Temari tira une dernière bouffée sur sa cigarette, puis l'écrasa par terre sans ménagement. Sa première clope de la journée. Il était à peine sept heure trente du matin mais elle attendait déjà devant le grillage, tranquillement posée sur un banc. Elle préférait sortir de chez elle le plus vite possible. Echapper à sa mère, continuellement en train d'hurler après ses cinq autres gamins. Son père, elle ne le connaissait pas. D'ailleurs elle doutait même que sa propre génitrice sache qui c'était. D'un geste qui se voulait nonchalant elle tira de son paquet de Lucky Strike une autre cigarette. Elle devait cesser de ressasser tout ca. S'apitoyer sur son sort n'améliorerait en aucun cas son quotidien. Avant même qu'elle eut pu faire un geste pour sortir son briquet, une main tenant un zippo allumé se tendit. Temari sourit d'un air narquois tout en acceptant la flamme de bonne grâce.
-Ah, t'es enfin là, Shikamaru. Je commençais à croire que tu ne viendrais jamais.
-Pff… ma mère s'est remise à gueuler comme une folle ce matin. A présent elle est persuadée que mon père la trompe. Je me demande s'il ne devrait pas le faire vraiment, juste histoire de la faire chier. Galère.
Ils restèrent à côté sans parler pendant un moment. C'était ainsi tous les matins. Ils ne se souvenaient plus vraiment de quand ca avait commencé. Tout simplement, un jour, il était aussi venu en avance. Depuis, ils passaient quelques dizaines de minutes chaque matin ensemble, à fumer silencieusement côte à côte.
-Hé les gens, vous déprimez ?
Temari se retourna vers Shikamaru, l'air exaspérée.
-Il est toujours obligé d'être aussi bruyant, lui ?
-Apparemment.
Naruto s'approcha un peu plus des deux adolescents. La blonde portait une veste de cuir avec deux ailes d'anges cousues dans le dos. Son piercing à la lèvre et ses cheveux blonds attachés en quatre couettes lui donnaient un air quelque peu rebelle. Shikamaru, lui, avait juste l'air ennuyé. Il portait de vieilles converses noires usées, une paire de jeans, un t-shirt représentant une pochette des sex pistols et une veste récupérée dans un vide-grenier militaire. L'ensemble dégageait une impression rock'n'roll négligée. Le blondinet n'eu pas le temps de se vexer que quelqu'un lui tapa un coup de poing amical sur l'épaule.
-Kiba ! Tu fous quoi si tôt à l'école ? Normalement t'es plutôt du genre dernière minute…
Le prénommé Kiba le regarda avec étonnement.
-Depuis quand tu fais des phrases aussi longues, toi ? Ben en tout cas, ma Harley est tombée en panne. J'ai été obligé de prendre le bus…
Le jeune garçon tritura sa veste en cuir brun de manière énervé. Il allait encore devoir débourser tout son argent pour se payer les réparations. Et qui disait pas d'argent, disait pas d'herbe…à moins qu'il arrive à convaincre son dealer attitré de lui faire crédit. Sa réflexion fut perturbée par la sonnerie de la cloche. Sans s'en rendre compte, le temps avait filé et c'était déjà huit heures.
-Galère.
Shikamaru résuma en mot ce que pensaient les quatre adolescents réunis. Encore une journée à glander en cours, à attendre la pause impatiemment.
-On s'voit à midi dans le parc, alors ? J'ai quelque chose dont vous me redirez des nouvelles…
La faible tentative d'humour de Naruto- mais surtout sa proposition- réchauffa quelque peu les cœurs présents. Puis, ils partirent tous dans des directions différentes.
L'heure du déjeuner vint plus vite que prévue, finalement. Les portes du lycée déversèrent un flot d'adolescents rendus incontrôlables par la sensation de faim. Quelques minutes plus tard, une jeune fille sortit. Ses cheveux roses contrastaient avec ses habits, entièrement noirs. Elle portait une mini-jupe en volants, un marcel et une fine veste. Des docs Martens imposants semblaient la clouer au sol. Elle se dirigea rapidement vers le parc situé derrière son école. Shikamaru, Temari, Naruto, Kiba et Tenten étaient déjà posés en rond. En se rapprochant, elle remarqua qu'ils faisaient tourner un joint. Défoncés dès midi, tssss….voilà qui ne les changeait pas beaucoup. Seule Tenten refusait d'en tirer. C'était plutôt normal, son père était flic, membre de la brigade anti-drogue. Il aurait sentit l'odeur à des kilomètres. Si seulement il savait en quelle compagnie sa fille de seize ans traînait…Sakura s'assit à droite de Temari et à gauche de Kiba. Elle sortit un sac en plastique de supermarché de son sac, tout en dédaignant le bédot que lui tendait Kiba.
-Tu sais bien que j'essaye d'arrêter de fumer, siffla-t-elle entre ses dents.
-Je te teste, c'est tout, répondit le jeune garçon, visiblement très amusé par la situation.
