Pour lui, aujourd'hui était un grand jour. En effet, il allait occuper l'un des postes les plus prestigieux de l'Allemagne sorcière, celui de Chef Juriste de l'Armée. Cette fonction allait de pair avec celle de Président du Comité Juridique, la plus haute institution juridique du pays. Au départ purement militaire, elle avait ensuite étendu sa juridiction sur les civils en tant que juge de cassation depuis le 27 mars 1830 et l'arrêt Millich confirmé par l'ordonnance impériale du 17 janvier 1882 portant statut civil du Comité Juridique. Elle était également juge des actes des Comités qui étaient au nombre de 6 : Economique, Fiscal et Financier, Défense, Intérieur et Sécurité, Affaires sociales-Santé-Education, Historique et Recherche et Développement.
Outre ses fonctions juridictionnelles, elle était un également chargée de donner des avis quant à la rédaction des décrets impériaux (L'Allemagne sorcière étant toujours un empire dirigé par les Hohenzollern), des ordonnances civiles, des ordonnances militaires prises par le Maréchal-généralissime von Leutel et des décrets militaires. Elle pouvait également annuler ces actes si contraires au socle de règles essentielles du pays parmi lesquelles l'interdiction de toute discrimination entre les sorciers et les créatures magiques ou entre les sorciers à raison de leur origine Moldue (CJ 25 mai 1900 von Holbach) ou encore l'interdiction pour les sorciers de participer aux guerres d'agression des Moldus (Loi du 14 mai 1730). Autrement dit, c'était une institution extrêmement puissante.
Le général d'armée Isaac Jarnstein, sorcier Né-Moldu et juriste de renom allait donc à partir de ce jour diriger cette institution. Il allait succéder à l'Amiral Barzog, Gobelin et Chef Juriste de l'Armée pendant 41 ans. Il avait intégré le Comité Juridique après sa thèse en droit magique. Tout d'abord comme Assistant puis comme Membre de l'Assemblée de Jugement. Il avait été élu par ses pairs pour en prendre la tête, une consécration pour ce sorcier épris de justice, d'égalité et de droit.
La cérémonie de passation de pouvoir entre l'Amiral Barzog et le Général Jarnstein se tenait dans le Hall du Palais Impérial Sorcier. Il y avait l'Empereur Guillaume VII sur son trône. Parmi les autres personnalités, il y avait tous les hauts dignitaires militaires ou presque : le Maréchal-généralissime Lionel von Leutel, son fils l'ingénieur-général Wilfried von Leutel, les chefs des trois armes (terre, air, marine) ou encore les présidents et présidentes des différents comités. Seule la Générale Hilde Friedrich, présidente du Comité Affaires sociales-Santé-Education manquait à l'appel, préférant rester à s'occuper des personnes qui en avaient besoin.
L'Amiral Barzog prit place sur l'estrade aménagée pour l'occasion.
« -Mes chers camarades », commença t-il, « nous sommes réunis en ce jour pour célébrer l'arrivée à la tête de la plus haute institution juridique du pays du juriste le plus prometteur que nous ayons. Je me souviens lorsque j'ai recruté le Général Jarnstein à la sortie de sa brillante thèse en Droit Magique. Je me souviens de ses nombreuses annotations en tant qu'assistant, de son travail très prolifique. Puis lorsqu'il est arrivé à l'Assemblée de jugement, de son jugement toujours éclairé et justifié, de ses prises de position fermes mais légitimes. Il a été à l'origine de plusieurs théories et notamment de celle dite de la « primauté de l'exécution forcée originelle » que vous connaissez tous et toutes ici. Il participe au rayonnement de notre pays dans la sphère juridique sorcière mondiale. Je sais qu'avec lui, l'institution est entre les meilleurs mains possibles : un sens du devoir exemplaire, une loyauté à toute épreuve, un sang-froid implacable et une rigueur inflexible.
De mon côté, j'ai servi loyalement cette institution durant quarante et une années de ma vie. Ce fut mes plus belles années, entouré de cerveaux brillants oeuvrant pour le bien commun. Aujourd'hui, je peux partir tranquille, fier de mon travail accompli. Je ne retourne pas à la vie civile mais j'assurerai l'instruction d'officiers de la marine pour perpétuer notre savoir-faire. Merci à vous de m'avoir fait confiance dans cette fonction de Chef Juriste de l'Armée. »
Tout le monde applaudit. Le vieux Gobelin dans son uniforme bleu d'Amiral serra la main au jeune Général d'armée, reconnaissable à son uniforme marron et ses cinq étoiles. Le Général Jarnstein prit à son tour la parole.
« -Bonjour à tous et à toutes. Bonjour à Sa Majesté l'Empereur. Je remercie tout d'abord mon prédécesseur pour son travail d'une infinie richesse à la tête de l'institution et pour la confiance qu'il a toujours placé et qu'il place encore aujourd'hui en moi. Je me veux comme celui qui perpétuera le travail commencé par tous mes prédécesseurs, à savoir celui de garantir les droits de tous par le respect du droit. Pour ce faire, je présenterai tout d'abord à Sa Majesté ainsi qu'au Maréchal-généralissime von Leutel un projet de réforme visant à réorganiser le Comité Juridique, notamment en créant des sections en lien avec les Moldus avec qui, vous le savez mieux que quiconque, nous collaborons chaque jour du fait que notre peuple et nos glorieux ancêtres ont refusé de signer le Code International du Secret Magique. Néanmoins, il est nécessaire de préserver le privilège de juridiction des Moldus. Ces sections auront pour mission notamment de proposer des propositions de pacte Sorciers-Moldus dans différents domaines mais également d'assurer la protection de nos ressortissants en pays étrangers Moldus. »
Il leva sa baguette.
« Moi, Général d'armée Issac Frank Jarnstein m'engage sur mon honneur de soldat de préserver les libertés garanties au peuple, l'institution militaire, la Nation ainsi que l'Ordre Public. Que les Champs du Déshonneur m'emprisonnent à jamais si je faiblis ! »
Une lueur rouge sortit de sa baguette pour exploser dans le plafond de la salle.
Il ferma les yeux pour prendre conscience de la position qu'il allait maintenant occuper, la position que de nombreuses glorieuses personnes ont occupé avant lui. Il savait qu'il serait à la hauteur. Il se voulait être celui qui allait impulser des mouvements de réforme concernant certains points de droit et certaines institutions.
