*.*.*_PROLOGUE_*.*.*

Cette soirée fraîche de mai était bien propice à toutes sortes d'heureux événements. Bien que le contexte de ne s'y prêtait aucunement, Hermione se mit à réfléchir à un prochain plan de table pour le barbecue annuel.
Allait-il désormais se tenir le dernier dimanche du mois ? Cette habitude là parviendrait-elle à survivre au-delà ?
Mais que diable faisaient ce genre de pensées dans la réflexion de Hermione ? N'y avait-il pas plus important, pas plus écrasant comme nouvelle à penser ? N'y avait-il pas plus à matière à s'effondrer qu'à rêvasser de bons mets et de danses estivales ?

Raide sur un pan du jardin, loin du tumulte de ses enfants et de leurs progénitures, elle laissa son regard s'accrocher aux pins en lisère de forêt, pour forcer son esprit à s'accommoder aux bassesses de cette terre. Peut-être réussira-t-elle à être plus vive que ces derniers jours...
Elle ferma un instant ses paupières et inspira promptement l'air frais de la campagne écossaise. Une pensée lui vint immédiatement à l'esprit : ce qui avait fait son malheur et ce, durant toute son existence, venait subrepticement de s'envoler telle une traînée de poudre au vent. Elle respirait au gré de son envie, ce doux parfum de liberté qui était aussi léger qu'un poison savamment dilué dans les veines. Ses faits et gestes n'étaient plus que le fruit de sa pensée, de sa propre volonté. Aucun fil extérieur n'était tiré pour esquisser le moindre mouvement facial, elle n'était plus épiée et encore moins forcée. Elle était libre.

Et malgré tout, après avoir attendu ce jour pendant plus de soixante-sept longues années, elle n'était pas heureuse. Non. Elle s'était évertuée toute une vie à échapper à son joug, à échapper au fatidique destin que la vie lui avait tant promis, qu'elle lui avait tant forcé à suivre pour, aujourd'hui, finir par exaucer ses plus profondes prières.
Hermione n'était, au final, pas heureuse.
Envers et contre tout, la vie misérable qu'elle a pu avoir lui avait plu, sans qu'elle ne s'en rende compte.

Hermione émit un petit rire de dédain. Comment toutes ces horreurs, tous ces meurtres, toute cette profonde misère interminable avaient-ils pu lui plaire ? Inexplicable. Voilà ce qu'était sa vie.

- Mamie ?

Elisa était la plus âgée des petits-enfants de Hermione. Les cheveux longs, doux et soyeux et cette teinte caramel qui lui sied... La vieille dame la regarda tendrement, le visage insondable quant aux maux qui rongeaient ses entrailles depuis des heures.

- Oui, Elisa ?
- Je.. est-ce que tu te sens bien ? Demanda-t-elle en pesant chacun de ses mots.
- Ne t'inquiètes pas pour moi, répondit Hermione en délaissant le paysage pour plonger ses yeux noisettes dans celles de sa petite-fille.

Hermione prit dans sa main gauche un pan de sa robe et dirigea de par les épaules Elisa pour les reconduire vers la maison. Au loin, elle apercevait le petit dernier, âgé d'à peine trois ans, jouer silencieusement avec un jouet moldu. Voilà un petit être qui vivrait désormais dans l'insouciance, loin du joug de son époux...

- Maman, lâcha Rose en lui empoignant les bras, viens te reposer.

Rose, la première fille de Hermione et mère de Elisa, la fit entrer à l'intérieur. Ses trois autres frères et sœurs discutaient ardemment, mais silencieusement comme s'ils avaient encore peur d'être surpris en plein complot.

- Arrêtez donc ces enfantillages, voulez-vous ? Dit Hermione en s'asseyant lourdement sur le fauteuil centenaire.

Rose défia du regard l'un de ses frères qui s'apprêtait à répliquer et obéit.

