Note : Hello à toutes et à tous ! Projet spécial aujourd'hui car nous fêtons l'anniversaire de l'incroyable auteure Glasgow. Ceux qui me connaissent le savent déjà, mais Glasgow est l'auteure qui m'a fait découvrir tout l'univers Sherlock Holmes et qui m'a également donné le goût d'écrire. Elle a été une source d'inspiration incroyable, dès le début et je n'aurai jamais pu être 'SomeCoolName' sans elle. Je la remercie du fond du cœur, pour tout ce qu'elle nous donne (157 FICS NOM DE NOM), pour sa gentillesse, pour être ce qu'elle est, tout simplement. Rewind est une case!fic, dont les 4 chapitres restants (déjà écrits) seront publiés le mardi, en alternance avec mon autre fic Si Brave et Si Tranquille.
Pairing : Sherstrade.
Rating : M.
Bêta pour l'histoire et la correction : Kathleen-Holson et je la remercie du fond du coeur car elle a su apporter la pièce au puzzle de l'enquête ;)
Bêta pour la correction : Carbo Queen, merci, merci, merci !
C'est déjà pas la joie d'être appelé par le DI à 23h pour aller sur les lieux d'un crime sur Thames Path au bord de la tamise, mais si en plus il pleut et que la seule façon d'accéder à l'entrepôt où a été retrouvé le corps, c'est de marcher dans la boue et bah putain, quelle belle soirée de merde en perspective.
Gregory Lestrade remonte le col de sa veste et fait comme tous ses collègues à chercher des endroits plus secs que d'autres pour y mettre les pieds, mais c'est tous le pantalon plein de boue qu'ils arrivent autour de la scène délimitée par des bandeaux jaunes - la seule couleur un tant soit peu joyeuse de l'endroit, dommage que ce soit pour entourer le corps d'un macchabé.
Il salue son DI, s'approche comme demandé et inspecte le corps allongé ventre à terre, même si la nuque a assez craqué pour dévoiler son visage sur le côté. Si on peut appeler ce qu'il reste un « visage ».
« On a pas encore l'identité mais il semblerait qu'il ait été poussé du bureau de la mezzanine là-haut. Mort sur le coup. Il a été passé à tabac avant, vu sa gueule. », renifle le DI Jeff Hill-Smith en remontant son pantalon autour de sa bedaine de cinquantenaire.
« C'est quoi ici, un repère de crack-head ? », demande Tim en enfilant ses gants.
« Une ancienne imprimerie, je crois. », répond Lucy, déjà penché à genoux à côté de Greg pour regarder le corps de plus près.
Il leur sourit par politesse et reporte son attention sur la figure du mort. Malgré les bleus et le sang, il distingue un visage jeune, une trentaine d'année, maximum, et garde bien ses déductions pour lui. Ce n'est pas qu'il n'aime pas Tim et Lucy (ils passent de véritables bons moments lorsqu'ils sortent boire des bières le vendredi soir), mais depuis que le DI Hill-Smith a annoncé son proche départ en retraite, la compétition entre ces trois là pour lui succéder ferait passer la Guerre de Troie pour une simple broutille. Alors, contrairement à Tim, il ne foutra pas ses collègues dans la merde intentionnellement, mais il ne les aidera pas pour autant.
Ils laissent l'équipe de la médecine légale transporter le corps et se dirigent chacun vers une direction différente pour continuer leurs recherches. Dans l'entrepôt sale et vieux, il y a des cadavres de bouteilles de bière, des couvertures malodorantes et quelques tags, mais tout ça, Lestrade l'a déjà vu dans d'autres squats alors il ne s'attarde pas.
« Qui a découvert le corps ? », demande-t-il à un agent posté devant la porte de l'entrepôt pour maintenir les quelques rares curieux à l'écart.
