Petite précision timeline pour la bonne compréhension du texte : le récit se passe dans les événements récents du manga, au moment où Fairy Tail se divise en quatre pour combattre l'Empire. Les révélations sur Natsu et le reste n'ont pas encore eu lieu.


Souffle de l'inconnu

Un bruissement d'effervescence agitait la pesanteur de l'atmosphère, et le murmure des discussions fluctuait au gré de la brise. Pris dans un mécanisme embrasé, Fairy Tail s'agitait de haut en bas, et déversait des flots de mages pressés à travers ses escaliers.

Mirajane remonta précautionneusement la fermeture éclair de son bagage, et jeta un regard autour d'elle. Ses yeux remontèrent les rangées de lits bien alignés, avant de croiser l'azur de sa cadette. Lisana semblait tendue, les jointures contractées sur l'ourlet de sa veste, tapant nerveusement du pied en attendant que sa sœur soit prête les quelques heures de sommeil qu'elle avait prises ne lui avaient vraisemblablement pas suffie.

De son pas léger, l'opaline rejoignit la plus jeune de quelques enjambées fermes. Un simple sourire détendit les sourcils contractés de l'Animal Soul, et ses mains se tranquillisèrent lorsque la tenancière l'enlaça gentiment.

« Tout va bien se passer. »

Lisana souffla discrètement contre l'encolure de sa sœur, et se pelotonna davantage au creux de sa mâchoire. La chaîne de son médaillon lui scindait la joue, mais la douleur lui apportait une certaine douceur rassurante c'était Mirajane, et Mirajane était apaisante.

Lentement, l'aînée se détacha de leur embrassade et passa ses pouces sur les joues rebondies de l'immaculée elle défroissa sa veste lis de vin et mis en place quelques mèches sur son front. Lisana se laissait aller aux agréables caresses de sa sœur, rassérénée par son toucher délicat.

« Tu n'as jamais peur. » Finit-elle par attester.

Mirajane esquissa un sourire doux et s'apprêtait à lui répondre quand on les interrompît.

« On va pas tarder à partir. » Déclara Luxus dans l'encadrement de la porte. « Il faut descendre. »

L'aînée leva la tête pour le fixer, avant d'opiner lentement.

« Descend Lisana, je veux passer un coup de balais avant de vous rejoindre. » Déclara la tenancière.

Sa jeune sœur fit la moue face à ce perfectionnisme maladif, soupira, puis se dirigea vers le dragon slayer de foudre. L'homme s'effaça pour la laisser passer, sans toutefois quitter l'ondulée du regard le blé de ses yeux glissait sur la pénombre ambiante, et s'accrochait à l'impassible – sa gestuelle lui semblait sans teinte, sans émotion, travaillée à la perfection.

Attiré par une curiosité un peu malsaine, et un désir viscéral de la voir flancher, l'homme s'appuya sur l'embrasure de la porte. Mirajane, en sentant une présence ébranler son échine, cessa un instant son ménage pour caresser son coéquipier d'une œillade douce. Un sourire mutin incurva l'extrémité de ses lèvres, et elle se redressa.

« Oui, Luxus ? »

L'interlocuteur fit un pas vers elle, peu certain de ce qui l'amenait à rester.

« Tu n'as jamais peur. »

La phrase sonnait presque comme une interrogation, et le sourire s'affaissa un instant, avant de se reprendre, grand, fort et rayonnant. L'opaline le fixa, sans autre réponse que la physionomie crispée par l'inattendu de sa déclaration. Un embrouillamini de sentiments gonflait dans un raz-de-marée bouillonnant, la sincérité s'associait au factice et l'orgueil coulait à pic dans un amas de contradictions.

Elle tangua une seconde de plus, puis ses commissures retombèrent définitivement.

« J'ai peur. Affreusement peur. » Déclara-t-elle penaude, les yeux agrippés au plancher.

Les jointures blanchis autour du bois, elle n'osait relever la tête de peur de trouver un masque d'arrogance, si bien confectionné qu'il en humidifierait ses paupières. La jeune femme avait une fierté hésitante, qui allait et venait avec nonchalance et emportait avec elle comportements étranges sur incohérences. Ainsi, elle se faisait fébrile à l'idée d'une moquerie désabusée, ou d'un regard outrecuidant.

Cependant, rien ne vint, et l'appréhension allait en se renforçant. Au bout d'une infinité, les bottes sombres se détournèrent lentement, et le claquement sinistre de quelques pas résonna dans l'infirmerie.

Le cœur de la jeune femme fit un bond déraisonné, et elle lâcha promptement son balai pour saisir le poignet de l'homme.

« Attends Luxus… » Souffla-t-elle.

