Disclaimer : les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de Square Enix et Disney.

Bonjour / bonsoir (Bonne nuit peut-être ? Sait-on jamais à quelle heure vous lisez) !

Alors de base cette fanfic devait être un Os de grand max 4 000 mots, mais ça c'est un peu rallongé et j'ai décidé de couper le tout en deux. Pour éviter de faire un seul truc trop long, et parce que l'histoire s'y prêtait aussi. 'Fin bref, tout ça pour dire que la fanfic sera en deux parties, et que la seconde partie arrivera un de ces jours le temps que je la finisse. Mais elle est déjà entamée. Avec un peu de chance, elle sera là fin Mars !

C'est une idée qui m'est venue alors que je repensais à des gens dont j'ai pas / peu de nouvelles, et de fil en aiguille ça a donné ça. Evidemment, parce qu'y a du Vanixel c'est parsemé de poésie – j'y suis pour rien, c'est pas moi c'est eux qui me donnent tout le temps envie d'en écrire.

Encore et toujours merci à Syln pour sa relecture (Et pour m'avoir appris à caser ces foutues lignes) ! Et merci à ceux qui passent lire, ça fait chaud au cœur. J'espère que ça vous plaira ! Perso ça fait un moment que j'avais pas pris autant de plaisir à écrire – même si c'est surtout sur la suite que je m'éclate.


« Là où s'égarent nos pas au gré des lendemains
Là où viennent s'enlacer les bras de nos chemins
Là où se croisent enfin les doigts de nos destins
Je veux te retrouver »

Ça l'a frappé, d'un coup. Comme la foudre, les désagréments en moins. Ils ne se sont pas vus depuis si longtemps.

Ces mots, Axel les relit encore et encore, pensif. Ses doigts effleurent le papier jauni – artificiellement ? -, frottent contre sa texture imparfaite pour rejoindre les derniers vers du poème. Il les répète dans sa tête, murmure chaque rime pour s'en imprégner. Leur sens fait écho en lui. Ils ramènent la figure brouillée d'un ancien camarade, entassée sous les souvenirs. Un gamin un peu fou, un peu sauvage. Un ami.

Enfin, ça remonte maintenant.

Assis à son bureau – littéralement, assis à même le bureau les pieds sur la chaise – l'allumette sursaute. Du bruit dans le couloir, une porte qui claque. Quelqu'un vient d'entrer dans l'appartement. Des chaussures qu'on enlève, deux éternuements consécutifs. C'est bien Roxas, ça, à toujours chopper froid parce qu'il sort trop peu couvert en plein hiver. C'est pas compliqué, pourtant. En Janvier, deux couches en plus et une écharpe ! Faut qu'il prenne soin de sa santé, le diablotin blond.

« - C'est pas un rhume, c'est la poussière ! » Le nouvel arrivant crie depuis l'entrée de l'appart, devinant ses pensées.

« - Celle qu'on a faite hier ? Ou t'as trouvé un nouveau surnom pour la neige ?

- Gnagnagna … »

Axel rit, foutrement amusé. Il tourne la tête et guette au bout du couloir, jusqu'à voir débarquer le garçon qui partage ce foyer avec lui depuis plus d'un an. Son bout de nez rouge surmonte une mimique renfrognée, laquelle arrache un sourire provoquant au rouquin.

« - Alors monsieur, ta journée ?

- C'est le bordel à la fac, avec les grèves … » Il soupire, jette un coup d'œil vers la table. « Tu corriges des copies ?

- Oui. J'ai deux jours pour terminer le tas. »

Le cadet hausse un sourcil en estimant le nombre de feuille.

« - T'as prévu de dormir ?

- J'en ai déjà fait la moitié. »

Du haut de ses vingt ans, Roxas termine sa dernière année de licence. Son conjoint, qui le devance de quatre belles années, effectue un remplacement en collège tout en préparant son concours - CAPES d'Anglais. Première fois qu'il le tente, mais pas la moindre trace d'anxiété dans ses yeux explosifs. A croire qu'il passe ses examens comme il va acheter le pain.

