !
- Mais nous ne sommes pas intervenus, répliqua la mère de Céleste. J'ai justement empêché que ton père se rue sur l'élève en question. Chose qui n'aurait d'ailleurs servi à rien.
- Mais on vous a entendu ! S'écria Céleste. Tout le monde a entendu des cris étouffés provenant des murs qui tremblaient !
Par Merlin, ça n'avait jamais été Céleste à l'origine de toutes ces choses. Depuis le début c'était ses parents. Je posai finalement le pied sur la dernière marche des escaliers et j'aperçu enfin Hermione Granger et Drago Malefoy.
La mère de Céleste était belle, malgré son apparence négligée. Les pans de sa robe étaient déchirés, ses cheveux décoiffés et il semblait même y avoir de la poussière sur tous ses vêtements. Elle était morte en plein bataille et cela se voyait. Le père de Céleste était quant à lui tout bonnement effrayant car en plus de ses vêtements déchirés, il semblait également à moitié recouvert de sang. Mes parents ne m'avaient jamais explicitement raconté de quelle manière ils étaient morts, mais Drago Malefoy avait du perdre la vie dans d'atroces souffrances.
Je voulus bouger, me déplacer, mais j'étais comme paralysée face à ce spectacle.
- Je vais avoir une discussion très sérieuse avec ton père au sujet de sa maitrise de la colère et je te promets que cela ne se reproduira plus, fit Hermione Granger.
- Bah voyons, comme si cela allait changer quelque chose ! C'est comme ça depuis ma première année ici !
Céleste était donc au courant de la présence de ses parents depuis le début. Elle fit soudain volte face et j'eus tout juste le temps de m'écarter de son chemin. Elle descendit les escaliers d'un pas décidé et je me retrouvai seul, face aux deux fantômes.
La mère de Céleste laissa échapper un profond soupire de désespoir, tandis que son père semblait étrangement anéanti. Il était Drago Malefoy, un mage noir dangereux et pourtant, à cet instant, il semblait profondément humain.
- Nous devrions nous même aller voir McGonnagal, suggéra la mère de Céleste.
- J'espère que tu plaisantes ?
- Ce n'est pas la première fois que cet élève agit contre elle et on n'a aucune idée de jusqu'où ça pourrait aller ! Imagine qu'un jour il s'en prenne physiquement à elle, qu'il la fasse vraiment souffrir ? Elle refuse d'en parler à ses professeurs ou à ses amis, ou encore de se défendre, nous sommes dans une impasse là...
- Nous pourrions offrir à ce Doug Owen la peur sa vie. Et là, je t'assure qu'il arrêterait.
Hermione Granger roula des yeux.
- A quoi tu penses exactement ? Demanda-t-elle tout de même.
- Grâce aux merveilleux cours d'histoire de la magie, qui prennent soin de me décrire sous mon plus mauvais jour, je suis pour tous les élèves quelqu'un de dangereux.
- Que tu sois sous ton meilleur jour ou pas, ne changera rien au fait que c'est exactement ce que tu étais Drago. Un sorcier dangereux.
- Là n'est pas la question, répliqua-t-il en balayant la phrase de sa femme d'un signe de la main. Imagine que j'apparaisse face à Doug Owen, imagine que je lui fasse la peur de sa vie, que je le menace. Ca règlerait certainement tout !
- Ce serait surtout une belle manière de nous dénoncer et nous perdrions peut-être notre dernière année avec notre fille.
- Tu préfères donc la laisser souffrir pour garantir notre présence à Poudlard ?
La mère de Céleste se prit le visage entre les mains et éclata en sanglot. Drago Malefoy la serra aussitôt dans ses bras, la berçant doucement.
J'étais très mal à l'aise. Mal à l'aise d'écouter une discussion que je n'avais pas à entendre. Pourtant, j'étais incapable de me raisonner et de revenir sur mes pas. J'étais face à « T » et sa femme.
- Il faut qu'on essaye de convaincre Céleste d'en parler à ses amis, sanglota Hermione Granger.
- D'accord et si ça ne marche pas, on leur fera parvenir un parchemin anonyme pour leur expliquer ce qu'il se passe. D'accord ?
Hermione Granger releva les yeux vers son mari et acquiesça d'un faible signe de tête.
- Harry a également vécu l'enfer à Poudlard certaines fois, notamment lorsque personne ne le croyait concernant le retour de Voldemort, souligna-t-il. Et regarde où il en est aujourd'hui. Il va très bien !
Hermione Granger, acquiesça de nouveau en se détachant de son mari. Elle lui attrapa ensuite la main et ils filèrent à travers le mur, disparaissant de mon champ de vision.
