DISCLAIMER : Oui, bien sûr, actuellement, je suis sur mon yacht dans les îles caraïbes, j'hésite entre la PinaColada et une petite Margarita (warning ! L'abus d'alcool est dangereux pour la santé) et bien sûr mon majordome est parti chercher ma combinaison pour que je puisse aller me divertir en faisant de la plongée sous-marine ! Non, vraiment, c'est évident que je suis JKRowling… Oui, évident !

NOTE : Cette histoire ne tient pas compte de la mort de Sirius, la bataille finale a aussi été revisitée. Par contre, Severus Snape a bien tué Dumbledore pour éviter à Drago Malfoy de le faire lui-même, bien qu'il en soit de toute façon incapable, même s'il s'en rend compte trop tard. La fin a été revue et corrigée à ma façon, elle met en avant les deux personnages qui ont ma préférence. C'est une fic à laquelle je tiens beaucoup, je réfléchis sur l'idée depuis plusieurs années sans jamais avoir vraiment le courage de la mettre par écrit. Alors, bien sûr, elle s'est altérée. J'avais souhaité un univers beaucoup plus sombre que ce que ça rend finalement. J'ai eu bien du mal à articuler les différents épisodes, alors finalement j'ai fait ce que je savais faire le mieux, j'ai sous-entendu.

La neige a pris une place importante dans l'histoire, ce qui n'était pas prévu au départ, je pense que sur ce coup-là j'ai été influencée par le temps. En ce moment, chez moi, tout est blanc. A travers ma fenêtre, je vois les champs, ils sont recouverts d'une épaisse couche de neige et la forêt au loin se perd un peu dans la brume et le gris du ciel. Les flocons continuent de tomber doucement, c'est assez hypnotisant. Les paysages d'hiver m'ont toujours apaisé et émerveillé, je pourrais passer ma journée devant cette fenêtre. J'ai pensé que peut-être cela apaiserait aussi les âmes meurtries des personnages. Ce calme, cette blancheur, cette pureté, après toutes les horreurs qu'ils ont vécues.

RESUME : Parce que la victoire ne lui a pas apporté la lumière, Sirius erre dans les ténèbres... et si il décidait que, à la place de se perdre, il préférait tendre la main?


Ceci est une fic en deux chapitres, dont le suivant ne viendra pas avant deux ou trois semaines, mais vous l'aurez avant fin mars !


Ô souffrance innée !

Malheur horrible, plaie ruisselante de sang !

Hélas ! Lamentable, insupportable affliction !

Hélas ! Douleur impossible à apaiser !

*°*

Mais c'est dans la maison

Que se trouve le remède, il ne viendra pas d'ailleurs

Mais d'elle-même

A travers une sanglante, une cruelle discorde.

*°*

Voici l'hymne adressé aux dieux souterrains.

Allons, entendez, dieux bienheureux des Enfers

Cette prière et envoyez de bonne grâce un secours

A ces enfants pour que leur vienne la victoire

Eschyle, Les Choéphores


Tombe la neige sur mon âme


Vraiment, ça n'avait rien à voir avec ce qu'il s'était imaginé. Il avait pensé, naïvement, il s'en rendit compte sur le coup, que tout se finirait avec la fin de la guerre. Oh! Bien sûr, il n'était pas crédule au point de croire que le combat s'achèverait sur un fond de soleil couchant, un phénix traversant le champ de bataille, une branche d'olivier au bec, alors que tous les vilains Serpentards rendraient sagement leurs baguettes et que tous les autres, les gentils, se relèveraient, indemnes...

Après réflexion, peut-être qu'il l'avait espéré, sincèrement espéré, parce qu'après tout, il était un Griffondor et que les Griffondors sont profondément optimistes... et aussi, parce qu'il avait lui-même beaucoup trop perdu durant toutes ces années de guerre pour se sentir capable de supporter de nouvelles pertes.

Mais ça... ça, c'était au-dessus de ses forces...

Peut-être que si Poudlard était resté debout, comme dans ses plus fous espoirs, son coeur ne se serrerait pas dans sa poitrine et ses jambes ne cèderaient pas sous son poids.

Peut-être que si l'odeur du sang n'avait pas été si forte tout autour de lui, les larmes qui dévalaient à présent ses joues n'auraient pas eu un goût si amères.

