Bonjour ! Vous vous souvenez de moi ? Ça fait un moment que je n'ai pas posté de fiction, bien que je l'ai promis récemment. J'ai été littéralement sous l'emprise du travail et de tas de diversions, mais j'ai toujours des millions d'idées qui fourmillent pour donner naissance à d'autres fictions. En voici une nouvelle.

Je vous préviens, je n'ai jamais écrit quelque chose d'aussi sombre, pas même Take Shelter in my Arms. Si vous avez vu le film Martyrs, qui est, à mon humble avis, un chef d'œuvre qui vous retourne l'estomac et l'esprit, sachez que je m'en suis inspirée. Ce film m'a complètement bouleversée et je voulais absolument écrire dessus, et c'est devenu ceci. Je ne vous en dis pas plus et vous laisse savourer, du moins je l'espère, cette nouvelle fanfiction.


« Rachel, c'est moi.

— Quinn, est-ce que tout va bien ? Qu'y a-t-il ?

— Ça va. Il faut que tu viennes ici, le plus vite possible.

— Mais où es-tu, bon sang ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Est-ce que tu es en sécurité ? »

Pendant un instant, seule une respiration lente, saccadée, pouvait être entendue à travers le combiné. Les mots se faisaient attendre, insupportablement.

« Rachel... je les ai trouvés. »


Rachel avait rencontré Quinn pour la première fois il y a quinze ans de cela. Elles n'avaient alors que sept ans.

Quinn était sa seule amie. Elle pensait pouvoir dire sans se tromper qu'elle était aussi, sans aucun doute, la seule amie de Quinn.

Elle n'en tenait pas vraiment compte, à vrai dire ; elle se fichait bien de connaître la moitié de la ville ou d'avoir des relations dans tel ou tel domaine. La blonde lui suffisait amplement. Elle avait uniquement besoin d'elle.

Quinn venait de l'appeler, à quatre heures du matin, après quatre jours sans nouvelle de sa part.

Elle n'avait jamais laissé passer une seule journée sans lui parler, auparavant.

Rachel savait que quelque chose d'important, de grave venait de se produire. Elle l'avait senti, depuis la veille déjà, quand elle avait essayé d'appeler Quinn sur son téléphone portable et qu'elle était tombée directement sur sa messagerie.

Jamais la blonde n'éteignait son portable.

Elle avait vu ses doutes confirmés en recevant ce coup de téléphone, au cœur de la nuit, en entendant sa voix sourde et atone, sa respiration erratique, brisant le silence de mort planant au-dessus de leurs crânes.

Elle ne savait toujours pas où était Quinn, et cela la terrifiait plus que tout.

Elle ne pourrait supporter que quelqu'un s'en prenne à Quinn une nouvelle fois. Elle avait juré de la protéger jusqu'au bout de sa vie, et elle continuerait à le faire. Seulement, ne pas savoir où elle était, avec qui, si elle était en sécurité, la rendait physiquement malade.

Personne ne touchera un cheveu de Quinn, se dit Rachel. Plus jamais.


La jeune femme brune attrapa ses clés de voiture et ferma la porte de l'appartement derrière elle. Elle ne savait pas quand elle reviendrait, ou si elle y reviendrait un jour, mais cela importait peu.

Elle et Quinn avaient habité dans tellement de lieux différents qu'elles avaient oublié la sensation de quitter un foyer pour toujours.

Ce n'étaient que des maisons, des lieux impersonnels. Cela n'avait jamais été leur maison, leur lieu de repos et de paix. De sécurité.

Rachel regarda le trousseau de clés dans l'une de ses mains, son sac dans l'autre. Elle y avait mis quelques vêtements et une trousse de premiers soins, rien de plus. Elle espérait malgré elle que ce que Quinn avait trouvé ne nécessitait pas plus de quelques jours passés dans l'inconnu.

Avant de démarrer le moteur de la voiture, Rachel envoya un texto à Quinn, lui demandant simplement où elle se trouvait, si elle avait besoin de quoi que ce soit, s'il fallait qu'elle appelle à l'aide. Elle n'espérait pas recevoir de réponse dans l'immédiat, c'est pourquoi elle tourna la clé de contact et commença à rouler sans but, suivant la route qui déroulait devant ses yeux, laissant un énième foyer derrière elle.

Elle sentait qu'elle n'y retournerait sans doute jamais.