Je savais que Steeve était en train de me parler. De quidditch plus exactement. Mais j'étais incapable de vraiment me concentrer dessus. Cela faisait d'ailleurs surement plusieurs minutes que je tenais la même tartine intacte dans la main. Je n'avais pratiquement pas dormi de la nuit, ne parvenant pas à effacer les images des parents de Céleste de ma tête. Et je n'y arrivais toujours pas d'ailleurs. Ils étaient à Poudlard depuis dix-huit ans. Mon regard bifurqua en direction de Doug Owen, installé à la table des Serdaigle. Etait-il aussi abominable que ça avec Céleste ? Que faisait-il exactement ? Pourquoi personne ne s'en rendait compte ? Comment s'y prenait-il ? Mais la question la plus importante en fin de compte, me concernait directement. A quel point détestai-je Céleste ? Au point de savoir ce qu'elle vivait et ne rien faire ? Pourtant, la simple idée de lui venir en aide me donnait envie de me gifler. Mon regard se détacha de l'élève de Serdaigle pour aller se poser sur la concernée. Elle tenait elle aussi une tartine à la main, perdue dans ses pensés. J'étais certain que sa tartine n'atteindrait jamais sa bouche. Tout comme la mienne que je relâchai mollement dans mon assiette.
- Eh oh, tu m'écoutes ? Et qu'est-ce que tu as à encore fixer Céleste comme ça ? S'agaça Steeve.
- Tout comme hier je ne fixe pas Céleste, mais mon frère. Il est resté éveillé super tard dans la salle commune hier soir à regarder par la fenêtre. Il est bizarre depuis une semaine.
Ce n'était pas complètement un mensonge.
- Ah bon ? Tu penses qu'il a un problème ?
- Je ne sais pas...
- Peut-être qu'il s'est disputé avec Céleste.
- Pourquoi tu penses ça ? Demandai-je aussitôt.
- Je ne sais pas, ils ne se sont pas parlés de tout le petit-déjeuner.
C'était tout bonnement incroyable. Céleste était sensée plaire à Steeve, il remarquait qu'elle et mon frère ne s'étaient pas parlés du repas, mais pas qu'elle semblait mal depuis la rentrée. Il ne voyait vraiment que ce qu'il voulait, c'est-à-dire, voir si mon frère pourrait un jour risquer de lui faire de la concurrence. Quel bel amoureux il faisait !
Durant toute la semaine, je surveillai Doug Owen du coin de l'œil, mais rien ne me sembla étrange. Certes, il ne montrait aucun signe de gentillesse à l'égard de Céleste, mais il n'était pas méchant pour autant. Je ne pouvais cependant pas douter de son implication concernant l'inscription sur le mur. Si les parents de Céleste savaient que c'était lui, c'est que c'était lui. Après tout, ils étaient des fantômes qui pouvaient tout observer. Si je ne pouvais pas poser la moindre question à Céleste, la solution était peut-être ses parents. Peut-être qu'eux pouvaient m'apporter des réponses. Sans s'en rendre compte évidemment.
Le soir même, je passai de nouveau ma cape d'invisibilité et ouvris la carte du maraudeur pour localiser les deux fantômes. Ils étaient dans les cuisines de Poudlard. Par chance, George m'avait un jour confié la manière d'y accéder. Ainsi, à peine dix minutes plus tard, j'entrais dans la grande cuisine. Elle était immense et totalement vide. A l'exception de deux fantômes. Si la première fois que j'avais été en leur présence j'avais eu peur qu'ils m'entendent, cette fois j'avais pris mes précautions. Je m'étais lancé un sort d'insonorisation.
- Je te jure que je ne comprends pas... marmonna Hermione Granger en laissant tomber un parchemin sur le plan de travail à côté d'elle.
Son mari ne répondit pas. Il se contenta de flotter quelques centimètres au dessus du sol, le regard perdu dans le vide.
- Et d'ailleurs, il faut tout de suite aller remettre cette lettre à sa place. Si Céleste constate sa disparition, elle saura tout de suite que c'est nous.
Drago Malefoy ne répondit toujours pas. Quel pouvait bien être le contenu de cette lettre ? Il fallait que je la lise. Pourtant, le document était bien trop près des deux fantômes. J'avais beau avoir la cape d'invisibilité, le risque me semblait trop grand. Je savais que les fantômes ne pouvaient pas vraiment faire de mal aux vivants, mais j'étais quand même dans la même pièce que « T », le dernier mage noir. Je vis le concerné s'éloigner à l'autre bout de la pièce, toujours en silence.