Peut-être que si le corps de Fred Weasley, maintenant totalement froid et immobile, ne reposait pas à quelques pas de lui, entouré de ses proches, il aurait pu sourire, parce que tout était fini, après tout, et que c'était ce pour quoi ils avaient lutté, tous, ce qu'ils avaient tant espéré.

Peut-être que si le regard vitreux de Georges ne s'obstinait pas à regarder au loin, par-delà les ruines du château, incapable de se poser sur son frère aux lèvres bleuies, il aurait même pu rire, parce qu'il était vivant, que Harry était entouré de Ron, Hermione et Ginny, qu'ils étaient tous intactes, quoique plus au moins sanguinolent... Oui, il aurait pu rire, de son rire de jeune chien fou, si leur teint n'avait pas été si pâle, et si leurs mains ne tremblaient pas autant et si ils ne menaçaient pas de s'effondrer comme un château de cartes, les uns sur les autres, au moment où l'un d'entre eux finiraient par céder sous le poids qui les accablait.

Peut-être que, dans quelques années, lorsque les blessures auront été guéries et que les cicatrices commenceront à blanchir, cette journée n'aura plus la saveur des cendres et de la désolation. Peut-être parviendront-ils même à s'en rappeler sans amertume. Parce qu'après tout, ils n'ont fait que ce qui devait être fait.

Et peut-être que si il y pensait suffisamment fort, la silhouette désincarnée de Severus Snape cesserait de hanter les vestiges de la bataille, titubant et rampant à moitié, avec ce regard incrédule et cet air hébété, du sang s'écoulant lentement de presque toutes les parties de son corps, résultat d'une multitude d'Endoloris, envoyés comme dernier message au camp de la lumière.

Ce n'était pas censé se passer comme ça...

Normalement, à la fin de l'histoire, le héros devait être couvert de fleurs et le peuple en liesse devait être invité au château pour fêter dans la joie et la bonne humeur le mariage du Prince et de la Princesse.

Mais il avait beau fermer les yeux et serrer les paupières, la fin de conte de fées qu'il avait espéré ne parvenait pas à lui faire oublier que si les méchants avaient effectivement été vaincus, les gentils n'avaient pas gagné pour autant.


Ce qu'on a du mal à concevoir au coeur de la tempête, c'est que le soleil finit toujours par percer les nuages sombres, tôt ou tard. Cela n'empêchera pas des maisons d'être arrachées, ni des champs détruits et il faudra tout de même enterrer des corps meurtris, mais à choisir entre le soleil et la pluie, on choisit toujours l'astre lumineux.

Si le soleil ne brille pas pour soi, il doit bien le faire pour quelqu'un d'autre, non?

Sirius fut donc réveillé par un rai de lumière et une chaleur sur son corps et il aurait pu s'en contenter s'il n'avait pas du faire face à son meilleur ami à moitié mutilé et à sa femme aux cheveux ternes. Elle s'était assise à même le lit, d'une main, elle caressait amoureusement les cheveux de son mari, l'autre était posé sur le drap, là où, normalement aurait du se trouver le bras gauche de Remus. Sirius se demanda un instant si les cheveux d'un gris sale et le teint pâle de Tonks étaient le fruit d'une énième métamorphose de la jeune femme ou simplement la manifestation de son chagrin, qui ne parvenait plus à colorer le monde qui l'entourait. Puis il se retourna en se disant que l'un comme l'autre prouvait simplement que le soleil ne brillait pas non plus pour elle.

Son regard fut attiré par une forme prostrée dans un fauteuil. Il rencontra les yeux verts de son vis-à-vis. Il aurait aimé pouvoir détourner les yeux. Il aurait aimé ne pas y lire la haine, la tristesse et la culpabilité. Il aurait aimé ne pas renvoyer dans ses propres yeux, au bleu si fatigué, les mêmes émotions.

Lorsque la guérisseuse entra deux heures plus tard pour changer les bandages rougis et administrer des potions aux goûts infects censés faire taire la douleur, leur échange n'avait pas évolué. Harry repartit dans sa propre chambre, des questions sans réponse plein la tête et Sirius ferma les yeux. Le soleil lui brûlait à présent la peau et ce fut en grognant qu'il changea d'un coup de baguette sa fenêtre magique d'un éclatant soleil de printemps en un grand champ de neige au ciel gris.