« - Mouais. »

Le plus jeune détourne le regard pour s'intéresser au petit livre calé entre les mains de son copain. Ses yeux brillent. Axel note son coup d'œil, il passe un bras distrait autour de sa taille pour le rapprocher un peu et caler sa tête sur la sienne. Il sent sa respiration, d'ici, et l'odeur du froid qui imprègne ses vêtements.

« - Il te plait ?

- Oui. C'est un super cadeau de Noël.

- Tant mieux. »

Rox rougit faiblement. Il n'y connait pas grand-chose, lui, en poésie. Mais quand il a posé la question à son compagnon, un mois avant la période des fêtes, c'est la seule préférence qu'Ax a exprimé. Il lui a fallu demander à Demyx de l'éclairer quant aux gouts du futur enseignant, dans les limites du possible. Le rockeur semblait presque aussi paumé que lui. Alors il a choisi à l'instinct, sans écouter les conseils du libraire qui le guidait à travers les rayons. Il a pioché plusieurs livres, feuilleté brièvement les pages jusqu'à ce que les vers retiennent son attention. Les chemins tressés, ça s'appelait. Un petit ouvrage relié, une couverture solide avec un beau titre coloré qui enivrait ses yeux.

Apparemment, ça a marché. L'enflammé préfère savourer l'ouvrage plutôt que de poursuivre son boulot.

« - T'as bien choisi. » Axel insiste, et il lui offre un sourire rassurant.

« - Je ferai encore mieux, l'année prochaine. »

Il lâche ça avec ce sourire plein d'assurance, le blondinet, comme s'ils devaient forcément passer leur prochain Noël ensemble. C'est écrit dans la pierre, pour lui. Cette naïveté juvénile attendrit l'autre qui lui vole un baiser. Quoi que, voler, le grand gamin le lui donne bien volontiers. Il lui offre un échange tout léger, à peine appuyé. Un baiser du bout des lèvres qui dure, qui dure. C'est ça, l'amour avec Roxas. Têtu, léger et innocent.

Rien à voir avec Vanitas.

« Je veux te retrouver »

Le cœur d'Axel se serre. Ça le prend d'un coup, il ne comprend pas. Plusieurs années qu'il n'a pas revu le noiraud, et il lui manque brusquement. Aucune nouvelle depuis … Depuis quand, déjà ? Ça lui ressemble bien, tiens, de disparaitre dans la nature. Il laisse des sensations, des souvenirs pleins de vie, un fantôme qui flotte le long des murs. Ah ça, pour faire le beau en moto, il répondait présent ! Mais il est pas foutu de passer un coup de fils en six ans – six ans, depuis six ans ! - ce con … Enfin, le roux est mal placé pour se plaindre. Lui non plus n'a pas recomposé ce numéro familier durant ces six longues années. C'est un peu de sa faute. Torts partagés.

Il oublie son ami d'antan, le temps de faire l'amour à celui qui gémit entre ses bras. Et quand ils ont fini, il s'assoit sur le rebord du lit qu'ils partagent, dans leur chambre commune, et il réfléchit tout en caressant la masse de cheveux blé du bout des doigts, distraitement.

Et puis merde. Un appel, ça ne coute rien.

xoxoxox

« - Dix de carreau.

- Valet. »

Les cartes claquaient sur le béton.

« - 4 de trèfle.

- 8 de carreau. »

Encore une victoire pour le rouquin.

- Roi.

- As. »

Vanitas soupira, agacé.

« - Sérieux ?

- Ouais. » Axel agita sa carte, non sans un rictus ouvertement moqueur.

« -Là c'est pas possible mec, tu triches.

- T'as des preuves ?

- J't'emmerde, tu triches c'est tout. J'le sais. »

Il avait pas tort, le petit brun. Mais l'autre asperge se contentait d'afficher ce putain de sourire outrageant, étiré comme son corps maigrelet. Il savait que ça énervait Vanitas, et énerver Vanitas, ça l'éclatait. Y avait rien de mieux sur terre.

« - C'est qu'une bataille, tu survivras.