« Un clodo, on lui a offert un café en attendant. »
Il pointe du doigt une voiture aux gyrophares en marche où est assis sur la banquette arrière, la porte ouverte, un vieil homme couvert d'un épais manteau d'une couleur indéfinissable et d'une barbe sale. Gregory se rapproche et lui sourit en respirant automatiquement par la bouche.
« Bonsoir, c'est vous qui avez découvert le corps ? »
« Bin ouais, c'est moi. Quoi, vous pensez quand même pas que c'est moi qui l'ai buté ? », s'emporte l'homme dans un mélange d'effluves de bière et de sueur qui fait automatiquement regretter à Greg d'avoir posé une question.
« Vous venez souvent ici ? »
« Nan, ici c'est les drogués qui viennent d'habitude, mais j'ai entendu dire qu'ils avaient changé de squat, alors j'suis venu voir si ça pouvait pas être mon nouveau palace. »
« Faudra continuer à chercher alors. »
« Ouais... Et dites, vous auriez pas un p'tit billet ? Vos collègues m'ont dit qu'ils m'en donneraient mais... Enfin, y sont pas revenus quoi. »
Lestrade soupire mais porte quand même la main à sa poche dont il sort son portefeuille. Il tend un billet de 10£ à l'homme qui l'attrape de ses doigts sales avant de le glisser dans la poche intérieure de son immense manteau. Même de là où il est, Greg peut voir que deux billets verts y séjournent déjà.
« J'ai des problèmes de mémoire... », s'excuse faussement le sans-abri dans un sourire forcé.
Le sergent ne répond même pas (puisqu'il est évident qu'il s'est fait avoir comme un bleu) et informe Lucy en la croisant qu'il rentre chez lui. Il quitte l'entrepôt, n'accélère pas le pas cette fois puisqu'il ne pleut plus et se dirige vers sa voiture qu'il ouvre avec le bip automatique lorsqu'il entend une voix l'appeler de derrière le ruban jaune :
« Vous repartez déjà ? »
Lestrade s'arrête et se retourne. Il cherche l'origine de la voix et la trouve bien vite. Debout derrière le périmètre de sécurité mis en place par ses collègues, il y a cinq badauds, manifestement des voisins curieux venus voir la raison de tout ce bordel. Ils sont en pyjama pour la plupart puisque l'attrait du scandale les désinhibe comme le plus fort des alcools, mais tout à droite, il y a un jeune homme, grand (et lui au moins est habillé correctement) qui le regarde droit dans les yeux. Un agent en costume s'approche pour lui demander de se reculer avant qu'il ne fasse craquer le long ruban en plastique, mais Lestrade, intrigué, se rapproche et lui fait signe qu'il prend la relève.
De plus près, il voit mieux le jeune homme, ses yeux manifestement encore un peu fatigués, une veste sombre et trop grande sur les épaules et des cheveux dans un bordel fou.
« Parce que tu trouves que je ne suis pas resté assez longtemps ? », demande-t-il en souriant.
« Vos collègues sont encore dans l'entrepôt, eux. »
« Peut-être parce qu'ils sont mauvais et qu'ils pensent que le meurtre a un rapport avec l'endroit, alors que c'est juste un règlement de compte. »
« Ah, c'est un meurtre alors ? », sourit le gamin et Lestrade soupire - il s'est fait encore avoir comme un bleu.
Une femme d'une soixantaine d'année, debout à quelques mètres d'eux, remet son châle rose bonbon sur ses épaules en poussant une petite expression d'angoisse. Greg fait signe au garçon de le rejoindre, lui qui semble bouillonner de bonheur avant de se glisser sous le ruban et de le suivre quelques pas plus loin, près de la voiture grise où Lestrade prend appui en croisant les bras contre son torse.
« Ne le crie pas sur tous les toits, on veut éviter les scènes de paniques, surtout dans les quartiers résidentiels comme ça. »
« Moi ça ne me fait pas peur. », répond le gamin en relevant le menton, quelque part entre le réflexe et la fierté.
