Réveil

« Je suis mort.»

Ce fut la première chose qu'il pensa.

D'abord, du blanc. Comme une lumière intense qui cherche à percer ses paupières. Une lumière violente, mais pure, du blanc le plus blanc qu'il existe, presque surnaturel.

Puis la prise de conscience du drap sur lequel il est. Son contact, sur ses mains, ses jambes, de ce tissu un peu moite. Il se rend compte qu'il a une main crispée sur un des bords du lit, et la froideur du linge à cet endroit contraste avec la chaleur sous son corps.

Ensuite, comme un murmure venant de très loin, un brouhaha venant petit à petit dans ses oreilles, l'acclimatant déjà à cet endroit qu'il n'identifiait pas. Des bruits divers, mais trop lointains pour qu'il puisse les entendre tous. Et il n'a pas la force d'y songer.

Des formes apparaissent au travers de ses paupières qu'il a maintenant mi-closes. Comme des fantômes qui se meuvent dans cette étendue blanche. Des gens. Ils vont, ils viennent, ils semblent flotter dans cette atmosphère blanche.

Enfin, une odeur particulière dont il prend conscience. Une odeur très particulière, qu'il connaît bien, en fait.

Harry était juste en train de se réveiller dans l'infirmerie de Poudlard.

Qu'est-ce qui avait fait qu'il soit ici ? Qu'est-ce qu'il s'était passé « avant » ? Il ne se souvenait de rien, et ça l'alarmait. Il avait peur de lui-même.

Les contours de l'infirmerie se dessinèrent un peu plus. Il voyait distinctement l'armoire beige qui était en face de lui, et tous les lits vides qui l'entouraient. Il se sentait en sécurité, mais seul. Il n'y avait personne.

Il ne voulait pas se rendormir. Il ne voulait pas. Alors, au prix de tous les efforts du monde, il chercha à se redresser et à s'asseoir sur ce lit.

Un petit hoquet de douleur lui échappa des lèvres tandis qu'il essayait de s'appuyer sur se bras pour se relever un peu. Il prit soudain conscience qu'il avait mal partout. De tous les côtés, ses membres éprouvés par une lutte dont il ne se souvenait pas criaient à la douleur. Ses bras tremblèrent sous son propre corps qu'il essayait de relever et cédèrent. Il retomba sur le lit, et coinça sa main droite sous son dos.

Les larmes lui montèrent aux yeux. Il n'arrivait pas à se décoincer, il n'y arriverait pas. Il pensa alors qu'il n'avait pas encore essayé.

Il rassembla toutes ses forces pour se soulever un peu et permettre à sa main de se dégager. Il massa son poignet endolori et laissa une larme silencieuse couler. Puis il resta là, sur le dos, à regarder le blanc incertain de ce plafond se vriller sous yeux encore mal acclimatés à la lumière. Il avait l'impression qu'il était resté plusieurs années ici, il avait comme l'impression d'avoir « raté un épisode », et c'était très désagréable. D'ailleurs, il ne se souvenait absolument de rien.

Il gémit. Il se rendait compte qu'il avait soif. Il s'affola, car il n'y avait personne. Il essaya d'appeler, mais ne parvint pas à émettre le moindre son. Les sons se coinçaient, comme arrêtés par une barrière qu'on aurait placée au travers de sa gorge.

Il n'y avait rien. Pas de verre, pas d'eau. Comment était-il resté en vie ? Car, malgré son absence de souvenirs, il ne savait qu'une chose : il devait mourir. Il aurait dû mourir. Et malgré tout, il était encore là, allongé dans un lit de l'infirmerie de Poudlard.

Alors, tout lui revint en mémoire, comme un boomerang revient à la tête de son lanceur. Et il était le lanceur.

Il était entravé par le maléfice du saucisson que Dumbledore lui avait lancé, dans la tour d'astronomie...

« ... ... ...

- Nous avons des ordres. C'est Drago qui doit le faire. Vas-y, Drago, dépêche-toi.

Malefoy semblait moins résolu que jamais. Il avait l'air terrifié en regardant Dumbledore, dont le visage encore plus pâle n'était pas à la même hauteur que d'habitude, car il s'affaissait de plus en plus contre la tour.