- Bah triches pas, si c'est qu'une bataille. »

Le ténébreux décora sa réplique d'un haussement de sourcil caractéristique qui n'appartenait qu'à lui, un geste qu'il effectuait chaque fois qu'il exposait son camarade aux milliers de contradictions qui le composaient. Lassé par ses multiples défaites, il posa son paquet sur les marches de l'escalier et poussa les cartes vers leur propriétaire, lequel les rangea sans protester. Sa vraie victoire, il la tenait dans l'expression indignée du chiot noir. Il savait dompter cette arrogance sauvage. Ça le rendait fier.

Mais ça ne dura pas. Bien vite, Van retrouva son sourire hautain, celui qui lui tordait le coin des lèvres pour lui faire un visage flippant et sexy. Il le matait comme ça, sa crinière capricieuse en travers du visage. Encore plus flippant. Et sexy.

« - Ok. Démerde toi pour l'éval de maths.

- Eh ! » Là, c'était le moment où Axel s'amusait nettement moins. « Sérieux Van, je vais me faire défoncer si je rate ce contrôle.

- Ben t'as qu'à tricher. »

Et il riait ouvertement, narquois, sans pitié pour son pote.

xoxoxox

[ … ]

« Elle avait les yeux noirs noyés sous l'or précieux,
Deux assiettes nimbées du soleil impérieux.
Serpent langoureusement enroulé. Tout de miel
Leurs écailles, reflétant l'arrogant Samaël. »

[ … ]

xoxoxox

L'appel n'a rien donné. Axel n'a pas laissé de message.

A vrai dire, il n'est pas étonné le moins du monde. Il s'y est attendu. C'est du Van tout craché, ça. Quand un truc l'ennuie, il l'ignore jusqu'à ce que ça passe. A moins qu'il ne le fasse exprès, comme quand il draguait Ven – ou plutôt, comme quand Ven lui courrait désespérément après - en Première. Il ignorait tous ses messages, ses appels, attendait patiemment de voir jusqu'où le blondinet irait. Il avait tenu deux semaines comme ça, à se faire désirer. Ca l'amusait.

Quel con, quand même.

Le rouquin s'est d'abord découragé. Pas longtemps, à peine dix petites minutes, le temps de se souvenir de Xion. Xion, la petite sœur du noiraud. La gamine toute renfermée qui se planquait sous les escaliers, sa capuche rabattue sur sa trogne ronde d'enfant. Elle était mignonne, mais c'est qu'elle mordait sec, la petiote. Elle grognait dès qu'on l'approchait. Peu sociable ou juste timide, difficile de savoir.

Mais elle au moins, elle a répondu quand Axel l'a appelée. Elle a accepté de le voir aussi, une première avancée dans sa quête. Sa voix pleine d'étonnement s'est figée en devinant l'identité du curieux qui l'appelait, mais elle s'est bien vite reprise. Elle semblait plus assurée. Sûrement que le temps l'avait changée.

« - Tu sors ? » Roxas demande en le voyant nouer ses lacets.

« - Je passe rendre visite à une amie.

- D'acc. »

Ils s'embrassent furtivement quand la grande asperge se relève.

« - Tu manges avec elle ?

- Non, je rentrerai en fin d'aprem'. »

Le blondin acquiesce avant de retourner au salon, jetant un regard dépité en direction de la table. La masse de révision qui l'attend ne l'enchante guère, Axel le lit sur son visage. Il rit.

« - Bon courage, amour !

- C'est ça, fous toi de moi ... » Roxas râle en soupirant.

Il se laisse tomber sur sa chaise, ses lèvres jointes pour dessiner une moue rebutée. C'est à peine s'il tourne la tête quand son copain claque la porte d'entrée.

xoxoxox

C'était l'été, à quelques jours près. Le soleil tapait déjà contre les peaux dénudées et les fenêtres des salles de cours, l'air se réchauffait, les journées grigotaient les nuits. Et, bien sûr, les vacances annonçaient leur arrivée, devancées de justesse par les premières épreuves du bac.

Juché seul sur sa rampe, perché au dernier étage du bâtiment Jean d'Arc, le garçon longiligne balançait ses interminables jambes dans le vide. Ses longs doigts arachnéens malmenaient la peinture écaillée qu'il grattait mécaniquement, lâchant les débris écarlates du haut de son perchoir jusqu'au rez-de-chaussée. Une pluie de fragment sales, dont les goutes restaient parfois accrochées à son jean. Le contacte humide de la rouille roulant sous la pulpe de son pouce lui plaisait, même s'il lui fallait ensuite s'accoutumer à l'odeur métallique qui allait lui coller aux mains.

