Bonjour!

Ce jour, un OS que je veux dédicacer à Omya. Désolée, je n'ai pas pu attendre tes directives, l'inspiration est venue comme ça... et j'ai pensé à toi.

Puis elle est la gagnante du concours pour le fil rouge de "L'écueil des souvenirs"... le temps qui passe et le temps qu'il fait. Merci d'avoir joué le jeu.

J'espère aussi qu'il fera patienter Sanji-Mayu, je sèche un peu sur ta commande. Mais je vais trouver!


CIGARETTE ET MÉLANCOLIE

Ce soir, ça riait, ça braillait dans la cuisine. L'alcool avait coulé à flots, le rhum avait échauffé les cœurs et engourdi les esprits.

Le maître-Coq était sorti sur le pont respirer l'air frais de la nuit. Des étoiles, un croissant de lune, le pauvre halo venant du hublot de son quartier général. Et il tanguait, ses pas roulaient mais rien à voir avec le tangage du bateau ou le roulis. Une légère ivresse, un verre de plus, un godet et il sombrerait dans une douce léthargie.

Il faisait frais, frissons réveillant la peau, la couvrant de petits monts.

Il porta la cigarette à ses lèvres, l'alluma derrière le paravent de sa main puis insuffla profondément. Il ferma les yeux, goûtant, savourant ce tabac blond avec un léger soupçon d'orange. Son tabac préféré. Celui qui lui faisait tout oublier, tout apprécier, qui le calmait, le rassérénait.

Tenir la tige fumante entre ses doigts fins, en caresser du pouce le filtre soyeux, la faire danser devant sa vue rendue floue par l'alcool.

Une nouvelle bouffée mais le plaisir de la première était passé, l'attente avait été comblée, le manque avait été pallié. Une autre en tirant plus fort. Et une autre encore, plus vite, avalée, retenue dans ses poumons.

S'en asphyxier.

S'en délecter.

S'en combler.

S'en remplir le corps, tout du long, de sa bouche à sa poitrine puis la nicotine dans son sang, la laisser courir le long de ses veines, de ses artères. Partout.

Trouver dans cette drogue l'oubli. Le bien-être?

Les volutes de fumée sont bleutées, aspirées par le vent. Elles dansent, courent, s'envolent, se fondent dans la nuit dans un tourbillon.

Et le bout rougeoyant décrit des arabesques, il monte, descend, s'éclaire, s'illumine, une incandescence attisée par des lèvres fines puis les braises s'assombrissent, menacent de s'éteindre mais non, elles sont rallumées par un souffle, une brise de vent. Elles renaissent, toujours. Mais pour combien de temps? Car elles consument le papier blanc, le tabac blond.

Puis tout à coup, tout est fini, la clope a brûlé, juste un goût amer, le filtre en train de fondre. C'est dégueulasse!

Pichenette sur le mégot qui s'en va rejoindre les flots.

Le cuisinier appuie ses coudes sur le bastingage et pose son front contre ses mains jointes. Il écoute les vagues qui se brisent sur la coque, le vent qui fait claquer les voiles, le bois qui grince, ses amis qui rigolent et hurlent et crient et rient, encore.

La fête est légère alors pourquoi son cœur est si lourd?

Pourquoi?

Pourquoi pas? Il n'est ni de bois ni de fer.

Il n'est qu'un homme.

Il n'a que dix-neuf ans.

Déjà dix-neuf ans.

Il est un homme.

Un pirate, un flibustier, un forban.

Il aime les cigarettes, l'alcool et les femmes.

Et se battre, se bagarrer, taper, frapper.

Des jambes de fer, entraînées tout au long des années, si dures, si fortes quand il vient à les enflammer.

Sanji la Jambe Noire!

Noire comme la nuit, les ténèbres, la mort.

Enflammée par les enfers eux-même.

Sanji le cuisinier cinq étoiles.

Sanji dont les mains sont plus précieuses que sa vie.

Si précieuses pour réaliser ses rêves.

Si précieuses qu'il n'a pas risqué de les abîmer.

Si précieuses qu'il aurait suffit que l'une d'elle arrête la lame. La lame qui avait répercuté un rayon de soleil. La lame qui s'était précipité sur un dos. La lame qui avait entaillé la chair, fait couler le sang. La lame argentée, souillée d'écarlate quand elle s'était retirée dans un bruit immonde. Un bruit de boue et de marécage. Un bruit inaudible alors qu'il lui semblait qu'il lui avait déchiré les tympans. Le cœur, les tripes.