- En tout cas, il n'en a plus pour très longtemps, si vous voulez mon avis ! dit l'homme au visage de travers, provoquant le rire sifflant de sa soeur. Regardez-le. Qu'est-ce qui t'arrive, Dumby ?

- Oh, une moindre résistance, des réflexes plus lents, Amycus, répondit Dumbledore. Bref, la vieillesse... Peut-être que ça t'arrivera un jour... Si tu as la chance de parvenir jusque là...

- Qu'est-ce que ça veut dire ? Hein ? Qu'est-ce que ça veut dire ? répéta le Mangemort, soudain violent. Toujours pareil, avec toi, Dumby, tu causes et tu ne fais rien, rien de rien. Je ne comprends même pas pourquoi le Seigneur des Ténèbres se donne la peine de te tuer ! Allez, Drago, vas-y !

Mais à cet instant, d'autres bruits de lutte retentirent un peu plus bas et une voix cria :

- Ils ont bloqué l'escalier ! Reducto ! REDUCTO !

Le cœur de Harry fit un nouveau bond dans sa poitrine.

Ces quatre-là n'avaient donc pas neutralisé toute opposition, ils avaient simplement réussi à monter jusqu'au sommet de la tour et, d'après ce qu'on entendait, avaient dressé derrière eux une barrière invisible...

- Vite, Drago, maintenant ! dit avec colère l'homme aux traits grossiers.

Mais la main de Malefoy tremblait toujours tellement qu'il était incapable de viser.

- Je vais m'en occuper moi-même, gronda Greyback en s'avançant vers Dumbledore les bras tendus, les dents découvertes.

- J'ai dit non ! s'écria l'homme aux traits grossiers.

Il y eut un éclair de lumière et le loup-garou fut projeté en arrière. Il heurta les remparts et vacilla, l'air furieux. Le cœur de Harry, prisonnier du sortilège de Dumbledore, lui martelait les côtes avec une telle force qu'il semblait impossible que personne ne l'entende... Si seulement il avait pu bouger, il aurait lancé un maléfice sous sa cape...

-Drago, vas-y ou écarte-toi pour que l'un d'entre nous..., vociféra la femme d'une voix perçante.

Mais au même moment, la porte s'ouvrit une nouvelle fois et Snape apparut, la main crispée sur sa baguette. Ses yeux balayèrent la scène, allant de Dumbledore, affalé contre le rempart, jusqu'aux Mangemorts, y compris le loup-garou enragé et Malefoy.

-Nous avons un problème, Snape, dit Amycus, l'homme à la silhouette massive, dont le regard et la baguette étaient dirigés l'un et l'autre vers Dumbledore. Ce garçon ne semble pas capable de...

Mais quelqu'un d'autre avait prononcé le nom de Snape, d'une voix très faible.

- Severus...

Rien, au cours de cette soirée, n'aurait pu autant terrifier Harry : pour la première fois, Dumbledore avait un ton suppliant.

Snape resta silencieux. Il s'avança et repoussa brutalement Malefoy. Les Mangemorts reculèrent sans un mot. Même le loup-garou avait l'air intimidé.

Snape observa Dumbledore un moment, et l'on voyait la répugnance, la haine creuser les traits rudes de son visage.

- Severus... s'il vous plaît...

Snape leva sa baguette et la pointa droit sur Dumbledore.

- Avada Kedavra !

Un jet de lumière verte jaillit de la baguette de Snape et frappa Dumbledore en pleine poitrine. Le cri d'horreur que Harry aurait voulu pousser ne parvint pas à sortir de sa gorge.

Silencieux et immobile, il ne put que regarder Dumbledore qui fut projeté dans les airs comme par une explosion.

Pendant une fraction de seconde, il sembla suspendu sous la tête de mort étincelante puis retomba lentement en arrière, par-dessus les remparts, telle une grosse poupée de chiffon, puis retomba dans le vide... ... ... »

Il était au cœur de la forêt interdite, face à un Voldemort entouré d'une armée de Mangemorts et au sommet de sa puissance. C'était ce qu'il pensait être sa dernière bataille...

« ... ... ...

- Harry Potter... Je ne pensais vraiment pas que le Survivant oserait venir à mon défi, dit la voix doucereuse de Voldemort.

