Bonjour,

Et voici le 1er chapitre de ma nouvelle histoire. On revient à un point de vue partagé. Dean dans un chapitre. Castiel dans un autre. Dans cette histoire, nos deux héros ont leurs problèmes à gérer. Dean doit affronter une blessure physique et Castiel bataille avec une blessure émotionnelle.

J'espère que cette histoire vous plaira. Je ne sais pas trop d'où me vient l'inspiration mais j'y ai mis tout mon coeur.

Une nouvelle fois, 40 chapitres (je suis un peu obsédée par les chiffres) et deux publications par semaine comme d'habitude.

Dites moi ce que vous pensez de ce chapitre et n'hésitez pas à m'écrire. C'est aussi ce qui me pousse à continuer quand je manque un peu d'inspiration.

Bonne lecture

Sydney8201

Musique du chapitre :

Hero de Mariah Carey

Chapitre 1 : Genou à terre

« La vie est une longue blessure qui s'endort rarement et ne guérit jamais. »

George Sand

Le sang. Le feu. Une explosion au loin. La chaleur était absolument insupportable. Dean cligna plusieurs fois des paupières pour tenter d'éclaircir sa vision. Mais il ne voyait rien d'autre que les flammes qui consumaient le véhicule devant lui. Celui dans lequel il était sensé se trouver. Dean pouvait sentir la sueur couler sur son front. Il entendait des cris autour de lui. Les rafales des armes que ses camarades utilisaient. Le jeune homme savait qu'il devait reculer. Il devait prendre la fuite ou il finirait brûlé vif. Les flammes n'étaient plus qu'à quelques centimètres de ses pieds. Elles allaient finir par le consumer et il ne resterait rien de lui à renvoyer au pays. Rien de plus que quelques affaires personnelles qu'il avait laissées derrière lui. Sam n'aurait pas de corps à enterrer. Dean ne pouvait pas l'accepter. Il était un soldat et il avait une guerre à mener. Il devait se battre. Reculer. Le jeune homme se redressa sensiblement mais fut incapable de bouger. Une douleur intense transperça sa jambe au niveau de sa cuisse. Dean ne se souvenait pas d'avoir reçu une balle. Il n'avait aucune idée de l'origine de la blessure qui le paralysait. Il baissa ses yeux dessus et dut retenir un haut le cœur en voyant l'état dans lequel sa jambe se trouvait.

Ce n'était pas une balle qui avait fait autant de dégâts. Dean ne parvenait pas à se souvenir de ce qui lui était arrivé. Il se rappelait d'avoir été au volant d'une voiture, dans un convoi qui devait transporter des hommes et des armes à leur nouveau camp de base en plein désert. Il se souvenait des enfants qui jouaient au milieu de la route, les forçant à s'arrêter. Il se rappelait enfin des cris de ses camarades puis c'était le néant. Ils avaient du être victime d'une attaque d'un kamikaze. De toute évidence, leur véhicule avait été le seul touché. Dean ferma les yeux, incapable de regarder plus longuement sa blessure à la cuisse. Les chaires étaient arrachées. L'os était visible et de toute évidence fracturé. Il ne restait plus grand chose qui attachait le bas de sa jambe au haut de sa cuisse. Il doutait que les médecins puissent faire quoi que ce soit pour lui. Il perdait beaucoup de sang et il n'y avait aucun infirmier dans le convoi.

Dean chercha du regard les autres hommes et femmes qui se trouvaient dans son véhicule. Il n'était plus tout à fait sûr du nombre qu'ils étaient mais il ne devait pas être le seul à avoir été blessé. Autour de lui, c'était le chaos. Les tirs se succédaient. Il entendait des hurlements dont la plupart étaient dans une langue étrangère. Il s'agissait probablement d'un dialecte local. Dean n'avait jamais été très doué pour les langues. Il ne connaissait que quelques mots d'arabe. Pas suffisamment pour tenir une quelconque conversation avec les locaux. Son caporal s'en chargeait heureusement pour lui.

Dean tenta d'appeler le nom des membres de son escouade mais sa voix lui faisait défaut. Sa jambe le lançait de plus en plus et il avait du mal à rester concentré sur son objectif. Les flammes lui semblaient toujours plus proches. Il devait se rendre à l'évidence. Son heure était probablement venue. Il avait survécu à plusieurs déploiements par le passé mais cette fois, il ne rentrerait pas aux Etats Unis. Il mourrait dans le sable parmi ses frères d'armes comme beaucoup d'autres avant lui. Son père aurait très certainement été fier de lui s'il avait encore été en vie. Sam serait dévasté. Michael allait devoir le soutenir. Dean grimaça en pensant à la responsabilité qu'il confiait à son compagnon. Sam était adulte aujourd'hui mais il avait toujours eu besoin de quelqu'un pour veiller sur lui. Et si Dean ne revenait pas, il espérait sincèrement que son petit ami s'en chargerait pour lui.

Il espérait également qu'il serait le seul à mourir. Il était au volant au moment de l'attaque. Il avait du être touché plus sérieusement que ses camarades qui se trouvaient à l'arrière. Il priait pour que leurs blessures soient superficielles. Il était l'officier le plus gradé du convoi et il était de sa responsabilité de veiller sur la sécurité de ses soldats.

