Bonjour à toutes et à tous!

Voici le premier chapitre de cette fiction qui propose une interprétation différente du Tome 6 d'Harry Potter. Le début est la fin du Tome 5, avec la bataille au Ministère. J'essaie de travailler avec les livres pour faire le moins d'incohérences possibles, n'hésitez pas à me donner votre avis!

La parution de cette fic risque d'être assez longue, car elle demande énormément de cohérences. Merci de votre compréhension!

Bonne lecture!


Chapitre 1 : La prophétie Inconnue

Ça y est, enfin ils y étaient. Une salle grande comme une église, composée de dizaines d'étagères où s'alignaient minutieusement des petites boules en verre dans le silence le plus complet. Sur les ordres d'Harry, ils étaient venus là dans l'idée de sauver Sirius. Hermione réprima un frisson : quelque chose l'appelait mais elle ne savait pas ce que c'était et l'angoisse montait peu à peu. Elle n'aimait pas cette pièce, quelque chose l'attirait et la rebutait en même temps. Elle fit le vide dans son esprit, tandis qu'elle essayait de se concentrer sur Harry et sur un quelconque signe que Sirius se trouvait bien là. Allée quatre-vingt-dix-sept. Ron avait fait une découverte pour le moins étonnante : une sphère laiteuse arborait le nom d'Harry.

— Harry, je crois qu'il ne faut pas y toucher, dit aussitôt Hermione en le voyant tendre la main vers la sphère.

Au moment même où il récupérait la boule, ils firent un cercle autour de lui, concentrés sur la signification de cette situation pour le moins étrange. Tous, sauf Hermione dont le regard s'attarda de l'autre côté vers le murmure qui lui chatouillait les oreilles : elle se retourna, une lueur pâle mais persistante l'appelait. Elle jeta un coup d'œil sur ses comparses : ils étaient tous plongés dans la contemplation de ce que tenait Harry. Ron avait un regard d'envie, Luna un air béat, seul Neville avait l'air un peu plus renfrogné que d'habitude. Mitigée, Hermione s'éloigna du groupe pour se pencher vers cette lueur qui lui intimait de venir. Oubliant ce qu'elle avait intimé à Harry, elle prit le globe entre ses doigts froids. A l'inverse de celle du Survivant, il n'y avait rien d'écrit. C'est alors qu'elle l'étendit. Faiblement, lentement. Une voix étouffée.

« Le règne du Seigneur des Ténèbres est proche… Il arrive… La multiplication des sorts sera le début de la fin, quand la haine viendra déclencher l'improbable… Les corps se changeront, les esprits se subtiliseront… Celui qui est ne sera plus celui qui sera… La mission sera confiée au reflet du miroir et changera radicalement l'ordre des priorités… Le Seigneur des Ténèbres est proche… Son règne arrivera par la main de l'opposant, et l'adepte pactisera avec le Survivant… Le traître fera couler le sang de l'ennemi… Quand cela sera, le calme reviendra et les ténèbres domineront… Le règne du Seigneur des Ténèbres est proche… »

Abasourdie, elle s'apprêtait à dire quelque chose en se tournant vers le groupe de l'A.D. quand une voix s'éleva dans l'air, glaciale, traînante. La voix de Lucius Malefoy. Instinctivement, elle mit la sphère dans la poche de son gilet et se releva vivement. Perturbée par ce qu'elle venait d'entendre, elle essaya de se concentrer sur une autre silhouette qui avait fait son apparition, mais ne put saisir ses propos.

- Maintenant, donne-moi la prophétie, Potter.

Le cerveau d'Hermione s'activa à une vitesse fulgurante. Elle en avait eu conscience lorsqu'elle avait entendu les faibles décibels provenir de la sphère qu'elle avait tenue, mais elle ne pouvait croire à quelque chose d'aussi absurde. Une prophétie. Elle qui avait snobé le cours de divination depuis tellement longtemps. Depuis quand une prophétie était-elle valable ? Alors toutes ces boules étaient des prophéties ? Le Ministère prenait au sérieux ces élucubrations aberrantes au point de les mettre dans le Département des Mystères ? Elle fronça les sourcils : se pouvait-il que la divination soit finalement un art magique digne d'être recevable et enseigné ? Secouant la tête, elle réfléchit au plus urgent : il fallait qu'ils se sauvent. Face à une dizaine de mangemorts, leurs chances étaient plutôt réduites.

Elle crut entendre Harry provoquer Bellatrix Lestrange qui venait d'enlever son masque. Un gémissement lui échappa : ils n'allaient pas s'en sortir vivants s'il commençait à jouer avec le feu. Essayant désespérément de trouver une échappatoire, elle sursauta quand la partisante de Voldemort jeta un stupéfix à Harry et frôla ses boucles brunes pour heurter deux sphères qui vinrent s'écraser à terre en cherchant à faire entendre leurs précieux aveux. Hermione réfléchissait à toute allure : ils étaient cinq, et ils avaient une dizaine d'ennemis. Elle écoutait à moitié la conversation entre les deux mangemorts et Harry, quand ce dernier lui écrasa sans ménagement les orteils. Un petit cri lui échappa.

- Quoi ? murmura-t-elle.

Elle revint rapidement à elle et au présent. Mais Harry semblait soudain pleinement concentré sur la discussion avec Lucius Malefoy.

- Quoi ? répéta Hermione dans un murmure plus pressant.

- Démolissez les étagères dès que je dirai « Allez-y ! » souffla-t-il, discrètement.

Hochant la tête, Hermione poussa du coude Ron qui se tenait à ses côtés pour lui expliquer le plan d'Harry et faire passer le message. Trop occupée à ne pas se faire repérer, elle n'entendit que la fin de la conversation.

- … les seules personnes autorisées à retirer une prophétie au Département des mystères sont celles qui en font l'objet…

Hermione se raidit. Elle avait pu prendre la sphère tout à l'heure. Cela indiquait-il que la prophétie la concernait directement ?

- Allez-y !

La voix d'Harry claqua dans l'air. Tout alla très vite, ils avaient tous lancé un « Reducto » et la pièce silencieuse se transforma en gigantesque capharnaüm. Elle se fit entraîner par Harry. Ils fuyaient. Hermione savait qu'ils fuyaient. Ils étaient poursuivis par des mangemorts, ils ne pouvaient rien faire d'autre. Et Neville qui allait si lentement… Ils se précipitèrent dans une autre pièce, et s'aperçurent bien vite que ni Ron, Luna ou Ginny n'étaient avec eux. Sans pouvoir réfléchir, ils se glissèrent sous une table alors que deux mangemorts pénétraient dans la pièce. Alors que les mangemorts se baissaient pour voir sous les meubles, elle se décida à sortir discrètement pour obtenir une meilleure visibilité.

- Avada…

Le sortilège frôla Hermione alors qu'elle sortait de dessous la table pour tenir en joue l'autre mangemort. Un instant, son cœur s'arrêta. Harry venait de lui sauver la vie. Elle stupéfixa son agresseur alors qu'il s'apprêtait à faire de même à son adversaire désormais désarmé. L'armoire dans laquelle il valsa les fit frémir d'horreur : elle faisait rajeunir et vieillir la tête du mangemort inlassablement.

Un appel sonore d'Harry croyant entendre Ron ou Luna indiquant leur position les obligea à s'enfuir à nouveau et ils se retrouvèrent dans un petit bureau sombre et encombré. Hermione essaya de bloquer la porte avec un sortilège, mais elle ne put achever la formule. Au contraire, pris au dépourvu, ils se firent projeter en arrière et la jeune fille heurta violemment une bibliothèque, se faisant ensevelir par une cascade de livres. Elle se dégagea rapidement pour faire taire la voix victorieuse d'un de leurs agresseurs qui annonçait leur position. Soudain, elle porta la main à son gilet, pour vérifier que la sphère était toujours là. Mais elle ne sentit que du vide. Un élan d'anxiété l'anima et elle regardait autour d'elle : un éclat de verre au sol lui confirma ses craintes. La prophétie était brisée.

- Har…

Mais sa voix se perdit, tandis que le deuxième mangemort fendait l'air de sa baguette, traçant sur sa poitrine une flamme violette. Elle poussa un cri de surprise et s'effondra sur le sol, immobile. Le reste ne fut qu'un trou noir sans fond.

En se réveillant à l'infirmerie, Hermione sentit qu'elle avait raté beaucoup de choses. Elle ne se rappela plus rien. La fin de la bataille, comment ils étaient rentrés. De toute façon, tout ça n'avait plus d'importance face au désarroi d'Harry. Elle ne se rappelait même pas comment ils étaient rentrés à Poudlard, comment elle avait atterri à l'infirmerie, comment ils s'en étaient sortis. La prophétie au sol lui revint en mémoire. Seul persistait un sentiment de vide profond face à un mystère qu'elle ne pourrait jamais résoudre. Car, il faut l'avouer, rien n'est théoriquement impossible à résoudre pour Hermione Granger.