Harry serrait les poings. Il voulait en finir. Maintenant, tout de suite. En finir et ne plus en parler. Mais il savait que se mettre en colère l'affaiblirai face à Voldemort, alors il essaya de se contrôler et de paraître le plus calme possible.

- Je ne suis pas un lâche, dit-il d'une voix qui se voulait posée. Alors je suis venu.

- Le Survivant n'est pas un lâche, reprit Voldemort, mais alors pourquoi laisse-t-il ses amis mourir les uns après les autres, en espérant finir par m'anéantir ? C'est ça qui est lâche ! Tu ne pourras jamais me tuer, et tu feras périr tes amis inutilement.

- Ce n'est pas vous qui allez les pleurer, que je sache ! Vous vous nourrissez de morts et de souffrances ! Toute cette conversation paraîtra ridicule après votre mort, c'est-à-dire ce soir, dit Harry en serrant rageusement sa baguette. Vous n'aurez été qu'un monstre fier et assoiffé de pouvoir qui ne restera dans l'histoire que pour les horreurs qu'il a commises !

- Es-tu aussi sûr de toi quant à ma mort ?

- Oui, fit rageusement Harry.

- A ta place, je ne serais pas aussi sûr de moi, Harry.

Voldemort avait un air entendu teinté d'une supériorité non feinte.

Harry savait que Voldemort croyait être le seul avec quelques Mangemorts à connaître l'existence des horcruxes. C'est pourquoi il fit attention à ne rien laisser paraître, car chaque indice lâché par inadvertance aurait pu lui être fatal. Les horcruxes déjà existants pourraient alors faire des petits, et la guerre serait perdue d'avance.

- J'ai la baguette de Sureau, Harry, poursuivit-il. La baguette de ton cher Albus, que Severus a volée sur sa tombe.

Harry sentit une haine grandissante s'épanouir sur cet homme. Snape avait volé la baguette de Dumbledore. Il le tuerait. Il devait le tuer.

- Mais au moins, Harry, je t'admire pour une chose, qui montre que tu es bien un Gryffondor.

- Ah ? Et en quoi fais-je honneur à ma maison ?

- Tu es venu, et tu mourras en héros. Tu te sentais perdu, et tu t'es dit que plutôt que de mourir comme un rat, en essayant de te cacher, tu mourras en ayant un semblant de courage. Et plus tard, on dira : « Prenez Harry Potter en exemple ! Il a été courageux jusqu'au bout ! »

- Le discours que vous tenez est absolument ridicule, Jedusor. Je suis venu parce qu'enfin, dès ce soir, vous ne serez plus qu'un tas de cendres. Un tas de cendres, Tom. Et après cela, plus personne ne mourra par vos mains. Voilà pourquoi je suis resté en vie et que je ne me suis pas rendu. Parce que je vais triompher de vous.

- Tu ne changeras pas d'avis, Potter ? Alors nous pouvons commencer le duel. Dis adieu à tes amis.

Harry voyait Hermione attachée à un arbre, et ficelée par le Saucisson. Un Mangemort avait immobilisé Ron et lui tordait les bras. Un autre encore avait capturé Ginny. Il la voyait, les yeux brillants de larmes, les lèvres remuant comme pour le supplier de quelque chose, impuissante, mais il voyait qu'elle aurait donné sa vie pour lui. Elle l'aimait.

- Pour eux. Je me bats pour eux.

- Voilà qui est très chevaleresque, ironisa Voldemort. Avada Kedavra !

- Sectusempra !

Les deux sorts avaient été lancés exactement en même temps. Ils se frappèrent de plein fouet, leurs forces se décuplèrent et ils bifurquèrent chacun de leur côté. L'Avada Kedavra de Voldemort frappa sur la gauche et tua trois Mangemorts d'un coup, manquant de justesse Ginny, et le Sectusempra d'Harry alla se perdre dans la forêt.

- Ainsi Severus t'a appris quelques sorts, remarqua Voldemort. Je ne savais pas qu'il pouvait être lâche à ce point.

- Vous n'avez que des lâches dans vos rangs ! Avada Kedavra !

Le jet de lumière verte atteint Voldemort en pleine poitrine. Et, tandis qu'il se contorsionnait de douleur, un éclair blanc surgit de la main qui tenait sa baguette et frappa Harry de plein fouet. Il tomba à terre, en suffoquant, sa vue se vrilla, les couleurs disparurent, et il pensa : « Voldemort sera mort en ayant trop confiance en lui. Et je mourrai avec lui, mais qu'importe.