De nouveaux bruits de coup de feu tirèrent Dean de ses songes. Il rouvrit les yeux sans se souvenir quant il les avait fermés et observa le feu qui continuait d'avancer devant lui. Les flammes avaient à présent atteint son pied gauche et son pantalon était en feu. Si toutefois il s'en sortait, il allait probablement conserver de sacrées cicatrices. S'il survivait et s'ils parvenaient à sauver sa jambe. Cela faisait beaucoup de « si ». Trop pour être confiant. Dean fronça les sourcils alors qu'il lui semblait entendre son nom. Il tenta une nouvelle fois de reculer mais n'obtint rien de plus que la première fois. Il cria quand la douleur transperça à nouveau sa cuisse. Le soleil tapait au dessus de sa tête et il était sur le point de perdre connaissance. Il ne voulait pas mourir au milieu du désert, loin de chez lui et loin de toutes les personnes qui l'aimaient. Il ne voulait pas mourir tout court. Mais il était fier d'avoir servi son pays. Fier d'avoir donné sa vie pour sauver celles des innocents que les terroristes massacraient quotidiennement. Il avait toujours voulu être utile. Il avait toujours voulu que sa vie ait un sens. Il avait choisi l'armée malgré la désapprobation évidente de son frère, de Bobby et de Michael. Quand Dean l'avait rencontré, il avait dix sept ans et n'avait aucune idée de ce qu'il voulait faire de sa vie. Quand il lui avait annoncé sa décision, ils s'étaient séparés. Michael ne supportait pas l'idée de le voir partir au loin pendant plusieurs mois. Il refusait de s'inquiéter pour lui à chaque fois qu'il serait déployé à l'étranger. Il ne comprenait pas son engagement. Pas plus qu'il ne comprenait son entêtement à suivre les traces de son père quand de toute évidence ce dernier n'aurait certainement pas approuvé ses « autres choix de vie ». Dean l'avait supplié de revenir. Il était amoureux et il ne pouvait pas envisager son avenir sans Michael à ses côtés. Ils avaient discuté, s'étaient mis d'accord sur les problèmes à régler et avaient finalement accepter de faire tous les deux des compromis. Sept ans plus tard, ils étaient toujours ensemble même s'ils ne se voyaient pas beaucoup. Dean savait que ses sentiments pour son petit ami avaient évolué avec le temps. Il n'était sans nul doute plus aussi amoureux de lui que par le passé. Mais il tenait encore beaucoup à lui. Il n'envisageait pas son avenir sans lui. Bien sûr, à cet instant précis, son avenir se résumait à quelques minutes à agoniser allongé dans le sable pendant que le sang s'échappait de sa jambe déchiquetée.

Dean tenta de se concentrer sur la voix qui continuait d'appeler son nom au lointain. Le jeune homme voulait rester éveillé jusqu'à ce que cette personne arrive à sa hauteur. Il voulait pouvoir lui transmettre un message pour ses proches. Mais il avait des difficultés à garder les yeux ouverts. Le feu remontait le long de sa jambe lentement. Il n'avait plus mal. Ce n'était probablement pas bon signe. Il pouvait avoir une blessure au dos. Il était peut être paralysé. Ou il avait perdu trop de sang pour être encore suffisamment conscient de ce qui se passait dans son corps.

La voix semblait se rapprocher maintenant. Dean avait à nouveau les yeux fermés. Il n'était plus capable de parler. Il avait la sensation de flotter. Il se concentra sur la personne qui l'appelait. Il devait rester conscient. Il devait s'accrocher encore quelques minutes. Le jeune homme sentit alors une main se poser sur son épaule. Il refusait qu'on le touche. Il n'aimait pas l'idée qu'on puisse le voir dans cet état. Il tenta de rouvrir les yeux ou de parler pour s'expliquer mais son corps refusait de lui obéir. Il entendit la voix l'appeler juste à côté de lui. Il secoua la tête. On serrait son épaule et on lui parlait mais il ne pouvait pas rouvrir les yeux. Il ne pouvait pas. Le feu allait l'envelopper dans quelques secondes et tout serait fini. Tout serait bientôt fini. Dean n'avait plus la force de lutter.

- Dean, réveille toi !

Dean ouvrit les yeux brusquement et réalisa qu'il hurlait aussitôt. Il referma la bouche et regarda frénétiquement autour de lui. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Il n'était pas seul. Quelqu'un se trouvait à côté de lui. Dean tourna le visage pour voir de qui il s'agissait. Il reconnut aussitôt son petit frère. Sam. Sammy était là.

- Dean, tu faisais un cauchemar. Mais tout va bien … je suis là et tu es en sécurité. Tu n'es plus en Irak. Tout va bien.

Dean fronça les sourcils avant de tourner le visage pour regarder autour de lui. Les murs étaient blancs et vides de toute décoration. Les fenêtres avaient été obscurcies par des rideaux épais et gris. Le jeune homme entendait le « bip bip » d'une machine à côté de lui. Il était couvert par des draps blancs. L'hôpital militaire. Les souvenirs lui revinrent en mémoire brusquement. Il était à l'hôpital depuis plusieurs semaines. Il était en vie. On l'avait rapatrié et soigné aux Etats Unis après l'avoir stabilisé en Irak.

- Sammy … parvint il à murmurer d'une voix rauque qu'il reconnaissait à peine.

