NA: Ceci n'est rien d'autre qu'une petite fiction sans prétention. J'ai écrit le premier chapitre sur un coup de tête, mais ça ne veut pas dire que je n'ai pas d'idées pour la suite ;) Le tout restera cependant de l'ordre des relations amoureuses, avec sans doute quelques scènes "légèrement osées", d'où le rating M.

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— Elsa ?

— Mmmh.

Les deux jeunes femmes étaient plongées dans les liasses de papiers qui depuis quelques mois s'entassaient sur le grand bureau de bois. En entendant sa sœur prononcer son nom, la reine se contenta de signifier par une sorte de grognement qu'elle l'écoutait, mais ne se donna pas la peine de lever les yeux du document qu'elle était en train d'examiner.

— Je crois que je suis enceinte.

Elsa releva la tête, plongea son regard dans celui d'Anna. Bientôt, un grand sourire illumina son visage.

— C'est vrai ? Oh, Anna, c'est merveilleux. Je suis si heureuse pour vous !

— J'ai dit « je crois », parvint à murmurer la princesse alors que sa sœur l'avait prise dans ses bras et la serrait si fort qu'elle pensait étouffer.

La porte du bureau s'ouvrit alors sur un Kristoff qui semblait en pleine concentration.

— Anna, chérie, dit-il après quelques secondes de silence, je me demandais… si on allait voir les trolls, ils pourraient sûrement nous dire si oui ou non tu attends un bébé.

— Tu crois ? … Oui, c'est une bonne idée, mais…

Son regard passa de son mari à sa sœur, puis se posa sur les liasses de papiers qu'elles avaient encore à trier.

— … Mais il nous faudra presque une journée entière pour faire l'aller-retour, sans compter que si je suis vraiment enceinte, ils voudront organiser une fête en notre honneur…

Kristoff sourit. Il savait à quel point elle avait raison.

— Vas-y, je m'en occupe, affirma Elsa, qui tenait toujours sa sœur par les épaules. Je me débrouillerai seule pour aujourd'hui. Et de toute façon, je ne vais pas tarder à demander de l'aide. C'est absolument impossible de tout gérer. Mais je n'aime pas non plus que trop de monde soit au courant des affaires, disons, privées du royaume… Mais je vous retarde, allez-y, allez-y, s'exclama-t-elle le regard brillant en les poussant vers la porte. Et revenez vite me donner la nouvelle.

Restée seule, la jeune reine demeura pensive un long moment. Elle était vraiment heureuse pour Anna : quand bien même elle n'était pas encore enceinte, cela ne saurait tarder, là-dessus elle n'avait aucun doute. Elle était aussi forcée d'admettre que sa sœur formait avec Kristoff un couple unique. Les voir ensemble lui procurait toujours beaucoup de joie mais elle ressentait aussi, étonnamment, un étrange pincement au cœur. Au début, elle n'y avait pas prêté attention, et puis se sentiment avait grandi et à présent elle se rendait compte – à sa grande honte -, qu'il s'agissait tout simplement d'envie. Jalousie aurait été un mot trop fort, mais « envie », convenait parfaitement. Oui, c'était cela, elle était envieuse de sa sœur qui était si épanouie.

Presque à regret, elle s'apercevait qu'elle aussi avait besoin d'affection. Obsédée par ce pouvoir qu'elle avait eu tant de peine à contrôler durant son enfance et une bonne partie de son adolescence, elle n'avait pas pris le temps de rêver du prince charmant. A présent, elle était reine, ce qui impliquait de nombreuses responsabilités, et bien peu de temps libre. Pourtant elle s'était mise à espérer rencontrer quelqu'un.

Oh, bien sûr, les portes étaient ouvertes, mais cela signifiait simplement qu'elle et sa sœur ne vivaient plus isolées. En vérité, elle voyait à peine plus de monde qu'auparavant.

Assise derrière le bureau qui débordait de lettres, de demandes, de doléances et bien d'autres choses, elle regardait en direction de la cheminée éteinte, les yeux dans le vague. Alors elle se mit à rêver de bals, de réceptions, de banquets où elle serait conviée ainsi que de nombreux princes et rois. Elle rencontrerait une foule de gens intéressants et, pendant un instant, ne se soucierait plus de l'administration d'Arendelle. Elle aurait appris à danser et accepterait toutes les invitations qu'on lui ferait. Elle aurait ensorcelé le plafond et une fine neige tomberait sur les danseurs, qui tourneraient, tourneraient, tourneraient…

Toc, toc, toc.

— Ma reine ? Puis-je entrer ?

Elle avait sursauté, et tentait de reprendre ses esprits.