Si les flocons continuaient de tomber en virevoltant, peut-être arriverait-il à s'imaginer gambadant seul dans les landes enneigées. Il suffisait d'y penser suffisamment fort, il n'avait même pas besoin de créer l'illusion, il n'aurait qu'à tenter de se souvenir. Il avait déjà vécu le silence cotonneux de la neige et le bonheur intense des premiers flocons. Il y arriverait. Il n'avait qu'à occulter le cliquetis régulier qu'émettait la bulle qui entourait son ami et qui, accessoirement, le maintenait en vie.


Le manteau neigeux s'épaissit jour après jour. La porte s'ouvrait et se fermait sur le passage des guérisseurs et, au-dehors, Sirius percevait tout un monde qu'il n'arrivait plus à concevoir. Lorsqu'un rire clair et joyeux parvint à ses oreilles meurtries, il se renfrogna sous les draps immaculés de l'hôpital et plongea la tête sous l'oreiller.

Ce ne fut que six heures plus tard et après de nombreuses discutions et supplications et une multitude de jurons que la guérisseuse en chef du département des traumatisés parvint à faire avaler à l'ancien évadé d'Azkaban sa dose journalière de potions sans rêves. Tout plutôt que d'entendre cet homme aux joues creusées hurler à la mort comme si son âme lui avait été arrachée.


Les jours passèrent et Sirius se faisait de drôles de réflexions, des pensées incongrues qui ne retenaient que le superficiel comme s'il lui était devenu totalement impossible de comprendre les choses importantes.

Les cheveux de Ginny ont poussé.

Le pull d'Harry le boudinait un peu.

Les doigts de Ron paraissaient gigantesques, enlacés comme ils l'étaient avec la petite main d'Hermione.

Arthur avait les tempes grisonnantes.

Le bébé dans les bras de Tonks faisait des bulles avec son nez.

Remus avait maigri.

L'ombre derrière le corps vouté de Georges semblait prête à l'engloutir.

Sirius se demanda longtemps après comment il avait pu passer à côtés de l'essentiel. Avant de se rappeler qu'il avait évité de regarder le visage lacéré de son ami depuis qu'ils avaient été placés dans la même chambre. Et dire qu'il avait failli sauter à la gorge de sa cousine lorsqu'elle avait réchauffé son paysage d'hiver d'un timide soleil.

Remus avait enfin ouvert les yeux.


Peut-être que s'il trouvait la force d'ouvrir la bouche, les mots parviendraient enfin à sortir. Mais il se sentait trop fatigué, étranger dans son propre corps, personne n'avait pensé à lui fournir une carte pour qu'il y trouva la sortie.

Ils avaient pourtant été nombreux à lui parler, à tenter de communiquer avec lui, de l'intégrer aux conversations.

Harry, le plus souvent. Ron avait essayé une blague, une fois, enfin il crut, il n'avait pas compris quand il avait été le seul à ne pas rire. Hermione était restée là, à le regarder de ses grands yeux chocolat, sans dire un mot, mais elle lui avait souri. Et le sens de ce sourire lui était tout aussi inaccessible que celui des mots des autres. Il n'avait fait que cligner des yeux.

Il s'était rendormi.

Lorsqu'enfin, Remus s'était réveillé, lui aussi avait tenté de lui parler. Son ami avait beaucoup plus perdu que lui durant la bataille. Il se sentait un peu honteux de se complaire dans sa souffrance alors que, de toute évidence, il n'était pas le plus à plaindre.

Mais Remus lui avait souri, de ce petit sourire mutin qu'ils avaient souvent partagé durant leur adolescence.

Mais son ami lui avait parlé d'une voix douce qui charmait quiconque l'entendait et qui faisait souvent oublier que l'homme savait aussi grogner.

Mais Moony l'avait regardé de ses grands yeux dorés qui exprimaient difficilement ce que Sirius identifia comme étant un mélange incroyablement confus et antithétique de peur et de joie. Joie de se savoir vivant et entouré des gens qu'on aime. Peur de ce que réservait l'avenir. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur de ce nouveau handicap qu'il découvrait. Joie de celui qui ouvre les yeux qu'il pensait avoir éteint à tout jamais. Peur de cet étranger dans le corps de son meilleur ami, cet étranger aux yeux tour à tour mélange diffus d'émotions diverses ou affreusement vides.

Joie de le savoir vivant.

Peur qu'il ne soit mort.

Joie.

Peur.

Sirius ferma les yeux pour oublier que la vie, elle, continuait et que le regard confus de Remus ne soulagerait jamais le sentiment qui le rongeait.