Quelques jours plus tard, elle lut avec avidité la première page du Sorcier du dimanche, encerclée d'Harry, Ron, Luna et Ginny. La conversation dériva sur Dolores Ombrage qui gisait dans un lit voisin, les yeux fixés au plafond, visiblement très contrariée.

Inévitablement, l'épisode avec les centaures dont elle avait été la victime finit sur la question suprême : qui allait assurer les cours de divination, à présent ?

- J'imagine que Dumbledore aurait bien voulu se débarrasser de Trelawney pour de bon, commenta Ron qui en était à son quatorzième Chocogrenouille. Si vous voulez mon avis, c'est cette matière qu'il faudrait supprimer. Firenze n'est pas tellement meilleur qu'elle…

- Comment peux-tu dire ça ? s'indigna Hermione. Alors qu'on vient de s'apercevoir qu'il existe de véritables prophéties.

Elle fronçait les sourcils, très sérieuse et le rouquin faillit s'étouffer de voir que son amie était si sensible aux décisions du Ministère de la magie : en effet, si le Département des mystères avait placé ces prophéties en lieu secret et bien gardé, il y avait une raison ! Hermione avait-elle décidé de renouer avec la divination ?

Mais la jeune fille avait d'autres pensées : elle repensait à sa propre prophétie, elle aurait voulu en parler à ses amis, leur expliquer qu'elle était sûre qu'elle était un élément essentiel dans leur future quête contre Voldemort, mais n'ayant plus aucune preuve, elle ne pouvait tout simplement rien dévoiler. Ça les aurait inquiété davantage, surtout Harry et ils n'étaient pas en état pour l'instant.

- C'est vraiment dommage qu'elle se soit cassée, dit Hermione à mi-voix en hochant la tête.

- Oui, approuva Ron. Mais au moins, Tu-Sais-Qui ne saura pas non plus ce qu'il y avait dedans…

Hermione leva les yeux vers le rouquin et sourit de son quiproquo. Mais tant pis, elle ne pouvait le contredire. Quand Harry se leva, elle le regarda partir, le regard douloureux.

Mettant de côté ses soucis, elle se promit d'essayer de rendre des couleurs à Harry et se dit que le mieux était d'affronter le mal par le mal aussi manifestait-elle sans cesse le désir de parler de Sirius, mais elle était aussitôt rappelée à l'ordre par Ron d'un ton autoritaire et sans appel.

Seule, en empaquetant ses affaires, Hermione repensait aux événements des derniers jours : elle savait qu'elle avait un rôle dans l'histoire du retour de Voldemort, elle savait, mais elle ne savait pas en quoi. De plus, les paroles de Lucius Malefoy résonnaient dans sa tête : « Seules les personnes concernées par une prophétie peuvent la prendre au Département des mystères. » Cela sous-entendait clairement que si elle avait pu soulever la sphère laiteuse, elle était directement impliquée là-dedans. Mais en quoi ? Et pourquoi ? Dans quelle mesure ?

Elle avait décidé d'en parler à quelqu'un, mais elle ne pouvait se résoudre à choisir la personne : Harry était trop occupé à se consumer de rage et de questions pour qu'une autre épineuse énigme ne vienne pimenter ses réflexions. Luna n'était certainement pas la personne adéquate, Hermione l'avait toujours trouvée trop… décalée. Elle avait bien pensé à Ginny, mais cette dernière se rongeait d'inquiétude pour Harry et elle n'avait pas osé lui parler de ses problèmes. Quant à Ron… Non, elle ne se sentait pas non plus le courage d'expliquer ça à Ron. C'est donc dans un sentiment mitigé entre l'anxiété de ne pas pouvoir faire grand-chose pour Harry et l'angoisse face à cette prophétie énigmatique qui la concernait, qu'elle quitta Poudlard à bord du Poudlard Express en compagnie de ses meilleurs amis.

Elle avait vaguement appris que l'annonce de Lucius Malefoy envoyé à Azkaban avait rendu Malefoy furieux et qu'il n'hésiterait pas à tuer Harry dès qu'il en aurait l'occasion. C'est donc sans surprise qu'elle entendit un festival de crépitements et vit des éclairs lumineux fuser de partout dans le couloir. Elle passa la tête dans l'entrebâillement de la porte au même moment où Ron avait décidé d'aller voir ce qu'il se passait, et constata non sans dégoût qu'à la place de trois sorciers de Serpentard gisaient à présent trois grosses limaces baveuses qu'Harry, Ernie et Justin s'empressaient de hisser dans le filet à bagages, un certain plaisir de contentement sur les lèvres. Hermione se mordit les lèvres pour ne pas sourire, réprouvant ce genre de pratiques, et se replongea dans sa lecture de La Gazette du Sorcier. Ginny, à côté d'elle, se concentrait sur Le Chicaneur. Pendant que les deux garçons jouaient aux échecs version sorcier, la brunette lisait à haute voix des passages qu'elle jugeait intéressants.

- Ça n'a pas encore réellement commencé, soupira Hermione d'un air sombre en repliant le journal, mais ce ne sera plus très long, maintenant…

En disant ces derniers mots, elle eut une soudaine nausée : une petite voix lui insinuait que le règne de Voldemort arriverait plus vite par sa faute, mais elle ne savait comment et en quoi. Heureusement, la conversation de Ron lui permit de se changer les idées : parler de Cho était un sujet léger qui accordait tout le monde.


Le train entra en gare et Hermione sentit un poids oppresser sa poitrine. Ils allaient se séparer. Elle fut surprise mais ravie de voir un comité d'accueil plutôt inattendu : Maugrey, Lupin et Tonks suivant la famille Weasley. Sachant bien que les membres de l'Ordre du Phoenix étaient là pour Harry, elle les salua poliment, enlaça ses amis et se pressa pour se diriger vers ses parents qui l'attendaient un peu plus loin. Mr Weasley les avait auparavant salués avec une allégresse peu commune, espérant lier un jour une amitié avec ces créatures si exceptionnelles qu'étaient les moldus. La jeune fille croisa deux paires d'yeux emplis d'amour et de soulagement qui s'empressèrent de l'étreindre avec force. Ils restèrent pour voir les mises en garde des sorciers aux Dursley complètement terrifiés, et Hermione ne put s'empêcher de rectifier le mot moldu qu'Arthur Weasley avait écorché.

Vint l'heure des adieux. La jeune fille serra fortement Harry dans ses bras, le cœur lourd.

- À très bientôt, Harry, ajouta Hermione avec gravité. On te le promet.

Quelques minutes plus tard, Mr Granger poussa le chariot sur lequel Pattenrond pestait fermement, et Mrs Granger le suivit, marchant au même rythme que sa fille, son bras autour de ses épaules. Celle-ci se jura d'oublier pour un temps ses problèmes et de profiter pleinement des jours de repos avec ses parents dans leur vie calme et posée.

La conversation dans la voiture sur trajet de retour était animée, Hermione narrant avec passion comment une nouvelle amie, Luna Lovegood, avait réussi à restaurer la vérité sur Harry grâce au journal de son père. Elle s'abstint de divulguer la dernière partie de l'année, passant sous silence la mort de Sirius, le parrain d'Harry, le retour de Voldemort et sa propre prophétie : ses parents n'étaient déjà plus très chauds pour qu'elle disparaisse un an après l'annonce du retour du mage le plus puissant et le plus noir de leur époque, il ne fallait pas rajouter d'eau à leur moulin.

De leurs côtés, Mr et Mrs Granger relataient rapidement les mois passés loin de leur fille : « Tante Germaine a encore pris six kilos, Mrs Fillingan a voulu que ton père lui implante des canines de vampire… Oh, ton amie Kathleen t'a écrit pour te demander des nouvelles. On l'a invitée à partir de demain pour une semaine. » Hermione riait de bon cœur. Cela faisait une sensation particulière de se replonger dans un monde où personne ne parlait de Voldemort, où la magie n'était que dans les contes et où des amis écrivaient juste pour prendre des nouvelles et non parler de la fin du monde. D'autant que Kathleen Matthews était une de ses plus vieilles amies, qu'elle était au courant de ses aptitudes… surnaturelles et que surtout, chose fondamentale, elle ne la jugeait pas.