« - Ce s'rait con que quelqu'un te pousse.

- Tout le monde saura que c'est toi, Van.

- Erreur. » Le noiraud grimpa les dernières marches de l'escalier. « Si j'te balance maintenant, les gens accuseront d'abord Saix. »

Pas faux. C'est qu'il était réputé pour son sale caractère, le loup. Oh, pas qu'il eut été foncièrement mauvais ni même méchant, certes. A choisir, le rouquin aurait plutôt choisi des qualificatifs comme sec, froid, solitaire. Et casanier sur les bords, parce qu'Axel peinait toujours à le trainer dehors. Un brin rancunier aussi, il l'avouait. Pas au point de se venger, néanmoins. Il se contentait juste de ne jamais oublier, quoi qu'on lui ait fait. Il avait une sacrée mémoire, là-dessus.

« - Il irait pas jusque-là. » Opposa l'adolescent, penché vers le vide profond de la cage d'escalier.

« - L'important, c'est pas qu'il en soit capable. » Le noiraud grimpa habilement sur la rambade, s'installant près de son camarade. « Faut juste que les autres le croient.

- Et après c'est moi le con ?

-J'suis manipulateur. Pas pareil. »

Désinvolte, le nouvel arrivant secoua la tête pour chasser les mèches qui lui barraient la vue. Sans succès. Il se résigna et les rabattit manuellement. Puis, dans un même mouvement, il se pencha pour saisir son sac, sac duquel il tira son portable. Sac qui trainait tout près, encore à moitié ouvert. Pas vraiment qu'à moitié, d'ailleurs, les deux rubans de la fermeture se rejoignaient seulement autour du curseur. Il l'avait pétée depuis longtemps, et la flemme intensive qu'il entretenait le poussait à retarder toute tentative de réparation. « J'range tout plus vite, comme ça » disait Van chaque fois qu'Axel avançait la moindre remarque.

« - Tu vas retrouver tes affaires par terre, un jour.

- C'est jamais qu'des cours, de toute façon.

- N'empêche, t'auras l'air malin.

-Ben t'as qu'à m'en racheter un si t'y tiens tant. »

Non, fallait pas déconner non plus. Au mieux, il lui en trouverait un pas trop cher - voire même d'occasion - pour son anniversaire, juste pour lui dire « Tu vois ? Je m'en suis souvenu ! ». Et pour l'emmerder, aussi.

« - Ça faisait combien de temps, déjà ? » Reprit la teigne.

« - De quoi ?

- Que tu sortais avec.

- Ton sac ? »

Fier de sa connerie, la grande tige pouffa malgré le regard d'or blasé que son camarade lui balançait. Levant les mains – toujours en équilibre sur la rampe d'escalier – il calcula brièvement la réponse qu'attendait le corbeau, sur ses doigts.

« - Sept mois. On était pas loin des huit.

- Pourquoi tu l'as largué ?

- Ça … »

Axel savait le fond de la question. Vanitas se moquait bien des raisons, il regrettait juste de ne pas l'avoir anticipé. Lui qui prévoyait tout, ça l'agaçait de ne pas savoir. Ou plutôt, de ne pas avoir su. De ne pas comprendre. Il aimait penser qu'il cernait entièrement l'enflammé, mais la soudaine rupture avec l'azuré lui prouvait le contraire.

Ou peut-être qu'il voulait juste l'entendre démonter son ex.

« - Trop monotone. On se voyait souvent mais on sortait jamais. Puis il part l'an prochain en plus, il va étudier sur Paris. » Ax siffla. « Si c'est pour claquer toutes mes économies dans le train histoire de le voir deux fois l'année …

- Ouais. »

Le désavantage quand on sortait avec quelqu'un de plus âgé, même à une année près.