Il se souvenait que son frère n'avait pas quitté son chevet depuis son retour. Il se souvenait également qu'il avait été le premier à lui expliquer l'étendue exacte de ses blessures. C'était après lui que Dean avait hurlé en apprenant la gravité des séquelles qu'ils devraient affronter pour le reste de sa vie. Sam l'avait laissé faire sans rien dire. Dean avait pleuré durant de longues heures dans ses bras, refusant de voir qui que ce soit d'autre. Il n'avait pas laissé Michael entrer. Pas plus qu'il n'avait accepté de voir Bobby. Il se sentait diminué. Hideux et faible. Il détestait ce qu'il était devenu. Le psychologue de l'hôpital était venu le voir plusieurs fois mais il n'avait pas voulu lui parler. Il ne voyait pas l'intérêt de lui dire ce qu'il ressentait. Il était évident qu'il n'allait pas bien. Il était allongé dans un lit d'hôpital depuis plus de deux semaines. Il avait perdu la moitié de son escouade dans l'explosion d'une bombe en plein milieu du désert irakien. Il avait été gravement blessé et n'avait plus aucune chance de reprendre un jour son poste de sergent de l'armée américaine.

Il avait échappé à la mort par miracle. Ses camarades avaient eu les pires difficultés du monde à arrêter le saignement de sa jambe et le médecin avait réellement cru qu'il ne s'en sortirait pas. Il lui avait même proposé de faire appel au prêtre pour lui offrir une chance de se confesser avant de mourir. Dean avait refusé. Il n'était pas croyant et doutait que le prêtre soit ravi de confesser un gay qui vivait avec un autre homme et couchait régulièrement avec lui. Il perdit connaissance peu de temps après et ne se réveilla que quelques jours plus tard, aux Etats Unis et dans un lit d'hôpital. Sam était là, le visage fermé, les traits tirés. Il semblait totalement épuisé. Dean avait été soulagé en le voyant. Mais quand son petit frère avait commencé à lui lister les blessures subies et les conséquences qu'elles avaient eues, il s'était aussitôt mis à crier et à pleurer.

Il savait qu'il avait de la chance d'être en vie. C'était ce que Sam lui avait répété encore et encore pour tenter de le calmer. Il était en vie et il allait surmonter cette épreuve. Il ne serait pas seul pour le faire. Dean avait écouté son frère sans réellement parvenir à accepter ce qu'il lui disait.
Oui il était en vie. Et oui c'était un miracle. Mais l'état dans lequel il se trouvait n'avait rien de miraculeux. C'était une malédiction. Un handicap. Dean ne serait plus jamais vu du même œil. Il ne serait plus jamais soldat. Il ne savait plus réellement qui il pouvait être à présent.
La bombe qui avait explosé sous son véhicule l'avait projeté à plusieurs mètres par le pare brise. Un éclat métallique avait ensuite manqué de lui arracher la jambe. Le feu qui avait suivi l'explosion l'avait touché aux bras et au visage. Les cicatrices seraient minimes selon les médecins. Elles seraient quasiment invisibles sur ses bras et seraient vaguement discernables sur son visage et sur son cou. Mais ce n'était pas réellement ce qui inquiétait Dean. Il se fichait d'avoir des traces indélébiles sur le visage. Il ne prêtait aucune importance à son apparence. Il n'en avait pas le luxe en tant que soldat. Il s'attendait à une blessure à chaque fois qu'il était déployé quelque part. Il savait que cela faisait parti des risques de son métier. Mais sa blessure à la jambe était une toute autre histoire.

Les médecins avaient fait tout leur possible mais ils n'avaient pas réussi à la sauver. L'amputation avait été la seule solution viable. Les muscles étaient arrachés, l'os brisé à plusieurs endroits et tous les vaisseaux sanguins détruits. Le sable s'était infiltré dans la plaie et l'infection menaçait de provoquer une septicémie. Ils n'avaient pas réellement eu le choix. Dean pouvait les comprendre. Mais cela ne rendait pas les choses plus faciles à vivre pour autant. Ils avaient coupé sa jambe au milieu de sa cuisse et plus rien ne serait plus jamais comme avant.

Dean allait devoir apprendre à vivre avec une seule jambe. Il allait devoir s'habituer à porter une prothèse. Il boiterait probablement jusqu'à la fin de ses jours. Et ce n'était malheureusement pas les seules conséquences de cette blessure reçue à la jambe. Durant l'opération, Dean avait développé une embolie graisseuse qui avait déclenché une insuffisance respiratoire importante. Les médecins ne savaient pas encore s'il garderait des séquelles de ce point de vue. Ils craignaient que ses poumons aient été sévèrement touchés. Dean avait l'impression que mourir aurait été un soulagement en fin de compte. Il ne se sentait définitivement pas prêt à vivre avec autant de handicaps.

Sam lui avait assuré qu'il n'était pas diminué simplement parce qu'on l'avait amputé de sa jambe gauche. Il restait le même homme et les gens continueraient à le respecter. Il lui avait expliqué que ses camarades et ses hommes avaient demandé à le voir à plusieurs reprises. Il avait refusé de les laisser venir. Il ne voulait pas leur apparaître pâle et fragile, cloué sur un lit d'hôpital. Il serait bientôt démobilisé mais il restait leur sergent. Il voulait qu'ils gardent tous une autre image de lui.

Les jours qui avaient suivi son réveil, Dean avait également refusé de voir les autres personnes qui étaient venues à l'hôpital. Benny, Jo, Ash et Garth avaient tous reçu une fin de non recevoir. Michael, quant à lui, avait eu le droit de rentrer dans la chambre pour l'embrasser rapidement avant d'être à nouveau mis à la porte sous le prétexte que son petit ami avait besoin de se reposer. Dean se demandait s'il serait capable de laisser Michael le voir nu à nouveau maintenant qu'il avait perdu une jambe. Il n'avait pas le cœur à y réfléchir pour le moment. Il préférait de loin se concentrer sur son rétablissement.