Il vit le visage de Ginny, soudain libérée du Mangemort qui était accouru aux côté de son maître, se pencher vers lui avec effroi, les larmes dévalant ses joues rougies, puis il sombra dans ce qui lui semblait être les ténèbres éternelles... ... ... »

Il s'était évanoui dans une lumière blanche, puis s'était réveillé dans cette même lumière blanche.

Il se remémora ainsi tous ces souvenirs douloureux, allongé sur la moiteur du lit, pendant quelques secondes, puis il entendit des voix plus distinctes que celles du brouhaha dans le couloir, derrière la porte de l'infirmerie.

Il était trop fatigué pour écouter, mais néanmoins quelques mots lui parvinrent.

- ... pulsations accélèrent... content.

- Oui, oui... survivre.

- ... se demande quand même...

- ...Harry...

- ... potions de Snape ont bien marché.

- ... aura mal...

Harry se rendit compte qu'on parlait de lui. Il n'identifiait pas les voix, à part que c'était une voix d'homme et une voix de femme. Ça ne l'intéressa pas, il arrêta d'écouter. Mais au moins, il savait qu'effectivement, il aurait dû mourir.

Il s'apprêtait à replonger dans sa torpeur quand tous les bruits du couloir lui semblèrent tout à coup très proches, puis qu'ils s'éloignèrent à nouveau dans un déclic métallique. Apparemment, on avait ouvert la porte. Donc, quelqu'un était entré.

Il rouvrit les yeux et essaya de tourner sa tête vers la porte, mais un cou douloureux l'en empêcha. Une onde de feu le traversa puis le retraversa des épaules à la mâchoire, chaque fois de moins en moins fortement, pour cesser enfin. « Ils » n'avaient pas épargné son cou non plus.

Il essaya de voir son visiteur quand même, malgré les larges barreaux du lit qui lui fragmentaient la vue, mais se rendit vite compte que ce n'était pas la peine. Les visiteurs, car ils étaient deux, certainement les propriétaires des deux voix qu'il n'avait pas réussi à identifier, venaient le voir, de toute évidence. Il se força à faire semblant de dormir, mais il le fit sans doute trop tard.

- Harry ! Êtes-vous réveillé ?

Il tourna lentement la tête vers McGonagall, qui avait l'air très heureuse de le voir conscient. Il articula un « oui » de ses lèvres qui ne voulaient toujours pas laisser échapper de sons, puis se laissa prendre la main par la directrice adjointe. A vrai dire, il ne pouvait pas vraiment faire autrement que de se laisser faire, pour le moment.

- Harry ! Harry ! Appelez Madame Pomfresh, dit-elle à l'homme qui l'accompagnait, et Harry ne put jamais savoir qui il était. C'est un véritable bonheur pour nous de te voir vivant après cette effroyable lutte ! Nous pensions tous que tu... ne tiendrais pas le choc. Nous étions très inquiets pour toi, surtout ces dernières semaines… Tu ne montrais plus aucun signe de vie, à part ton cœur qui battait encore, bien que très faiblement. Nous avions peur qu'il cesse de le faire d'un jour à l'autre. Seul Dumbledore nous avait dit que tu tiendrais le choc. Il avait raison, rajouta-t-elle les yeux brillants.

- Dumbledore... il est mort.

Ça y est. Les mots voulaient bien sortir de sa bouche. Sa voix était faible, éraillée, inconstante.

- Oui, Harry. Il est... mort.

Elle relâcha un peu sa pression sur la main de Harry.

Ils se dévisagèrent, une gêne soudaine ayant envahi l'atmosphère.

- C'est Snape qui l'a tué, continua Harry de sa voix tremblante.

- Non, Harry, il va falloir que je vous explique ce qu'...

- Je l'ai vu.

Harry était déjà en colère. Non, il l'avait vu, il n'était pas fou, et personne ne lui ferait dire le contraire.

- Ne vous énervez pas, Har...

- Dès que je sors d'ici, je le trouve, je lui fais payer, je le tue.

- Non ! Harry, vous allez vous reposer, et ensuite je reviendrai vous parler. Vous comprendrez tout. Le professeur Snape est innocent.