Solitude.

Les autres ne semblaient pas comprendre l'attitude de l'animagus. Si seulement ils avaient vu que, là où chacun d'entre eux avait survécu, lui n'avait fait que se résigner à vivre.

Chacun d'entre eux avait une vie à construire, à vivre, tout simplement. Remus avait un bébé au creux du bras et le corps de sa femme épousait le sien. Son neveu et ses amis se présentaient toujours en groupe, soudés dans la douleur, soudés dans la vie. Georges étreignait sans même s'en rendre compte ce frère invisible, moitié de lui-même, par des gestes cent, mille, fois vécus et partagés et qu'il ne concevait même pas d'effectuer seul.

Solitude.

Durant toute sa vie, il n'avait fait que combattre les ombres qui menaçaient son monde de lumière à l'équilibre précaire. Il avait tout donné dans la lutte, sa famille, son coeur, sa liberté et il ne s'était tout simplement pas attendu à cette vie inopportune que lui offrait la victoire. S'il l'avait déjà envisagée, espérée, c'était toujours dans le sang et les ténèbres, juste avant que le dernier souffle ne l'emporta.

Et voici que la vie lui offrait ce qu'il n'avait jamais cherché à posséder. Une seconde chance.

Solitude.

C'était sans doute égoïste, il avait Remus...

Il avait Harry...

Il avait même les autres...

Il se sentait pourtant si fatigué. Il avait cru à la délivrance et tout ce qu'il avait eu, c'était cette douleur dans sa poitrine et un paysage enneigé. Il n'avait plus la force de se battre.

Solitude.

Lassitude.

Et si demain, le soleil ne se levait pas?


Ce matin-là, comme tous les autres, il passa de longues minutes devant la fenêtre magique. Puis, sur un coup de tête, ou peut-être à cause de l'odeur qui se dégageait de la montagne de chocolat qui encombrait les abords du lit de son ami, Sirius se leva.

D'abord titubant, il se força à rester debout. Tout, plutôt que cette odeur entêtante qui commençait à le dégoûter. De grosses gouttes de sueur s'écoulaient le long de sa tempe et il serra les dents.

Un pas chancelant, un autre plus assuré et de fil en aiguille, il se retrouva sur le pas de la porte, une odeur d'antiseptique remplaçant agressivement à ses narines, celle plus subtile du chocolat.

La lumière éclatante et crue des néons qui se réverbérait sur les murs blancs, et les sols blancs, et le plafond blanc, lui fit fermer fortement les yeux. Il n'avait plus l'habitude d'une telle intensité. Pendant près de trois mois, son monde s'était restreint à la douceur immaculée et cotonneuse d'un champ enneigé, dont il était le seul occupant.

Aujourd'hui, grouillait devant lui tout un monde qui lui était devenu inconnu. Des gens pressés, tout de blanc vêtus, portant potions ou dossiers. Des patients aux pas lents, bandés de ci ou de là, couverts de substances visqueuses aux couleurs chatoyantes, parfois greffés d'appendices biscornus d'origine animales ou végétales. Des visiteurs aux visages graves. Des visiteurs un sourire aux lèvres. Des visiteurs aux larmes amères.

Sirius se décida à avancer lorsque, au coin d'un couloir, se profilèrent une tête aux cheveux en épis, une autre aux cheveux sagement coiffés et deux dernières aux cheveux orangés.

Il prit la direction opposée, s'enfonçant dans des couloirs tantôt étroits, tantôt larges, tantôt surpeuplés, tantôt désertés. Ses jambes se faisaient lourdes sous lui et son souffle se faisait court quand enfin, il ne put plus avancer.

L'homme se retrouva dans un couloir, blanc, en face de ce qui se trouvait être une porte, blanche, surmonté de trois gros chiffres, noirs : 736.

Il aurait pu faire demi-tour, revenir sur ses pas. Il aurait pu simplement s'assoir à même le sol et attendre.

Mais il choisit d'entrer.

Il s'avança d'un pas lent. Il mit sa main sur la poignée et fit pivoter la porte. Il pénétra dans la chambre aux murs blancs, l'esprit ailleurs, ne s'attendant à rien, s'attendant à tout.

Il ne fut pas déçu.


Il ne savait pas depuis combien de temps il était là. Il était resté longtemps debout, les bras ballants, les yeux fixés sur le lit face à lui.