— …Oui, oui, faites, répondit-elle d'une voix neutre.

Un valet de pied entra, suivit d'un homme jeune mais à l'allure sévère, vêtu de noir.

— Ma reine, puis-je vous présenter monsieur Dickenslay, conseiller en politique, qui vient sur votre demande.

« Sur ma demande ? Quoi ?... qui ? Je… » Tout s'embrouillait dans la tête de la jeune souveraine, qui fixait son domestique avec des yeux ronds. Lorsqu'enfin elle remarqua la présence du nouveau venu, elle se leva avec empressement et le salua. Elle l'invita, d'un geste de la main, à prendre place dans un fauteuil.

— Puis-je me permettre, ma reine, de vous adresser mes compliments ? Vous êtes absolument ravissante.

Elsa faillit lui répondre d'un ton sans réplique qu'ils étaient là pour parler de sujets importants, qui concernaient l'avenir du royaume et non de son apparence, mais elle se retint à la dernière seconde.

— Merci, murmura-t-elle les dents serrées.

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L'entretien avec Dickenslay dura toute la matinée et une bonne partie de l'après-midi. Ils s'arrêtèrent de travailler peu après midi pour déjeuner, mais Elsa ne parvint pas à se détendre. Elle mangeait à peine, et ne montrait pas grand enthousiasme à répondre aux questions de son invité, qui avait cessé de parler de politique pour s'intéresser à sa vie personnelle, et, plus précisément à son pouvoir qu'il qualifia d' « étonnant ». A la voir, on aurait pu penser qu'elle s'ennuyait et une domestique, qui leur servait de nombreux plats, le lui reprocha du regard. Il faut dire qu'elle avait vu Elsa grandir et se permettait parfois de la traiter comme sa propre fille. Elsa ne lui en tenait pas rigueur, et parfois même elle appréciait ses conseils. Mais cette fois-ci, la jeune reine ne fit pas attention à elle, ni à sa propre attitude face à son conseiller. En réalité, elle réfléchissait, et était si profondément impliquée dans les diverses idées qui se bousculaient dans sa tête qu'elle remarquait à peine ce qui l'entourait. C'était comme si la pièce avait été plongée dans une sorte de brume.

Elle pensait d'abord à son royaume. Le peuple d'Arendelle avait été gouverné pendant des années par un roi juste et bon – son père – et elle était prête à tout pour ne pas le décevoir. Elle était reine depuis tout juste une année, et elle devait encore faire ses preuves. Dans tout le royaume, on racontait encore l'histoire de « la reine des neiges », qui avait caché pendant de nombreuses années un pouvoir qu'elle ne maîtrisait pas. Personne ne se laissait d'entendre et de redire à leur manière les aventures d'Anna, qui avait tout fait pour ramener sa sœur au palais. On ne savait plus ce qui était vrai, ce qui avait inventé, mais si la princesse était traitée presque unanimement en héroïne, les doutes émis quant à la véritable nature de la souveraine n'étaient pas rares.

Avec la découverte de l'ambition révoltante de Hans, Elsa, qui avait déjà de la peine à s'ouvrir aux autres (et encore plus à leur faire confiance), s'était totalement renfermée et avait déclaré qu'elle serait la seule à régler les affaires du royaume. Comme elle s'en rendit rapidement compte, cela était impossible, et remit rapidement à des personnes haut placées la responsabilité de gérer les affaires qu'elle considérait comme « importantes mais non primordiales ». Mais elle tenait à s'occuper elle-même de tous les contrats en lien avec le commerce, les alliances et tout ce qui concernait les relations internationales, ainsi que le commandement des forces de l'ordre. Rapidement, elle se rendit compte qu'elle s'était surestimée : les papiers s'entassaient, les décisions à prendre traînaient en longueur, et la reine s'épuisait. Heureusement, Anna s'en aperçut, et fut plus qu'heureuse de pouvoir se rendre utile. Elle était bonne élève et s'avéra d'une aide précieuse. Ces journées de travail partagées permettaient également aux deux jeunes femmes de renouer les liens qui avaient été si forts dans leur enfance. Toutes deux avaient l'impression d'avoir retrouvé une sœur, et même une confidente.

Elle pensait aussi à Anna et Kristoff et au couple qu'ils formaient. Sans doute leur amour était-il surprenant, leur union particulière, mais les sentiments qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, ainsi que leur complicité n'en était pas moins forts. C'était sans doute cette force qu'elle enviait. Elsa désirait, elle aussi, avoir un lien semblable avec une personne, des sentiments qui lui feraient pousser des ailes, qui rendraient les obstacles dressés sur son chemins surmontables, voire dérisoires, et qui l'aideraient à aller de l'avant.