Les médecins avaient prévu deux nouvelles opérations pour réparer son moignon et refermer les chaires correctement. Dean devait également subir plusieurs examens pour vérifier l'état de ses poumons. Il était là pour un moment encore. Il ne savait pas encore s'il en était soulagé ou non. Il ne se sentait pas prêt à rentrer chez lui. Il vivait en appartement avec Michael et il n'y avait aucun ascenseur. Il ne pourrait jamais monter les marches les premiers mois. Il y avait beaucoup de choses à penser. Il ne savait même pas par quoi commencer.

Les cauchemars étaient un frein important à sa guérison. Le psychologue lui avait assuré qu'il était parfaitement normal de rêver de ce qui lui était arrivé. Dean savait qu'il souffrait probablement d'un choc post traumatique. Il avait souvent entendu des vétérans ou des soldats blessés en parler. Il n'avait jamais pensé en être victime à son tour. Et il était totalement impuissant à s'en débarrasser. Il refusait de prendre des cachets pour dormir plus paisiblement. Il était convaincu qu'il devait affronter ses cauchemars.

Car malgré tout ce qu'on lui avait dit et ce que Sam lui répétait continuellement, Dean ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable de ce qui s'était passé. Il avait perdu plusieurs hommes dans l'incident et il avait la sensation d'être responsable de leurs morts. Il avait reçu des messages d'alerte avant de s'engager sur cette route. Il en connaissait les dangers. Il les avait ignorés. Il avait bêtement suivi les ordres et mis son escouade en péril. Il ne pourrait sans nul doute jamais se le pardonner. Quand il n'était encore qu'un simple soldat, il avait eu une confiance aveugle en ses officiers. Il les aurait suivi n'importe où sans même se soucier du danger qu'il aurait eu à affronter. Il comptait sur eux pour veiller sur lui. Il comptait sur eux pour prendre les bonnes décisions. Il savait qu'il en allait de même pour les hommes qu'il avait sous ses ordres. Qu'il « avait » eu était plus juste à présent. Il n'était plus un soldat. Il n'était plus un sergent. Il n'était plus rien.

- Dean, tu devrais te reposer. Les médecins disent que tu …

- Je sais ce que les médecins disent Sammy. Ils font leur travail mais ils ne me connaissent pas et … je ne suis pas fatigué. Je n'ai pas besoin de dormir. Tout n'ira pas mieux quand je rouvrirais les yeux.

Dean n'aimait pas s'en prendre à son frère. C'était injuste. Sam était la seule personne qu'il autorisait à le voir dans cet état. Le seul dont il ne redoutait pas le jugement. Il se fichait que son frère puisse voir ce qu'il restait de sa jambe. Et il savait qu'il avait besoin de lui. Il ne pouvait même pas se rendre seul aux toilettes. Il était totalement dépendant de Sam. Il s'en voulait d'accaparer son frère et de l'empêcher de rentrer chez lui retrouver Jessica. Il ne pouvait simplement pas faire autrement. Michael avait proposé de prendre le relais mais Dean n'était pas prêt à le laisser faire. Son petit ami ne pouvait pas le voir ainsi diminué.

- Dean, souffla Sam, visiblement épuisé lui aussi.

Il avait toutes les raisons de l'être. Il avait vécu l'enfer au même titre que son frère. Et si ce n'était pas lui qui avait été amputé, la blessure l'avait touché de la même manière. Dean et lui avaient toujours été extrêmement proches. Leur enfance les avait soudés à tel point qu'ils ne pouvaient pas passer une journée sans se parler au téléphone ou sans se voir. Sam avait été le premier à soutenir son frère quand il lui avait avoué son homosexualité. Le premier à l'encourager à vivre sa vie sans se soucier de ce que leur père aurait pu en penser. Malgré sa réticence à le voir rejoindre l'armée, il ne lui avait pas fait le moindre reproche. Et Dean lui en était reconnaissant. De son côté, il avait parfois la sensation d'avoir manqué à ses devoirs de grand frère. Quand Sam était parti pour Standford, il lui en avait voulu. Il lui avait reproché de partir à des centaines de kilomètres de lui quand Dean était parfois déployé à des milliers de kilomètres de son jeune frère. Ils n'étaient pas restés longtemps brouillés bien sûr. Ils ne le pouvaient pas. Leur réconciliation s'était faite par Skype alors que Dean était en mission en Afghanistan et que Sam poursuivait ses études en Californie. Jessica les avait aidés à mettre leur différend de côté. Ils étaient plus proches encore depuis.

- Sam, ça va aller. Je suis en vie et tu l'as dit toi même … c'est tout ce qui compte, assura Dean en tapotant la main de son frère.