Le claquement sec qui suivit cette maigre réponse interpella le lycéen. Ah, Van mâchait encore un chewing-gum. A moitié avachi sur une rampe au-dessus du vide, une main sur son téléphone. Pour peu, Axel aurait juré qu'il travaillait son image de mystérieux ado nonchalant tous les soirs avant d'aller se coucher, au moins quinze bonnes minutes devant le miroir. Enfin, s'il y avait bien un miroir dans sa chambre. Quoi qu'il pouvait toujours s'exercer dans la salle de bain, au risque de se faire surprendre par Xion.

S'il connaissait la maison de la teigne, le rouquin n'avait jamais franchi la limite des escaliers qui dissimulaient l'espace privé ; les chambres en d'autres mots. Chez Van, on se calait dans le canapé du salon pour alterner blabla inutile et soirées jeux vidéo. Et on se les pellait, accessoirement. La faute au chauffage capricieux.

« - C'est tout ? »

L'air de ne pas le voir, Vanitas le fixait pourtant du coin de l'œil. Un œil plein d'une curieuse méfiance savamment dissimulée sous son rideau mordoré.

« - Ça, et il était jaloux. Genre, de tout. C'était chiant.

- Si tu draguais pas tout c'qui bouge …

- C'est pas comme si c'était sérieux. »

Le noiraud souffla. Une sorte de soupire mécontent qui s'échappait de ses lèvres, sans trahir son air impassible. Il pensait, sûrement. Et il l'observait minutieusement. Il cherchait les mots dans ses gestes traitres et ses expressions mal dissimulées, en quête d'un indice supplémentaire.

Une autre réponse, plus satisfaisante.

« - Ouais. » Lâcha-t-il finalement, abandonnant.

Axel se détendit, enfin libre. Il n'aimait pas quand l'autre le scrutait comme ça. Tout bon menteur qu'il était, Van le grillait presque toujours. Ce type savait lire les corps, aussi sûrement qu'il déchiffrait sa propre langue dans un bouquin. Certes, ce talent l'arrangeait parfois, mais il se retournait également contre ses petits secrets.

Et ses petits secrets, il y tenait.

xoxoxox

« Si l'enfer doit chanter
Du profond de sa gorge
Tirer des mélopées
Comme le feu d'une forge

Si l'enfer doit chanter
Il sera doucereux

Si l'enfer sait danser
Ses flammèches léchées
Exposant, indolentes
Leur robe flavescente

Si l'enfer sait danser
Il valse dans tes yeux »

[…]

xoxoxox

Xion, elle a les cheveux charbonneux de son frère, la discipline en plus. Les mèches sagement courbées encerclent son petit minois, sans fausse note. Elle joue souvent avec, distraitement, quand elle détourne les yeux et qu'elle ne sait plus quoi dire, comme pour retenir le temps. Puis, quand elle s'en rend compte, elle les relâche brusquement et amorce un simili sourire gêné. Elle est mignonne, Ax le pensait déjà à l'époque, même s'il se gardait bien de le dire. Vanitas l'aurait démonté – pour le principe et par jalousie.

Néanmoins, elle n'arbore plus cette expression maussade qui attristait son visage de poupée au temps du lycée. Aujourd'hui, le trait qui étire ses lèvres se veut sincère, et ses yeux brillent parfois quand elle parle avec Axel, pétillants de nouvelles couleurs. De la joie, des rires, de l'impatience, toute une palette d'émotions chatoyantes. Il ne lui reste que les cernes tracées par le manque de sommeil, elle doit bosser dur.

Comme il le pensait, elle a bien changé.

« - Et c'est comment, les archives ?

- Ça a l'air un peu ennuyeux, parfois.» La jeune fille regarde la table qui les sépare, comme pour y trouver la réponse qu'elle essaye de formuler. « Les cours ont découragé pleins d'étudiants. Mais … moi, j'aime. Enfin, j'aime ce qu'on apprend ! Genre, m'occuper des fonds et aider à les conserver, je crois que ça me plairait.

Dans la tête du rouquin, ses explications sont floues.

« - Vous étudiez quoi, exactement ?

- Des tas de trucs.

Elle lui sort ça, l'air de dire qu'il ne pourrait pas comprendre. Et effectivement, quand elle entre dans les détails, il peine à saisir l'ensemble qu'elle lui dessine. Il hoche régulièrement la tête, en bon menteur, mais ne l'écoute qu'à moitié. « Conserver les mémoires », c'est ce qu'elle répète le plus souvent.