J'avançai alors d'un pas, tout en guettant une potentielle réaction des fantômes. Il n'y en eu aucune. Après tout, ils ne pouvaient ni me voir, ni m'entendre. J'avançai alors à pas mesuré jusqu'à me retrouver juste à côté d'Hermione Granger. Etre aussi proche d'elle était particulièrement déstabilisant. Mes parents m'avaient souvent parlé d'elle, alors comment une sorcière comme elle, avait-elle pu se laisser berner par un mage noir ? Pire, comment pouvait-elle encore se tenir à ses côtés alors qu'elle était morte à cause de lui ? Comment avait-elle pu lui pardonner toutes les horreurs qu'il avait commises ? J'avançai ma main jusqu'à la lettre et au moment où je posai un doigt dessus, je sursautai. Drago Malefoy s'était subitement retourné vers nous. Sous le coup de la surprise, j'avais fait bouger la lettre. D'à peine un centimètre, mais elle avait bougé ! Je retins ma respiration, le cœur battant la chamade.
- Tu penses qu'elle va sortir avec lui ? Demanda soudain l'ancien mage noir.
Par chance, ils n'avaient rien vu du discret mouvement de la lettre.
- Avec qui ? Demanda Hermione Granger.
Oui, avec qui ? De qui parlait-il ?
Comme seule réponse, il se contenta de faire un signe de tête en direction du parchemin. Je posai alors enfin les yeux dessus pour lire le contenu de cette fameuse lettre. Elle provenait de Doug Owen. Si voir une lettre à l'attention de Céleste portant la signature du Serdaigle était déjà déstabilisant, ce qu'il lui disait était encore pire. Il lui demandait noir sur blanc si elle voulait bien sortir avec lui. Le plus déconcertant était sa manière de formuler sa demande. Il n'y avait pas la moindre once de sentiment. C'était comme si le capitaine de l'équipe de Serpentard, écrivait une lettre au capitaine de l'équipe de Gryffondor pour lui demander d'échanger leurs heures d'entrainement.
- Je ne comprends pas bien Drago. Pourquoi voudrais-tu que Céleste accepte de sortir avec cet abruti qui lui fait des sales coups depuis sa première année ?
- Non, elle ne sortirait jamais avec lui, admit-il finalement en secouant la tête. Elle est bien trop intelligente pour ça.
Hermione Granger attrapa soudain la lettre dans sa main, me faisait de nouveau sursauter.
- Et puis qu'est-ce qu'il manigance ? Insista-t-elle en levant la lettre face à son mari. Ne me dis pas que tu ne trouves pas ça louche ! Il a toujours haï notre fille !
- Oh détrompe-toi, se contenta-t-il de répondre avec un sourire amusé.
Hermione Granger leva exagérément les yeux au ciel.
- J'aurais rêvé sortir avec toi à Poudlard, même si je te haïssais, poursuivit-il en se rapprochant dangereusement de nous.
Je reculai de quelques pas, juste au cas où.
- Tu avais tout ce que je désirais Hermione. Du coup, je te haïssais autant que j'avais envie de te faire mienne. Tu étais l'élève la plus douée de notre génération alors que tu étais issue de parents moldus. A cette époque, cela remettait en question tout ce qu'on m'avait dit sur les sorciers comme toi. Tu étais amie avec Harry Potter, qui avait refusé ma poignée de main. Tu te battais comme une lionne pour la justice. Tout le monde t'appréciait, alors que moi, je n'avais des amis que parce que mon père était quelqu'un d'important. Tu étais mon total opposé et pourtant, te faire mienne était mon plus grand rêve. T'avoir sous ma coupe... Non, avoir ton amour aurait été mon idéal. Cela aurait été ma plus grande victoire. Cela aurait rétablit l'équilibre.
Hermione Granger le fixait d'un air complètement abasourdis.
- Je pense que Doug Owen ressent exactement la même chose que moi à l'époque.
- Mais qu'est-ce que Céleste pourrait avoir de plus que lui ? Des parents ? Des gens qui l'accueillent à bras ouvert dès leur première rencontre ? Ironisa Hermione Granger.
- Elle est si puissante qu'elle n'a pas besoin de baguette magique, elle est célèbre, elle est merveilleusement belle, son parrain est Harry Potter et elle est la fille d'un couple emblématique.
- Oh bien sûr ! Quelle chance elle a d'être la fille d'un couple comme le notre ! Cela lui ouvre tellement de portes !
- Tout le monde ne voit pas ça d'un œil complètement négatif. Doug Owen n'est personne à coté d'elle et ça, il ne le supporte certainement pas.
Ce que disait Drago Malefoy était complètement plausible. Mais du coup, étais-je si différent d'Owen ? Nous ne détestions pas Céleste pour les mêmes raisons, mais nous la détestions tout de même pour l'image qu'elle renvoyait. Je la détestais parce qu'elle avait la chance d'avoir un père si mauvais qu'elle ne pouvait que faire mieux. Owen la détestait parce qu'il était totalement transparent à côté d'une sorcière comme elle. Etrangement, je ressentis de la compassion à l'égard de cet élève. Compassion qui s'envola presque aussitôt cependant. Contrairement à lui, je n'avais jamais tenté de m'en prendre réellement à Céleste. Certes, je lui avais souvent fait de mauvaises blagues, je l'avais dénoncée lorsqu'elle faisait des bêtises, mais ce n'était pas comme ce que lui infligeait Owen. Ecrire cette phrase sur le mur était la pire des méchancetés.
