Note d'auteur
Voici la première histoire que je décide de publier. Je n'ai malheureusement pas de beta reader, alors il est possible que des fautes se soient glissées par endroits. Je publierai un chapitre par semaine (a priori le mercredi). Tous les commentaires sont les bienvenus !
Sur ce, je vous souhaite une agréable lecture !
« Salut Zelos !
- Tu viens encore me rendre visite ? Je vais finir par croire que tu ne peux plus te passer de moi. »
Lloyd baissa les yeux et rougit légèrement à mes propos.
Je tapotai nonchalamment la place à côté de moi sur le canapé pour l'inviter à s'asseoir. Il sembla hésiter quelques secondes avant d'accepter et de me rejoindre. Il demeura cependant complètement silencieux, se contentant de faire des gestes nerveux avec ses mains, et d'éviter très soigneusement mon regard. Il finit toutefois par reprendre la parole, non sans avoir pris une profonde inspiration auparavant.
« J'ai quelque chose à te dire.
- Je t'écoute.
- Tu comptes beaucoup pour moi. Tu le sais, n'est-ce pas ? »
Bien sûr que je le savais. Comment aurais-je pu l'ignorer ? Il avait été la première personne à me témoigner de l'intérêt. La première personne à ne pas s'arrêter à mon titre d'Elu. La première personne à se dire sincèrement mon ami. Sans lui, je ne serais jamais parvenu à enfin tourner le dos à mon passé.
« Où veux-tu en venir ?
- J'aimerais te parler de quelque chose. Mais c'est un sujet assez délicat…
- Tu veux me parler de la personne dont tu es tombé amoureux ? »
Ses yeux s'agrandirent et il leva finalement son visage vers moi. Il avait l'air profondément surpris par ce que je venais de dire. Pensait-il réellement avoir été discret ? Moi qui avais l'habitude de faire fondre toutes les femmes sur mon passage, son changement d'attitude envers moi – bien que subtil – ne m'avait pas échappé. Ses regards s'étaient faits plus appuyés et plus prolongés lorsqu'il pensait que je ne le voyais pas. Il recherchait de plus en plus ma présence, alors qu'il était toujours censé retrouver toutes les exsphères restantes pour les envoyer sur Derris-Kharlan, et qu'il ne s'agissait certainement pas d'un mince travail. De plus, Isélia n'était pas exactement la porte à côté. Mais surtout, il se dérobait de moins en moins à mon contact. J'en étais même venu à penser qu'il appréciait désormais mon côté tactile.
Cependant, à bien y réfléchir, il n'était peut-être pas si étrange qu'il ne se soit jamais douté que j'avais remarqué toutes ces petites choses. Je n'aurais probablement jamais relevé toutes ses récentes attentions envers moi si je n'avais pas moi-même porté une attention accrue à sa façon de se comporter avec moi.
Je m'approchai de lui jusqu'à ce que nos bras entrent en contact et penchai ma tête vers la sienne.
« Alors ? Tu veux des conseils du grand Zelos ? »
Je savais pertinemment que ma façon d'agir et les mots que j'avais choisis allaient le mettre mal à l'aise et le pousser à changer de sujet. Je le connaissais par cœur.
Une déclaration de sa part ne m'aurait pas déplu, bien au contraire. Au fil du temps, j'avais moi aussi vu mes sentiments évoluer. J'avais mis un bon moment à accepter, que moi, un séducteur invétéré de la gente féminine, puisse tomber sous le charme d'un homme. Il n'avait ni les longs cheveux, ni la grâce toute féminine, ni les formes généreuses que j'aimais retrouver chez mes partenaires. Et pourtant… Le moindre de ses sourires me faisait chavirer. De toute ma vie, je n'avais jamais ressenti une telle sensation avant lui. J'adorais m'abîmer dans la contemplation de ses prunelles noisettes, de ses joues légèrement rosies par la gêne, et surtout de ses belles lèvres nacrées qui semblaient m'inviter à m'approcher.