Quinn était partie depuis quatre jours déjà, laissant Rachel seule s'inquiéter derrière elle. Mais elle avait un objectif bien précis en tête lorsqu'elle avait sauté dans le premier train avec son sac à dos pour seul bagage.

Elle avait cherché tellement longtemps, et elle allait finalement toucher au but, après seize ans d'attente.

Le premier jour, elle avait voulu envoyer un message à Rachel, lui disant de ne pas s'inquiéter (Rachel s'inquiétait toujours pour elle, pour n'importe quelle raison que ce soit, et Quinn détestait qu'elle se fasse du souci). Mais elle avait changé d'avis, et éteint son téléphone presque aussitôt.

Car Rachel pourrait lui demander où elle était, et la blonde ne pourrait lui mentir, et Rachel voudrait la rejoindre immédiatement.

Il n'en était pas question. Elle ne voulait pas entraîner la jeune femme dans cette histoire sordide.

Le train s'arrêta à plusieurs reprises, traversant le Michigan, l'Illinois, l'Indiana, et Quinn sortit du wagon après dix heures passées sur les rails.

Elle se rapprochait de sa destination.

Elle passa le reste de l'après-midi à chercher un hôtel correct et bon marché, dans lequel elle resta deux nuits. Le troisième jour, elle reprit la route à bord d'une voiture louée sur place, puis roula encore pendant des heures.

Le quatrième jour, vers trois heures du matin, elle arriva devant une maison d'un étage, entourée par des forêts bleues et vertes et couverte d'une brume nocturne peu rassurante.

Quinn coupa le moteur, patienta quelques instants dans l'habitacle embué. Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait en ce moment précis, mais n'attendit pas plus pour le savoir. Elle enfila son manteau et sortit, observant la maison d'un œil curieux, sans bouger un seul muscle pendant une minute ou deux. Puis, lentement, elle se mit à faire le tour de l'habitat, faisant attention où elle posait les pieds — le sol était par endroits couvert de boue, des brindilles jonchaient la terre humide, quelques trous parsemaient le terrain, sans doute l'œuvre de quelques taupes ou d'un mauvais jardinier.

Quinn se dirigeait dans la semi-obscurité à tâtons, ne quittant presque jamais la maison du regard.

Un quart d'heure passa, et elle ralluma son téléphone et composa le seul numéro qu'elle connaissait par cœur.


Malgré le réconfort que lui avait prodigué la voix de Rachel au téléphone, au bout de trois heures d'attente interminable dans sa voiture de location, Quinn n'en pouvait plus de rester immobile, fixant la bâtisse d'un regard d'acier.

Une nouvelle fois, Quinn sortit de sa voiture, enfilant son sweatshirt pour se protéger du froid et tirant la capuche devant ses yeux. Elle ne prit pas la peine de fermer la portière.

Elle ouvrit le coffre, prit son sac à dos qui ne l'avait pas quitté depuis son départ de l'Ohio, en répandit le contenu.

Aucune réaction ne marbrait son visage. Elle resta calme, impassible, comme depuis le début de ce voyage.

Devant ses yeux se trouvaient un fusil de chasse et une boîte de cartouches.


Quinn sonna à la porte de la maison. Il était presque huit heures du matin.

Une femme d'une quarantaine d'années vint lui ouvrir et lui sourit timidement. D'une voix interrogatrice, elle demanda :

« Oui ? Puis-je faire quelque chose pour vous ? »

Quinn garda le visage fermé. « Vous êtes bien Patricia Kane ? »

La femme hocha la tête, incertaine. « Qu'est-ce que vous... »

Quinn ne lui laissa pas le temps de répondre, leva le fusil qu'elle tenait derrière son dos, et tira.


Rachel roula pendant près de quatre heures, sans faire plus de vingt minutes de pause.

Elle espérait que Quinn allait bien, qu'elle ne courait aucun danger. Si elle avait vraiment retrouvé ceux qu'elle avait cherchés pendant quinze ans, il se pourrait qu'elle fasse quelque chose d'inconscient, d'irréfléchi, malgré le calme de sa voix au téléphone.

La jeune blonde avait été patiente, cherchant par tous les moyens de mettre la main sur cette famille depuis tant d'années. Il ne fallait pas qu'elle se laisse rattraper par ses émotions maintenant.

Rachel serra les mâchoires, appuya un peu plus sur l'accélérateur. Elle attendait anxieusement un signe venant de Quinn.