La jeune fille poussa un soupir de soulagement en voyant sa maison apparaître à l'horizon tandis qu'ils s'éloignaient du cœur de Londres. La banlieue dans laquelle la famille Granger vivait était plutôt calme. Rien ne venait troubler la paisible quiétude des lieux et cela avait quelque chose de rassurant de se dire que rien ne pourrait jamais arriver dans cette partie de la ville. La demeure familiale était un cottage petit et traditionnel, avec un jardin arrière absolument ravissant, parsemé avec beaucoup de goût par Mrs Granger de fleurs et d'arbres fruitiers.

Elle aida ses parents à débarrasser le coffre de ses affaires de sorcellerie et entreprit de les ranger dans sa chambre sous les combles. Elle avait désiré cette chambre au grenier, car c'était de loin la pièce la plus grande et elle pouvait y ranger ses livres qui étaient chaque année un peu plus nombreux. Un lit simple disparaissait dans un coin, au fur et à mesure que les livres s'entassaient. Une odeur de pin parfumait la pièce. En posant la cage de Pattenrond, Hermione eut un sourire large de réconfort : elle se ressourçait vraiment ici. Elle ne s'attarda cependant pas, libérant son chat qui alla immédiatement se terrer sous le lit, et redescendit aider sa mère à faire le repas. La jeune fille avait souvent émis l'idée de les aider avec la magie, mais ses parents avaient toujours refusé, un petit sourire d'incompréhension aux lèvres : « la magie, c'est bien, Hermione, mais il faut quand même faire la part des choses entre la magie inéluctable et donc nécessaire, et la magie futile pour les paresseux. En l'occurrence, faire la vaisselle ou passer le balai peuvent très bien se faire sans magie. »

- Comme tu es rentrée, ce soir, c'est exceptionnellement hamburger et frites ! s'exclama sa mère, alors qu'elle rentrait dans la cuisine.

Un large sourire se dessina sur les lèvres de la jeune sorcière : elle savait à quel point ça leur coûtait de préparer une nourriture aussi peu équilibrée, pauvres dentistes à cheval sur l'alimentation et féroces combattants des carries. C'est certainement aussi pour ça qu'Hermione n'était pas le genre de filles à se gaver de friandises, au contraire de Ron.

Le repas se passa dans une ambiance festive, tous trois heureux d'avoir pu se retrouver et appréciant chaque instant, faisant de nombreuses plaisanteries et replongeant dans les souvenirs du passé, à l'époque où elle n'était qu'une petite moldue inconsciente de ses pouvoirs.

Ils veillèrent tard, riant à en pleurer sur des moments honteux ou cocasses au cours des derniers mois. Ainsi, Hermione apprit que son père avait osé se tromper de dents et arracher la mauvaise au Premier Ministre Britannique et que sa mère s'était retrouvée en face d'une personne dont elle ignorait le sexe et qu'elle a appelée « Madame » puis « Monsieur » durant tout l'entretien. Enfin, ils reparlèrent de Kathleen et de son arrivée le lendemain après-midi. Hermione s'en réjouit : demain ils installeraient un autre lit dans sa chambre.

- Et alors, avec Ron ? demanda Mrs Granger, les yeux pétillants.

Sa fille se retint de cracher la gorgée d'infusion qu'elle venait d'ingurgiter.

- Maman !

Elle fusilla sa mère du regard. Mais elle ne put s'empêcher de rougir.

- Et ce… Ce blondinet qui t'a insultée ? questionna Mrs Granger, éludant le regard lourd de sa fille.

- Oh, Malefoy… On l'a transformé en limace baveuse, cette année. Ça lui apprendra, répondit cette dernière, d'un air détaché.

Ils rirent un moment, bien que l'idée inverse, celle de voir leur enfant transformée en limace baveuse, les crispât un peu, la bonne humeur de leur fille était contagieuse. Enfin, il fallut aller se coucher. Hermione enlaça ses parents et monta au grenier. Elle se glissa non sans un plaisir évident dans les draps propres et accueillants. Pattenrond bondit sur ses jambes et vint se blottir près d'elle en ronronnant de reproches de l'avoir laissé tout seul.

Ce n'est qu'une fois seule, que les événements des derniers jours lui revinrent en mémoire : la fameuse prophétie qu'elle avait tue, Harry muet et renfermé, Sirius disparu, et puis soudain l'image de Malefoy, en grande limace boudinée. Elle se demanda s'il avait pu retrouver une apparence normale. Elle ferma les yeux et réprima un sourire. Une violente migraine la fit vaciller et elle s'affala sur son lit, dans un sommeil sans rêve.


Narcissa Malefoy eut un haut-le-cœur, comme ses comparses Mrs Crabbe et Mrs Goyle, en entrant dans le compartiment où trois limaces boudinées s'agitaient désespérément dans les filets à bagages. Elles s'étaient inquiétées de ne pas les voir sortir des wagons et en avaient conclu qu'ils avaient un empêchement quelconque. D'une voix un peu faible, la noble sorcière désenchanta les trois adolescents qui tombèrent lourdement sur le sol en gémissant. Drago Malefoy fut le premier à se relever, des éclairs sanguinaires dans ses reflets gris, honteux d'avoir été trouvé en si mauvaise posture. Son visage se ferma et redevint impassible devant l'air neutre et méprisant de sa libératrice. Il hocha imperceptiblement la tête en guise de salut. Sa mère ne dit rien, posa ses yeux de glace sur son fils, puis sur ses affaires, et enfin sortit du compartiment sans un regard en arrière. Attrapant ses valises, il salua d'un rapide mouvement de tête ses deux acolytes et leurs mères, avant de disparaître sur le quai 9 ¾.

La voie était presque déserte, maintenant, les élèves ayant quasi tous débarqués. Ne restaient que quelques retardataires, des première-année oubliés et des parents qui s'agitaient en recherchant leur progéniture. Le jeune homme se dirigea vers sa génitrice qui l'attendait en lui faisant face, sans tenir compte des regards curieux, effrayés ou méprisants qui les toisaient arrivé à sa hauteur, elle lui tendit la main et ils transplanèrent au manoir familial.

Revenus au manoir, Narcissa se détendit. Ils passèrent la lourde grille en fer forgé et traversèrent l'allée étroite qui menait à l'entrée principale. Ils passèrent le hall et un « pop » sonore indiqua la venue d'un elfe de maison qui leur souhaita la bienvenue. Ils l'ignorèrent, et il prit les bagages du jeune homme pour les emmener dans sa chambre. Une fois dans le salon, elle plongea son regard bleu dans celui de son fils, eut un faible sourire, lui caressa doucement le visage avec sa main et reprit un air plus sérieux.

- J'aimerais que ça ne devienne pas une habitude, dit-elle simplement.

Drago déglutit difficilement, honteux de l'affront qu'il venait de subir et encore plus honteux de s'être montré si faible devant sa mère. Il savait que l'année dernière, elle l'avait aussi trouvé dans une fâcheuse posture dans le Poudlard Express, et qu'elle avait eu toutes les peines du monde à contenir son père, furieux de l'humiliation causée. Tout ça à cause de ces trois minables, Potter, Weasley et Granger. Et maintenant, son père était en prison à Azkaban, comme un vulgaire criminel. Drago dévisageait sa mère : elle avait perdu du poids, des cernes étiraient son visage et elle ne lui a jamais senti aussi fatiguée qu'à cet instant. Tout ça à cause de Potter. Ce satané balafré. A cause de lui, sa famille se disloquait, s'affaiblissait, tandis que lui faisait la fête avec ces inutiles de moldus et les traîtres-à-leur-sang de Weasley. Une haine incommensurable brilla dans ses pupilles. Il allait les détruire. Il allait les tuer, tous, les uns après les autres. Il allait les faire souffrir. Il entendrait leurs plaintes et il jubilerait de leurs peurs et de leurs douleurs tandis qu'il les torturait.

Tout en ruminant ces sombres pensées, il garda un visage impassible, hocha la tête et ses yeux montrèrent toute sa détermination.

Sa mère eut un soupir discret, certainement de lassitude. Elle désigna le grand escalier en pierre pour se rendre dans les chambres.

- Va donc te reposer un peu, dit-elle d'une voix douce, ses yeux bleus perçant le garçon. J'imagine que tu dois être un peu fatigué. On mangera dans une heure.

Il acquiesça et disparut au premier étage. Après avoir ouvert la porte de sa chambre, il eut un regard circulaire et s'approcha du grand lit baldaquin qui trônait dans un coin de la pièce. Il eut un petit sourire, huma l'air frais de la pièce dont les tentures argentées se balançaient légèrement au gré de la brise qui s'invitait par la porte-fenêtre ouverte. Cette dernière laissait apparaître un balcon qui donnait largement sur le jardin en contrebas. Délaissant la vue, le jeune homme se dirigea vers sa salle de bain personnelle. L'eau de la douche ne le détendit pas. Il ne pouvait oublier le sentiment de honte qui l'avait submergé quand les trois femmes les avaient découverts. Une violente boule de rage lui retourna l'estomac et il contracta ses muscles. Un coup de poing atterrit sur les carreaux immaculés et il se maudit de la douleur occasionnée par le choc. Jamais, il n'allait jamais avoir de répit tant qu'il n'aurait pas fait la peau à Potter, il se le jurait. Il actionna le robinet d'eau chaude d'une main vengeresse, et ce n'est qu'une fois ébouillanté, qu'il consentit à se calmer et à sortir de la baignoire.

