C'était une déclaration de guerre, assurément. Le ciel rugissait sa colère, sans doute pour me punir de mes péchés. Evidemment, j'avais peur. Une boule d'angoisse me serrait le ventre, tandis que je restais debout devant la fenêtre, fasciné par l'orage.

Une seconde, deux, trois, quatre, cinq…

La pluie tombait à verse, mais ce n'était pas elle que je craignais. Je savais les murs solides et étanches. Le tonnerre, quant à lui, faisait trembler ces mêmes murs, et chaque coup me faisait me sentir encore moins en sécurité.

Une, deux, trois…

L'orage se rapprochait. J'appliquais la méthode apprise il y a longtemps qui consistait à compter le nombre de secondes séparant l'éclair du tonnerre pour connaître la distance à laquelle la foudre était tombée. Je me repassais en mémoire ce que je savais des orages, comme pour me donner l'illusion que je maîtrisais les éléments qui se déchaînaient au-dehors.

Une, deux, trois…

Les halos lumineux qui apparaissaient derrière les arbres se succédaient à une fréquence de plus en plus rapide. Je reculais doucement, comme en transe, et pris à tâtons un des kimonos de Kanda dans son armoire. Le doux contact de la soie me rassura. J'avais lu quelque part que porter de la soie empêchait d'être blessé si on était frappé par la foudre.

J'avais chaud. Le tissu léger glissait sur ma peau, j'avais l'impression qu'il m'étouffait. L'atmosphère électrique était insoutenable. Je serrais contre mon torse nu l'oreiller attrapé au passage lorsque je m'étais levé. Deux nuits déjà que la chaleur étouffante m'empêchait de dormir. La veille, l'aube pointait déjà quand j'avais enfin sombré, épuisé. La couette douillette m'attirait, mais je ne pouvais me détacher de ce spectacle malsain.

Une, deux…

Un éclair très net déchira le ciel en m'éblouissant ; je grimaçais, émerveillé.

Une seconde…

- Moyashi, viens te coucher…

Kanda grognait doucement. Il se pencha pour attraper mon bras, et me fit tomber en arrière, sur le matelas. Mes yeux restaient fixés sur la fenêtre tandis que je me laissais aller contre son torse. Il ne portait pas non plus de pyjama, et m'enleva le vêtement que je lui avais emprunté, en murmurant que contrairement à ce qu'on pensait, cela n'avait jamais protégé contre les orages. Mais peu m'importait à présent : blotti contre lui, peau contre peau, je ne craignais plus rien. Il m'allongea à ses côtés, et je vis un dernier éclair tandis qu'il embrassait mon front fiévreux. Mes yeux se fermèrent tous seuls, et le sommeil m'emporta enfin.