« Non, je vois ça... »
« Pourquoi pensez-vous que c'est un règlement de compte ? »
« Pas le genre SDF ou junkie vu ses vêtements. On a juste voulu utiliser la tranquillité de l'endroit pour le liquider. »
« Et qui est-ce ? »
« Trop tôt pour le dire. Maintenant il va être amené à la morgue et on essayera de trouver son identité et comment il est mort, précisément. Mais pourquoi j'te raconte tout ça, moi... ? », soupire Lestrade en se détachant de sa voiture, prêt à monter dedans pour partir se recoucher.
« Parce que je vous pose la question. », répond naturellement le jeune homme en le suivant. « Vous allez travailler sur cette enquête alors ? »
« Qu'est-ce que ça peut te faire ? », demande le sergent en se forçant à sourire.
« Je veux enquêter avec vous. »
Prêt à s'asseoir, la main sur la portière grande ouverte, Greg se fige et regarde le gamin quelques secondes avant d'exploser de rire. Il ne fait rien pour se retenir, puisque la situation est de toute façon trop surréaliste et la fatigue trop persistante sur son cerveau crevé. Il se calme doucement et finit par froncer les sourcils.
« Attends... Je t'ai déjà vu toi. Tu étais là quand on arrêté les frères Dikkens à leur garage il y a deux semaines... c'est ça ? »
Le garçon détourne le regard avant de hocher faiblement la tête pour répondre.
« Ça te plait vraiment d'être là. », et ce n'est pas une question. « T'es jeune, pourquoi est-ce que tu ne t'inscris pas dans une université ? Y'en a des très biens et gratuites, tu sais. Et on recrute toujours dans la police. »
« J'ai pas... mh... C'est pas pour l'argent ou... Enfin, je veux juste réfléchir... aux enquêtes. »
Lestrade le regarde encore quelques secondes, sans rien dire, sans rien vraiment penser finalement parce que tout ça est un peu étrange, alors il lui fait simplement signe de la main de retourner derrière le périmètre de sécurité et le plus jeune, visiblement déçu, s'exécute la tête baissée. Gregory s'assoit et ferme la portière avant de mettre le chauffage à fond. Il laisse ses mains devant le filet d'air chaud qui s'en échappe avant de les poser sur le volant et de démarrer. Il fait demi tour dans le terrain vague de l'entrepôt et sort avant de contourner les quelques voisins curieux encore présent. Il y a toujours le jeune, les mains dans les poches, à attendre patiemment en regardant les policiers s'activer dans tous les sens. Il s'arrête et baisse sa fenêtre.
« Gamin. », appelle-t-il, et comme s'il était persuadé qu'il allait être appelé, le jeune homme bondit presque sur place avant de courir jusqu'à la voiture, un victorieux sourire aux lèvres. « C'est quoi ton nom ? »
« Sherlock. Sherlock Holmes. »
En finissant de remplir le papier que l'avocat de sa femme lui a apporté ce matin, Greg se répète inlassablement dans sa tête toutes les insultes les plus vulgaires qu'il avait absolument interdiction de prononcer chez lui lorsqu'il était petit. C'est déjà moche que sa femme veuille divorcer, mais qu'elle ait employé comme avocat l'homme avec qui elle trompait Lestrade, ça, c'est hors-catégorie.
Il regarde pour la centième fois de la journée cet accord de principe de lancement de procédure de divorce, quand son téléphone sonne.
« Allô ? »
« Ah, enfin vous décrochez. »
« Je ne sais pas ce qui m'a pris de te donner le numéro de ma ligne directe... Ça fait douze fois que tu m'appelles depuis jeudi. »
« Ça fait douze fois que vous m'ignorez. Où en est l'enquête ? »
« Sherlock... », soupire Lestrade en passant une main sur son visage, avant de se retourner dos à l'open-space pour ne pas tenter ses collègues de venir écouter cette conversation. « Je ne sais pas si tu es au courant mais la police londonienne est en sous-effectif et comme il y a eu d'autres priorités, l'enquête est en stand-by. Mais si tu veux aider, tu peux peut-être, oh, je ne sais pas moi... suivre une formation pour postuler comme flic ? », propose-t-il faussement naïvement, un immense sourire aux lèvres.