« - Je dois encore passer le concours, mais j'aime bien.

- C'est cool, alors. »

L'asperge ne trouve rien de mieux à dire. A vrai dire, même quand c'est Xy qui en parle, ça n'a pas l'air juste « un peu ennuyeux » mais plutôt « carrément chiant ». Enlever des trombones, scanner des centaines et des centaines de documents, restaurer des morceaux de papier … Il préfère encore ses copies de Cinquièmes. Mais bon, si ça lui plait.

Ils discutent comme ça de longues minutes durant, à s'échanger des phrases convenues et des anecdotes hasardeuses. Le café autour d'eux n'existe plus, sinon dans la tasse que l'aîné porte à ses lèvres. La petite – plus si petite – lui parle de ses parents qui sont divorcé, trois ans auparavant. De Naminé et de Sora, qu'elle a rencontré à la fac. La fille aux dessins et le gamin moyen malin qui distribue des sourires. Le rouquin enchaine sur le garçon qui partage son appart, sa chambre et sa vie depuis plus d'un an. Ça la surprend un peu. Elle pose des questions pour des réponses qui la déroutent. C'est vrai, le petit brin d'innocence dont il s'est entiché s'éloigne des ex qu'elle a connus, et de ceux qu'elle n'a pas connus. Mais Roxas, il ne l'explique pas.

« - Et ton frère ?

- Van ? »

Oui, Van. Dur de se tromper, ils ne sont que deux enfants au sein de la fratrie. Pourtant, elle le regarde étrangement, ses beaux yeux bleus qui ne comprennent plus. Alors Axel ne comprend plus non plus. Elle hésite, entrouvre les lèvres pour mieux les mordiller. Il retrouve la gamine sous l'escalier, celle qui se planquait jusqu'à ce que la sonnerie l'appelle. Celle qui lisait, parfois, ou qui bâclait à même le sol le DM qu'il lui fallait rendre pour le cours suivant.

« - Eh ? » Il agite sa main dans sa direction. « T'es toujours là, Xy ?

- Oui ! » Elle se reprend. « C'est rien ! Juste … Vous n'avez pas gardé contacte ?

- Non. Plus de nouvelles depuis la fin du lycée, pourquoi ?

- C'est … Inattendu … »

Elle n'a pas tort, la jeunotte. Ils trainaient toujours ensembles, lui et le noiraud, avant de passer leur bac. Mais les études supérieures les ont séparés. Pas sûr que le chiot noir ait poursuivi les siennes, d'ailleurs, vu son amour pour le milieu scolaire. Passé le fameux diplôme, Axel s'est barré trois-cent kilomètres plus loin pour un DUT qu'il n'avait pas même tenu un an, avant d'enchainer sur la fac. Van … Van lui envoyait des messages, de temps en temps. En été, pendant qu'il emménageait. Ils parlaient de se voir sans jamais le faire. Les échanges s'étaient espacés, et puis plus rien des deux côtés.

Le genre d'amitié solide qui résiste aux plus grandes intempéries, mais que la distance et le temps effritent habilement.

« - J'ai repensé à lui, la semaine dernière. » Il termine sa tasse, écœuré par le concentré de sucre au fond du café. « Un truc tout con, Rox m'a offert un recueil de poème à Noel.

- Des poèmes ?

-Ouais je sais, ça ressemble pas vraiment à Van dit comme ça. C'est compliqué. Mais du coup voilà, j'ai voulu l'appeler et il m'a mis un vent. Tu sais comment il est, ton frère. Quand il a pas envie, il a pas envie. »

Xion hoche la tête, l'air de saisir. Ses mirettes cherchent un appui autour d'elle, sur le décor du café. Elle observe la foule dehors, les ombres que le soleil dessine patiemment le long de la place, les trompe-l'œil sur le mur d'en face. Comme elle ne parle pas, son vis-à-vis reprend.