Zoro s'était écroulé mais avant ça, il avait pourfendu son agresseur.

Son visage grimaçant, son bras plié en arrière, la blessure hors d'atteinte.

Même à ce moment, il avait hésité à mettre sa paume sur la plaie. Ce sang, cette chair ouverte, la peur de faire mal, encore plus. Pourtant la vie du Marimo était en jeu, pourtant...

La vérité? Il avait paniqué. Pourquoi? Comment? Parce que c'était lui.

Tout simplement.

Justement.

Merde!

Chopper avait dit que c'était sans gravité, le sabreur juste une égratignure. Comme d'habitude en somme. D'ailleurs il faisait la fête avec les autres en ce moment, vidant les tonneaux de rhum, trinquant, rigolant.

Il ne lui avait fait aucun reproche.

Aucun, bordel! Il aurait dû, il l'aurait fait avant! Avant eux. Avant qu'ils ne deviennent amants.

Sanji chercha dans sa poche, en retira son paquet et un briquet.

Une clope. Une flamme. Une inspiration profonde.

Une tige entre ses doigts tremblants de froid, de honte, de chagrin.

Un bout rougeoyant, enflammé. Brûlant.

Qu'il presse sur la paume de cette main qui n'a rien fait, qui n'a pas aidé, pas sauvé. Rien!

Un léger grésillement, une odeur de viande brûlée.

Une douleur.

Une douleur qui permet à une larme de s'échapper, telle une clandestine qui traverse une frontière interdite. Une larme sans-papiers.

Une caresse dans ses cheveux?

Sanji a sursauté, il ne l'a pas entendu arriver, juste senti l'arrière de sa tête frôlé par le fantôme d'une main. Puis un torse qui se colle dans son dos, des bras qui encerclent sa taille.

Sous la surprise, la tige s'en est allée, laissée tombée sur le pont, elle continue à fumer, alimentée par un courant d'air qui la fait doucement rouler. Le cuisinier ne peut en détacher ses yeux, elle s'éloigne, le bout rougeoyant crépite, puis revient par un mouvement du bateau bercé par les vagues. Puis repart, cette blancheur qui se détache sur le bois sombre, ces braises qui n'éclairent qu'un territoire parcellaire.

Il la fixe car il n'a pas le courage de se retourner ou de parler. La tête basse, la gorge nouée.

Muet.

Paralysé, tétanisé.

Et ses mains glacées dont la brûlure tranche avec ce froid qu'il ressent dans tout son être.

Puis des lèvres chaudes, si chaudes dans son cou qu'il ne peut s'empêcher d'en libérer l'accès en s'appuyant sur l'épaule derrière lui.

Les baisers sont légers, brûlants, humides, suivent sa jugulaire, montent et descendent, montent et descendent, tout du long. Puis vers sa nuque. Frissons.

Sa respiration s'accélère, laisse échapper des soupirs retenus par sa bouche entrouverte, libre de toute cigarette. Bouche offerte.

Une main ferme remonte de son ventre à son torse, glisse le long de sa gorge, de son menton. Une pression et il doit tourner son visage sur le côté, un peu en arrière.

Le baiser quémandé est offert. Les lèvres charnues se sont collées aux siennes, bougent, embrassent, enserrent sa lèvre inférieure puis repartent pour mieux revenir.

Chaleur, urgence, envie. Envie de lui insurmontable, implacable.

Demi-tour pour enrouler ses bras derrière la nuque, perdre ses doigts dans les cheveux verts ébouriffés, embrasser. Embrasser à pleine bouche. Baiser cette bouche, la presser, la violenter, y insérer sa langue.

Ce baiser est une fièvre, un virus, contagieux, pernicieux, capricieux.

Et les deux corps se pressent, s'excitent, les érections se frottent, gonflent, durcissent.

Sanji se sent soulevé de terre, ses jambes s'enroulent autour de la taille du sabreur, un réflexe, une convoitise, elles serrent pour l'emprisonner, ne plus le laisser s'échapper. Embrasser.

S'en asphyxier.

S'en délecter.

S'en combler.

Sanji la Jambe Noire.

Réminiscences encore plus noires.

Son dos. Le sang. La douleur. Non...

Alors il retrouve son aplomb, fait un croc en jambe, le fait tomber, ralentit sa chute.

