Prologue
Un mouvement à ma gauche me réveilla soudainement de ma tranquille torpeur. Les yeux encore embués de sommeil, j'aperçus une masse de cheveux blonds s'éclipser en même temps qu'un froid soudain prenait possession de mon flanc droit. Un gémissement incontrôlé ne put s'empêcher de passer mes lèvres à la vue presque habituelle de mon amant qui s'esquivait une fois encore avant que les rayons de soleil du matin n'aient pu se montrer à ma fenêtre. Dino se retourna à mon son et je me retrouvais soudainement face à son petit sourire qui se voulait désolé mais ne me donnais que plus envie de lui demander de se glisser dans notre lit avec un air plaintif. Chose que je ne me laisserai cependant jamais laisser aller à faire et c'est un regard furibond que rencontra le bronco dans sa fuite discrète. Le sourire se transforma aussitôt en grimace et c'est avec un ton plaintif qu'il m'adressa ses excuses.
« Désolé Kyouya, j'ai un rendez-vous dans l'après-midi, je dois retourner de suite en Italie. »
Un 'tch' fut ma seule réponse à son excuse revisitée tandis que j'ignorais la douleur sourde qui montait dans ma poitrine face à l'écrasement d'un énième espoir parce que peut-être, aujourd'hui, j'aurais pu me réveiller dans ses bras. J'aurais pu peut-être avoir enfin mon instant de bonheur. Je détournais le regard de mon amant brutalement, refusant de montrer ne serait-ce qu'un peu la douleur que son départ m'infligeait à chacune de ses brèves venues. Je ne pouvais me résoudre à lui montrer à quel point j'étais devenu dépendant de sa présence. Mon bonheur ne devait pas reposer sur un autre, j'en avais déjà fait l'expérience et je ne pouvais me permettre de céder à la douceur et au rire enfantin de Dino car je savais qu'un jour il ne partirait plus de ma chambre en pleine nuit car il ne viendrait tout simplement plus chez moi la veille. Et ce fait me tuerait un jour si je baissais trop ma garde. Car Dino représentait plus qu'il n'avait jamais représenté et pourtant sa trahison m'avait déchiré.
Mais, pourtant, au fond de moi, je savais que déjà j'étais trop profondément attaché pour laisser partir mon bronco et que mon détachement n'était qu'une façade qui bientôt s'écroulerait car malgré tous les efforts que je tentais de déployer, je ne pouvais nier l'attraction que je ressentais pour l'homme ingénu en face de moi.
Soudainement, la main de mon amant fit face en face de mes yeux et, prenant délicatement mon menton leva mon visage à l'échelle du sien. Le dévisageant réellement pour la première fois depuis mon réveil, je notais soudainement, l'air peiné et inquiet sur son visage et le manque de flamme dans ses yeux. Sans un mot, je sentis distinctement l'excuse sincère dans son attitude et, malgré l'ombre toujours présente de mes craintes, je lui montrais le visage imperturbable qui, je le savais, le rassurerait instantanément et j'eus rapidement droit à son sourire flamboyant même si j'étais toujours capable de voir de l'inquiétude dans ses pupilles. Avec un soupir d'exaspération, je constatais que sans que j'en comprenne la logique ni la mesure, Dino était capable de me comprendre de mieux en mieux à un point que je commençais à ne plus pouvoir lui cacher mes vrais sentiments alors même que je ne faillais d'habitude jamais dans cette épreuve cache et de masque où le meilleur était celui qui ne se révélait jamais vraiment, utilisant une façade plus dure à briser que le marbre. Usant de ma dernière carte, je revêtais mon masque d'irritation et m'adressais à lui d'une voix acerbe.
« Donc, qu'est-ce que tu fais encore là, herbivore ? »
Ce à quoi Dino répondit avec son rire franc et un sourire désarmant avant de déposer un baiser sur mon front en soufflant un « Ti amo » auquel je répondais avec mon habituel glare. Quelques secondes plus tard, il était parti, ne laissant derrière lui qu'une feinte odeur et l'écho d'un rire enfantin. Me laissant seul, dans un lit trop grand pour moi et avec des souvenirs trop brûlants. Sans un bruit, je me recroquevillais à nouveau sur moi, tentant de contenir les ombres à distance. Ainsi que ma honte… Que dirait-on si l'on voyait aujourd'hui le célèbre Kyoya craint de tous, plus fort gardien des vongola, réduit à une petite forme tremblante dans un lit à cause de souvenirs et de l'absence de son amant ? Ridicule, je me faisais moi-même honte. Mais je ne pouvais empêcher ces furieux tremblements qui me prenaient dès que les souvenirs remontaient trop près à la surface. Secousses qui elles-mêmes me rappelaient de douloureux souvenirs, des souvenirs que je voulais à tout prix oublier. Finalement, après de longues heures agitées où le corps chaud de Dino n'était plus là pour me rassurer, je finis par tomber dans un sommeil comateux où je savais que je retrouverai inévitablement mes pires craintes…