Une serviette de bain couvrant ses reins, il s'approcha d'une grande armoire de bois sombre dans laquelle il prit une nouvelle robe de sorcier d'un noir étincelant. La matière était douce et il eut un petit sourire de satisfaction qui mourut rapidement sur ses lèvres.

Une fois paré, il descendit rapidement les marches, traversant les différentes pièces sombres du manoir et trouva sa mère dans une position lascive dans un des canapés de la bibliothèque, un gros livre poussiéreux dans les mains. Elle leva rapidement les yeux et eut un sourire léger. Son fils devenait de plus en plus beau, ses cheveux dégageaient des tons dorés qui égayait son teint pâle. Il avait encore grandi. Cette fierté aristocratique lui conférait une attitude et un maintien qu'ils lui avaient enseigné, mais qu'ils n'auraient pu lui apprendre totalement s'il ne l'avait pas déjà eu en lui à sa naissance. Par son sang. Par sa famille. Par ses valeurs. Leurs valeurs. Des valeurs pures.

Il prit place en face d'elle et il lui rendit son sourire. Un sourire pâle. Les deux protagonistes ne savaient par où commencer, quels sujets aborder, comment amener les problèmes plus épineux sur le tapis.

- Avant de dîner, veux-tu faire un tour dehors ? Avant que le soleil ne se couche…

- Excellente idée, Mère.

Drago n'avait pas plus envie que ça de se promener dans le parc, mais les sujets de conversation seraient peut-être plus enclin à venir et ils n'auraient peut-être pas à parler non plus, ce qui était tout aussi plaisant.

Narcissa avait enfilé un châle de soie noire et marchait lentement dans l'herbe humide. Sa robe bruissait légèrement dans le vent. Son fils se tenait à se côtés, les mains dans les poches, d'un air nonchalant. Ils étaient chacun dans leurs pensées.

- Comment… allez-vous, Mère ? se risqua-t-il, soudain.

- Je vais bien, Drago. Il fait bon en cette heure de la journée, répondit-elle sur un ton neutre.

Un silence bref suivit ces échanges banals. Drago avait les yeux baissés, cherchant un sujet de conversation, tandis que la grande blonde avait les yeux tournés vers le ciel et respirait avec délice l'odeur du gazon fraîchement taillé.

- Ils ont fait une perquisition, il y a quelques jours, continua-t-elle sur le même ton.

Le jeune homme sentit la colère monter en lui. Cette violation de domicile lui était insupportable. Il inspira profondément.

- Ne vous inquiétez pas, Mère, dit-il d'un ton brut, se voulant rassurant. Maintenant que le Seigneur des Ténèbres est revenu, Père sera rapidement libéré.

- Cela m'étonnerait fortement, répondit Narcissa, toujours sur ce ton neutre. Le Lord Noir n'aime pas quand les choses ne tournent pas comme il l'aurait souhaité. On peut s'attendre à de sévères remontrances.

Une ride barrait son front anxieux. Elle n'osait ni lui montrer ses angoisses, ni lui parler des projets de Voldemort qu'elle devinait pour lui. Il fallait qu'elle se montre forte et indifférente face aux malheurs qui risquaient d'arriver dans cette maison plus tôt que prévus.

Ils échangèrent quelques banalités, puis revinrent vers le manoir pour se mettre à table. A l'évidence, le nouvel elfe de maison semblait particulièrement doué pour la cuisine. Le repas se passa principalement en silence. Le jeune homme réprima un frisson en pensant à ce que sa maison était devenue : elle n'avait jamais été très bruyante, ni très conviviale, mais elle dégageait une certaine chaleur qu'il appréciait étant enfant. Depuis l'emprisonnement de son père, la demeure semblait froide et en deuil. Il se sentit soudain très seul, face à sa mère. Comment faisait-elle pour rester ici pendant des journées entières, sans voir personne ? Il pesa alors tout son désespoir, toute sa détresse, et comprit pour la première fois de sa vie cette femme fière et froide qui masquait toutes ses faiblesses et toutes ses envies derrière une carapace de mépris et d'arrogance. Comme lui. Comme Lucius. Comme tous les membres de la famille Malefoy. Cette faculté à rester de marbre et qui a toujours apporté respect et crainte.

- Mère, déclara-t-il d'une voix assurée. Je vais aller supplier le Seigneur des Ténèbres pour libérer Père.

- Ne sois pas stupide, Drago, lâcha Narcissa d'une voix monotone.

- Il acceptera, n'en démordit pas Drago. Père lui est très proche. Pourquoi n'écouterait-il pas ma requête ?

- Non, tu ne comprends pas, souffla-t-elle, et pour la première fois, il sentit un élan d'exaspération l'envahir. Il va sûrement venir te voir d'ici quelques jours. Il viendra te chercher ou il te fera venir à lui. Il te veut. Parce qu'il veut nous détruire. Parce qu'on l'a déçu. Il va certainement t'assigner une mission impossible dans le secret espoir de te tuer.

Narcissa se figea, et faillit se mordre la lèvre. Ça y est. C'était dit. Le jeune sorcier resta bouche bée et ne put détacher ses yeux de ceux de sa mère. La révélation tomba lourdement comme un baiser de détraqueur sur un innocent. Il hocha la tête d'un air entendu. Puis, d'un geste un peu brusque, il se leva, lui souhaita bonne nuit et grimpa les marches de l'escalier de pierres quatre à quatre sans un regard en arrière. Il ferma la porte de sa chambre, s'assit sur son lit et resta longuement à penser à son destin à venir, les yeux dans le vague. Il ne put empêcher une once de haine se glisser dans son cœur : si Potter n'avait pas été là, il n'aurait pas à craindre pour sa vie. Il n'aurait pas été disgracié. Son père serait toujours là et sa mère ne serait pas cette femme blessée et lasse. Oui, tout ça, ça n'était qu'à cause de Potter et de ses deux comparses viles et abominables. Le visage d'Hermione Granger lui apparut soudain. Il ferma les yeux et la haït de toutes ses forces. Une violente migraine le fit sursauter : il s'écroula sur son lit, inconscient.


Ce matin-là, le réveil fut dur, peut-être parce que les heures de sommeil avaient été courtes. La jeune fille crut qu'un rouleau compresseur l'avait broyée petit à petit sur toute la longueur du corps. Ses membres étaient tous ankylosés et elle s'assit difficilement, en se massant douloureusement le dos.

Hermione Granger n'a jamais été du matin. Sinon elle aurait remarqué que quelque chose clochait. Elle aurait constaté au prime abord qu'elle n'était pas dans son lit mais à côté, donc par terre. Ce qui aurait pu expliquer ses courbatures. Ensuite, elle aurait pu se rendre compte en se relevant qu'elle avait gagné de nombreux centimètres, ce qui pouvait être susceptible de lui meurtrir le dos. Enfin, elle aurait observé un instant le lieu dans lequel elle se trouvait, et elle aurait pris peur en admettant qu'elle n'était pas dans un endroit familier.

Mais non, Hermione ne remarqua aucun changement, car elle n'était tout simplement pas du matin. Sans chercher l'interrupteur de la chambre ou de la salle de bain, elle entra dans cette dernière, non sans se féliciter de l'initiative de ses parents : « c'est une bonne idée d'avoir enfin mis une salle de bain au grenier. Je ne suis plus obligée de descendre… » Elle ne remarqua pas non plus que ses vêtements avaient changé quand elle se déshabilla. L'eau chaude la réveilla un peu, et elle se frotta vigoureusement le corps. Apparemment, ça ne lui fit pas beaucoup d'effet, car elle ne se rendit pas non plus compte des transformations corporelles qu'elle avait subies.

Elle sortit de la douche, se frotta avec une serviette posée sur une barre dorée dont les fioritures représentaient des serpents tirant la langue, fronça les sourcils et haussa les épaules : « Ils ont des goûts bizarres parfois, mes parents… »

Se postant devant le miroir au-dessus du robinet, elle commença à se laver les dents et son regard croisa celui de son reflet.