« Pas le temps, il faut que nous réglions cette histoire d'abord. »
Nous ?
« Quelle est la prochaine étape ? », Sherlock s'empresse de poursuivre.
« Eh bien j'ai rendez-vous à 15h avec le médecin légiste pour... »
« Très bien, j'aurais sûrement un peu de retard. Quel hôpital ? »
« Sherlock - bien que je doute encore que ce soit ton vrai prénom, mais nous réglerons ça plus tard - quand j'ai accepté de t'aider pour devenir inspecteur, je t'ai bien précisé que je t'aiderai en parallèle de ta formation. Je ne peux pas, littéralement, je n'ai pas le droit de te faire part de l'enquête en cours. »
« Mh... Je me demande ce que ça peut être... »
« De quoi tu parles ? », demande le sergent en jouant avec une boule de stress qu'il s'amuse à lancer en l'air.
« Ce qu'il s'est passé aujourd'hui qui vous a fait décrocher votre téléphone pour la première fois depuis une semaine. Il s'est passé quelque chose, pas vrai ? Quelque chose qui vous contrarie. Quelque chose qui n'est pas juste, mais sur lequel vous n'avez aucun contrôle. Vous avez la possibilité, par contre, de m'emmener avec vous à la morgue. Vous n'aurez qu'à dire que je suis votre stagiaire. »
Lestrade n'a même pas besoin de se retourner pour revoir, comme imprimé sur sa rétine, la signature de sa femme accolée au mot DIVORCE.
« Rendez-vous à 15h à Bart's. »
« La petite dernière a été acceptée à Oxford. », sourit Hubert en se lavant les mains un immense sourire aux lèvres.
« Famille de champion. », rétorque Gregory, les siennes cachées dans ses poches.
Dans la salle d'autopsie, il parle encore de longues minutes avec le médecin qu'il a toujours connu. Il fait partie de la génération du DI Hill-Smith et lui aussi a choisi la retraite comme prochaine sortie sur cette autoroute faite de morts et de dissections qu'est leur vie. Ça lui fait un peu bizarre, à Greg, de voir tous ses mentors s'en aller un à un. Ils ne l'appellent plus « le jeunot » maintenant ils l'appellent « la relève » et ça le rend aussi fier que légèrement angoissé. C'est que les flics plus jeunes que lui se multiplient dans son open-space et déjà plus de la moitié de ses cheveux bruns sont devenus gris (foutue génétique). Il est persuadé qu'il fera bientôt partie des plus vieux.
Ça ne s'arrange pas quand rentre la jeune apprentie d'Hubert.
« Ah, Hooper, vous avez tout ce qu'il faut pour le cas n° 782 ? »
« Oui, monsieur. », sourit-elle, les gestes un peu fébriles en venant ouvrir le sac mortuaire où séjourne désormais l'inconnu de l'entrepôt.
« Eh bien je vais vous laisser avec Gregory alors. »
« Mais, monsi... »
« Tatata, il est temps que vous vous en occupiez seule et je suis sûr que vous ferez ça très bien. Gregory, je suis à la cafétéria si tu veux venir prendre un café avec moi après. », sourit Hubert en tapotant son épaule avant de disparaitre.
La porte qui claque cache juste ce qu'il faut la petite plainte incontrôlable qui s'échappe de la gorge de la jeune Molly Hooper. Elle lui offre un sourire désolé, il lui en renvoie un réconfortant. Cela va faire deux ans qu'il la voit évoluer, prendre de plus en plus d'assurance et il est évident que malgré sa timidité, la jeune femme est tout à fait prête pour faire un compte-rendu plus que correct.