Il tourna ensuite la tête pour observer la fenêtre même s'il ne pouvait pas voir l'extérieur en raison des rideaux tirés. Il mentait pour le bien de Sam. Il voulait absolument protéger son frère de ce qu'il ressentait réellement. Il n'était pas sûr de réussir à le convaincre que tout allait réellement bien pour lui. Mais il était déterminé à jouer le jeu le temps nécessaire. Il se savait fort. Il allait affronter cette épreuve et en ressortir plus fort. Il avait perdu une jambe et avait vu s'envoler son rêve de servir dans l'armée jusqu'à monter les grades comme son père avant lui. Mais il était en vie. Il avait un frère sur qui s'appuyer et pour qui il devait être présent. Il avait un petit ami qui l'aimait et des amis sur qui il savait pouvoir compter. Il n'était pas seul. Il n'allait pas laisser un terroriste irakien détruire sa vie. Il était blessé mais il n'était pas mort. Cela faisait toute la différence. Il devait réussir à s'en convaincre. Et quand il finirait par sortir de cet hôpital, il ferait en sorte de trouver quelque chose à faire de sa vie. Il n'avait pas le choix à présent. Il n'avait pas l'intention de baisser les bras.


Castiel Novak aimait son travail. Il aimait se sentir utile et aider les gens. Il en avait toujours rêvé. Devenir kinésithérapeute n'était peut être pas aussi prestigieux que ce que ses parents auraient voulu le voir faire mais il était fier de ce qu'il faisait. Il avait rencontré des personnes blessées et abattues qui allaient mieux après avoir terminé leurs séances avec lui. Il était le dernier maillon d'une grande chaîne qui avait pour vocation de remettre sur pieds des personnes qu'on croyait perdues. Il aurait pu avoir son propre cabinet et ne s'occuper que de la rééducation de victimes de fractures. Il aurait pu devenir extrêmement riche. Mais il avait préféré travailler pour un hôpital militaire. Il avait préféré être confronté à ceux qui revenaient du front avec des blessures extrêmement handicapantes. Il s'était donné pour but de leur redonner espoir et de les convaincre qu'il existait une vie après la blessure. Une vie après l'armée. Parfois, il était autant psychologue que kinésithérapeute. Il se sentait réellement utile.

Il savait exactement d'où cette vocation lui venait. Il ne pouvait simplement pas l'expliquer à ses parents. Comment pouvait il leur faire comprendre qu'il avait choisi d'aider des militaires blessés parce qu'il avait vu l'homme qu'il aimait subir le même sort alors qu'il était encore étudiant ? Il ne leur avait jamais réellement avoué son homosexualité. Ce n'était pas quelque chose qu'ils pourraient accepter. Castiel s'était caché toute sa vie. Il avait menti et inventé des histoires. Il avait vécu comme un reclus jusqu'à ce qu'il rencontre Adam. La première fois qu'ils s'étaient vus, c'était dans un bar où Castiel s'était rendu avec ses amis Balthazar et Meg. Il avait immédiatement été séduit par le jeune homme et avait passé la soirée à discuter avec lui. Il avait appris qu'Adam était dans l'armée, qu'il avait deux ans de plus que lui et qu'il se destinait à une carrière brillante. Castiel lui avait parlé de ses études et de son désir de devenir kiné. Ils avaient convenu d'un nouveau rendez vous. Castiel était tombé amoureux rapidement. Et malgré les séparations dues aux nombreux déploiements d'Adam, il n'avait jamais cessé de l'aimer. Il avait été le premier homme avec qui Castiel avait couché. Il avait également été celui avec qui il envisageait de faire sa vie. Adam lui avait proposé d'emménager avec lui huit mois plus tard. Castiel avait accepté. Son petit ami s'était alors rendu en Afghanistan et avait sauté sur une mine anti personnelle. Il était revenu aux Etats Unis couvert de blessures, de cicatrices et avec son bras droit amputé. Castiel se fichait de tout ça. Il aimait Adam et n'avait pas l'intention de le laisser tomber simplement parce qu'il était diminué. Mais Adam n'avait pas supporté son état. Il n'avait pas supporté ses blessures. Il avait sombré dans une importante dépression qui l'avait conduit à être interné. Il avait fini par mettre fin à ses jours. Castiel avait cru que sa vie s'arrêtait le jour où il avait appris sa mort. Les mois qui avaient suivis avaient été les plus durs de son existence. Meg et Balthazar l'avaient soutenus. Il avait réussi à remonter la pente. Et il avait alors choisi de travailler dans un hôpital militaire. Il refusait que d'autres soldats subissent le même sort qu'Adam. Il voulait les aider à aller mieux. Il voulait les guérir.

Castiel ne vivait plus que pour son travail. Il n'avait rencontré personne depuis la mort d'Adam et malgré les encouragements de ses amis, il n'en avait pas réellement l'intention. Il ne pouvait pas nier qu'il se sentait seul. Il n'aimait pas se réveiller sans quelqu'un à ses côtés. Il n'aimait plus son appartement qui sonnait creux ou le manque qu'il ressentait chaque jour. Il était entouré mais il se sentait seul. Il passait le plus clair de son temps à l'hôpital, assurant des gardes longues malgré les regards désapprobateurs de ses collègues et de ses amis. Mais cela n'avait aucune importance. Il ne se sentait pas prêt à refaire sa vie et il n'avait rien de mieux à faire que de travailler.

Meg avait tenté de lui faire rencontrer plusieurs hommes qu'elle connaissait. Il avait refusé à chaque fois. Il avait la sensation de trahir Adam en pensant à un autre homme. Il ne savait pas s'il serait un jour capable d'aimer quelqu'un d'autre. Il était peut être destiné à finir sa vie seul. Il avait fini par l'accepter. Quand le manque était trop fort ou trop intense, il se rendait sur la tombe d'Adam et lui parlait pendant des heures.