Et enfin, Hermione réagit. Elle se figea, la brosse à dents dans la bouche. Elle fronça à nouveau les sourcils : elle n'avait jamais été blonde. Depuis quand avait-elle les cheveux aussi courts ? Et ses yeux n'avaient jamais eu cette teinte grise et glacée. Elle connaissait ce regard et elle ne put que frissonner en commençant à comprendre. Elle tendit une main dont les longs doigts fins et pâles caressèrent le miroir qui se tenait devant elle. Quelque chose clochait. Pourquoi ? Comment ce phénomène a-t-il pu arriver ? Pourquoi le reflet qu'elle voyait n'était pas celui d'Hermione Granger mais celui de Drago Malefoy ?

Elle ferma les yeux et les rouvrit : il n'y avait qu'une seule explication, elle était en train de faire un cauchemar. Elle eut un petit rire de réconfort, mais pas très assuré. Elle se pinça fortement, mais ne put que sentir la douleur sourde de ses ongles entrant dans sa peau. Elle sortit de la salle de bain et jeta un regard à la chambre dans laquelle elle se trouvait : la grande pièce aux tentures argentées comptait un lit à baldaquin vert émeraude, plusieurs commodes et armoires, un grand bureau en ébène et des tapis épais noirs brodés d'argent recouvraient le sol. Oui, définitivement, elle ne semblait pas être chez elle, elle n'était certainement pas dans un lieu connu, elle n'était même pas dans son corps. Que se passait-il ?

Elle prit finalement conscience de ce qui se tramait et elle ne put réprimer un cri d'effroi. Un long cri rauque sortit d'une voix grave, habituellement traînante, froide et dénuée d'émotions. La voix de Drago Malefoy.

Le cri alerta une grande blonde qui se trouvait dans le couloir à ce moment-là. Légèrement surprise, elle se dirigea vers la porte de son fils d'un pas léger. Ouvrant discrètement, elle jeta un regard rapide et sursauta de surprise : Drago, en serviette éponge, se prenait la tête dans les mains, visiblement effrayé. Elle culpabilisa : serait-ce la conversation de la veille qui le hantait ? Elle n'aurait pas dû en parler, mais le fait d'avoir partagé ses suspicions l'avait quelque peu soulagée.

- Bonjour, Drago. As-tu bien dormi ? demanda-t-elle d'une voix douce en entrant dans la chambre.

L'interpellée releva la tête et couvrit sa nudité dans un geste très féminin. Son cerveau fonctionnait à une vitesse fulgurante. Hermione ouvrit la bouche pour répondre à ses civilités. Elle reconnut sans peine Mrs Malefoy, mais ne pouvait choisir les termes avec lesquels s'adresser à elle : fallait-il qu'elle l'appelle Madame ou Maman ? Elle ne pouvait résolument pas se résigner à l'appeler Maman. Le regard hagard, elle se contenta d'hocher la tête, peu sûre de ce qu'elle devait répondre. Fallait-il même qu'elle réponde ? Un silence s'installa et Hermione se sentit plus mal à l'aise que jamais.

- Si tu le souhaites, le petit déjeuner est prêt.

Hermione voulut parler, la remercier, s'excuser, dire une banalité, mais les mots se bloquèrent dans sa gorge et Narcissa Malefoy ne s'attarda pas : d'un mouvement léger, elle planta son regard glacial dans celui de son fils d'un air entendu et referma la porte.

La jeune fille resta un moment éberluée. Elle commençait à se raisonner et essayait de reprendre contact avec la réalité : elle était dans le corps de Drago Malefoy. Elle était chez lui. Elle était à des lieues de chez ses parents. L'idée de se recoucher et de se réveiller quand tout sera rentré dans l'ordre la tenta vivement, mais bizarrement, elle savait que ça ne marcherait pas. Elle soupira, ses yeux roulant dans leurs orbites.

S'approchant de la fenêtre, elle contempla le parc qui s'illuminait sous le soleil du matin. A en juger par le jardin et la chambre du garçon, le reste de la maison ne devait pas être négligeable non plus. Délaissant la baie vitrée, elle s'approcha des divers bibelots qui luisaient sur les commodes laquées ou vernies qui s'alignaient contre les murs : des babioles pour le moins étonnantes reposaient les unes à côté des autres, des sortes d'attrape-ci ou de repousse-ça, des bracelets argentés finement entrelacés, quelques cadres photos où les personnages au port altier ne bougeaient que peu, jetant un regard hautain à quiconque les regardait, plusieurs boîtes nacrées, dorées ou simples de tailles et de formes différentes… Drago Malefoy ne mentait pas : il faisait vraiment partie de l'aristocratie sorcière.

Hermione se mordit les lèvres. Que pouvait-elle faire ? Son cœur s'accéléra, alors que la panique la gagnait progressivement. Il fallait qu'elle affronte Narcissa Malefoy dès qu'elle sortirait de cette pièce.

- Faisons les choses par étape, Hermione, dit-elle en fronçant les sourcils avec la voix de Drago Malefoy. Que faire ?

Une lueur d'inquiétude se lut dans ses prunelles grises : où était Malefoy ? Etait-il dans son corps à elle ? Combien de temps cette mascarade allait-elle durer ? Elle se sentit soudain très seule, perdue, isolée loin de ses parents et de ses meilleurs amis qu'elle ne pouvait même pas contacter. Un éclair de lucidité la frappa : écrire ! Elle devait envoyer des appels à l'aide. Le Ministère de la magie devait être au courant de ce genre de situations pour le moins cocasses. Il pourrait l'aider. Elle devait retrouver ses parents. Si effectivement Drago Malefoy était dans son corps, alors ceux-ci risquaient très gros en côtoyant un sorcier tel que lui qui détestait les moldus et ne leur apporterait que mépris et railleries. Il fallait qu'elle en parle aussi à Harry et à Ron, mais elle douta que ces derniers accorderaient crédit à ses dires tant qu'elle resterait dans le corps du Serpentard. A bien y réfléchir, Hermione se dit aussi que ses parents risquaient de ne pas comprendre et de croire que le sorcier qui débarquerait dans leur salon était vraiment dérangé, surtout avec ce qu'elle leur avait raconté sur Malefoy.

Un soupir de découragement la prit. Peut-être pouvait-elle écrire au jeune homme pour qu'ils trouvent une solution ensemble ? L'idée ne l'emballait pas le moins du monde, mais elle n'avait que ce recours. Comment faire sinon ? S'installant derrière l'imposant bureau en ébène, elle prit une plume neuve et l'apposa sur un parchemin vierge. Un court instant, elle réfléchit à comment formuler son message. Puis, elle griffonna rapidement quelques lignes.

« Je suis toi et tu es moi. Si tu reçois cette missive, et si tu la comprends, ça veut dire qu'on est dans la même situation. Il faut qu'on se voie pour en discuter et remédier à cette situation épouvantable. »

Plutôt satisfaite, Hermione enfila une robe de sorcier, plia la lettre et la glissa dans une poche, se dépêchant d'aller rejoindre Mrs Malefoy. Ouvrant la porte de la chambre, elle regarda autour d'elle avec anxiété. Le couloir était long et éclairé par le soleil mais gardait un côté froid. Elle se dépêcha de se descendre les escaliers qui terminait le corridor : les pièces étaient nombreuses et elle ne savait pas où se diriger. Se concentrant sur ce qu'elle connaissait, son instinct lui dit que normalement, la cuisine ou la salle à manger devaient se trouver au rez-de-chaussée, chose qui se confirma quand elle arriva dans le grand salon, richement meublé et décoré, et sentit une odeur de pain grillé et de confiture lui titiller les narines avec délice. Elle suivit cette odeur dans une pièce sur la droite et pénétra dans une autre salle un peu plus petite mais tout autant chargée. Une longue table de chêne faisait la longueur de la pièce et une grande femme blonde était assise à une extrémité. Elle releva la tête quand Hermione entra, se figea un instant et lui sourit faiblement. Celle-ci tiqua un peu, mal à l'aise. Il ne fallait pas qu'elle se fasse reconnaître : elle devait être Drago Malefoy. Elle devait jouer ce personnage arrogant, imbu de sa personne et prétentieux. Oui, mais la question était la suivante : elle connaissait le Drago Malefoy de Poudlard, celui qui s'adressait à Harry ou Ron avec colère, celui qui la toisait avec mépris et l'insultait avec dégoût, celui qui paradait parmi les Serpentard et qui adulait Rogue. Mais qui était le Drago Malefoy dans le manoir familial ? Comment se comportait-il avec sa mère ?