Il avait décidé ensuite que ses jambes lui faisaient mal et que, debout ou assis, ça n'avait pas beaucoup d'importance. Il n'avait pas détourné les yeux une seule seconde lorsqu'il se mit au bout du lit, les jambes repliées contre son torse, le menton reposant sur ses genoux.

Le silence de la pièce ne lui déplaisait pas tant que ça, mais la lumière, abrupte et agressive le dérangeait atrocement.

Lorsque la guérisseuse Melody Nowry entra dans la chambre 736, quelques heures plus tard, elle pénétra dans un univers de douceur et de calme. De la fenêtre magique, on pouvait apercevoir un grand château, ressemblant étrangement à ce que fut jadis Poudlard, quand elle y avait fait elle-même ses études. Les toits étaient recouverts d'une épaisse couche de poudreuse. La neige tombait sans discontinuer d'un rythme lent et désordonné. Elle trouva le tableau étrangement apaisant.

Elle avait dévisagé son patient, sans attendre de réels changements, elle travaillait depuis trop longtemps dans le département des pathologies de sortilèges, pour avoir gardé ses illusions d'enfant. Le teint était toujours aussi livide, les cicatrices avaient commencé à rosir sur son visage et sur son bras découvert, mais la longue balafre dont elle apercevait le début sur le cou fin et le haut du torse pâle était encore trop rougeâtre à son goût. Il semblait dormir pour l'instant.

Il n'était pas le seul.

A ses pieds, roulé en boule, se trouvait un homme qui portait le pyjama réglementaire de l'hôpital. Ses cheveux, trop longs, étaient étalés tout autour de lui. Quelques mèches s'étaient perdues sur son visage parcouru par de réguliers tics nerveux. Elle connaissait cet homme. Qui dans l'Angleterre ne le connaissait pas? Le meurtrier, l'évadé d'Azkaban, le héros de guerre, celui qui avait été innocenté, le parrain d'Harry Potter...

Quel était son nom déjà?

Melody vérifia l'état des hommes endormis avant d'aller avertir la guérisseuse en chef qu'elle avait retrouvé son patient disparu. Voilà qui allait en soulager plus d'un ! Et elle ne parlait pas de leur héros, Harry Potter, qui avait failli frôler la crise d'hystérie, ni de ce charmant qui avait absolument tenu à les aider pour les recherches.

Elle soupira. Plus qu'une heure et elle pourrait rentrer chez elle.


On l'avait raccompagné à sa chambre. De toute façon, il n'aurait pas su la retrouver dans cet hôpital gigantesque aux couloirs labyrinthiques.

Il s'était laissé faire, lorsqu'on l'avait gentiment secoué pour le réveiller. Il s'était laissé faire lorsqu'on l'avait pris par le coude pour l'aider à se lever. Il s'était laissé faire lorsque les autres, trop heureux de le retrouver, s'étaient jetés à son cou.

Mais il détourna la tête lorsqu'on apprit à Harry, Remus et aux autres qu'on l'avait découvert endormi sur le lit de Severus Snape. Personne ne verrait ses joues rougies. Tout le monde les devina.


C'était devenu une habitude. Comme de se brosser les dents après chaque repas. Comme souhaiter un « A vos amours » lorsqu'une personne éternue face à soi. Comme rire à une blague potache sur les blondes, même si c'est sexiste et misogyne.

Tous les jours, à deux heures trente, Sirius sortait de sa chambre et empruntait les couloirs de Ste-Mangouste. Il avait appris à reconnaître les différentes allées, il avait trouvé des raccourcis, il avait fini par avoir des préférences, comme éviter les murs des traumatisés sévères et des cas désespérants pour choisir celui qui longeait le département pédiatrico-magique, où une multitude de rires différents papillonnait autour de lui.

Lorsqu'il se retrouvait devant la chambre 736, il essuyait sur son jean's ses mains moites et pénétrait dans la pièce. Il prenait toujours un petit temps pour admirer la vue de Poudlard enneigé, tel qu'il l'avait vécu dans son enfance. Puis il fermait les yeux et un léger sourire se formait sur ses lèvres. Ensuite, il s'asseyait, sur le lit, ou il occupait le fauteuil qu'on avait fait installer pour lui, parfois il restait un peu debout, souvent il s'asseyait à même le sol, à la tête du lit. Il écoutait de longues minutes le silence apaisant qui se dégageait de la chambre, de son occupant...