Les mots se bousculaient à la sortie de ses lèvres, mais aucun ne portait la pertinence qu'elle voulait y mettre. Déstabilisée par la poigne féroce avec laquelle elle saisissait son partenaire, les phrases se troublaient dans son esprit, et d'un murmure salutaire, elle dit simplement :

« Ne meurs pas. »

Ses paumes tremblaient, et la peur tailladait son estomac ; elle n'avait qu'une requête, et c'était la seule vraiment importante.

Luxus se retourna subitement en dénouant ses doigts d'un geste vif. Sa poigne de fer saisit les épaules de l'ondulée, et l'or de ses prunelles plongea jusqu'à la conscience de la jeune femme. Il sembla y fouiller son âme tant ses pupilles étaient intenses et ses yeux curieux, mais s'arrêta à la seule contemplation de l'océan qui s'étendait face à lui.

« Je ne vais pas mourir. Et toi non plus. »

Gonflé d'une volonté nouvelle, il se fit brusque, et l'embrassa.

Il s'agissait là d'une poussée désespérée pour écraser la peur et l'inquiétude ; plus que la recherche d'affection, ce baiser était un échange salutaire.

Mirajane en devenait tétanisée de surprise, mais se laissait aller à la fureur de l'étreinte. L'homme était crispé autour des épaules de la démone, et martyrisait le grenat de son embouchure. Sa bouche, impétueuse, devenait brutale, et ses intentions s'échappaient, en accord avec son contrôle.

Lèvres contre lèvres, ils se sentaient fuir, fondre, s'embrasser, dans une confusion formidable. Les idées grivoises, les gestes inarrêtables, tout s'envolait en soupirs aériens ; il n'y avait plus de peur, plus de mot, plus de dessein, juste l'échange passionné d'un souhait brûlant.

Celui de vivre.

Leurs membres fébriles s'agrippaient à l'autre, et griffaient, blessaient, marquaient leurs peaux des inquiétudes réfrénées. Par d'étranges mouvements, ils faisaient ressortir l'anxiété de la bataille, et libéraient des flots de sentiments sur leurs corps enchevêtrés. Ce n'était peut-être qu'un baiser, mais c'était aussi une façon de libérer la montée confuse de l'effroi.

Il y aurait des morts, ils le savaient, et ils craignaient que la Faucheuse les touche directement — ou pire, touche un de leurs proches. Cependant, sous ses caresses violentes, sous les attaques répétitives de leurs bouches carmines, sous la pression passionnée de désirs refoulés, ils se libéraient de l'appréhension, et parvenaient à respirer.

Leurs souffles étaient encore saccadés, et les baisers ne finissaient pas. Mirajane enroulait ses mains autour du cou de son amant et serrait, fort, pour se coller davantage à lui, pour trouver un réconfort, quelque chose qui apaiserait les battements affolés et craintifs de son cœur, lâchement tapi entre ses côtes. Luxus se présentait comme une bouée de sauvetage, un flotteur où elle pouvait s'accrocher afin de ne pas sombrer. Sa présence était douloureusement temporaire, mais celle-ci avait un pouvoir incomparable : il la soulageait de tout, et lui permettait d'affronter ses craintes sans flancher.

Il y aurait des morts, mais que ce soit elle ou lui, peu importe. Ils se relèveraient une centaine de fois, et plus s'il le faudrait. Ce n'était pas eux qui étaient pris en compte, mais toute la guilde, tout le royaume. Il n'y avait pas de raison à la peur ; ils allaient se battre envers et contre tout. Et mourir, s'il en était ainsi.

Ils n'avaient plus peur. Ils allaient se battre.

Luxus se décolla légèrement de l'opaline en plaçant un index sur son menton. La jeune femme relâcha son encolure avec un trait d'hésitation, avant de se reculer d'un pas.

Ses inspirations irrégulières cognaient contre le buste du dragon, et l'atmosphère retrouvait une dimension stable et palpable. Sans oser se regarder dans les yeux, ils restaient face à face, muets et fébriles.

« On doit y aller. » Finit par lâcher Luxus.

La démone opina sans piper mot. Statiques, aucun n'osait se diriger vers la sortie. L'homme finit par pousser un soupir embêté avant de faire volte-face. Il s'arrêta sur le pas de la porte et prononça simplement :

« Ne meurs pas Mirajane. »

Et il s'éclipsa.

La jeune femme serra ses mains sur le médaillon azur qui s'enroulait autour de son cou et s'effondra sur un lit à proximité. Tout se mélangeait, et le raz-de-marée de sensations qui l'étreignait léchait les berges de sa conscience. Plongée dans une confusion inhabituelle, l'opaline peinait à donner sens à ce qui venait de se passer. Cependant, une certitude nouvelle perçait en elle : elle allait se battre, affronter le danger, vaincre, et revenir en vie. Il en ferrait de même, elle en était assurée.

Elle n'avait plus peur.