- Il aurait tué Dumbledore, son sauveur, se serait échappé avec Malefoy, et serait resté innocent !

- Non, Harry, ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé, mais dans l'état dans lequel tu es, tu ne peux pas comprendre. Je vais appeler Pomfresh, elle va s'occuper de toi, et ensuite tu pourras venir me voir dans mon bureau. Quelqu'un t'amènera. Et tu comprendras tout.

La porte d'entrée s'ouvrit à nouveau, laissant place à une Pomfresh hystérique.

- Harry ! Harry ! Poussez-vous, Mme McGonagall, allez-vous en, il ne faut pas le brusquer, mon Harry, Oooh ! Harry !

Elle poussa la directrice adjointe d'un geste énervé et s'approcha du lit de Harry, qui avait déjà mal à la tête devant ces hurlements.

- Harry ! continua-t-elle. Il est vivant ! Tu es vivant ! Vous êtes vivant !

- Je crois qu'il a compris, Pom-Pom, intervint McGonagall. Et si vous continuez à le lui rappeler de la sorte, je crois qu'il finira par regretter de l'être.

Elle partit en laissant une Pomfresh électrique s'occuper du Gryffondor exagérément, insistant pour lui donner et lui redonner à manger, lui passer de la pommade même aux endroits où il n'avait pas d'hématomes ni de fractures et lui donner des tas de potions différentes toutes les cinq minutes. Quoi qu'il en soit, même si Harry avait beau se plaindre, tous ces soins ne furent pas sans effet et, après s'être rendormi quelques heures, il se sentait frais et dispos pour aller voir la directrice.

- Salut Harry !

Harry tourna la tête vers cette voix vive et pleine d'entrain qui venait de le tirer de ses pensées.

- Colin ?

C'était comme si l'enfer venait d'entrer dans sa chambre.

- Ah, et... Qu'est-ce qui t'amène, Colin ?

Harry essayait de mettre un peu d'enthousiasme dans sa voix, mais c'était impossible. Il ne parvint qu'à donner l'impression d'un mort qui se serait relevé pour rire une dernière fois. Le résultat était lugubre.

- C'est moi qui t'accompagne chez McGonagall !

- Ah, eh bien, c'est... super !

Harry n'espérait que de pouvoir s'en défaire dès la première occasion se présenterait.

- Ils vont tous être étonnés quand ils vont savoir que tu es encore vivant ! poursuivit Colin en aidant Harry à s'asseoir sur le bord du lit.

- Qui ça ?

- Tous les élèves, pardi ! Je suis le seul à savoir que tu t'es réveillé, annonça-t-il fièrement.

- Et pourquoi ça ? McGonagall ne l'a-t-elle pas annoncé aux autres élèves ?

- Nous sommes en plein dans les vacances d'été, Harry, dit Colin en aidant le Gryffondor à se mettre debout.

Il réprima un cri de douleur mais fut vite soulagé en se laissant tomber sur le siège que Colin lui avait poussé sur les fesses. Au moins, il pouvait se tenir debout, ce qui aurait été absolument impossible le matin même.

- Dans les vacances d'été ?

Harry se tourna brusquement vers Colin.

- Oui, mon vieux. Tu as dormi... enfin, tu es resté comme ça plus de deux semaines. Inutile de te dire que tout le monde se faisait un sang d'encre pas possible pour toi.

Colin avait commencé à pousser Harry sur ce fauteuil à roulettes. Harry se pencha pour l'observer et vit que c'était un fauteuil roulant typiquement moldu. La pensée le fit sourire.

- Mais alors, comment se fait-il que toi, tu sois là ?

Harry entendit Colin déglutir.

- Mes... Il ont emmené mes parents.

Harry ne répondit pas tout de suite. Un voile de tristesse intense était passé sur le visage d'ordinaire si joyeux du petit Gryffondor, et là, Harry se dit qu'il ne pourrait plus jamais lui en vouloir pour l'avoir poursuivi toutes ces années avec son appareil photo.

- Ah.

Il ne trouvait rien d'autre à dire que ce « ah », mais on ne pouvait rien dire d'autre. C'était la seule chose qui soit valable après une telle nouvelle.

- Je suis désolé, poursuivi Harry dans un souffle.

- Bien sûr, je... Tu ne pouvais pas savoir, dit Colin dans un petit sourire crispé.