Je vis Hermione Granger consulter l'heure de la pendule de la pièce et resserrer la lettre dans sa main translucide.
- Il faut remettre la lettre à sa place, déclara-t-elle.
- Je peux y aller si tu veux, proposa Drago Malefoy.
- Certainement pas. Tu serais capable de l'afficher dans la salle commune des Serdaigle au lieu de la remettre à sa place.
- J'avais pensé à la mettre dans la grande salle pour le petit déjeuner, mais ton idée est encore mieux ! S'exclama-t-il émerveillé.
Hermione Granger voulu lui adresser un regard sévère, mais un petit rire s'échappa de sa gorge malgré elle. Elle avait le même rire que Céleste.
- A tout à l'heure, murmura-t-elle avant de filer à travers l'un des murs.
J'avais pensé que la lettre ne parviendrait pas à travers le mur, mais en fait si. C'était un élément très intéressant. Bien que seul à présent, Drago Malefoy ne semblait pas prêt à quitter la cuisine. Il fit un lent tour de l'une des table en flottant puis s'arrêta près du plan de travail où avait été posé la lettre, donc non loin de moi.
- Maintenant qu'on est entre hommes, pourrais-tu retirer ta cape Potter ?
La voix à la fois calme et dangereuse du mage noir me glaça le sang. Comment pouvait-il savoir ?
- Contrairement à Hermione, j'ai passé presque toute ma vie à me méfier de cette satanée cape. Donc même si elle avait vu la lettre bouger tout à l'heure jamais il ne lui serait venu à l'esprit que quelqu'un avait pu le faire. Après tout, tu ne t'en es jamais servi contre elle. Mais moi, je me suis toujours méfié du moindre mouvement suspect.
J'étais tétanisé, tout bonnement tétanisé. Il me prenait pour mon père.
- Tu préfères rester caché sous ta foutu cape ? Eh bien...je... A moins que...
Il s'arrêta pendant quelques secondes, fixant le vide et d'un coup, ses yeux s'écarquillèrent de surprise.
- Ah moins que je n'ai à faire à James Potter ? C'est vrai que ton père aurait lui, eu le courage d'enlever sa cape, mais ce n'est pas ce que tu veux entendre n'est-ce pas ? Je sais ce que c'est de vivre dans l'ombre de son père et de toujours être comparé à lui, crois moi.
Je ne bougeai toujours pas d'un pouce.
- J'ai toujours pensé que tu détestais Céleste à voir la manière dont tu comportais avec elle, comparé à ton frère et ta sœur. En fait, je pense que tu as envie de la détester, mais si tu es là, ce que tu n'y arrives pas totalement.
Le mage noir fit mine de s'asseoir sur une chaise imaginaire et observa le plafond d'un air pensif.
- Hermione pense que Céleste est anéantie par les actions de cet Owen, qu'elle est malheureuse. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ma fille a quelque peu changé de comportement cette année. Hermione la trouve renfermée et froide, voir triste. Je ne suis pas d'accord avec elle, même si aller dans son sens est la meilleure chose à faire pour l'instant. Moi je pense que Céleste a une idée dernière la tête. Elle n'est pas juste renfermée et froide, elle est concentrée sur quelque chose. Tu as bien suivi des cours d'histoire de la magie de ce premier mois où on parle du retour de Voldemort ? On mentionne le fait que c'est moi qui suis parvenu à faire entrer les mangemorts dans l'école. Et bien sache que j'avais à peu près le même comportement que Céleste. J'étais si concentrée sur ma mission que rien d'autre n'avait d'importance. J'étais devenu froid et distant, même avec mes meilleurs amis. La question maintenant est de savoir si tu as envie de découvrir ce que manigance ma fille.
Drago Malefoy se releva de sa chaise imaginaire au moment même où je retirais la cape de mes épaules. Il plongea presque aussitôt ses yeux aciers dans les miens. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'avais enlevé ma cape, mais maintenant je ne pouvais plus reculer. Je n'avais pas spécialement envie d'aider Céleste, pas spécialement envie de m'impliquer dans toute cette histoire, alors pourquoi l'avais-je enlevée ? Drago Malefoy continua de me fixer pendant quelques secondes dans un silence complet. Il semblait me détailler de la tête aux pieds. Ses yeux descendirent jusqu'à ma baguette magique et j'eus le reflexe de la serrer davantage dans ma main, même si je savais qu'il ne pouvait aucunement s'en servir.
- On va faire une bonne équipe James Potter, lâcha-il finalement, un sourire particulièrement déstabilisant accroché aux lèvres.