« - Du coup je me suis dit que tu pourrais m'aider. 'Fin je veux pas t'ennuyer, mais peut-être que si tu lui parles d'abord, ou si tu me laisses te piquer ton téléphone cinq minutes …

- Non. » Elle est brusque, mais elle se reprend. « Il nous parle pas beaucoup à nous non plus … Ça fait longtemps qu'il est pas revenu à la maison. »

Elle retrouve son sourire, un sourire triste et lointain. Un sourire qui se passe de mot, et qui vient adoucir ses yeux. C'est là qu'il remarque, Axel, que la gamine a les mêmes cils que son aîné. Des cils longs et noirs qui font des regards insondables et profonds. Le sien brille d'émotion, celui de Van avalait les secrets.

« - Il manque à maman.

- Je vois … »

L'enflammé laisse passer quelques secondes, comme par politesse. Mais il poursuit bien vite.

« - Je suis désolé d'insister, mais vraiment … Vous avez bien son adresse actuelle, non ?

- Son adresse ? » Xy hésite. « Tu veux aller le voir ?

- Pourquoi pas ? Je passerai le week-end prochain. On verra bien s'il me claque la porte au nez. »

L'idée ne semble pas convaincre la noiraude. Du bout des doigts, elle dessine de petits cercles – à moins qu'il ne s'agisse de huit ? – sur le plat de la table, tapote. Derrière ses lèvres fine, Axel devine sa langue qui passe et repasse, caresse le rebord de ses dents. Elle a peur. Par de lui, bien sûr. Peur de Van, alors ? D'autre chose ?

« - Je demanderai à maman. Elle la connait par cœur. »

Si elle accepte, le rouquin jurerait presque entendre une toute autre réponse, du style « C'est pas une bonne idée, sort d'ici et oublie qu'on a discuté. Oublie Van. » Mais c'est dur d'oublier Van quand on l'a connu, alors il préfère prendre ce qu'elle lui offre.

« - Si tu pouvais me la transmettre, ce serait génial ! » Il repose sa tasse, satisfait. « Je me démerderai pour y aller.

- Axel. »

Elle s'est redressée, soudain, un peu plus sûre, toujours effrayée. C'est à la fois la Xion des escaliers, et la Xy presque adulte qui apprivoise doucement sa confiance.

« - Oui ? »

Mais quand elle ouvre la bouche, sa voix flanche.

« - Il a quelqu'un.

- Quelqu'un ?

- Vanitas vit avec son copain. »

« Son copain ». Le mot sonne étrangement à ses oreilles. Son copain, comme Ven à une époque. Son copain. C'est un bruit de fond, un bourdonnement, un essaim d'abeille qui lui tourne autour et qui l'irrite. Son copain.

Mais c'est normal après tout, non ? Ca fait six ans.

« - Moi aussi. » Il rit, ses bras filiformes écartés pour illustrer son désintérêt. « Ça nous fera au moins un point commun, hein ? »

Et elle lui sourit, comme lui-même l'a fait alors que la cadette parlait de ses études. Comme quelqu'un qui n'y croit absolument pas, mais qui acquiesce pour la forme. Parce qu'elle ne trouve pas mieux à lui répondre.

xoxoxox

Là, ça n'était plus de l'inconscience, mais du suicide.

La moto filait tout droit sur la petite route de campagne, freinait dangereusement quand elle abordait les rares tournants - pour mieux repartir ensuite –, son grondement féroce explosant par-dessus les murmures du début de nuit. Le ronron puissant prévenait de l'arrivée du monstre, bien qu'il ne restait pas grand monde dans le coin, à cette heure. C'était déjà désert en pleine journée, alors passé 20h …

D'habitude, Van jouait sur l'autoroute, mais Axel avait clairement rejeté l'idée. Se mettre en danger tout seul, passe encore, mais sa conscience refusait formellement d'impliquer de pauvres civils dans le délire du corbeau. D'autant que la moto n'était pas à eux, et que le père de la teigne serait déjà suffisamment furieux lorsqu'il découvrirait « l'emprunt ». Le fils allait s'en prendre une bonne. Ce qui ne semblait pas l'inquiéter le moins du monde, puisqu'il répétait encore et encore les mêmes conneries.

« - T'es barge ! » Le rouquin gueula dans un énième tournant.