Ils arrivèrent en face du bureau de la directrice sans dire un mot de plus, et quand le petit Gryffondor dit le mot de passe, « Albus », Harry entendit qu'il pleurait.

- Je reviens te chercher après, dit-il ensuite d'une voix plus assurée.

Il le poussa jusque dans l'entrée et s'en alla en marchant calmement, jusqu'à ce que McGonagall apparaisse dans l'ouverture.

- Harry... Peux-tu marcher ?

- Je ne crois pas, non, pas encore, dit-il en jaugeant les marches soudain innombrables et abruptes de l'escalier en colimaçon.

- Dans ce cas, je vais devoir te porter, Harry.

La directrice le prit du fauteuil roulant et le souleva sans aucun effort apparent. Harry sentait son cœur battre contre sa vielle peau fripée, et il sentait un discret parfum émaner de sa robe.

Elle le posa ensuite délicatement sur une chaise en face de son bureau et s'assit en face de lui. Elle le dévisagea un moment, puis regarda ses mains croisées sur ses genoux d'un air pensif.

- Harry... commença-t-elle lentement. Je t'ai demandé de venir car je dois te parler de quelque chose de très important.

- Je vous écoute.

- C'est à propos du professeur Snape, en partie, dit-elle en levant les yeux vers lui, semblant craindre sa réaction. Mais Harry ne dit rien et attendit la suite.

- Mais avant de t'expliquer ce que tu devras faire dans le futur, je vais te donner une lettre que le professeur Dumbledore t'avait écrite avant sa mort.

Elle fouilla dans un tiroir.

- Avant sa mort ? Il comptait donc me la remettre en main propre ?

- Absolument pas, Harry, dit-elle, les cheveux dégrafés et un petit bout de papier jauni à la main. Je te laisse lire.

Anxieuse, elle lui tendit le mot et se mit la tête dans ses mains en attendant qu'il ait fini de lire.

« Bonjour, Harry.

Si tu lis cette lettre, c'est que je suis mort et que tu as triomphé de Voldemort. Je crains un peu ta réaction à la suite de la lecture de cette lettre, mais j'espère que tu pourras me comprendre et me pardonner.

Vois-tu, je ne voulais rien te dire avant, pour que tu ne t'y opposes pas et que la couverture soit parfaite, mais mon décès était entièrement planifié entre moi et le Professeur Snape. Je sais que tu lui en veux, que tu n'as pas supporté qu'il me « tue », mais il est temps que tu changes d'avis et que je t'éclaire sur la réalité des évènements.

Drago Malefoy, qui, tu le sais, a un père Mangemort, a été enrôlé dans les rangs du Seigneur des Ténèbres. Il a reçu la marque. Il faut que tu saches que chaque Mangemort, quand il entre au service de Voldemort, doit accomplir une tâche pour prouver qu'il est à la hauteur de servir son maître. Cette tâche, c'est de tuer pour la première fois quelqu'un. Mais attention, pas n'importe qui. Voldemort veut que tu tues quelqu'un que tu connais, soit pour une vengeance, soit par sa simple désignation.
En l'occurrence, Drago avait reçu l'ordre de me tuer. Et s'il n'accomplissait pas sa mission, Voldemort l'éliminerait de ses rangs. Tu vois ce que ça veut dire.
Or, tu te doutes bien que Drago, malgré ses airs de supériorité et de fierté mal placée, est absolument incapable de tuer quelqu'un, moi ou n'importe quel autre individu. Il est très faible. C'est pourquoi Severus, son parrain, a fait un Serment Inviolable avec sa mère Narcissa comme quoi si Drago se révélait incapable de me tuer, il le ferait à sa place.
Mais j'avais pensé à tout. Severus y a été obligé, il ne pouvait pas reculer, sinon sa couverture de Mangemort était détruite. Cela a été très difficile pour lui.
Je savais que la seule chose que désirait Voldemort, c'était de rentrer en possession de ma baguette, la baguette de Sureau. Il savait qu'elle lui conférerait des pouvoirs extraordinaires.
Tu te rappelles sans doute de ma main qui commençait à noircir ? Cet accident m'est arrivé alors que je tentais de détruire la bague des Gaunt. J'aurais dû mourir quelques mois après. J'ai décidé de mourir en me rendant utile plutôt que de profiter de quelques heures vaines. Severus me tuerait, et Voldemort pourrait enfin rentrer en possession de la Baguette de Sureau. Il regagnerait ainsi de la confiance de son maître, et le Seigneur des Ténèbres serait content.
Seulement, ce que Voldemort ne savait pas, c'est qu'il fallait devenir maître de sa baguette. Ollivander le lui avait dit, mais il n'a rien voulu entendre et l'a tué. Perte regrettable, d'ailleurs. Il a donc cru être le maître de la baguette, puisqu'il l'avait dans les mains. Mais ce n'était pas suffisant. Pour qu'elle obéisse pleinement, il fallait qu'il triomphe de son précédent maître, c'est-à-dire moi.
Et, moi mort, il ne pouvait plus le faire.
Comme personne ne m'a battu en duel avant que je ne meure, la baguette de Sureau est perdue. Et c'est tant mieux. Elle ne pourra plus jamais avoir de maître.