L'adolescente sortit quelques bières fraîches du sac transparent et les posa au milieu du cercle. Les autres prirent ca comme une invitation et se servirent chacun. Quand elle vit qu'il en restait une intouchée au milieu, Sakura comprit ce qui la tracassait depuis un moment.
-Ou est Ino ?
Tenten lui fit un signe discret. Tellement discret, en fait, qu'elle pouvait l'interpréter soit comme « Elle est malade », soit comme « Elle baise ».
-Elle est en train de se faire sauter dans les toilettes, soupira Kiba.
Ca avait au moins le mérite d'être clair. Tenten leva les yeux au ciel. Ce fut ce moment-là que choisit Temari pour se mêler à la conversation :
- Fermes ta geule, Kiba. Pour vous une meuf qui baise avec son gars c'est une pute, mais une meuf qui ne fait rien avec lui c'est une coincée, c'est ca ? Explique moi ou est le juste milieu, là-dedans ?
-Ouais, mais Ino…c'est un peu plus spécial que ca, je trouve. Rétorqua le jeune homme, vexé.
-C'est pas parce qu'elle change souvent de petit copain que c'est une traînée, ok ?
Il acquiesça. Mieux valait ne pas chercher les emmerdes avec Temari. Elle était vraiment cool, mais quand elle s'énervait…la jeune fille à qui elle avait pété le bras l'année passé pouvait témoigner de sa fureur. Shikamaru soupira. Il en avait marre de ces disputes. Tranquillement, il se coucha et se mit à observer les nuages. Ils étaient bien plus calmes et fiables que la nature humaine, eux.
Le temps s'écoula, et ce fut bientôt l'heure se revenir en classe, puis à la maison. Sakura, Naruto et Kiba décidèrent de passer leur après-midi dans le parc mais les autres préférèrent se retirer.
Temari était sur le chemin de chez elle quand un type l'aborda, discrètement.
-Salut Temari.
-Dégages, Deidara. Je t'ai dis que je ne pouvais pas.
Elle le chassa d'un geste de la main, agacée.
-Allez, il me faut de l'argent. Il me le faut, tu comprends ? Alors tu vas me laisser intégrer ta bande. Je l'sais, je l'sais que tu te fais du pognon en organisant des petites casses, des raquettes occasionnels. Les Hell's Angel. Tout ca je suis au courant, je pourrais te dénoncer à la police.
Il haletait à présent. Ses grands yeux cernés de cocaineux en manque la regardait d'un air anxieux.
-Mais tu ne le ferais pas, non Deidara ?Parce que si tu le faisais tu perdrais ta seule chance de te procurer du fric…sans parler de ce que je te ferais subir une fois sortie de prison.
La jeune fille ricana.
-Ca serait très...douloureux. Ecoute, je suis d'accord de t'inclure dans le prochain projet, mais après tu me fous la paix, ok ? Une casse et je ne veux plus jamais entendre parler de toi dans le quartier.
Il leva des yeux reconnaissants sur elle.
-Tu ne le regretteras pas.
Il s'enfuit dans le dédale de rues toutes semblables. Elle poussa un soupir. Malgré ses dix-sept années, elle en avait déjà vu tellement de ces drogués prêt à tout pour avoir leur dope…c'était pitoyable. Elle avait monté son gang moins par appât du gain que pour mettre un peu d'adrénaline dans sa vie. Les Halls Angel. Son groupe. Que des cassés de la vie, des laissés-pour-compte, des récupérés dans le vaste caniveau de l'existence. Il y avait Kiba, quelque autres membres de son petit groupe de motard, Tenten, ses deux frères, Gaara et Kankuro et Shikamaru. Ino et Sakura avaient refusés de faire partie de l'organisation, une parce qu'elle n'avait pas le temps et l'autre parce qu'à l'époque elle sortait avec un mec hyper-protecteur qui refusait même qu'elle se casse un ongle. Depuis ils s'étaient séparés, mais la situation n'avait pas bougée.
Avec un soupir, Temari poussa la porte de chez elle. Elle pouvait déjà entendre les braillements de ses frangins. Décidément, sa place n'était pas auprès de sa famille. D'ailleurs, elle considérait son groupe d'amie plus proche de son cœur que ceux avec qui elle était liée par le sang. C'était une sensation étrange. Sa vraie maison était le parc, là-dehors, entourés de ceux qui comptait vraiment pour elle. C'était peut-être juste l'adolescence. Les deux seuls membres de sa famille qu'elle aimait étaient Kankuro et Gaara. Elle avait toujours été comme une seconde mère pour eux. Une vraie, protectrice et aimante. Pas comme l'ancienne prostituée qui leur servait de génitrice. En ignorant les hurlements de sa fratrie, elle couru s'enfermer dans sa chambre et viser les écouteurs de son ipod sur ses oreilles. Enfin les Red Hot Chili Peppers. Quelle délivrance.