Gênée, elle s'installa à côté de Narcissa Malefoy, là où un couvert était placé en plus. Elle n'osait pas parler et se contenta de garder le silence. Peut-être que Malefoy faisait ça aussi ? Elle ne pouvait s'empêcher de frémir face à la proximité de celle dont le mari avait été envoyé à Azkaban par leurs bons soins. Elle se servit une tranche de pain qu'elle étala de confiture de fraise et mâcha lentement, en silence. Narcissa eut un mouvement imperceptible en jetant un furtif coup d'œil à son fils, mais elle ne fit aucun commentaire. En avalant ses œufs brouillés, Hermione se tordait les méninges pour savoir comment elle allait envoyer son courrier. Elle avait bien en tête que Drago Malefoy avait un hibou attitré, mais elle ne savait pas où il se trouvait à l'heure actuelle. Il était évident qu'ils avaient une volière mais où ? Demander quelque chose de si évident était juste impensable. Elle décida de noyer le poisson.

- Avez-vous bien dormi… Maman ?

Mrs Malefoy planta son regard dans les yeux gris de son fils et cligna des paupières. Elle passa sous silence à nouveau ce qui la surprit et eut un sourire un peu forcé.

- La nuit était propice. Es-tu plus raisonnable qu'hier ?

Hermione eut un air interdit l'espace d'une demi-seconde, ne sachant comme répondre face à cette question à double-tranchant. Elle tenta le tout pour le tout.

- Oui, c'était une erreur et vous avez bien fait de me remettre dans le droit chemin, articula-t-elle d'un air détaché qui se voulait sûr. Maintenant, si vous le permettez, j'ai une lettre à poster.

Le sourire de Narcissa se figea à nouveau. Tandis que le jeune homme blond s'éloignait, le doute se fit plus insistant dans son esprit. Elle se promit de surveiller les actions de son fils aujourd'hui. Drago portait un soin particulier à sa tenue et surtout à ses cheveux. Or, ce matin, il semblait n'avoir même pas pris la peine de se coiffer. Il ne l'appelait plus Maman depuis ses six ans, préférant l'appellation « Mère » qu'il jugeait plus digne de leur rang. Admettant qu'il faisait preuve d'affection par rapport à la veille et était assez anxieux qu'il en oubliait l'usage de la brosse à cheveux, il ne connaissait certainement pas de mot aussi moldu que le verbe « poster », elle-même ne sachant ce que cela signifiait vraiment. Et certainement jamais, au grand jamais, Drago n'aurait pris de la confiture de fraise au petit déjeuner pour la simple et bonne raison qu'il détestait la fraise depuis qu'il avait des dents.

Durant la matinée, elle le vit s'activer dans les couloirs et ouvrir les différentes portes du manoir, agité et inquiet. C'est avec un doute de plus en plus concret qu'elle s'avança vers lui. Si ce n'était pas son fils qui était avec elle, qui était-ce ?

- Que cherches-tu, Drago ? demanda Narcissa avec une voix un peu plus sèche.

- La… la volière. Je ne sais plus où elle se trouve. L'avez-vous changé de place ? Il faut dire que je suis parti depuis longtemps, je confonds avec Poudlard…, répondit Hermione, la gorge serrée, effrayée de ses propos.

Narcissa la toisa un moment, de son visage complètement impassible.

- La volière a toujours été dans le jardin, mon enfant, murmura-t-elle, lentement.

Hermione rougit sous l'erreur effroyable qu'elle venait de commettre. Sans demander son reste, elle remercia d'un signe de tête et sortit dans le parc. Narcissa en était sûre : Drago Malefoy ne rougissait pas. Donc Drago n'était pas Drago. Et cet inconnu qui avait pris l'apparence de Drago Malefoy devait disparaître. Mais auparavant, il fallait savoir qui il était, pour qui il travaillait, ce qu'il envoyait. Cependant, un élément la perturbait : il n'était pas discret, c'est le moins que l'on pouvait dire. Il ne devait pas être très intelligent. Ou du moins, il ne devait pas vouloir quelque chose de particulier dans le manoir. Une autre pointe, d'angoisse cette fois, lui piqua le cœur : où était Drago ? Elle redoubla de vigilance pour découvrir la vérité. Debout derrière la vitre du salon, elle suivit du regard le jeune blond traverser le parc pour se diriger vers une tourelle au bout du terrain. Une autre énigme la tirailla : si l'individu n'était pas Drago depuis King's Cross, il avait joué son rôle parfaitement hier, la bernant consciemment. Pourquoi aujourd'hui était-il si mauvais ? Se pouvait-il que l'épisode des limaces l'ait déstabilisée à ce point qu'elle n'a plus reconnu son fils et a accepté un étranger ? De plus, il ne semblait pas qu'il ait une quelconque gourde de polynectar sur lui. Alors comment se faisait-il ? Narcissa ouvrit un petit secrétaire et en sortit une petite fiole dont le liquide contenu était clair comme de l'eau.

Hermione poussa un soupir de soulagement en voyant le hibou grand duc de Malefoy s'envoler dans les airs. Elle resta quelques instants dans la volière, laissant ses pensées dériver au gré de la brise qui balayait ses cheveux blonds. Il fallait qu'elle devienne Drago Malefoy. Elle n'avait pas le choix. Elle n'arriverait pas à passer incognito si jamais elle continuait à être aussi anxieuse et maladroite. Se reprenant, elle revint vers le manoir en traînant un peu le pas. Elle s'arrêta vers un grand chêne et contourna le tronc pour mieux se dissimuler. Elle s'essaya alors au mime pendant une bonne heure et demie, reformulant des expressions Malefoyennes et des moues typiques du personnage qu'elle détestait.

- Tu es mort, Potter.

- Fais bien attention à qui tu fréquentes, Potter. Si tu veux éviter les gens douteux, je peux te donner des conseils.

- Personne ne t'a demandé ton avis, à toi, espèce de Sang-de-Bourbe...

- Mon père va avoir une attaque quand je lui raconterai ça...

La situation aurait pu être comique si Hermione n'était pas derrière un arbre, seule, à tenter désespérément d'avoir les expressions faciales de leur pire ennemi pour mieux sauver sa peau. Elle essaya de garder un instant son masque d'impassibilité et fusilla du regard tout ce qui se trouvait à sa disposition : le tronc de l'arbre, une branche basse, la touffe d'herbe à ses pieds…

Quand elle rentra dans le grand salon, Hermione se figea sur place : Narcissa pointait sa baguette magique d'un air menaçant vers elle, son autre main renferma un flacon en cristal. Le jeune homme blond dans lequel elle se trouvait eut une expression tétanisée et se mordit les lèvres en reconnaissant la potion de Véritasérum.

- Plus un geste, intrus. Parlez, ou je vous promets que vous le regretterez. Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait de mon fils ?

- Je… Je ne vois pas de quoi vous… voulez parler…

- Il suffit. Je connais mon fils, et celui qui se tient devant moi n'est pas Drago. Reprenez votre apparence véritable ou je vous ferais parler par la force.

- Très bien, je… vais tout vous dire.

Hermione se sentit honteuse. Elle n'avait même pas tenu une journée dans la peau de Drago Malefoy. Comment allait-elle survivre ainsi ? Elle s'était fait démasquer par sa mère, d'accord. Mais si jamais le maléfice ne s'annulait pas et qu'ils devraient continuer ce petit jeu à Poudlard ?

Hermione inspira longuement et lui raconta tout ce qu'elle savait : comment elle s'était retrouvée ici ce matin, l'incompréhension, essayer de savoir pourquoi, écrire à Malefoy pour s'entretenir avec lui de la suite des événements. Elle lui proposa même de prendre du Véritasérum pour que Narcissa soit sûre de ses dires.

La grande femme blonde ne prononça aucun mot. Elle clignait de temps à autre les cils et dévisageait son fils qui n'avait jamais autant eu d'expressions en cette heure d'explications que dans toute sa vie réunie. Les pensées se bousculaient dans sa tête et elle ne savait plus quoi penser. Cette situation relevait d'une magie oubliée dans les âges les plus reculés de l'histoire de la magie. Mais ce qui la terrifiait, c'était les conséquences que cela aurait sur la suite des événements : comment faire pour que le Seigneur des Ténèbres ne s'en aperçoive pas ?

Elle allait parler, impuissante face à cette situation incroyable, mais un pop sonore annonça l'arrivée d'un elfe de maison et les fit sursauter toutes les deux. Un moment, Hermione pensa fortement que la libération de Dobby ne les avait pas fait réfléchir à la condition des elfes de maison et ne leur avait rien apporté du tout, vu qu'ils en avaient de nouveau un, mais elle n'eut pas le temps de parler.

- Maîtresse Malefoy, couina l'elfe habillé d'un haillon crasseux, il y a quelqu'un qui demande à vous voir. Quelqu'un au service du Seigneur des Ténèbres.

