Introduction: Un jour dans ma vie

Lorsqu'il reprit connaissance, le garçon sut immédiatement que quelque chose était différent. Oh, la douleur était présente. Elle l'était toujours. Une douleur qui circulait le long de son corps et qui se répandait telle une sève perfide. Le sang, dont il sentait le goût amer et la texture visqueuse, envahissait sa bouche et recouvrait une grande parcelle de sa peau. Une peau qui avait perdu sa douceur d'antan et qui était devenue rugueuse par endroits.

Mais le sentiment de malaise qu'il avait ressenti à son réveil persistait. Au prix d'un effort surhumain, il s'appuya sur ses coudes, ouvrit lentement les yeux, et constata l'ampleur des dégâts. Il regretta aussitôt son geste. Tant pour son mal de tête qui s'intensifia, que pour ce qu'il vit de son corps. Il grimaça. Son torse portait la trace de terribles marques de griffures, qui, si elles n'étaient pas refermées proprement, s'infecteraient; sa cheville gauche semblait cassée et son genoux droit était ouvert d'une plaie profonde. Sans parler des multiples autres plaies et des petits os fracturés. Respirer lui faisait mal. Mais cela, Remus Lupin en avait l'habitude. En effet, tous les mois, et depuis beaucoup trop longtemps selon lui, Remus devait subir la fureur de son 'moi' intérieur. Du garçon maigre et pâle qu'il était, il se transformait en une bête épouvantable et assoiffée de sang. Une seule et minuscule erreur lui avait coûtée son humanité, faisant de lui ce qu'on appelait un "hybride", dont le train de vie et celui de ses parents se résumait à garder secret son fardeau... Car si son secret était jamais rendu public, il serait contraint à une vie d'exile et de pauvreté.

Mais ce dont il n'avait pas l'habitude, cependant, et qui était à la cause de son malaise, c'étaient les démangeaisons qu'il ressentait... D'habitude, il avait bien trop mal pour se rendre compte des détails qu'il considérait insignifiants par rapport au reste.

Il grogna. Il ne pouvait même pas se gratter correctement, ses doigts ne lui obéissaient pas.

De l'air frais lui parvint par la fenêtre. Il l'accueilli avec gratitude... De l'air frais ? Par la fenêtre ? Avec un tressaillement d'horreur, il comprit que ses démangeaisons étaient dues aux petits morceaux de verre de la fenêtre qu'il avait vraisemblablement brisée.

Il se rallongea, profondément reconnaissant du sortilège qui l'empêchait de s'enfuir par la fenêtre. Sinon... Il mit de côté cette pensée dans son esprit déjà très confus, et tendit l'oreille. Il entendait des voix... Lointaines... Ce qui était étrange. Normalement, après son réveil de ces nuits là, Remus entendait des voix qui étaient près de lui, avec lui, et non en bas, dans le jardin. Car c'était bien de là qu'elles provenaient.

Il se concentra. Il en distingua trois; celles de ses parents étaient clairement identifiables, mais il ne reconnaissait pas la troisième. Il tenta d'écouter.

- ... Monsieur Lupin, vous devez me comprendre, disait la voix. C'est très inquiétant.

- Madame Reynolds, je vous prie de m'écouter. Ce que vous dîtes n'a aucun sens, répondit calmement Lyall Lupin.

- Vraiment ? Les bruits de casse que j'ai entendu ne sont-ils pas justifiés ?

Remus l'entendit faire quelques pas.

- C'est bien la chambre de votre fils, n'est-ce-pas ? demanda-t-elle froidement.

Il y eut un silence pendant lequel Remus eut l'impression que les yeux froids de Mme Reynolds traversaient les murs de sa chambre et se concentraient sur lui, misérable forme terrifiée et gémissante au sol.

- La fenêtre est cassée, remarqua-t-elle enfin.

- Oui, elle est cassée... Mais nous allions la réparer, ajouta son père.

- Où est votre fils ? demanda brusquement Mrs Reynolds. Je peux le voir ?

Remus se tendit et expira lentement, priant de toute son âme que ses parents l'en dissuaderaient.

- Il dort encore, tenta alors Espérance Lupin. Il ne peut malheureusement pas descendre vous saluer.

- Madame Lupin, il s'agit là d'une affaire de magie, alors je vous prierai de ne pas vous y mêler, déclara sèchement Mrs Reynolds. À ma connaissance, rien de moldu ne peut faire ces... ces choses. Où est votre fils ?

Remus n'entendit pas sa mère répondre. Il supposa qu'elle avait dû baisser les yeux.

- Je vous demanderais de ne pas vous en prendre à ma femme, tempêta son mari. Elle a le droit à la parole, et en particulier lorsque notre fils est amené dans une conversation.

- Chéri, ne te...

- Non. Ça suffit. Vous et vos préjugés ! Ma femme n'est pas acceptée, sous prétexte qu'elle est Mol -

- Il y aura bientôt non seulement votre femme, mais aussi votre fils qui joueront avec les limites de l'acceptation. Mais, ma foi... Je reconnais avoir eu une mauvaise utilisation de mes mots, vous m'en excuserez, Mr Lupin. Ce que vous gardez là haut n'a en effet rien de très humain, et encore moins d'un fils, cracha-t-elle.

Sa mère poussa un petit cri étouffé.

- Que.. Qu'est-ce que vous...

Mais elle n'eut pas le temps de formuler sa question.

- Ce que je veux dire, Madame, si c'est cela que vous me demandez, c'est que j'ai compris depuis quelques mois déjà que votre fils présente une... anomalie. Une tare, si vous préférez, et je dois dire que la fenêtre n'est qu'un détail dans l'affaire. Elle n'a servit qu'à confirmer mes soupçons. Si je suis là, aujourd'hui, c'est pour discuter de vos options... -

- Nos options ! s'indigna Mr Lupin. Quelles options ?! Et mon fils ne présente aucune anom -

- Ne faîtes pas l'ignorant, Lupin ! le coupa sèchement son interlocutrice. J'ai moi-même de jeunes enfants, et je n'autoriserai pas qu'un... qu'un monstre comme votre fils mette en danger des innocents. Comment avez vous osé ? Vous avez trahi notre confiance pendant des mois en gardant votre créature cachée dans cette masure ! Et je pense ne pas me tromper en affirmant que le reste des villageois partagera mon avis.

Dès lors, Lyall ne nia plus et resta silencieux pendant quelques instants, le souffle apparemment court.

- Vous.. Vous allez le dire aux autres ? balbutia-t-il finalement.

- Si vous ne coopérez pas, je n'aurais pas le choix. Et je vous conseille d'agir vite, si vous ne voulez pas avoir de soucis avec le Ministère..., ajouta-t-elle d'un air satisfait.

- C'est une menace ? gronda Mr Lupin, oubliant ses balbutiements.

- Je crois, Mr Lupin, que vous n'êtes pas en position de négocier. Maintenant, si vous voulez bien, nous allons...

Dans sa chambre, Remus n'entendit pas le reste des paroles. Son cœur battait à la chamade, sa tête lui tournait, et il préféra se rallonger sur le sol.

Il soupira. Ils allaient encore déménager.