Il est préférable d'avoir lu Quand elle ne sera plus mon élève, bien que ce ne soit pas nécessaire. Mais fortement conseillé. Puisque c'est la suite.

Normalement, il n'y aura pas de fautes, puisque tout a été relu par (la géniale) Mara116. Donc, s'il en reste, j'en prends l'entière responsabilité et je m'en excuse d'avance.


Lorsque Blaine Anderson était contrarié, il se levait au milieu de la nuit et décidait de faire la vaisselle. Ils avaient un lave-vaisselle. Mais Blaine ouvrait les placards, sortait les jolis verres - ceux qu'il avait récupérés de sa grand-mère. Ils étaient précieux ces verres et il devait se concentrer pour ne pas les casser. Cette tâche lui permettait d'avoir un but, quelque chose sur quoi se focaliser. Et il oubliait ses problèmes.

Il oubliait que pour la dix-huitième soirée consécutive, il s'était disputé avec Kurt. Il oubliait qu'ils s'étaient disputés à cause de sa fille, de sa fille à lui. Il oubliait que sa fille ne lui parlait plus qu'en français pour ne pas que Kurt et Grant ne comprennent pas ce qu'elle disait. Il oubliait que son fils de quatre ans lui avait demandé si sa sœur l'aimait encore.

En nettoyant les jolis verres en cristal qu'il avait eus de sa grand-mère, Blaine oubliait. Et ce soir-là, il pleurait aussi.

Il y avait douze verres. Six verres à vin et six flûtes à champagne. Blaine ne se souvenait pas si un jour, ils les avaient utilisés. C'était les verres de la grand-mère. Ils ne pouvaient les sortir que pour une grande occasion. La naissance de Grant avait été une grande occasion, mais elle avait été arrosée dans des verres en plastique à la maternité. Et puis, quand leur fils était arrivé à la maison, ils avaient concentré toute leur attention sur lui. Et sur Charlie. Et ils avaient oublié d'organiser la fête qu'ils avaient imaginée pour accueillir leur fils à eux.

Blaine posa le dernier verre sur l'égouttoir et prit un torchon. Il fallait les essuyer, ces verres. Pour ne pas qu'il y ait de traces. Alors, Blaine s'adossa à l'évier et essuya méticuleusement tous les verres. Il regardait les photographies qu'ils avaient accrochées au fil des années sur le mur des bons moments. Des petits bouts de vie.

Ils avaient emménagé ici cinq ans plus tôt. Ils avaient acheté cette maison, presque cinq ans jour pour jour plus tôt. Et le mur était plein de photographies se superposant. Des photographies de sa famille. De Kurt. De Charlie et Grant, ses enfants. De ses amis et de leurs enfants. Des photographies d'enfants hilares et de batailles d'eau. Des photographies de nourrissons dans les bras de leurs parents larmoyants de joie. Puis, les nourrissons grandissant. Ce mur était là pour remonter le moral.

Mais cette nuit, avec une flûte dans les mains, ce mur le faisait pleurer. Il n'arrivait pas à oublier.


Lorsque Kurt Hummel était contrarié, il n'arrivait pas à dormir. Il attendait que Blaine se lève et descende dans la cuisine. Lorsqu'il entendait la chaudière se déclencher, pour que Blaine ait l'eau brûlante pour nettoyer les verres de sa grand-mère, il se tournait et s'installait à la place de Blaine. La place dans le lit était encore chaude. L'oreiller avait encore la forme qu'il lui avait donnée.

Kurt s'installa, comme il le faisait depuis dix-huit jours. Il respira l'odeur de la couette. L'odeur de Blaine. Cette odeur qui lui était réconfortante. Il alluma la petite lampe. Et regarda la table de chevet de Blaine.

Kurt avait une table de chevet avec deux tiroirs dans lesquels étaient organisés quelques produits de soins pour le visage ou les mains, quelques livres. Alors, sur le dessus de sa table de chevet, il n'y avait qu'une lampe et qu'un radio-réveil.

Mais, Blaine avait un point de vue différent. Il aimait se réveiller et s'endormir avec « ses trucs » comme il les appelait. Alors, sur sa table de nuit, il avait une petite lampe et un antique réveil qui frappait toutes les minutes d'un « tic, tac » que Kurt avait détesté. Mais, désormais, ce bruit faisait partie de l'ambiance sonore, un métronome.