Sans dévoiler la crainte que cette visite pourtant attendue lui inspirait, l'interpellée intima qu'on le fît entrer. Elle abaissa sa baguette magique, la rangea dans un pan de sa robe et fit signe à Hermione de se comporter comme il se devait. Les portes du salon claquèrent et une femme fit son apparition, sa cape de sorcier voletant autour d'elle. Ses yeux jetaient des éclairs un peu fous et ses cheveux bruns s'agitaient dans les airs au rythme de ses pas. Hermione eut un haut-le-cœur à la vue de la nouvelle arrivante, mais fit de son mieux pour garder un visage impassible.

- Cissy ! Quel plaisir de te voir ! Drago, ça fait longtemps ! susurra une voix rauque et enjouée.

Bellatrix Lestrange enlaçait avec force les deux Malefoy et dévisagea un instant Drago qui lui renvoya un regard neutre en la saluant de la tête. Elle eut un grand sourire et reporta son attention sur Narcissa.

- Le Seigneur des Ténèbres attend, Narcissa, murmura-t-elle avec des yeux brillants, un sourire fendu jusqu'aux oreilles.

Narcissa hocha la tête en fixant la brunette, puis ses yeux dérivèrent sur le jeune homme blond qui s'efforçait de garder un visage de marbre, et qui, il faut l'avouer, y arrivait plutôt bien. Elle lui tendit la main, dans un geste de réconfort.

- Viens… Drago, dit-elle simplement, une lueur entendue dans les yeux lorsqu'elle prononça le nom de son fils. Nous allons transplaner.

Non sans une certaine appréhension, Hermione prit la main de Narcissa en tremblant. Elle n'avait jamais transplané de toute sa vie et déglutit difficilement en pensant qu'elle finirait découverte, assassinée et désartibulée. A l'évidence, Narcissa avait deviné son trouble.

- Accroche-toi bien à mon bras, ordonna-t-elle d'une voix douce.

Et sans accorder le moindre regard à Bellatrix qui haussait les sourcils, ils transplanèrent dans l'antre de Voldemort.


Drago se réveilla, l'air visiblement contrarié. Il avait rêvé de Potter et le dénouement ne devait pas avoir été fructueux. Il se redressa, un peu embué. Des grosses boucles brunes tombèrent négligemment sur ses yeux et réduisirent sa vision circulaire. Il se raidit, méfiant. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, mais il allait finir par comprendre. Il balaya la pièce du regard, suspicieux et ce qu'il vit lui confirma qu'il était dans une situation anormale. La chambre dans laquelle il se trouvait était à priori la chambre de quelqu'un d'autre. Si on pouvait appeler ça une chambre. Des livres étalés, entassés, à moitié ouverts, en pile ou en position précaire jonchaient le sol et les étagères clouées au mur. La pièce était entièrement en bois et une odeur de pin le saisit. Des vêtements s'éparpillaient ça et là. Cela attira le regard du jeune homme. Des vêtements de fille. Il fronça les sourcils. Des vêtements de fille moldue. Un coup d'œil sur une baguette magique posée à même le sol le fit frémir d'horreur. Il réprima un juron : Merlin devait le mettre à l'épreuve pour lui jouer un tour aussi médiocre. Il se retrouvait sans savoir comment dans une chambre de Sang-de-Bourbe femelle. Passant une main dans ses cheveux, il mit quelques secondes avant de s'apercevoir que ce n'était ni la douceur, ni la coupe habituelles qu'il était en train de caresser. Son regard s'attarda sur ses mains : fines, fragiles, des mains de fille. Une lueur d'angoisse naquit au fond de ses pupilles. Il porta une main à sa poitrine et écarquilla les yeux en sentant des rondeurs sous ses paumes.

Il se releva, soudainement, jetant à terre un chat orange qui pesta vivement et partit se terrer sous un meuble. Drago eut tout juste le temps de reconnaître Pattenrond. Non, ce n'était pas possible. Il voulut en avoir le cœur net. Cherchant désespérément un miroir dans cette pièce encombrée, il pesta violemment contre plusieurs piles de livres qui s'étalèrent à ses pieds et manquèrent de le faire tomber. Rien. Pas un seul petit bout de verre réfléchissant ne gisait dans la pièce. A l'évidence, ce n'était pas une fille normale, toutes les filles ont des miroirs dans leur chambre. Il maudit cette fille pour se moquer de son apparence et ne pas lui permettre de constater qui il était devenu. Il commençait à se diriger vers la seule porte menant à l'extérieur, quand il glissa sur quelque chose et se retrouva enseveli sous une pile de livres. L'objet en question était une plume d'écriture qu'il foudroya de ses prunelles flamboyantes, mais son regard fut attiré par un élément bien plus alarmant : un des livres en tombant s'était ouvert et une inscription était tracée dans une écriture ronde. Il cligna plusieurs fois les yeux, n'acceptant pas ce qu'il lisait. Le nom de la propriétaire lui donna la nausée. Non, c'était impossible. Pour en avoir le cœur net, il feuilleta plusieurs ouvrages dans la pièce, mais tous indiquaient le même nom. Le même satané nom. Ce nom qu'il détestait. Cette fille qu'il haïssait. Une peur immense le saisit. Merlin ne pouvait pas lui faire ça. Il s'engouffra dans l'encadrement de la porte, ouvrant cette dernière avec force et fracas, dévala les escaliers en se retenant comme il pouvait à la rampe pour ne pas dégringoler, et aperçut ce qui semblait être une salle de bain au bout d'un couloir. Il s'enferma dedans dans un grand boucan, tremblant malgré lui. Il aperçut un miroir et s'en approcha, terrifié à l'idée de ce qu'il allait voir. La vérité lui apparut, indifférente à ses supplications et le laissa sans voix. Hermione Granger. Hermione Granger se tenait devant lui et le regardait avec des yeux horrifiés. Non, il était dans le corps d'Hermione Granger. Pire. Il était devenu Hermione Granger. Et ce n'était rien d'autre que son reflet qui lui renvoyait ses propres expressions. Il contempla un instant le visage de son ennemie et réprima un frisson de dégoût. C'était absurde. Il s'assit sur le bord de la baignoire, et essaya de réfléchir tant bien que mal sur la situation dans laquelle il se trouvait. L'affolement avait fait place à une peur intime : où était son corps ? Que s'était-il passé ? Quand allait-il retourner dans son enveloppe corporelle ? Et elle, où était-elle ? Se pouvait-il qu'elle soit dans son corps à lui ? A cette hypothèse, une colère sourde monta : elle allait souiller son corps, si elle l'habitait.

Il soupira longuement, fermant les yeux. Que pouvait-il faire maintenant ? C'était un rêve peut-être ? Il allait se réveiller rapidement et souffler de soulagement dans ses draps noirs, en se giflant d'avoir rêvé de Granger. Oui, sûrement. L'air hagard, il réfléchit à la façon de se sortir de ce pétrin.

Des coups rapides à la porte vinrent le sortir de sa torpeur.

- Tout va bien, chérie ? demanda une voix inquiète.

Drago releva les yeux vers la porte fermée. Apparemment, il était encore en train de rêver. La porte émit un léger cliquetis et elle s'entrouvrit. Le jeune homme sauta sur ses jambes et eut un regard noir sur l'arrivant. En l'occurrence, il s'agissait d'une femme. Grande, brune, elle avait des cheveux touffus bruns et les yeux bleus. Il faillit l'insulter de rentrer dans une pièce sans y avoir été conviée, et il voulut aussi lui demander qui elle était, bien que cela ne faisait aucun doute.

La femme scruta sa fille d'un air inquiet, tandis que cette dernière l'observait en silence, le visage fermé.

- Tout va bien ? répéta-t-elle.

- Non, répliqua Drago brutalement, d'une voix un peu rauque.

Et sans autre cérémonie, il la dépassa et s'en retourna dans le grenier en claquant la porte.

Debout au centre de la pièce, ses yeux allaient d'un point à l'autre, essayant de chercher une pièce au puzzle qui lui manquait. Comment une situation pareille avait-elle pu se passer ? Pourquoi avait-il été impliqué ? Pourquoi Granger ? Il ne l'avait jamais touchée. Du reste, depuis ces derniers mois, il évitait soigneusement de lui adresser la parole. Se pouvait-il qu'on lui inflige une épreuve de plus ?

