Chuck observait les cartes sur le tapis vert. Absorbé par le jeu, il réfléchissait à sa prochaine action. Jack et lui avaient été plutôt en veine ce soir. Il leur manquait encore plusieurs millions pour pouvoir concrétiser la première ébauche de leur projet mais il était confiant. Après tout, heureux au jeu …
- Est-ce que cette place est libre ?
Son cœur fit un bond dans sa poitrine et s'arrêta d'un seul coup. Il la dévisagea puis, comme elle faisait son chemin, jeta un coup d'œil à son oncle qui répondit avec un petit signe de tête et un regard entendu à la brunette.
- Prend la mienne.
- Merci pour le coup de fil, souffla-t-elle en se glissant sur le siège à sa gauche.
Chuck ne pouvait pas détacher ses yeux. Elle portait une robe chatoyante qui mettait ses courbes en valeur et avait relevé ses cheveux, ce qui dégageait partiellement sa nuque. Elle était superbe, comme toujours. Elle tourna son visage vers lui.
- Tu t'es battu pour moi toute cette année. Je suis venue me battre pour toi, expliqua-t-elle.
Il était complètement hypnotisé par sa bouche vermeille.
- Voulez-vous rejoindre le jeu ? questionna le croupier.
- Tu as dit que je pariais toujours contre toi, mais cette fois, je mise tout, déclara-t-elle en posant ses yeux noisette dans les siens, avant de pousser ses jetons sur un des emplacements réservé aux mises.
Il évalua instinctivement la valeur, elle était considérable et il savait que c'était une somme énorme pour elle.
- Vous pariez Monsieur ? interrogea à nouveau l'homme aux commandes de la table, à son attention cette fois.
Il savait qu'il devait prendre une décision mais son cerveau avait du mal à fonctionner. Tout comme ses poumons qui semblaient tout à coup incapables d'assimiler l'oxygène dans son organisme.
Il avait du mal à respirer et sa tête se mit à tourner. Il n'entendait que le bruit des pulsations qui partait de ses tempes et emplissait la totalité de son crâne, provoquant un bourdonnement diffus qui l'empêchait de réfléchir correctement.
Il releva son visage vers elle et plongea dans une mer chocolat qui fit fondre son cœur. Il était aspiré et se noyait au fond de ses prunelles. Blair avait toujours eu cet effet sur lui. Elle était capable de lui faire faire n'importe quoi.
« Tu es toujours prêt à tout envoyer balader pour une fille qui n'a jamais fait que jouer avec toi » murmura la voix de son père quelque part au milieu de ce brouhaha.
- J'ai fini. Totalisez mes gains et reportez-les sur mon compte, dit Chuck d'une voix déterminée.
- Bien Monsieur. Je fais mettre tout ça en lieu sûr, acquiesça l'employé en faisant un signe de la main à un de ses collègues de la sécurité.
Blair sentit sa bouche s'assécher et l'eau lui monter aux yeux.
- Chuck, parvint-elle à peine à articuler en le suppliant du regard. Elle faisait des efforts démesurés pour contenir les larmes aux coins de ses paupières.
- Je ne joue plus, la partie est terminée pour moi, murmura-t-il en se levant.
Il lui tourna le dos pour éviter de croiser ses prunelles brûlantes et rejoignit la porte à double battant.
Elle esquissa un mouvement pour le suivre mais le croupier la rappela à l'ordre.
- Votre mise, Mademoiselle.
Elle se rassit tandis que l'homme tirait les cartes qui se brouillaient sur une étrange étendue d'herbe mouvante. Elle cligna des yeux et essuya une larme qui s'échappait d'une main rageuse.
Inspirant profondément, malgré la peine qui s'étendait dans sa poitrine, elle réussit à afficher un sourire de guingois tandis qu'elle tentait désespérément de se concentrer sur les figures colorées. Le roi de cœur semblait se moquer d'elle, à côté de son acolyte, le valet de pique.
Chuck se retrouva dans le couloir et se dirigea vers les ascenseurs, il frappa d'un poing rageur sur les voyants lumineux. Le claquement de ses jointures sur le métal fit concurrence à la douleur dans sa cage thoracique, un instant seulement.
Quand les portes s'ouvrirent, il se précipita à l'intérieur de la cabine et s'affala contre la paroi. Relevant la tête, il aperçut son reflet dans le miroir d'en face et fut pris de nausées. Il était vraiment pathétique. Il n'aurait pas pu tomber plus bas.
Non seulement son père l'avait totalement ridiculisé devant le monde entier en l'évinçant de Bass Industrie et en lui reprenant ce qu'il avait mis tant d'acharnement à construire, mais en plus Blair avait assisté à sa déchéance en direct.
Il ferma les yeux et tenta de reprendre une respiration moins chevrotante et de contrôler le tremblement de ses mains en les enfonçant au fond des poches de son pantalon.
La sonnette retentit et il sursauta. Il ouvrit les yeux et inspira un grand coup. Il n'était pas arrivé à destination. L'inscription lumineuse lui indiquait qu'il n'avait même pas quitté l'étage de la salle de jeu. Et pour cause, il n'avait pas appuyé sur le 4 en entrant dans la cabine. « Quel idiot ! »
Les parois s'entrouvrirent pour laisser passer un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu d'un costume bien coupé, dans un tissu presque aussi onéreux que celui que le jeune homme portait lui-même. Le stéréotype de l'homme d'affaire bien sous tous rapports.
En apparence du moins, car la jeune fille qui l'accompagnait n'était nullement la femme qui portait une alliance identique à celle qui ornait l'annulaire gauche du mâle dominant. Elle n'en portait pas du tout et ses vêtements n'avaient, en aucun cas, la même valeur que les siens.
Chuck laissa errer son regard le long de ses jambes fines et sexy, jusqu'au bord d'une jupe si ridiculement minuscule qu'il devinait aisément l'activité de cette « demoiselle », avant même d'avoir eu un aperçu de son bustier moulant qui couvrait à peine ses seins. La poitrine de la jeune fille se souleva et il ne se gêna pas le moins du monde pour apprécier le spectacle.
Lorsqu'il l'entendit haleter, il glissa sur son visage et rencontra ses yeux paniqués. Il ouvrit la bouche en reconnaissant ses prunelles claires et ses boucles blondes mais la referma devant ses supplications silencieuses.
Son esprit venait d'être lavé de toutes les remontrances qu'il s'infligeait quelques secondes plus tôt. Une brûlure assaillit son estomac et il eut l'impression qu'il allait vraiment vomir, là, au moment où l'habitacle se mit en mouvement.
Un index gauche appuya sur le 3, laissant luire un anneau d'or à la main de l'homme aux cheveux gris, comme un rappel du destin qui se gaussait de lui. Les doigts s'accrochèrent au cou de la jeune fille qui réussit à remonter ses lèvres en un sourire feint.
Elles formèrent un merci muet lorsque le chiffre s'éteint et que le tintement retentit une nouvelle fois, indiquant que le couple avait atteint la fin de son voyage… pour un commencer un autre qui impliquait encore bien moins de tissu.
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