Le premier texte d'une série de vingt-deux fics, basés sur les arcanes majeures du tarot, et tournant tous plus ou moins (plutôt plus que moins, d'accord ;) ) autour du pairing Shinji / Aizen. Je ne sais pas encore si je les posterai dans l'ordre des arcanes majeures ou non, vu que j'écris les textes dans le désordre le plus complet.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez~
Arcane 0 - Les premiers pas du Fou
Au début du chemin, le Fou se jette dans le vide - son innocent sourire masquant parfois les tourments de son âme.
Le danger était une tension permanente entre eux. Malgré les sourires, malgré un travail qui semblait montrer une coopération parfaite entre les deux hommes, la méfiance et la puissance tissaient un lien qui les fermaient l'un à l'autre. Ils s'observaient et se manipulaient, capitaine et lieutenant si semblables et si différents. A chaque instant, ils se jaugeaient, ils s'estimaient, ils occultaient une part de leur être et de leur cœur à l'autre, et pourtant ils avaient sombré l'un comme l'autre à la suite d'un acte si innocent, si simple.
Il y avait de la folie là-dedans. Aizen, si certain de lui, si manipulateur, si doué pour prévoir chaque mouvement de celui qui croyait le surveiller, n'avait pas été capable de le prévoir. Shinji, si méfiant, si attentif au moindre écart de celui qu'il savait dangereux, savait qu'il avait laissé là une part de lui-même à découvert. Ni alcool, ni fatigue, dans cette décision absurde ; juste un égarement, un caprice, un sursaut de sentiment qui fut aussitôt enterré et manipulé ; l'innocence et la pureté d'un premier baiser aussitôt tordues entre leurs mains.
C'était au creux du crépuscule, entre chien et loup, alors que le lieutenant, suivant fidèlement les pas du capitaine, le raccompagnait jusqu'à ses quartiers. Le silence n'était peuplé que par le léger fredonnement de Shinji qui, les mains dans les poches, s'arrêta finalement devant sa porte. Derrière lui, Aizen s'inclina tout en lui souhaitant une bonne soirée et il se tourna pour repartir vers les bureaux. D'une main posée sur l'épaule du plus jeune, le capitaine l'en empêcha.
- Capitaine Hirako... ?
- T'as encore rien mangé.
Ce n'était pas une question, mais une simple constatation. De l'autre main, le capitaine ouvrit la porte de ses appartements, et l'incita à entrer à sa suite, sans le lâcher. Malgré tout le travail qui l'attendait (parce qu'Hirako ne lui facilitait pas la vie en le forçant à remplir certains des rapports de capitaine, tellement il les faisait mal), il se laissa faire. Il aurait pu refuser. Il aurait du refuser, songera-t-il un jour, bien plus tard, en se souvenant de tout ce que cette simple soirée allait causer et éveiller en lui. Cela faisait des années qu'il était sous les ordres du capitaine de la Cinquième, des années qu'ils valsaient, se rapprochant pour s'éloigner aussitôt l'un de l'autre, sans se lâcher du regard.
L'intérieur des appartements du capitaine était étrangement chaleureux. La simplicité des meubles, typiques du Seireitei, rencontrait quelques bizarreries dont le capitaine semblait être énamouré : un gramophone et des vinyles, des petits bibelots ramenés de certaines missions chez les humains, des affiches qui avaient attirées son œil. Sa fascination pour le monde humain, particulièrement le monde occidental, avait apposée sa marque sur ses quartiers. D'un hochement de tête, Hirako invita son lieutenant à s'asseoir près de la table basse et alla installer un de ses nombreux (nombreux, trop nombreux) vinyles de jazz, cette musique humaine pour laquelle il avait un faible. Ces cuivres et ces voix fatiguées, Aizen ne les comprenait pas, mais il pouvait pas se permettre de lui demander d'arrêter le gramophone. Shinji alla mettre de l'eau à bouillir et sortit un instant pour aller demander à un membre de la division d'amener de quoi se restaurer pour deux. Lorsqu'il revint, son lieutenant lui lança un coup d'œil un peu agacé.
- J'ai du travail, capitaine.
- Et ?
Aizen suivit du regard les mouvements de son capitaine alors que celui amenait sur la table les tasses et la théière. Il s'assit à côté de lui et commença à les servir. Ce n'était pas de la grâce qui agitait ces mouvements. Il n'y avait aucune grâce chez cet homme méfiant, juste une fluidité du geste lorsqu'il versait l'eau bouillante sur les feuilles de thé séché.
- Il faut absolument que je rende ces rapports avant demain matin. Vous ne me facilitez pas la tâche...
- T'comptes faire ça l'ventre vide ?
Il poussa du bout des doigts la tasse vers son lieutenant, un sourire découvrant largement ses dents se dessinant sur son visage, son regard accrochant celui d'Aizen. Un léger frisson descendit le long de la nuque du lieutenant, mais il se ressaisit aussitôt. L'intensité qui traversait ces yeux marrons était perturbante. En détournant le regard, il enroula ses doigts autour de la tasse de thé et la porta à ses lèvres. Le sourire étrangement accroché sur le visage de Shinji était toujours là, toujours visible, même s'il tentait de l'ignorer. Malgré lui, il se sentait comme une proie sous les yeux d'un prédateur avide.
- T'pourras repartir quand t'auras mangé quelqu'chose.
- Bien capitaine.
Un silence s'étala lentement alors qu'ils buvaient chacun leur thé, la musique se glissant entre eux. Shinji ferma les yeux, semblant profiter de ces notes qu'il connaissait par cœur et qu'il fredonnait doucement. A côté de lui, Aizen tentait de comprendre cette nouvelle lubie de son capitaine. Ce qu'il comprenait de l'homme, bien plus que celui-ci l'aurait apprécié, ne l'empêchait pas d'être parfois imprévisible.
Lorsque celui-ci glissa une main froide sur sa nuque, le lieutenant se raidit légèrement, surpris malgré lui.
- Aww, on aurait peur de son capitaine ? lui souffla Shinji à l'oreille en l'attirant vers lui.
- Que voulez-v...
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. La main aux doigts fins était remontée dans ses cheveux et, sans la moindre délicatesse, Shinji s'était emparé de ses lèvres dans un baiser capricieux. Il n'y eu pas de réponse de la part du plus jeune, juste un léger hoquet de surprise. Lorsque Shinji s'éloigna, tout aussi vite qu'il s'était approché, il ne lui restait plus qu'une sensation éthérée qui s'attardait. Les yeux à demi-clos, il décocha un regard sombre à son capitaine, qui affichait un sourire plus que satisfait, tel un chat qui venait de dévorer une souris innocente. Alors qu'il allait dire quelque chose, protester, demander des explications, on frappa quelques coups à l'entrée. Shinji se leva pour aller ouvrir la porte et accueillit sans un mot le membre de la division qui venait leur amener leur repas du soir.
Ils mangèrent en silence, Aizen évitant de croiser le regard de son capitaine. La sensation des lèvres de l'autre homme sur les siennes refusait de s'effacer. Il n'y avait eu aucun sentiment là-dedans, il en était certain - Hirako se méfiait bien trop de lui pour avoir le moindre sentiment à son égard. C'était un caprice, une lubie absurde, qu'il allait peut-être pouvoir utiliser, autant pour ses plans que pour son propre plaisir.
Tout avait commencé par un simple baiser, un acte fou. C'était un premier pas sur un chemin qui allait les mener vers la chute, fous qu'ils étaient, enivrés par une confiance qui ne pouvait pas les sauver.