Balthazar lui avait souvent dit qu'il jugeait que son ancien petit ami l'avait abandonné. Mais Castiel ne lui en voulait pas. Il savait combien il avait été difficile pour lui d'assumer ses blessures. Même l'amour qu'il avait eu pour lui n'avait pas suffi à l'aider. C'était en partie sa faute si Adam s'était suicidé. Il avait également accepté cela.

Parfois, quand il revenait du cimetière ou de l'hôpital et qu'il ne supportait plus le silence de son appartement, il se rendait sur des sites d'anciens combattants. Il discutait avec des hommes et des femmes qui avaient vécu l'enfer à l'étranger et qui en étaient revenus changés. Il tentait de les réconforter en partageant avec eux son expérience. Il leur parlait d'Adam et de son courage. Il n'évoquait jamais avec eux son suicide. Ces sites lui permettaient de continuer à mener à bien la mission qu'il s'était confié à la mort de l'homme qu'il aimait. Castiel espérait pouvoir leur apporter un peu de réconfort comme il le faisait dans son travail. Il ne savait pas si cela marchait mais il aimait assez l'idée.

- Il a refusé de me parler à nouveau. Je crois qu'il n'accepte toujours pas ce qui lui est arrivé. J'aimerais pouvoir l'aider mais je ne peux pas le faire contre son gré.

Castiel leva les yeux de sa tasse de café pour observer le docteur Barnes. Pamela était psychologue à l'hôpital où il travaillait et elle était sans nul doute la meilleure dans son domaine. Personne ne lui résistait très longtemps. Mais de toute évidence, un patient semblait décidé à ne pas coopérer. Il pouvait sentir la frustration dans sa voix.

- Il refuse de voir qui que ce soit. Il n'accepte que son frère et encore, simplement parce qu'il ne peut pas rester seul sans paniquer. Ses amis continuent de venir mais ils ne peuvent pas entrer dans sa chambre. Je ne sais plus quoi faire avec lui, continua Pamela en croisant ses bras sur son torse.

Comme à son habitude, elle ne portait pas une tenue conventionnelle. Elle avait opté à la place pour un tee shirt à l'effigie d'un groupe de rock et un jean délavé qui mettait en valeur sa silhouette parfaite. Ses longs cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules. Elle était séduisante. Castiel savait qu'elle attirait les convoitises d'une bonne partie du personnel masculin et de certains de ses patients. Elle était toutefois parfaitement professionnelle et ne mêlait jamais vie privée et travail.

- De quel patient parles tu ? Demanda t-il alors, curieux de savoir quelle personne pouvait résister à sa collègue.

Pamela se tourna alors vers lui avant de venir s'asseoir à sa table. Elle croisa ses jambes et posa ses mains devant elle.

- Le sergent Dean Winchester. Il a été admis il y a presque deux semaines maintenant. Il a été blessé en Irak. Il a perdu une bonne partie de ses hommes. Et sa jambe gauche. Je ne sais plus quoi faire de lui.

Castiel frissonna en faisant presque aussitôt le lien entre Dean et Adam. Ce n'était pas le même pays ni les mêmes circonstances mais les similitudes étaient là. Il prit quelques secondes pour repenser à Adam mais chassa aussitôt son ancien petit ami de son esprit.

- On ne m'a pas parlé de lui, expliqua t-il, surpris.

Il était généralement celui à qui on confiait les dossiers les plus délicats et les patients les plus récalcitrants. Il était surpris de ne pas avoir entendu parler du sergent Winchester.

- C'est un patient de Crowley. C'est lui qui a été chargé de le remettre sur pieds.

Castiel n'aimait pas particulièrement le docteur Crowley. Il était le deuxième kiné de l'hôpital. Et s'il était très doué dans son domaine, il n'en était pas moins extrêmement rude et parfois indélicat avec ses patients. Beaucoup s'étaient plaints de ce qu'il leur avait dit. Castiel ne comprenait pas pourquoi il travaillait toujours pour l'hôpital. Il doutait sincèrement qu'il puisse être d'une grande aide pour un cas aussi compliqué que celui du sergent Winchester.

- Pour le moment, il n'a pas pu faire grand chose pour lui de toute façon. Le chirurgien doit encore l'opérer pour réparer ce qu'il reste de sa jambe et ses poumons sont plutôt très abimés suite aux complications de sa première opération. Il ne pourra pas suivre une séance complète avant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Et ça c'est si et seulement si il accepte qu'on l'aide d'une manière ou d'une autre. Pour le moment, il clame à qui veut bien l'écouter qu'il n'a pas besoin d'être assisté.

Castiel en avait connu d'autres comme lui. Il se souvenait d'avoir du batailler avec certains soldats pour leur faire comprendre qu'il était impossible de s'en sortir seul. Il savait combien il pouvait être compliqué pour ces hommes et ces femmes d'admettre qu'ils étaient blessés et qu'ils avaient besoin d'aide. Certains avaient vécu l'enfer et survécu aux pires horreurs. Ils se croyaient plus forts qu'ils ne l'étaient vraiment. Castiel savait comment les aborder. Il savait quoi leur dire. Mais il n'avait pas pour autant l'intention de s'interposer entre Crowley et son patient. Il avait déjà suffisamment à faire avec les siens.

- Je ne sais pas quoi faire avec lui. Il sera bientôt dehors et je doute d'avoir une chance d'obtenir un quelconque résultat avant qu'il ne quitte l'hôpital.

- Je suis sûr que tu trouveras un moyen, la réconforta Castiel en souriant.