Les yeux verts s'écarquillent sous la surprise. Puis se plissent, paupières plus basses que la pupille quand le cuistot se déshabille au-dessus de lui dans des gestes brutaux et précipités.

Une poignée de secondes et il est nu, s'assoit sur les hanches encore vêtues, se frotte et plonge sur la bouche. Un baiser rugueux, impatient, pressant, impertinent.

Le froid de la nuit, il ne le sent plus, échauffé par les mains calleuses qui courent sur sa nuque, son dos, ses cuisses, ses fesses.

Il remonte le t-shirt blanc, sa main gauche se rappelle à lui mais il l'ignore. Il ignore la brûlure, la douleur, la trace humide qu'elle laisse derrière elle.

Il descend ses fesses le long des cuisses du bretteur, défait son pantalon qu'il baisse de quelques centimètres avec la ceinture et le boxer.

Le sexe dur et palpitant émerge, il s'en saisit sans douceur et en un geste l'engloutit dans sa bouche, tout entier. Zoro se cambre sous la sensation exquise de la gorge profonde. Puis s'essouffle sous les vas et vients du cuistot qui adopte un rythme de folie.

Sanji suce, aspire, lèche, presse les bourses. Vite. Fort.

Puis stop!

Il se traîne de quelques centimètres sur les genoux, reprend le membre du sabreur frustré et s'empale brusquement.

Il serre les dents, ferme les yeux. Attend.

Quand il les ouvre, Zoro le fusille du regard.

Le maître-coq sent les paroles acides et troublées arriver alors il ne lui laisse pas le temps de l'engueuler, il se soulève et se rabaisse le long de la hampe brûlante, plus vite, plus fort, plus loin à chaque fois. Bon stratagème, son amant ne peut que gémir, les yeux clos.

Il est si beau!

Sanji s'essouffle, perd le rythme, les pensées cohérentes, juste le plaisir. Il doit prendre appui des deux mains sur le torse sous lui, les bras tendus.

Il s'asphyxie.

Deux mains se posent sous ses fesses et le soulèvent légèrement, le tenant en équilibre à bout de bras et cette fois, c'est un bassin qui vient à lui et s'en éloigne, encore et encore.

Il prend son propre sexe dans sa main et se masturbe rapidement.

Son orgasme le submerge dans un cri étouffé, une cambrure.

Il s'en délecte.

Zoro continue ses coups de boutoirs, le cuisinier se sent épuisé, repose de tout son poids sur les muscles puissants qui ne flancheront pas. Il le sait.

Puis cette jouissance à l'intérieur de lui, qui réveille des sensations d'un peu plus tôt.

Il se sent comblé.

Il s'écroule sur son amant, leurs respirations sont haletantes. Leurs corps brûlants, brillants de sueur.

Tout se calme, s'apaise, leurs rythmes de cœur au diapason des clapotis de l'eau.

Puis Sanji sent son poignet gauche enserré et porté à la bouche de Zoro dont ce dernier embrasse la paume meurtrie. Alors il sait...

« Plus jamais ça, Cook! »

Soupire embarrassé, malheureux. Il se redresse mais toujours prisonnier de la douce étrave.

Nouveau baiser sur la paume, sur le poignet.

« Sanji, pour un épéiste, un coup dans le dos, c'est un déshonneur.

- Bordel, n'en rajoute pas! Frappe-moi mais n'en rajoute pas.

S'esquiver mais chose impossible, la prison est trop ferme.

- Mais si pour l'en empêcher, tu avais dû y perdre tes doigts, tes rêves, ce serait comme me tuer deux fois. »

Les yeux marines se perdent dans les orbes émeraudes. Longtemps. Jusqu'à ce que sa peau frissonne sous la brise. Alors il s'allonge sur lui, donne un baiser, tout en douceur, demande le droit d'entrer. Les langues se caressent dans une étreinte amoureuse. Saveurs de tabac et de rhum mêlées, avec un soupçon de sel. Une saveur marine.

Un baiser de pirates sur le pont d'un bateau voguant au gré du vent.

Des flibustiers seuls au monde, indifférents au reste du monde.

Des forbans bercés par les rires et les cris d'un équipage qui ignorait, qui ne savait pas. Ou qui s'en foutait.

Un baiser, une étreinte.

Le sujet est clos!


Un soupçon de poésie, un texte hâché, comme une émotion qui n'a pas besoin de tous les mots.

Alors une petite review pour dire merci, un échange de mots, échange de bons procédés...

à tantôt!