Sous la table de nuit, il y avait une étagère. Qui supportait une douzaine de romans. Certains étaient finis depuis longtemps, d'autres jamais ouverts et certains étaient en cours de lecture. Et ce que Kurt préférait, même s'il ne l'aurait pas avoué, et surtout pas ce soir, c'était les photographies. Une photographie de lui, de lui et Blaine, de leurs enfants, d'eux et leurs enfants, des parents de Blaine avec son frère.

Il regarda la photographie de deux adolescents en blazer cintrés bleu marine. L'un avec les cheveux plaqués et l'autre avec des grands yeux bleus. Il prit le cadre sobre dans ses mains et regarda la photographie intensément. Comment avaient-ils pu devenir ce qu'ils étaient désormais ?


Blaine sécha sa dernière larme en montant l'escalier. Il s'arrêta au premier étage. Il ouvrit la porte de la première chambre, sans bruit. Charlie dormait paisiblement. Il sourit en la voyant sous sa pile de couvertures. Puis, il referma la porte aussi doucement qu'il l'avait ouverte.

Puis, il avança de quelques pas et se glissa dans la chambre de son fils. Grant avait peur du noir. Sa porte était toujours ouverte. Blaine s'avança jusqu'au lit de son fils. Il remonta délicatement les couvertures et caressa ses cheveux châtains du garçon en s'asseyant sur le bord du lit.


Charlie Anderson avait entendu son père et Kurt se disputer. C'était toujours les mêmes mots qui revenaient. Et son prénom. Elle le savait. Elle aurait aimé faire un effort, faire que son père et Kurt arrêtent de se disputer à cause d'elle, mais elle n'y arrivait pas. Elle avait aimé Kurt. Elle l'avait considéré comme un deuxième père. Mais, elle n'arrivait plus à faire semblant.

Elle avait entendu son père nettoyer les verres de la grand-mère. Ils devaient être propres ces sacrés verres, après presqu'un mois de soirée à les nettoyer. Puis, elle l'avait entendu dans les escaliers, il avait ouvert sa porte et était reparti. Puis, elle avait entendu le parquet craquer dans la chambre de son frère. Parce que, quoi qu'en dise Kurt, elle l'aimait son petit frère. Il ne comprenait vraiment rien.

Elle sortit de son lit et se dirigea dans la chambre de son frère. La porte était, comme toujours, ouverte et son père s'était allongé sous les couvertures avec Grant. Grant adorait dormir avec quelqu'un et Charlie en était sûre, il s'était calé dans les bras de son père.

Elle s'avança dans la chambre du petit garçon. Elle évita la latte de parquet qui craquait toujours. Et elle regarda ses deux garçons préférés au monde dormir. Son père s'était glissé sous les couvertures. Elle s'avança encore plus près du lit et embrassa sa joue. Blaine bougea un peu au contact de ses lèvres sur sa barbe naissante, mais ne se réveilla pas.

Elle s'allongea alors contre lui, cherchant le contact. Elle voulait que son père la prenne dans ses bras, comme il faisait avec Grant. Elle voulait s'endormir contre son père. Comme il l'avait fait tant de fois. Avant. Avant que Kurt ne vienne. Avant que Grant n'arrive. Avant, dans leur autre vie.

Mais le lit était trop petit. Elle était devenue trop grande. Trop grande pour les bras de son père. Elle retourna dans sa chambre. Et s'installa à son bureau.

L'année de ses huit ans, Charlie perdit sa mère, Charlie quitta New-York, sa ville natale, tous ses amis, toutes ses habitudes, Charlie emménagea à Lima dans l'Ohio et Charlie entra au CE2.

L'année des huit ans de Charlie, son père retomba amoureux de celui qu'il avait toujours plus ou moins aimé. C'était plus compliqué que ce qu'elle imaginait. Elle avait quinze ans. Et déjà l'amour lui semblait compliqué. Alors qu'est-ce que cela devait être à dix-sept ans, à vingt ans ou plus tard ?

En CE2, Charlie avait eu le meilleur prof qu'il soit. Kurt Hummel. Elle le savait, il l'avait aidée. Parce qu'il avait aidé son père, et que c'était merveilleux d'avoir pu retrouver son père d'avant. D'avant quand sa mère était vivante et qu'ils faisaient des blagues ensemble. D'avant quand son père souriait toujours.