C'est maintenant que j'en viens à la partie la plus importante.
Tu crois avoir détruit tous les Horcruxes.
Mais il y en a un dernier. Un tout nouveau. C'est la baguette de Sureau. Tu as vu l'éclair blanc qui t'a frappé au moment de la mort de Voldemort ? Il ne voulait pas mourir.
Il a forgé un dernier Horcruxe. Tu ne t'en es pas rendu compte, mais au moment où il a lancé l'Avada, il y a mêlé le sort permettant de faire de la personne touchée un Horcruxe. Il comptait faire en sorte que tu en sois un, et cela n'a pas marché. Le sort s'est retourné contre lui et a frappé la baguette.

Je pense que Severus te sera très utile pour la retrouver. Il doit être chez lui. Cherchez-le ensemble.

A bientôt, Harry.

Albus

P.S. Oui, à bientôt, car je persiste à croire qu'il y a une vie après la mort. Enfin, au moment où je t'écris cette lettre, je ne peux pas en être sûr. »

Harry pleurait.

- Pourquoi pleurez-vous ?

Minerva s'était approchée, un mouchoir à la main.

- C'est de voir son... son écriture, comme s'il était encore... encore vivant, balbutia Harry, la main devant le visage pour cacher ses pleurs dont il avait honte.

- Il ne faut pas... je suis sûre qu'il aurait aimé te voir sourire, te voir heureux.

- Mais je suis heureux... C'est juste de l'émotion. J'ai l'impression qu'il renaît...

- Ah... Je comprends.

- ...

- ...

- ...

- Nous allons te garder ici le temps que tu te rétablisses. Ensuite, tu pourras aller chercher Severus.

- D'accord. Je... mais j'ai entendu que les potions que vous me donnez, elles sont de lui. Il est... près ?

- Non. C'est juste des potions que nous avions en stock. Et aussi des potions que nous avons retrouvées dans ses appartements, quand il est... parti. Il les utilisait à son retour des réunions avec les Mangemorts. Il était marqué de coups sur presque toute la surface du corps, j'ai vu ça un jour, alors qu'il demandait à Pomfresh de les lui appliquer. Il a beaucoup souffert, rajouta-t-elle devant l'air interrogateur de Harry.

- Vous avez vidé son appartement ?

- Nous étions obligés, Harry. Il nous fallait de la place pour accueillir le nouveau professeur de Potions.

- Ah... et... Aussi, j'ai entendu beaucoup de bruit dans les couloirs, mais il paraît que ce sont les vacances.

- Oui, ce sont bien les vacances, Harry, dit Minerva McGonagall en souriant, et les personnes que tu entendais étaient les enfants dont les parents...

- ... Ah. Oui. Colin me l'a dit. Lui aussi, ses parents sont...

- Nous te remercions beaucoup, Harry, dit soudain la directrice en s'approchant de lui. Tu nous as débarrassés du pire fléau que l'humanité ait jamais connu. Nous t'admirons tous.

Elle l'embrassa rapidement sur la joue, et tandis qu'il rougissait et qu'il bafouillait un vague merci, elle le porta dans ses bras pour l'installer sur son fauteuil roulant. Colin était là. Elle lui tapota l'épaule tandis qu'ils repartaient en bas, dans la Grande Salle, pour le repas de midi.