S'il s'était agi de n'importe qui d'autre, je me serais probablement laissé aller sans me poser de questions. Lloyd était différent. Je ne savais pas par quel miracle il s'était intéressé à quelqu'un comme moi, mais je n'étais certainement pas prêt à prendre le risque de tout gâcher. Alors, oui, bien sûr que je rêvais de le prendre dans mes bras, de le couvrir de baisers et de l'entendre me dire qu'il était entièrement à moi, mais j'étais totalement incapable de franchir le pas. Je ne voulais pas rompre le délicat équilibre qui s'était installé dans ma vie. Pour une fois, tout allait pour le mieux. Je me sentais utile. Aimé. Le simple fait de le savoir me suffisait amplement pour le moment. Passer à l'étape supérieure remettrait probablement tout en cause. Je n'avais pas l'habitude des relations. Des vraies relations du moins. J'avais peur de ne pas être à la hauteur et qu'il finisse par se rendre compte que je ne correspondais pas à ses attentes. Il méritait tellement mieux après tout. Bien plus que tout ce que je pouvais lui apporter.
Je me promettais de changer tout cela. De devenir quelqu'un dont il pourrait être fier. Et surtout qui serait en mesure de lui apporter tout ce dont il avait besoin, et plus encore. Jusqu'à ce moment-là, j'espérais que nous serions tous les deux capables de patienter. Si pour cela je devais lui couper l'herbe sous le pied à chaque fois qu'il essayait d'aborder le sujet de notre relation, je me sentais capable de faire avec.
« Non, non… »
Comme je l'avais prévu, il avait encore une fois battu en retraite. Mais il s'était fait de plus en plus insistant ces derniers jours. Cela devait vraiment lui tenir à cœur. Cette simple pensée me fit sourire intérieurement, mais je ne changeai pas d'avis pour autant.
« De quoi voulais-tu me parler dans ce cas ?
- Est-ce que tu penses que les choses pourraient changer entre nous ?
- Tu veux parler de notre relation ? »
Il hocha silencieusement la tête en guise d'acquiescement.
« En bien ou en mal ?
- En mal.
- Je ne vois pas ce qui pourrait aller mal.
- M'accepterais-tu quoiqu'il arrive ? »
Je me demandais s'il faisait référence à sa potentielle homosexualité, ou s'il s'agissait d'un sujet complètement différent. Cela ne lui ressemblait pas de se faire autant de souci. J'hésitai un instant sur la manière de réagir, puis le pris dans mes bras en le serrant contre moi.
« Arrête de faire cette tête d'enterrement, ça ne te va pas du tout. Bien sûr que je serai toujours là pour toi. Tu es mon meilleur ami. »
Il s'était légèrement raidi à mon contact, mais après mes mots il sembla se détendre rapidement.
« Merci. »
Je lui fis quelques tapes affectueuses dans le dos avant de rompre notre étreinte à contrecœur. J'avais cru lui rendre ainsi le sourire, mais il paraissait encore soucieux. Finalement, la racine du problème était probablement bien plus profonde que ce qu'il m'avait laissé entrevoir jusqu'à présent. Quoiqu'il lui arrivait parfois de s'inquiéter pour des raisons aussi futiles qu'étranges. Il fallait peut-être tout simplement que j'arrive à lui changer les idées.
« Est-ce que tu as envie d'aller faire un tour en ville avec moi ?
- Pourquoi pas. »
Son manque d'enthousiasme flagrant était assez peu motivant mais la perspective de rester assis à s'observer en silence ne me réjouissait pas davantage. Je le poussai donc à se lever et à me suivre.
Au bout de quelques minutes j'obtins l'effet escompté. Il s'était détendu, et commençait même à s'extasier devant certaines boutiques et décorations. Personnellement, la beauté de Meltokio m'avait longuement laissé indifférent, à force d'habitude, mais également à cause de la profusion de mauvais souvenirs qui lui étaient rattachés. Aujourd'hui pourtant, je lui trouvais un certain charme, tandis que Lloyd zigzaguait avec enthousiasme dans ses allées. Cette immense ville sans âme, remplie de gens uniformes, avait peu à peu retrouvé mes faveurs, en même temps que ma vie avait retrouvé de ses couleurs.
Tout avait toujours été trop grand, trop beau, trop parfait. Impersonnel. Chaque parcelle de cette ville me laissait un étrange sentiment de fausseté. Un beau rêve inachevé et hors du temps, dans lequel je ne parvenais pas à trouver ma place. J'y avais d'ailleurs renoncé, ne trouvant de réconfort que dans le déséquilibre de l'ordre clairement établi qui m'avait cruellement exclu.