…, de cette présence familière.

Après, ça dépendait de son humeur.

Il apportait parfois des livres que lui prêtait Remus ou Hermione. Souvent, il ne faisait que survoler l'histoire, se perdant entre les lignes noires, il lui semblait alors voler par-dessus une mer d'encre dont il était trop haut pour pouvoir déchiffrer le message.

D'autres fois, il emportait le jeu de cartes sorcières que lui avait offert Ron. Il faisait des parties de solitaire en pensant à l'ironie de la situation.

Une fois, il avait pris avec lui le carnet rouge que lui avait donné Harry, en lui disant que puisqu'il ne pouvait plus leur parler, peut-être qu'il pourrait leur écrire. Cela lui avait semblé être une bonne idée. Comme entretenir une relation à distance à la fois plus sincère et plus fausse, puisque les mots sont réfléchis et posés. Mais sa main avait tremblé et il était revenu la tête basse devant un Harry qui ne lui avait offert qu'un sourire un peu triste mais réconfortant.

Aujourd'hui, il avait pris avec lui une feuille vierge qui trainait sur un bureau de guérisseur et une boîte de crayons de couleurs à moitié vide, abandonnée dans un coin au détour d'un couloir. Il était sur le fauteuil, une jambe au-dessus de l'accoudoir, face au lit. Il sortit le crayon noir, au bout mâchonné, lissa la feuille sur sa jambe relevée, dont il se servit comme support. Le premier trait fut jeté sans a priori. Le second fut réfléchi. Le troisième tarda un peu. Et puis, il se perdit.

Face à l'homme.

Face à la feuille.

Et le double de papier se dessina sous ses yeux, dans ses mains, petit à petit et trait après trait. Le clone prit quelques dimensions, un peu de noir étalé comme une ombre sous le bras, les cheveux de plus en plus sombres et le nez trop grand, qu'il esquissa sans hésitation.

Le temps fila.

Lorsque la guérisseuse Melody entra pour vérifier les constantes de son patient, il était près de sept heures. Elle remarqua tout de suite que le fauteuil avait été déplacé. Elle ne le remit pourtant pas à sa place et fit le tour du lit pour atteindre l'endormi.

Si elle eut aperçut la feuille noircie sur le siège du fauteuil, elle fit comme si de rien n'était. Ce n'était pas ses affaires.

Plus qu'une heure et elle pourrait rentrer chez elle.


Six mois s'étaient écoulés.

Il n'avait toujours pas prononcé un seul mot.

Cependant ni Harry ni Remus ne s'inquiétaient lorsqu'ils en discutaient entre eux. Ils parlaient du poids qu'il reprenait, et de la demande inattendue quand Molly avait rafraichi la coupe de Remus pour qu'elle s'occupa aussi de lui, d'un geste explicite vers ses propres cheveux, trop emmêlés et fourchus. Ils se concertaient pour savoir quel livre lui apporter la semaine prochaine, bien qu'ils se doutaient qu'il n'en lisait guère plus que quelques lignes. Harry apporterait des fusains et autres crayons moldus et Remus se chargerait des feuilles cartonnées et magiquement transformées pour fixer le dessin éternellement tel qu'il avait été tracé.

Étrangement, ni l'un ni l'autre n'avait su d'où était venue cette passion du dessin, mais les deux ne pouvaient qu'être émerveillés devant la facilité qu'avait Sirius à faire parler son modèle. Car, si les premiers dessins qu'il avait faits avaient représentés le Serpentard endormi, ceux qui suivirent furent plus animés. Mais Sirius ne savait dessiner que ce qu'il voyait.

Alors il dessinait.

Il dessina le réveil perdu de Severus Snape, ses yeux un peu larmoyant de n'avoir depuis si longtemps pas été utilisés, sa bouche aux lèvres trop sèche et son souffle sporadique, effrayé de se retrouver dans cet environnement qu'il ne reconnaissait pas.

Il dessina les yeux vides et le visage inexpressif de Severus Snape, lorsqu'il passait son temps à regarder des heures durant la fenêtre créée par Sirius, ouverte sur un univers qui n'était plus qu'onirique, où les flocons continuaient de voleter en tous sens.

Il dessina la première crise d'angoisse de Severus Snape, quand un cri déchira le silence de la chambre et que tout son corps se tordit par terre de douleur, jusqu'à l'arrivée des guérisseuses qui lui firent boire une potion de sommeil sans rêves.

