Harry Potter : Scènes coupées
-Tome 1 à 7-
Scène 6.3/48 (4èmeV.) – Tome 1
Harry Potter, neuf ans, n'avait pas peur des araignées.
Ni de celles qu'il trouvait parfois derrière le lavabo de faïence aux matins d'hiver trop vigoureux, ni de celles qui dormaient dans ses chaussettes en laine trop grandes qui n'étaient pas vraiment à lui. Pas davantage des quelques qui surveillaient ses tâches estivales dans le jardin ou d'autres plus occasionnelles qui, en tous lieux et tous temps, croisaient son chemin.
Ni de celles du placard à balais. Harry dormait dans ce placard à balais.
Du soir au matin, et parfois toute la journée en cas de sanctions. Des heures entières qui pouvaient tout aussi bien paraître interminables que providentielles. Qu'il passait en silence, présence invisible au cœur d'une maison qui niait son existence. Tendant une oreille distraite aux balais sonores de chacun des trois occupants, les yeux fixés sur le mur le plus proche. Attendant ?
Harry rêvait. A tout, et à rien. Plus souvent à tout, l'Autre-Monde n'était pas bien loin.
L'Autre-Monde était un rectangle de plâtre parfaitement vertical et recouvert d'un antique papier-peint. Du moins, il l'était aux yeux de ceux qui ne voyaient pas. A un spectateur de passage, il n'évoquait que désintérêt absolu. Ce n'était qu'un mur de plus, vulgairement laissé à nu. Personne n'aurait perdu son temps à le contempler. Attendant ?
Le premier rêve d'Harry ne possédait qu'une existence théorique sans aucune preuve matérielle. Certainement avait-il eu lieu puisque d'autres depuis l'avaient suivi, mais aucun souvenir n'en était demeuré. Ce n'était qu'une ombre supposée même si Harry n'imaginait pas avoir vécu un jour dans ce placard à balais sans l'Autre-Monde. Le premier était un peu exigu à son goût. Quoique relativement adapté à sa taille. Harry n'était pas bien grand.
Et il peignait. Immobile, les genoux ramenés sous le menton en une inconscience protection, les yeux sur le mur, Harry peignait l'Autre-Monde. Des espaces interminables de couleurs et de sons, tressés les uns aux autres en cacophonies de toutes teintes indécises vibrations. Mille pensées qui s'accumulant, grouillaient spasmodiquement le long de droites jetées à tout hasard vers le grand horizon.
Audacieux univers dont il n'osait jamais se proclamer Roi. Harry était sujet, déambulant à tout hasard, guidé par le vent, libre comme aucun autre. Se contentant d'aligner les pas méthodiquement, il contemplait, ne se lassant jamais d'un balai qui ne trouvait pas d'échos. Accueillant chaque histoire avec le même enjouement, chaque détail parfois hésitant, goûtant du bout des lèvres et satisfait, ou non mais cela n'importait plus dans l'Autre-Monde... Les images se modelaient au creux de ses mains, prenant naissance au bout de ses doigts dans un frémissement timide, se sculptaient à son esprit, possédées par ses désirs et ses aspirations.
Chaque jour comptait son recueil, chaque instant sa surprise, il ne se passait pas une seule même seconde où il devenait une ombre déjà revêtue dans un excès passé. Il était gosse riche de rien mené par sa seule inspiration, et quelques timides souhaits qu'il osait à peine murmurer au creux de la nuit.
Harry retrouvait ses parents dans l'Autre-Monde. Un homme et une femme sans visages, silhouettes anonymes dont les bras interminables l'embrassaient tendrement, clamant ce que ces bouches effacées ne pouvaient faire entendre. Le répétant autant de fois que cela semblait nécessaire. Puis ils finissaient toujours par partir tous les trois ensembles, loin du placard, loin de cette maison austère, dans un rayon éclatant de lumière verte. Pour quelle destination, il n'en avait aucune idée. Cette dernière scène ne laissait dans sa gorge qu'une sensation de vide étrange, assez désagréable pour lui tirer quelques larmes pour que le mur redevienne mur. Et Harry dans son placard. Que met-on dans un placard sous l'escalier ?
Avec les araignées.
Qui disparaissaient dans l'épaisseur de sa couverture quand la porte venait à trembler sous les coups furieux de sa tante. C'était toujours ainsi qu'elle interrompait les fugues mentales du gamin : crachant un ordre matinal entre ses dents comme certains délivrent leur politesse. Harry devait alors quitter sa prison d'illusions, jetant le plus souvent à l'Autre-Monde, sagement contenu, un bref regard à la dérobée. Près à redevenir celui sans nom, ombre muette obéissante ce gamin malingre qu'il était tant amusant de poursuivre et de battre, de soumettre et punir, lui livrant les dettes d'autres qu'il ne connaissait même pas.
Le rêve n'existait plus au-delà de la porte. Celle-ci ouverte, l'Autre-Monde était mur et Harry orphelin, élevé chez son oncle, sa tante et son cousin. Personne ne voulait de lui.
Sauf les araignées.
- REJETÉE -
Propriété artistique : J.K. Rowling.
'Jour aux curieux de passage,
Que faut-il attendre de ce projet ? Un grand défouloir personnel. L'occasion d'essayer différents styles, de décrasser des doigts trop longtemps inactifs mais aussi de revisiter ce qui a parfois été évoqué en une ligne, de mettre en scène des rencontres qui n'ont pas toujours eu lieu, de soulever des thèmes qui sont restés dans l'ombre, de voir des personnages autrement, d'aller un peu plus en profondeur, de continuer à imaginer cet univers...
Si éventuellement vous-mêmes aviez des idées, faites m'en part, elles pourraient m'intéresser.
Un grand panier à pulsions, voilà ce que cette publication est.
Cette fois-ci mon intérêt s'est porté sur Harry. Sur ce qu'un enfant peut faire pour passer le temps quand il ne possède rien pour le tuer. Le style est assez particulier, sur bien des aspects je me suis basée sur la poésie. Tout le texte est porté volontairement sur la communication. Aucun dialogue n'y est présent pour renforcer l'impression de solitude. D'abandon.
J'espère être parvenue à le rendre tel que je le pensais.
Pour les intéressés, à une prochaine fois !
Victime conciliante suivante : Severus (Tome 7).