Un beau jour j'avais découvert qu'il m'avait en réalité manqué la dernière pièce du puzzle. Le ciel me paraissait tellement plus bleu depuis que Sélès le contemplait à mes côtés de ses yeux azur. Chaque évènement était bien plus réjouissant une fois ponctué par le rire cristallin de Lloyd. Je n'étais personne jusqu'à ce qu'ils posent leurs regards sur moi et me confient silencieusement leur amour. Aujourd'hui, à travers eux, j'avais la sensation d'exister, et je me sentais investi du devoir de leur rendre au centuple toute l'affection dont ils me comblaient. Je reconnaissais que c'était une bien maigre récompense, à côté de la vie qu'ils m'avaient offert, mais c'était tout ce que je pouvais leur apporter pour le moment. J'osais espérer que c'était suffisant.
« Est-ce que tu veux qu'on rentre ? »
Perdu dans mes pensées, je n'avais pas remarqué que Lloyd avait arrêté de s'agiter en tous sens. Il m'observait désormais d'un air préoccupé. Ayant repris conscience de la réalité, je réalisai soudainement qu'il s'était mis à neiger en voyant un flocon tomber doucement et atterrir délicatement sur sa joue.
« Tu as froid ?
- Non, c'est juste que tu n'aimes pas la neige, n'est-ce pas ? »
Le voir s'inquiéter ainsi pour moi me fit plaisir. Il était vrai que je haïssais cela. Des images de ma mère venaient d'ordinaire s'imposer sans cesse à moi, mais désormais les choses avaient changé. Elle me détestait, certes, mais j'avais trouvé d'autres gens à aimer.
« Ne t'en fais pas. C'est du passé.
- Tu es sûr ? Tu as l'air ailleurs depuis un bon moment.
- Désolé, j'étais juste perdu dans la contemplation de toutes ces beautés fatales qui me font les yeux doux !
- Tu es incorrigible…
- Tu boudes ? Serais-tu jaloux par hasard ?
- Pourquoi le serais-je ? »
Il se détourna et partit contempler une vitrine un peu plus loin, sans me laisser l'occasion de répondre. C'était dommage, j'aurais bien aimé le taquiner un peu plus, mais il ne fallait visiblement pas abuser des bonnes choses.
Je le rejoignis et attendis en silence que sa bonne humeur revienne. Ses colères ne duraient habituellement pas bien longtemps. Mais cette fois, après de longues minutes d'attente, il se refusait toujours à m'adresser la parole. Je finis donc par faire le premier pas.
« Qu'est-ce qui te fascine à ce point ?
- Que penses-tu de cette robe ? »
Surpris, je regardai tout de même ce qu'il me désignait.
« Tu as décidé de te travestir ?
- Ce n'est pas pour moi !
- Tant mieux, parce que ça ne t'irait pas du tout.
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Tu la trouves belle ?
- Tu veux vraiment l'acheter ? Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir en faire ?
- C'est pour offrir. »
Il s'agissait probablement d'une petite vengeance envers mes propos précédents, et cela me fit rire ouvertement.
« Pourquoi tu te moques ? se renfrogna-t-il.
- Pour rien, désolé. Et bien, elle est très jolie, mais je ne crois pas qu'elle irait à Colette non plus.
- Ce n'est pas pour elle.
- Pour qui dans ce cas ? »
Il reporta rapidement son attention sur la vitrine à ma grande frustration.
« Qu'est-ce que tu me caches ? Ou plutôt, qui est-ce que tu me caches ?
- Pourrait-on changer de sujet ? »
J'avais grandement envie de râler, mais son sérieux et ses grands yeux suppliants me firent renoncer contre mon gré.
« C'est vraiment parce que c'est toi.
- Merci ! »
Me cachait-il vraiment quelque chose ? J'avais du mal à l'imaginer. Il était toujours si pur et si direct. Je devais me faire des idées. Il avait d'ailleurs retrouvé son éternel sourire et sa démarche énergique. Je lui emboîtai donc rapidement le pas avec un sourire.