— Ma reine ?

— Oui ?

Elle cligna des yeux plusieurs fois et eut l'impression étrange de tomber lentement de ses pensées avant d'atterrir dans la réalité.

— Est-ce que vous avez terminé ?

— Terminé quoi ?, demanda-t-elle d'une petite voix.

— Eh bien… de manger.

— Ah… oui oui, affirma-t-elle dans un souffle en levant les yeux vers celui qui lui parlait.

— Sans ce cas, je suggère que nous retournions à notre entretien, dit ce dernier. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, s'empressa-t-il d'ajouter.

Elle se leva alors, et se dirigea avec Dickenslay vers son bureau. En traversant le couloir, elle repensa à ce dont ils avaient parlé jusqu'alors – les ministres à nommer, les élections des députés à prévoir… La reine étouffa un bâillement.

— Où en étions-nous ?, demanda-t-elle alors qu'ils prenaient tous deux places dans les sièges moelleux.

L'énergie lui manquait mais elle tenta de ne rien laisser transparaître : plus vite ils en auraient terminé, plus vite elle pourrait aller se coucher.

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Lorsqu'Anna et Kristoff furent de retour au château, le soleil était très bas dans le ciel. Elsa était allongée sur son lit, toujours habillée, et regardait le plafond en faisant tourbillonner des flocons entre ses mains. De temps en temps, elle formait distraitement une boule de neige et la lançait en l'air avant de la rattraper ou de la laisser retomber mollement à ses côtés, sur le grand lit aux draps de soie.

La porte était restée entrouverte et la princesse regarda sa sœur pendant quelques instants avant d'entrer dans la chambre. En entendant ses pas, Elsa se tourna vers elle et l'interrogea du regard. Le sourire qui illuminait le visage de la jeune femme en disait assez.

Elsa se leva en silence et se dirigea vers Anna. Une nouvelle fois, elle la serra fort contre elle avant d'affirmer :

— Nous devrions organiser une fête !

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Durant les semaines qui suivirent, les deux jeunes femmes travaillèrent d'arrache-pied, car elles avaient pris beaucoup de retard, mais également dans l'espoir de pouvoir de se libérer et profiter de la fête qu'Elsa faisait organiser en l'honneur de l'arrivée du bébé sans se sentir coupable de négliger les affaires du royaume.

— Mais il ne sera pas là avant au moins six mois ! ne cessait de répéter Anna.

— Peut-être bien, mais ce sera un bon moyen d'avertir tout le monde de son arrivée, répondait Elsa.

Ce qu'elle aurait voulu répondre ressemblait plus à « J'ai envie d'une fête, et il y aura une fête. », mais bien entendu, cela aurait été de très mauvais goût.

— Je t'ai dit que c'était un garçon ?, demanda un jour la future maman à sa sœur alors que toutes deux travaillaient comme à leur habitude dans le grand bureau.

— Oui, une bonne demi-douzaine de fois.

Anna eut un petit sourire d'excuse.

— Mais enfin, tu te rends compte ? Ils ont pu me dire ça, comme ça, d'un coup, et je… Enfin, je ne savais même pas qu'on pouvait savoir ça avant la naissance, c'est… incroyable, non ?

— Les trolls ont de nombreux pouvoirs et sont souvent sous-estimés à tort, répondit Elsa, qui était penchée sur une lettre qui ressemblait plus à un parchemin antique qu'à autre chose. C'est vraiment impossible à lire, cette écriture, ajouta-t-elle avec un soupir en référence à la lettre qu'elle tenait.

— Fais voir.

La reine tendit le parchemin – ou la chose qui y ressemblait – par-dessus les piles bien droites qui avaient remplacé le désordre sans nom qui régnait auparavant sur le bureau massif et, ayant fait cela, se massa le front du bout de ses index.

— On a bien avancé, affirma-t-elle après quelques minutes et avoir balayé leur plan de travail du regard. Je pense qu'on peut en avoir fini avec les réclamations en fin de la journée. En attendant, si on allait manger quelque chose ?

— Je ne refuserais pas une mousse au chocolat, répondit Anna en jetant à la lettre qu'elle tenait toujours un regard de défi.

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« Cet enfant, pensait la reine ce soir-là, allongée dans ses draps moelleux, ce fils me succèdera sur le trône si je n'ai pas d'enfants moi-même. »

C'est cette pensée qui l'aida à trouver le sommeil. Avant de s'endormir, elle remercia encore une fois en pensée sa sœur d'assurer la succession et de permettre à leur courte dynastie de ne pas s'éteindre.