Drago Malefoy fit le vide dans son esprit. Il fallait prioriser. Cette situation risquait de durer un moment. Premièrement, il fallait qu'il contacte Granger. S'il était enfermé dans son horrible corps, elle devait être dans le même désarroi. Avec cependant une différence : autant il était évident pour Drago que la vie d'Hermione Granger était insipide, plate et sans saveur, autant sa vie à lui avait une importance capitale et un rôle primordial à l'avenir. Et avec ses immondes défauts de Sang-de-Bourbe, elle pourrait bien lui faire perdre toute crédibilité. La panique le gagnait. Si jamais elle ne pouvait résister à l'occlumancie du Seigneur des Ténèbres ? Si jamais elle n'arrivait pas à lui tenir tête et que son corps mourrait ? Serait-il condamné à vivre dans ce corps détestable pour le restant de ses jours ? Ou mourrait-il en même temps ? Etait-elle vraiment dans son corps à lui ? Et si quelqu'un s'en apercevait ? C'était bien le moment de se retrouver dans cette situation incongrue alors que son père était emprisonné à Azkaban et sa mère déclinait à vue d'œil ! Qu'avait-il fait à Merlin pour mériter ce sort-là ?

En jetant un coup d'œil aux affaires de la jeune fille, une idée lui vint en tête : parmi tous ces livres ennuyeux, peut-être un lui permettrait-il de comprendre de quoi il était question ? Il soupira en lisant les titres : il s'agissait pour la plupart de livres moldus et ne comprenait pas de quoi il était question : beaucoup de livres d'une certaine Agatha Christie, et une collection impressionnante d'un étranger au nom suspect de Maupassant. D'autres auteurs inconnus défilaient devant ses yeux. Il soupira : ce n'était pas une bonne technique de recherche.

Il secoua la tête. D'abord, contacter Granger. Il devait envoyer un hibou au manoir familial pour savoir si son corps était toujours là-bas et si la personne qui l'habitait était bien la meilleure amie de Potter.

Une fois qu'il serait fixé, il pourrait lui donner des directives sur la conduite qu'elle devrait tenir. Récupérant une plume et une fiole d'encre qui traînaient par terre, il attrapa un morceau de parchemin servant de marque-page à un livre à côté de lui, et utilisa ledit livre comme support.

Granger, commença-t-il à écrire, mais il s'arrêta bientôt et ratura le parchemin. Comment pouvait-il commencer ? Il reprit sa plume. Hermione Granger… Mais il barra également la formule. Et si ce n'était pas Granger qui était dans son corps ? Toi, dans mon corps ! Mais il tira encore une fois un trait sur ce début de lettre. Il réfléchit. Qu'allait-il lui demander ? Il fallait qu'il ait confirmation de qui était dans son corps. Un doute l'envahit. Et si jamais il était dans le coma ? Non, c'était illogique, il n'était pas blessé, il n'avait subi aucun sortilège… L'image d'une limace baveuse traversa son esprit. C'était stupide. Une question de logistique se posa soudainement : comment faire parvenir la lettre ? A priori, les moldus n'avaient pas de hibou à disposition. Cherchant désespérément un moyen pour envoyer son courrier, il se rendit à l'évidence : il fallait qu'il aille au manoir en personne. Il froissa avec rage le parchemin et le balança à travers la pièce. Nouveau dilemme : comment ? Le balai semblait proscrit, Hermione Granger n'en ayant jamais possédé. Peut-être un portoloin ? Son père lui avait depuis longtemps appris comment réaliser un portoloin, grâce au sortilège de « Portus », malgré les interdictions du Ministère de la magie : avec ses nombreuses relations, il avait réussi à contourner certaines règles. Il regarda autour de lui pour un quelconque objet à ensorceler : L'histoire de la littérature anglaise ferait parfaitement l'affaire.

Son regard s'attarda alors sur la baguette magique posée au sol. Il la saisit et l'examina : elle ne valait pas la sienne, mais il ferait avec. Il allait la lever et lancer un sort, quand une voix le surprit.

- Hermione chérie ? Viens donc prendre ton petit déjeuner… Tu n'as pas l'air dans ton assiette, ce matin. Je peux entrer ? demanda timidement la même voix que tout à l'heure.

Drago ne répondit pas, et à priori, la voix prit son silence pour un oui. Elle entrouvrit la porte et jeta un coup d'œil furtif. Comme aucun reproche ne semblait se formuler, elle s'enhardit et la même femme brune apparut sur le seuil, l'air anxieux.

- Que fais-tu avec ta baguette magique ? questionna-t-elle en remarquant le bâton que tenait sa fille. Tu sais bien que tu n'as pas le droit d'utiliser la magie ici… Tu auras des soucis, sinon… Enfin, c'est ce que tu nous as toujours dit… Peut-être que ça a changé, maintenant ? Peut-être que les mineurs ont le droit d'utiliser la magie chez eux ?

Drago ne répondait toujours rien, mais abaissa sa baguette. Il planta ses yeux désormais noisette dans ceux de la femme qui devait être désormais la mère d'Hermione, mais n'eut aucune autre expression.

- Je te laisse te changer, prendre une douche… Prends ton temps, rejoins-nous quand tu voudras.

Elle hésita un instant, déstabilisée par le changement soudain d'attitude de sa fille, elle si joyeuse et chaleureuse hier, ce matin froide et distante.

- Si…, reprit-elle, la voix un peu tremblante, si tu as des soucis, tu peux nous en parler, Hermione. On n'est peut-être pas si familiers avec la magie, mais on sera toujours là pour toi. N'hésite pas… Euh… Voilà.

La porte se referma sur Mrs Granger, visiblement très mal à l'aise. Drago suivit des yeux le mouvement de la poignée, puis replongea dans ses pensées. Il était hors de question qu'il entame la conversation avec ces moldus qui se permettaient autant de familiarités.

Mais le fait de lui avoir rappelé que la magie était interdite pour les sorciers mineurs résonnait dans ses oreilles. Chez eux, cette règle n'était certainement pas appliquée, ses parents le couvrant pour tous les sorts qu'il pratiquait. Mais dans une maison moldue, ça changeait la donne. Il devait faire attention. Si jamais Hermione Granger était renvoyée de Poudlard et qu'il était toujours dans ce corps, c'est lui qui serait renvoyé et ça, c'était hors de question.

A contrecœur, il rangea la baguette dans la poche de… Sa main fendit le vide. Il n'y avait pas de poche. C'est alors qu'il se rendit compte de ce qu'il portait : un pyjama rose à petits éléphants gris, absolument trop petit et définitivement trop kitsch. Il réprima un air de dégoût. Il chercha du regard une armoire. Il en trouva finalement mais dut déplacer encore une pile de livres encombrante. Le meuble renfermait des tonnes de vêtements moldus féminins, tous plus colorés les uns que les autres. Drago eut une petite moue de mépris : n'avait-elle donc rien de plus sobre ? Après quelques minutes de recherche active, il parvint à trouver un pantalon noir et une chemise du même ton. Conservant la baguette magique en main, il descendit les escaliers un peu plus discrètement que la première fois et s'engagea dans la salle de bain, non sans avoir jeté un coup d'œil méfiant autour de lui. Après une douche qu'il écourta, mal à l'aise à l'idée de savonner un corps qui ne lui appartenait pas, Drago revêtit les vêtements moldus et s'observa quelques instants dans la glace.

Apparemment, il allait devoir avoir les attitudes de cette fille pendant un moment. Autant ne pas se faire remarquer, bien que ce fût mal parti. Un brin d'hésitation : comment Hermione Granger réagissait ? Elle était tout le temps remontée ou en colère quand il la croisait, mais à priori, ce n'était pas sa façon d'être quand elle se sentait en sécurité. Il ferma les yeux pour mieux se souvenir. Elle connaissait par cœur tous ses cours et passait sa vie à la bibliothèque. Elle défendait des causes complètement aberrantes et se retranchait toujours derrière Potter quand ça n'allait pas. Weasley aussi d'ailleurs, mais il n'était certainement pas compétent. Elle souriait beaucoup, elle était le genre de personnes à sourire beaucoup trop pour rien.

Drago rouvrit les yeux et haussa les épaules : tant pis, il allait faire à sa sauce. Il ne risquait rien ici, et pour lui, des personnes n'utilisant pas la magie ne pourraient s'apercevoir de rien. De plus, les cours d'occlumancie qu'il avait suivis avec sa tante lui permettraient de survivre, en attendant que le cours des choses reprenne normalement.

Il eut une petite grimace face au visage d'Hermione Granger qui le regardait d'un air méprisant et hésita un instant : empoignant une brosse à cheveux, il entreprit cependant de coiffer la masse de cheveux hirsute qui dégringolait le long de ses épaules. Après tout, même s'il était prisonnier de ce corps, ce n'était pas une raison pour se laisser aller. Il jugea ses efforts récompensés et sortit de la salle de bain pour rencontrer les deux moldus qui allaient lui servir de parents pour les jours à venir. Rien qu'à cette idée, Drago frémit et ouvrit une porte vitrée qui donnait sur la cuisine.


Merci de votre temps et de votre patience,

Au plaisir,

Kumi