Celui-ci n'arriva qu'après deux heures et demi de déambulations au volant de sa voiture, quand son téléphone se mit à vibrer, lui signalant un nouveau message. Quinn lui avait envoyé une adresse à laquelle se rendre.

La petite brune fit rapidement demi-tour et se dirigea vers sa nouvelle destination, roulant bien au-dessus de la vitesse maximale autorisée.

Elle devait absolument arriver avant que Quinn ne commette l'irréparable. Qui sait comment elle pourrait se comporter face à ceux qui avaient été ses bourreaux, qui ne cessaient de la hanter jour et nuit sans répit ?

Elle soupira. Quinn avait trop souffert, trop longtemps. Cela devait cesser.

Rachel vit passer le panneau indiquant qu'elle quittait l'Ohio.

Cette fois-ci, elle était quasiment certaine qu'elle ne reviendrait pas en arrière.


Aux alentours de midi, Rachel avait atteint l'adresse indiquée. Elle vit une voiture noire garée près d'une immense maison, et sut instantanément qu'elle était au bon endroit. Elle se gara à côté de l'autre véhicule et patienta avant de sortir.

L'air était froid, piquant pour un mois de mars. Le sol était encore humide à cause de la pluie qui avait tombé tôt ce matin.

Autour d'elle, tout n'était que silence. Rachel prit quelques instants pour observer ce paysage comme figé dans le temps ; les arbres bougeaient à peine malgré la brise, les sapins d'un vert éternel se dressaient, menaçant, partout où portait le regard. Quelques oiseaux criaient, annonçant pluie ou beau temps, elle ne saurait le dire. Seule l'immense bâtisse d'un étage indiquait qu'il y avait de la vie par là. Ses couleurs claires et sa toiture en brique détonnaient dans leur écrin immobile, et cela la rassurait quelque peu.

La jeune femme s'approcha prudemment du véhicule de son amie — du moins, elle pensait que c'était le sien. Elle avait dû le louer, ce qui lui avait permis d'arriver jusqu'ici. Son sac à dos était encore sur le siège passager, ainsi que son manteau.

Elle regarda du côté de la maison. La porte était fermée, et rien n'indiquait que quelque chose d'anormal avait eu lieu.

Elle espérait qu'elle n'était pas arrivée trop tard.


Seule la buée sortant de sa bouche lui rappelait qu'elle était encore vivante, que ce qu'elle voyait était bien réel.

En y réfléchissant, elle se demanda si elle ne préférait pas être morte en cet instant.

Rachel avait poussé la gigantesque porte d'entrée, qui n'était qu'entrebâillée, et découvert l'enfer.

Elle plaqua une main contre sa bouche, se retenant de vomir, de hurler, de pleurer.

Du sang. Du sang partout, sur les murs, sur les tapis, sur le parquet, même au plafond.

Des éclaboussures de part et d'autre, dans l'immense salon, comme une scène de guerre.

De la vaisselle brisée, des meubles renversés, des bibelots jonchant le sol.

Rachel étouffa un cri. Elle ne voyait personne, pas même Quinn. Elle avança lentement, évitant de poser le regard sur ces amas pourpres et écarlates, tachant le papier peint et le mobilier.

Il fallait qu'elle sache où se trouvait Quinn. Elle appela son nom, plusieurs fois, sa voix tremblant de peur, allant prudemment d'une pièce à l'autre.

Elle espérait que personne d'autre ne se trouvait ici, caché derrière un pan de mur, prêt à l'assommer ou à la tuer de sang froid.

« Rachel... »

Elle sursauta en entendant une voix fatiguée, monotone l'interpeler depuis la cuisine. Elle s'y rendit, fébrile ; elle ne voyait plus que cette couleur rouge partout, lui brûlant la rétine tant elle était vive et fraîche.

Quinn n'avait même pas l'air étonné de la voir ici. Elle était assise contre le mur, un fusil à un mètre d'elle, quelques gouttes de sang sur ses vêtements et sur son visage. La jeune femme courut vers elle, s'accroupit à ses côtés en retenant son souffle, ses larmes, sa rage.

Elle espérait que la personne qui avait touché Quinn était encore en vie pour qu'elle puisse lui faire la peau.

La petite brune écarta l'arme à feu par pure précaution. Quinn n'avait pas l'air blessée, du moins pas grièvement, et elle fut immensément soulagée de ce constat. Prudemment, Rachel l'attira contre elle, serrant ses épaules.