Il jeta ensuite un coup d'oeil à sa montre et réalisa que sa pause était terminée. Il avait un rendez vous avec un patient puis son chef de service à voir. Il se leva de sa chaise, adressa un dernier sourire à Pamela qui semblait en proie à une intense réflexion puis quitta la salle après avoir jeté son gobelet vide à la poubelle. Il remontait les couloirs pour se rendre à son bureau quand son téléphone vibra dans sa poche. Il le sortit et grimaça en voyant le prénom de Meg s'afficher. Il décrocha tout de même.

- Ok, Clarence, je sais que tu vas me hurler dessus mais je tenais juste à te prévenir que j'ai organisé pour toi un rendez vous avec Dick.

Castiel s'immobilisa au milieu du couloir et ferma les yeux en soupirant longuement.

- Tu sais que je n'irais pas. Je te l'ai dit mille fois. Je ne veux pas d'un rendez vous arrangé … je ne veux pas d'un rendez vous tout court.

- Je sais que tu es déterminé à vivre ta vie en ermite jusqu'à ce que tu meurs mais puisque je suis ton amie et que je suis géniale parfois, je n'ai pas l'intention de te laisser faire. Dick est canon, célibataire et plein aux as. Il est parfait pour toi.

Castiel se massa une seconde l'arrête du nez avant de secouer la tête. Il adorait sincèrement Meg. Elle avait toujours été là pour lui quand il en avait besoin. Mais il détestait quand elle cherchait à le caser avec quelqu'un. Il avait déjà du refuser plusieurs fois de rencontrer les hommes qu'elle jugeait « parfaits » pour lui. De surcroît, il avait déjà suffisamment entendu parler de Dick Roman pour savoir qu'il n'était pas le genre d'homme avec qui il voulait passer une soirée. Son amie aurait du le savoir également.

- Je ne veux pas sortir avec lui et je ne veux pas que tu continues à essayer de me caser. Si je voulais sortir avec quelqu'un, je serais parfaitement capable de trouver ce quelqu'un seul. Mais merci quand même.

- Clarence, tu es incapable de rencontrer quelqu'un. Tu ne sors jamais. Tu n'es même pas inscrit sur un site spécialisé. Tu n'as aucune chance de croiser quelqu'un en dehors de ton travail mais je doute que tu aies très envie de sortir avec un de tes patients.

Castiel ne voulait effectivement pas revivre la même chose que ce qu'il avait vécu avec Adam. Il savait qu'il n'était pas suffisamment fort pour y parvenir. Mais il n'était pas non plus prêt à s'engager avec qui que ce soit. Il avait trop souffert la dernière fois. Il préférait de loin se concentrer sur son travail et sur ses patients. Il avait fait une croix sur sa vie amoureuse.

- Je vais raccrocher maintenant Meg. J'ai un rendez vous et aucune minute à te consacrer pour le moment. Dis à Dick que je ne suis pas disponible et arrête d'essayer de me caser à tout prix.

Castiel ne laissa pas le temps à son amie de dire quoi que ce soit et raccrocha le téléphone dès qu'il eut fini de parler. Il était en retard pour son rendez vous et il n'aimait pas la façon dont sa conversation avec Meg avait fait ressurgir des souvenirs d'Adam qu'il tentait d'oublier la majeure partie du temps. Il savait qu'il inquiétait ses amis. Il savait également qu'il n'était probablement pas sain de vivre continuellement dans le passé. Mais il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait faire pour remédier à sa situation.

Il soupira longuement avant de se remettre en route. Il trouvait indécent de s'apitoyer sur son sort quand l'hôpital où il se trouvait regorgeait de patients qui avaient vécu bien pire que lui. Il était en vie et en bonne santé. Il ne souffrait d'aucun handicap physique. Ses patients avaient tous des séquelles importantes à accepter. Il était chanceux à comparer d'eux. Il le savait.

Castiel rejoignit son bureau rapidement puis attrapa le dossier de son prochain patient sur son étagère. Kevin Tran. Le jeune homme s'était engagé seulement deux mois avant d'être grièvement blessé. Il avait reçu plusieurs balles dans le dos et les médecins étaient pessimistes quant à ses chances de remarcher un jour. Castiel, lui, voulait y croire. Il avait vu des miracles se produire. Il savait qu'il était idiot de perdre espoir. Tout était possible quand on s'en donnait les moyens.

Castiel rejoignit alors Kevin dans sa chambre quelques minutes plus tard. Ils avaient commencé à travailler ensemble depuis seulement une semaine et pour le moment les progrès n'étaient pas évidents. Castiel se contentait de bouger les membres inférieurs du jeune homme pour lui éviter de perdre toute sa masse musculaire. Ce n'était pas grand chose mais c'était important.

Kevin partageait sa chambre avec un autre soldat blessé. Castiel ne le connaissait pas. Il était arrivé récemment. Son convoi avait été attaqué en Irak et il avait été blessé au bras lors de l'explosion de son véhicule. Les médecins avaient réparé les dommages infligés par les brûlures mais le soldat avait encore besoin de récupérer toute la mobilité de son bras. Castiel croyait se souvenir qu'il s'appelait Garth Fitzgerald. C'était un patient de Crowley. Le kiné se trouvait d'ailleurs avec lui à ce moment précis.

- Vous devez pouvoir me donner de ses nouvelles au moins. Il refuse de me voir mais j'ai besoin de savoir s'il va s'en sortir.