« Ça va bien se passer. », lui sourit-il en se penchant vers elle pour baisser sa voix. « Vous avez pu trouver son identité ? »
Elle hoche une fois la tête, les joues un peu rouges (peut-être s'est-il penché trop près) et cherche dans son immense carnet la page concernant le corps allongé face à eux, lorsqu'elle commence à bégayer :
« S-Sergent Lestrade, je voulais vous dire... »
C'est la porte qui claque à nouveau qui l'arrête. Arrive à pas sûrs Sherlock, les cheveux dans une pagaille pas possible et sa veste encore trop grande sur ses épaules. Il porte un pull très fin et vu la température ambiante, il est évident qu'il est gelé. Sa peau est si blanche qu'il est difficile de le regarder. Lestrade n'a qu'une envie : l'emmener manger quelque chose de chaud.
« Sh... Sherlock ? »
Et ça, c'est Molly qui l'a dit. Greg ouvre grands les yeux et les inspecte un à un avant de demander :
« Vous vous connaissez ? »
« Oui il... Il vient souvent dans le coin. », répond Molly, les joues si rouges qu'à côté de Sherlock, on dirait qu'ils imitent à eux seul une glace vanille-framboise.
« Tu traînes dans les morgues ? Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? », demande le sergent, en regardant le jeune homme avec un air un peu dégoûté.
Il ne fait qu'hausser une épaule pour toute réponse et Lestrade lève les yeux au ciel. Ils se retournent vers Molly qui leur confirme d'une voix mal assurée que l'homme a été frappé quelques instants avant sa mort et que la cause du décès est bien liée à la chute qui a suivi.
« Sa description - malgré... malgré la défiguration - correspond à un avis de disparition déposé 48h avant qu'on ne le retrouve. », et c'est vers Sherlock qu'elle se retourne automatiquement, comme pour lui demander ce qu'il en pense, mais Lestrade arrête automatiquement cette pvaine tentative de drague en attrapant le dossier qu'elle tend.
« Tom Calson, 29ans, sans activité, habite au 5 Townloey Street à Walworth... », lit-il tout haut en levant les sourcils - et la simple idée de devoir se rendre dans ce quartier mal famé le fait déjà regretter d'avoir choisi de rentrer dans les forces de police. Il regarde la photo attachée au dossier et la rapproche du visage et malgré les contusions et les bosses, pas de doute, il s'agit bien du même. « Tu as pu faire de plus amples examens ? »
« Oui, pas de drogue, pas d'alcool dans le sang. Il n'était même pas fumeur. »
« Non, effectivement, ça l'aurait gêné. », intervient soudain Sherlock en enfilant une paire de gants avant de se pencher vers les mollets nus du mort qu'il tripote sans aucune gêne apparente.
« Sherlock ! », aboie Greg en l'attrapant par son épaule fine pour le reculer, par réflexe.
« Tout va bien, j'ai mis des gants ! Regardez ses mollets, ils sont extrêmement musclés et il n'y a qu'une chose qui muscle comme ça : le vélo. Vous avez dit qu'il habitait à Walworth et qu'il n'avait pas d'emploi : il ne faisait pas de vélo pour le plaisir, il l'utilisait pour survivre. Il était coursier - non déclaré, bien évidement. »
Le plus vieux de la pièce regarde le gamin qu'il a fait rentrer dans sa vie comme il aurait pu faire rentrer un tigre dans son 50 mètres carré, et se retourne silencieusement vers Molly qui comprend automatiquement sa demande.
« C'est vrai qu'il était en très bonne condition physique, ça concorde... »
« Le jean. », commande Sherlock en claquant des doigts et la jeune femme lui obéit de suite puisqu'elle court chercher dans un casier spécial les vêtements de la victime.
« Comment est-ce que tu sais qu'il portait un jean ? », demande Lestrade, la voix plus basse.