« C'étaient eux, Rachel, fit Quinn d'un ton froid en fermant les yeux. C'étaient eux. »

Rachel écarta des mèches blondes de son visage, remarquant une coupure au-dessus de son œil droit. Elle pensait connaître la réponse — elle en était même sûre — mais préféra lui demander, « Qui ça, chérie ? »

Quinn la regarda. Ses yeux étaient tristes mais apaisés, et sa lèvre inférieure se mit à trembler lorsqu'elle articula ces mots.

« Ceux que je cherche depuis quinze ans. Ce sont eux qui m'ont enlevée, Rachel. »

Et Rachel se mit à pleurer.


Elle avait rencontré Quinn quand elle avait sept ans. À ce moment-là, Quinn ne parlait pas. Elle ne pouvait plus parler.

Elle avait mis six mois avant de pouvoir articuler des mots. Rachel avait chéri chacune des paroles sortant de sa bouche.

Elles s'étaient rencontrées dans un orphelinat pour enfants qui avaient subi des périodes difficiles. Rachel s'était retrouvée là-bas car ses parents venaient de mourir dans un accident, et elle avait survécu. Quinn ne lui avait jamais dit expressément pourquoi, de son côté, elle s'était soudainement retrouvée au même endroit.

Mais deux mois plus tôt, elle lui avait tout révélé.

Comment elle avait été enlevée, alors qu'elle n'avait que six ans et demi.

Retirée à sa famille, qui avait par la suite été retrouvée morte, affreusement torturée.

Quinn elle-même n'en avait rien su avant d'avoir atteint ses dix ans.

Depuis, elle avait voulu découvrir qui étaient les auteurs du crime odieux dont ses parents et sa sœur avaient été victimes. Ce que Rachel ne savait pas jusqu'alors, c'était que Quinn avait décidé de les retrouver dans le seul et unique but de se venger.


« Quinn... c'est toi qui... c'est toi qui as fait ça ? »

La pauvre femme semblait exténuée. Sur son front, la transpiration se mêlait aux gouttes de sang, et commençait à couler sur ses tempes.

Rachel avait envie de recommencer à pleurer, mais elle se devait d'être forte. De montrer qu'elle était forte, du moins en apparence, ne serait-ce que pour aider Quinn. Quinze minutes avaient déjà passé, durant lesquelles elles s'étaient tenues l'une contre l'autre sans regarder autour d'elles, sans voir le massacre qui avait eu lieu, les taches sombres ornant les murs et les tapis.

La petite brune tenait toujours son amie contre sa poitrine, lui murmurant de temps à autre des mots doux et insignifiants pour l'éloigner de l'horreur qui les entourait.

Quinn haussa les épaules en entendant sa question.

« Il faut croire que oui. »

Rachel garda le silence. Elle jeta un œil autour d'elle — bien qu'elle aurait tout donné pour ne pas avoir à faire à une scène de crime d'une telle atrocité — et ne vit pas de corps. Seulement du sang, partout. La cuisine semblait relativement épargnée par ce carnage, mais le salon, qu'elle entrevoyait par la porte restée ouverte, était dans un piètre état.

Elle ferma les paupières.

Elle dut se mettre à trembler, car Quinn posa une main sur son visage et lui demanda si elle allait bien, si elle allait tenir le coup.

Rachel hocha la tête, rouvrit les yeux. « Oui. Bien sûr. Dis-moi juste... dis-moi ce dont tu as besoin. Dis-moi ce qu'il faut que je fasse, » finit-elle en regardant les yeux verts de Quinn, inquiets et calmes à la fois.

Ce n'étaient pas ceux d'une tueuse. Ce n'étaient pas ceux d'une personne qui venait de commettre l'innommable, de décimer de sang-froid une famille entière, d'ôter la vie à des êtres humains.

C'étaient les yeux d'une petite fille, une femme à qui l'on avait volé son enfance et son innocence.

La blonde continua de fixer Rachel pendant longtemps, dix minutes ou une heure, elle n'aurait su le dire. Puis, lentement, elle articula, d'une voix rongée par les larmes et vacillant dans le silence de mort :

« Il faut que tu m'aides à me cacher. »

Rachel acquiesça. « Je le ferai.

— Et il faut... » Quinn déglutit, cherchant les mots justes, ceux qui blesseraient moins. « Il faut que tu m'aides à cacher les corps. »

Rachel réprima un haut-le-cœur. Mais il fallait qu'elle soit forte, pour Quinn.

« Je ferai ce que tu veux. »