« - Quoi, t'as la trouille ? »

Impossible d'avoir la trouille, la vitesse et l'excitation rongeaient chaque recoin de son corps - ou bien était-ce de la terreur ?

Quelques minutes plus tard, le sifflement aigu du vent s'apaisait enfin. L'amas de couleurs floues s'assemblait pour former à nouveau un paysage cohérant au moment où Axel posait ses pieds au sol. Pas de casques à enlever, ils n'en avaient pas trouvé dans le garage. Le garçon feu inspira longuement, s'éloignant de l'engin pour fuir l'effluve de l'essence et mieux savourer le mélange grisant du soulagement et des restes d'excitation. Délicieux cocktail.

« - C'est bon, tu t'es pas pissé dessus ?

- Très drôle. »

Ça n'était pas tant la vitesse exagérée et les tournants brutaux – sources d'une délectable adrénaline qu'il appréciait lui-même - que l'inconscience profonde de son camarade qui le crispait. Ça, et la fascination du chiot noir pour l'interdit et le danger. On les comparait souvent là-dessus, Ax n'étant lui-même pas très à cheval sur les règlements de quelque sorte qu'ils soient. Pourtant, ils différaient grandement là-dessus.

L'allumette détestait les règles et ne respectait que ses propres limites. Van les aimait, parce qu'il prenait un plaisir fou à les outrepasser. Il fallait le voir, quand il descendait de moto.

« - Tu comptes rester planté là toute la nuit ? J'repars dans cinq minutes, j'te préviens.

- Pressé de rentrer ?

- Pressé de remonter. »

Sa tignasse, elle changeait pas vraiment. Toujours ébouriffée, ses cheveux qui se ramassaient en pointes hasardeuses pour défier le ciel, quand ils ne lui barraient pas la vue. Mais ses yeux … C'était un feu d'artifice. Un feu d'artifice enfermé dans un bocal dangereusement fragile, prêt à exploser. Deux billes excitées qui tremblaient sur son visage justement taillé. L'adrénaline lui courrait dans le sang, et il lui courrait après. Ses mains ne tenaient pas en place.

« - Xy est pas là ce soir. Tu veux crécher chez moi ? »

Direct. Et inattendu. Et tentant.

- Ton père va nous démonter. Tu m'excuseras, j'ai pas spécialement envie de bouffer pour tes conneries.

- T'es monté derrière moi, t'es aussi responsable.

- Pas autant.

- Y a pas de demi-mesure. Tu l'es ou tu l'es pas, point. » Il saisit la manche de son sweet, tant pour l'attention d'Axel que pour calmer ses doigts trop agités. « Et mon père est à Lyon pour le boulot, j'te rappelle. Tu m'écoutes quand j'te parle ?

- Une fois sur deux. Quand c'est pas chiant. »

Sifflement du chien fou. Il tira son bras d'un coup sec, forçant l'autre à se tourner entièrement. C'était toujours ces mêmes yeux explosifs qu'il braquait durement vers lui. Deux puits profonds qui avalaient toute l'attention du rouquin pour lui réclamer une réponse. Ça l'emmerdait de tourner autour du pot.

« - Alors ? »

Quand il croisait ce regard, Axel n'était plus si sûr de la question. De la réponse, encore moins. Mais il devinait clairement le double sens.

« - Pourquoi pas ? »

xoxoxox

31, impasse du Général Leclerc. Sept étages nettement empilés derrière leurs murs de briques se dressent devant lui, au milieu d'une rue trop vivante à son gout. Le bruit nourrit le stresse qui lui noue les entrailles. Le sang cogne à ses tempes, comme pour s'échapper. Certainement qu'il en a trop dans le corps. Du sang. Et du stress.

Le nom de Vanitas est écrit à l'arrache sur un morceau de papier, recouvert par le verre de l'interphone. Juste derrière le numéro 3, et devant le « Riku » en lettres capitales.

Parce qu'il le faut bien, après tout ce chemin, Axel appuie sur la sonnette. Le grésillement aigu manque de lui faire exploser le cœur.


Wala ! Comme d'hab', j'espère que vous avez passé un bon moment, hésitez pas à laisser un avis, et moi je vais me bouger pour terminer tout ça.