« Londonien, trentenaire, plutôt pauvre ? Suivez un peu : bien sûr qu'il portait un jean. »
La médecin légiste revient et pose sur la table adjacente le jean, sur lequel Sherlock se jette pratiquement avant de relever le bas du pantalon, où il pointe du doigt une marque horizontale, là où les fibres sont blanches à force d'avoir été semble-t-il, pressées. Le sergent s'approche et soupire, vaincu :
« Une pince pour le vélo... »
« Vous progressez. », sourit Sherlock d'un air maladivement victorieux et dans ses yeux fous, éclairés par la lumière criarde de la pièce, la vérité frappe Lestrade comme un coup de poignard.
Il ferme les lèvres, hoche une fois la tête et remercie Molly longuement, en profitant pour la rassurer, elle qui tremble encore un peu, et s'apprête à sortir de la pièce, lorsque la jeune femme émet, d'une petite voix :
« Sherlock ? N'hésitez pas à revenir si vous avez encore besoin... de quoi que ce soit. »
L'appelé la regarde, peu impressionné, hoche juste une fois la tête avant que Lestrade lui fasse signe de le suivre. Ils marchent côte à côte dans le couloir où leurs chaussures grincent sur le lino dans un silence étouffant, puisque l'égo du plus jeune semble attirer à lui tout l'air respirable et lorsqu'ils tournent à droite, avant de remonter vers la sortie, Lestrade l'attrape par le bras et le tire de force derrière une porte coupe-feu, où ils découvrent un escalier de secours.
Il le plaque sans aucune douceur contre le mur, ses mains comme des étaux autour des bras fins. Yeux clairs et peau blanche, il y a une poussière dans ce regard qui crie l'innocence et une noirceur qui murmure un déséquilibre certain que Gregory n'est pas tout à fait sûr de vouloir connaitre.
« Okay gamin, c'était vraiment bien joué. Mais putain, tu crois vraiment que je ne l'aurais jamais compris ? »
Sherlock entrouvre les lèvres, les sourcils froncés mais on dirait qu'il les presse si fort l'un contre l'autre plus pour retenir des larmes que de la colère, mais bien sûr, il ne dit rien. Des junkies, Lestrade en croise chaque semaine, des vivants, des un peu moins vivants. Mais tous ont cette peau blanche, ces yeux vides et ce futur si incertain que plus d'une fois Gregory s'est demandé s'il les sauvait vraiment en les faisant confronter la loi. La routine - et Dieu que c'est douloureux de penser que oui, sa routine consiste à trouver des gamins défoncés aux quatre coins de Londres - c'est d'abord d'évaluer la situation, voir s'ils ont besoin d'aide médicale ou s'il est possible de leur parler sans qu'ils ne se jettent d'un pont, puis c'est de rentrer en contact, leur demander leurs noms, leurs âges (bien souvent mineurs, mais bordel que font les parents ?) puis de leur mettre les menottes et de les conduire au commissariat. Selon les cas, on retrouve un père, une mère, on les fait conduire à l'hôpital, ou alors on remplit leurs casiers judiciaires déjà conséquents malgré leur jeune âge.
Mais jamais, ô grand jamais, il s'est mis dans la tête de s'occuper de l'un d'entre eux.
« J'ai arrêté... », plaide le jeune homme d'une voix mal assumée.
« Ferme-la et écoute-moi. »
« J'ai arrêté, je vous le jure... »
« J'y crois pas une seconde et toi non plus. Alors tu veux enquêter mais pas être flic, c'est ça ? On change les règles. Tu arrêtes de prendre tes merdes et tu m'aides à chopper le meurtrier de Calson. Mais si je te retrouve un matin défoncé comme aujourd'hui, sois sûr que non seulement tu n'approcheras plus jamais une scène de crime mais qu'en plus tu verras de très près à quoi ressemble une cellule de prison, lorsque t'y passeras cinq ans pour « Entrave à la justice et détention de stupéfiants ». Deal ? »
Le gamin ne baisse pas les yeux mais son insupportable suffisance a disparu, emportant avec elle l'envie très forte de Lestrade de le gifler. Sa voix ne tremble même pas lorsqu'il répond :
« Deal. »