Kurt Hummel, son professeur, lui avait donné un cahier. Il lui avait dit que les pensées étaient mieux sur un cahier que dans la tête d'une petite fille. Alors, elle écrivait ce qu'elle ressentait et elle le posait sur son bureau, le soir, le cahier était dans son sac. Et si elle avait posé des questions, il y avait des réponses.

Depuis que Charlie détestait Kurt, elle ne lui donnait plus son cahier. Mais elle écrivait toujours dans un cahier.

Ce soir-là, elle ouvrit son cahier et prit le premier crayon qui lui tomba sous la main. Et alors, qu'elle commença à écrire, elle pleurait silencieusement.

Papa et Kurt se sont disputés ce soir, alors que Grant était couché. Ils pensaient que j'écoutais de la musique, mais je les écoutais eux. Je n'aurais pas dû.

Kurt a dit à Papa qu'il en avait marre de moi. Ce que je comprends. Je ne lui parle plus depuis des mois. Mais, je n'arrive pas à faire autrement. Rien que de le voir, j'ai envie de lui crier dessus. Et de le frapper. Alors, je l'ignore. Et je sais que Kurt en a marre. Et Papa aussi.

Ce soir, Papa a dit qu'il ne voulait pas choisir entre moi et Kurt. Parce qu'on avait chacun une place claire dans son cœur. Mais Kurt dit qu'il ne va pas pouvoir vivre avec moi encore des mois. Il a dit qu'il ne voulait pas attendre que j'aille à l'université pour pouvoir être serein dans sa propre maison. Alors, Papa a dit que dans une semaine, je partais en France.

Et Kurt a dit à Papa : « Tu devrais sûrement partir avec elle ».

J'ai eu un choc. Je pensais que mon départ allait les rapprocher. J'allais même faire une sorte de lettre d'excuse pour Kurt, qu'il trouverait après mon départ. Pour qu'ils passent lui, Papa et Grant, de bonnes vacances sans moi. Qu'ils puissent avoir la vraie vie de famille qu'ils méritent sans le boulet que je suis.

Papa a répondu : « Je ne sais pas ». Et Kurt lui a dit : « Je sais que tu devrais partir. Ça nous ferait du bien. A tous. A toi et elle, de vous retrouver. A toi. Tu pourrais revoir la famille de Camille, aller sur la tombe de Camille aussi. Tu pourrais composer un peu, voyager avec Charlie. Et puis, je passerai du temps avec Grant. Et puis, ça nous permettrait de faire le point. »

Je sais ce que ça veut dire « faire le point ». Je ne suis pas née de la dernière pluie. Papa et Kurt vont rompre. Et même si je pleure, je ne sais pas si je suis triste parce que j'aime l'idée de Papa et Kurt ensemble ou si je pleure parce que ça va remettre ma vie actuelle en cause.

Comment vais-je faire pour voir Grant ? Et la famille de Kurt ? Si Papa et Kurt ne sont plus ensemble, je peux faire une croix sur toute cette partie de ma vie.

On va sûrement aussi devoir déménager. Je ne suis pas prête à tous ces changements.

Charlie entendit du bruit. Elle tendit l'oreille. Puis, elle entendit la poignée de la porte de sa chambre s'ouvrir. La tête de son père apparut.

- Tu ne dors pas Charlie ?

- Je n'y arrive pas.

- Je peux entrer ?

- Bien sûr.

Son père s'avança vers le lit et s'y allongea.

- Charlie, on a discuté avec Kurt, dit-il en regardant le plafond, je vais sûrement partir avec toi en France. Juste tous les deux.

- Combien de temps ?

- Deux semaines.

- Et Grant ?

- Il reste ici, avec Kurt.

- D'accord.

Charlie posa son crayon et alla s'installer à côté de son père, sur son lit. Leurs épaules étaient collées. Charlie était aussi grande que lui. Un silence s'installa.

- Papa ? Est-ce que quand on reviendra tout sera comme … avant ?

- C'est-à-dire ?

- Toi et Kurt.

- Je ne sais pas.

- Tu aimerais que ce soit comme avant ?

- Je ne sais pas, Charlie. C'est compliqué, mais j'aimerais que ça devienne plus simple.

- Papa ?

- Mmh.

- Est-ce que vous allez séparer ?

- Pas du tout. Qu'est-ce-que tu racontes ?

Charlie soupira de soulagement.