Ses quatre enfants se turent et se rassemblèrent autour de leur mère. Pour la première fois de sa vie, Hermione se retrouvera seule face à ses enfants. Elle les jaugea, tous, un par un et sondait leurs âmes, analysait leurs pensées. Tous la regardaient, avides d'en apprendre plus. D'enfin savoir ce que leur mère, d'habitude toujours muette, silencieuse, éteinte, invisible avait à dire.

- Je pense qu'il est enfin temps de vous raconter qui nous étions, votre père et moi, déclara Hermione.

Les quatre frères et sœurs n'étaient guère surpris de se retrouver face à un tel aveu, mais la curiosité les faisaient trembler. Depuis leur tendre enfance, ils n'avaient jamais compris qui étaient leurs parents. Ils étaient à la fois le chaud et le froid, le couple rebelle, haineux, amants, amoureux, indifférents. Longtemps, Rose cru à un jeu stupide de séduction entre son père et sa mère, mais elle dut se résigner et ne plus essayer, à l'aube de l'adolescence, de comprendre ce qui avait fait unir Hermione Granger et Drago Malefoy.

- Tout a commencé il y a maintenant soixante-huit ans. Savez-vous comment votre père et moi nous sommes rencontrés ?
- A Poudlard. Père ne s'est jamais étalé là-dessus, continua Andrew, malgré le nombre de fois où je le lui demandais.
- Oui, déclara Rose à son tour. Il disait que tu étais une fille parmi tant d'autres. Que tu te fondais dans la masse. Il ne nous ajamais expliqué pourquoi il t'avait choisi, toi.

Hermione esquissa un sourire qui en disait long sur la rancoeur accumulée au fil des années.

- Non, mes enfants. Je n'étais pas une fille parmi tant d'autres.

Hermione contenait sa rancœur du mieux qu'elle pouvait mais son cœur, malgré tout le courage qu'il a su faire preuve durant son existence, ne pouvait plus continuer ses bons et loyaux services d'antan.

- J'ai raté ma vie, poursuivit Hermione. Elle avait trop bien commencé pour finir en beauté. Je me souviendrai jusqu'à la mort de ce jeudi 17 février, le jour où ma mère m'a révélé sa véritable identité. La nuit précédente, mes parents se disputaient comme jamais. Si j'avais su qu'ils parlaient de moi et de quoi il en retournait...

Hermione se tut. Les lourds souvenirs douloureux refaisaient surface. Bien que Hermione avaient déjà vécu le pire, il n'était jamais agréable de recoller les morceaux de vies qui l'avaient menés ici.

- Cet homme qu'a été votre père a commencé à me détruire avant même que je ne finisse de me construire. Votre père n'était pas qu'un simple salaud. Il était le Diable. Et malgré tout, j'ai vécu l'histoire d'amour la plus cruelle d'Angleterre, lâcha-t-elle du bout des lèvres, comme si elle se délestait du plus horrible des secrets.

Un lourd silence entrecoupé de quelques braillements d'enfants s'installa soudainement dans le petit salon des Malefoy. Andrew posa la question qui lui brûlait tant les lèvres, la même question que ses frère et sœurs se posaient souvent le soir sans jamais oser demander à leurs parents la réponse tant attendue. Alors, il se risqua...

- Tu l'aimais ?

Rose et sa soeur tournèrent la tête si brusquement qu'il en fût surpris.
Hermione ignora totalement sa question.

- Maman, commença Rose, raconte nous tout depuis le début, s'il te plaît. On voudrait savoir...

Hermione entendit la requête de sa fille et souffla pour se donner du courage. Ses yeux s'embuèrent de larmes et très vite, elle se ravisa. Ne serait-ce que pour raconter cette histoire, il lui fallait de solides épaules, un ton plein d'assurance et un regard vide de sentiments.

- N'oubliez pas que quoi qu'il se passe, durant ma narration, votre père vous aimait. A sa façon, certes. Mais vous sa chair, son sang, ses enfants. Gardez ça à l'esprit.

Tous acquiescèrent.

- J'avais dix-sept ans. C'était un mercredi soir, peu avant minuit. L'orage grondait et je n'arrivai pas à dormir. Papa et maman se disputaient...