- Il vivra, déclara Crowley d'une voix calme.

Castiel pouvait comprendre l'inquiétude du soldat. Il savait combien ses hommes étaient proches les uns des autres. Les blessures de l'un étaient comme infligées à l'autre. Même si ce n'était qu'émotionnellement. Ils devaient toujours compter les uns sur les autres quand ils étaient sur le champ de bataille. Cela créait des liens uniques. Ils devenaient comme des frères.

- Ok, il vivra mais … il vivra comment ? Sa jambe est … elle est foutue hein ? Demanda Garth, visiblement très inquiet.

Crowley soupira longuement avant de poser le dossier de son patient au pied du lit et de lui attraper le bras.

- Sa jambe n'est plus qu'un lointain souvenir Caporal. Et je ne peux pas discuter de son état avec vous. Je n'en ai pas le droit. Si vous voulez en savoir plus, vous allez devoir vous adresser à son frère. Maintenant, nous devons absolument nous mettre au travail.

- Mais Dean est … il est le plus solide d'entre nous et maintenant il …

Garth ne termina pas sa phrase. Castiel fronça les sourcils en entendant le prénom de l'homme pour lequel il s'inquiétait autant. Dean. Le Sergent Dean Winchester. Patient de Pamela. Garth avait visiblement été blessé en même temps que lui.

- Ca va doc ? Demanda alors Kevin tirant Castiel de ses songes.

Ce dernier hocha aussitôt la tête et se reconcentra sur son patient.

- Oui, désolé, j'ai la tête ailleurs, s'excusa t-il.

Il attrapa alors la jambe de Kevin et commença les mêmes mouvements que lors de leurs précédents rendez vous. Il s'en voulait d'avoir été distrait mais quelque chose dans ce que Garth avait dit et dans ce que Pamela avait expliqué le perturbait considérablement. Il ne connaissait pas Dean Winchester mais le Sergent lui rappelait Adam. De toute évidence, comme son ancien petit ami, cet homme semblait ne pas accepter ses blessures. Comme lui, il paraissait refuser qu'on l'aide. Castiel priait pour que les choses se terminent mieux pour lui que pour Adam.

- Vous pourrez lui dire que j'aimerais le voir quand vous le verrez ? Lui dire que je m'inquiète et que … personne ne lui fait aucun reproche. On sait tous que ce n'est pas de sa faute. Il ne pouvait pas deviner qu'on nous attaquerait. Il ne pouvait pas savoir. Il n'est pas responsable. Tous ceux qui ont eu la chance de servir avec lui s'inquiètent vraiment. On veut juste être sûr que tout ira bien, expliqua Garth, rompant une nouvelle fois le silence dans la pièce.

Castiel lui jeta un nouveau coup d'oeil. Crowley était en train d'examiner son bras. La blessure était sérieuse et les brûlures profondes.

- Le Sergent Winchester a perdu une jambe et il n'en est qu'au tout début de sa convalescence. Vous devriez le laisser respirer. S'il ne veut pas vous parler, je ne vois pas quoi faire pour vous. Il me tolère à peine la plupart du temps. Il refusera de m'écouter, assura Crowley.

Castiel aurait aimé pouvoir intervenir pour soulager quelque peu Garth. Il aurait également aimé pouvoir aller parler à Dean Winchester pour lui faire entendre raison. Mais il n'avait pas le droit de se mêler d'un dossier qui ne le concernait pas. Il allait devoir faire confiance à Crowley pour faire le nécessaire. Et compter sur Pamela pour faire entendre raison à son patient. Ce n'était pas son dossier. Pas son combat. Surtout quand le patient lui faisait autant penser à Adam. Il était soulagé de ne pas en être responsable. Il n'était pas sûr qu'il aurait été capable de le mener à bien sans s'effondrer.

- L'armée c'est toute sa vie vous savez … il ne vit que pour ça, murmura Garth d'une voix qui tremblait.

- Plus maintenant, répliqua Crowley presque aussitôt.

Castiel serra les dents pour ne pas dire à son collègue qu'il était inutile de se montrer aussi froid. De toute évidence son patient avait besoin d'être réconforté. Il était totalement stupide de lui mentir mais il était également inefficace de le confronter aussi brutalement à la réalité des choses. Il était nécessaire parfois de se montrer un peu psychologue avec les hommes qu'on traitait.

- Mais qu'est-ce qu'il va faire maintenant ? Demanda Garth, perdu.

Crowley haussa les épaules avant de reprendre le dossier de son patient pour noter quelque chose dessus.

- Il va vivre une autre vie. Il va réapprendre à marcher avec une prothèse et il va s'orienter vers quelque chose de nouveau. Ne vous en faites pas pour lui. Je suis sûr que tout ira bien quand il aura enfin accepté ses blessures.

Castiel soupira. C'était bien là tout le problème. Faire accepter à un soldat qu'il serait diminué et incapable de faire ce qu'il faisait jusque là était extrêmement compliqué. Cela ne se faisait pas facilement. Certains soldats n'arrivaient jamais à envisager leur vie loin de l'armée. Et de toute évidence, c'était le cas pour Dean Winchester. Il n'avait toutefois pas le choix. Castiel détourna les yeux de Crowley et Garth pour se concentrer à nouveau pleinement sur Kevin. Il ne pouvait pas se permettre de se laisser distraire. Même si quelque chose lui disait qu'il n'avait pas fini d'entendre parler du Sergent Winchester.