Il dessina le visage détendu de Severus Snape alors qu'il se fut endormi sur le fauteuil qui lui était habituellement réservé.

Il dessina le sourire incongru qui s'était imposé sur les lèvres de Severus Snape, sans raison apparente, un sourire faux et un peu dément, parce de toute façon, il n'avait plus toute sa tête.

Il dessina la grimace sur le visage de Severus Snape lorsque la guérisseuse en chef du département inspecta la longue cicatrice rosâtre sur son torse, qui avait été infligée par un mangemort quelconque mais qui laissait toujours le Serpentard tremblotant lorsqu'on osait y toucher.

Il dessina le regard curieux ou inintéressé de Severus Snape, cela dépendait des jours, lorsqu'il recevait une visite, du professeur McGonagall, souvent, de Remus, parfois, d'Harry et des trois autres, c'était arrivé, de Drago Malfoy, une seule et brève fois.


Parfois, lorsqu'on est vraiment au fond du gouffre, il n'y a qu'une seule manière de s'en sortir, s'accrocher à quelqu'un... et ce fut ce que fit Sirius Black.

Au début, ce fut sans réfléchir, parce que les journées sont longues et qu'il faut bien s'occuper, parce que la chambre était agréable et l'ambiance calme et cotonneuse.

Puis vint le temps où tous les autres retournèrent dans le monde extérieur, parce que même s'il ne le montrait pas, il se souvenait parfaitement du monde qui se trouvait au-delà de la chambre 736. Ils partirent petit à petit, en fonction de leur pathologie et de leur état psychologique.

Remus fut le dernier à sortir, il prit tout son temps pour boucler sa besace, il fit plusieurs fois le tour de la chambre pour s'assurer qu'il n'avait rien oublié, même s'il n'oubliait jamais rien. Puis il posa manteau et valise près de la porte et s'assit sur le lit où se trouvait Sirius. Il lui passa la main dans les cheveux, lui offrit un sourire avant de le prendre dans ses bras.

Longtemps.

En le serrant très fort.

Parce qu'ils étaient frères.

Il ne lui dit rien et Sirius l'imita, mais ses lèvres s'étirèrent en un fin sourire.

Longtemps.

En accentuant un peu à la commissure des lèvres.

Parce qu'ils étaient frères.

Et Remus partit.

Sirius se retrouva seul.

Et bien qu'il ne fût que dix heures du matin, il prit la direction de la chambre 736.


Sirius observa longtemps les gestes qu'effectuaient les guérisseurs sur le corps de Severus Snape, les mots qu'ils lui glissaient de temps à autre pour le stimuler, même s'ils n'attendaient jamais aucune réponse, parce que le patient aux cheveux noirs et au teint pâle restait un homme... et que c'était triste de finir comme ça...

… même pour un mangemort repenti.

Sirius observa longtemps et enfin vint le jour où il se sentit prêt.

Il était deux heures dix-sept lorsqu'il ouvrit la porte de la chambre 736, parce qu'il était impatient et qu'il en avait eu marre de tourner en rond comme un imbécile, parce qu'il avait pris des habitudes qui réglaient et conditionnaient ses journées, qui le rassuraient, parce qu'il avait jadis été un Griffondor et qu'il n'avait jamais été très patient en plus.

Il entra sans toquer, parce qu'il ne le faisait jamais de toute façon et que l'autre s'en fichait. Ce jour-là, Severus Snape était assis sur le fauteuil et regardait la neige tomber. Sirius l'observa un peu, c'était une habitude. Puis il s'approcha de lui et lui tendit la main. Sa voix fut rauque et à peine audible, elle n'avait pas été utilisée depuis un peu plus d'une année et il ne s'était pas attendu à grand chose d'autre. Il était déjà content d'avoir trouvé la sortie par lui-même. Le Serpentard n'avait même pas relevé les yeux vers lui, il ne semblait pas avoir perçu sa présence, et encore moins l'effort fourni pour communiquer avec lui.

Mais Sirius s'en moqua bien.

Parce qu'il était un Griffondor et qu'il s'était choisi un but.

Parce qu'il n'était pas le seul à avoir tout perdu.

Parce qu'en plus il avait la preuve devant lui qu'il n'avait pas tout perdu.

Et Sirius sourit, content.

« On rentre à la maison. »


A suivre...