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I : LA GOUTTE D'EAU QUI FIT DEBORDER LE CHAUDRON
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Perché au sommet d'une colline couverte de bruyère et d'ajonc, Shiveringstone Hamlet surplombait les vastes landes du Yorkshire. C'était un village minuscule, constitué d'une douzaine de maisons aux murs de pierres brunes et aux toits de tuiles écarlates qui s'entassaient autour d'une grande place pavée.
Abigaël Cornfoot vivait au dernier étage d'une de ces demeures, sous les combles, et bénéficiait donc ordinairement d'une vue privilégiée sur les vastes étendues pourpre et or qui s'étendaient au pied du hameau. Malheureusement, un brouillard persistant avait englouti le pays plus d'un an auparavant et l'imprenable panorama avait été noyé sous un épais rideau de brume. Les magnifiques champs de bruyère avaient disparu et le soleil, livide, peinait à s'imposer.
« Quel temps de Sinistros. »
Debout derrière sa fenêtre, Abigaël observait le paysage d'un œil morne. Elle passa le doigt sur sa vitre et constata qu'une fine couche de condensation s'y était déposée, voilant encore plus l'horizon. D'un geste sec la sorcière essuya le verre du plat de la main, faisant disparaître la buée. Puis elle plissa les yeux, tentant désespérément de percer l'impénétrable brouillard et d'apercevoir les belles floraisons d'été.
Ce qu'elle aperçut la glaça d'effroi.
Au loin une forme décharnée se mouvait dans la brume. L'apparition flottait dans les airs, se balançant lentement de droite à gauche comme un pantin désarticulé.
La sorcière, pétrifiée, retint son souffle. Le corps parcouru de sueurs froides et le visage aussi pâle que la craie, elle se cramponna au rebord de sa fenêtre tandis qu'un désagréable frisson parcourait sa colonne vertébrale. Hagarde, comme hypnotisée, elle suivait des yeux l'apparition qui continuait à avancer dans l'épais brouillard.
Finalement, la silhouette se détacha plus distinctement dans le ciel et Abigaël l'observa un moment avec stupeur avant d'éclater d'un rire nerveux.
« Un hibou ! Quelle idiote je fais », souffla-t-elle, soulagée.
Pendant quelques instants, elle avait cru apercevoir un Détraqueur.
Se ressaisissant elle fit glisser le battant de la fenêtre. L'humidité et la fraîcheur de l'air la surprirent, il faisait inhabituellement froid pour un premier août. Frissonnante, elle tendit la main vers le rapace et récupéra l'exemplaire de La Gazette du sorcier qu'il tenait entre ses serres. Abigaël referma immédiatement sa fenêtre, puis jeta un coup d'œil désintéressé sur la Une du quotidien. La photo du ministre de la Magie, Rufus Scrimgeour, occupait un quart de la page. Le sorcier y arborait un visage implacable.
Le ministère prend des mesures drastiques contre les contrefaçons d'objets ensorcelés
Ces derniers mois, une forte augmentation des ventes de contrefaçons d'objets ensorcelés a été observée dans tout le Royaume-Uni. Profitant du climat de terreur qui s'est installé après le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, quelques sorciers peu scrupuleux ont fabriqué en grand nombre des reproductions, souvent déficientes, parfois dangereuses, d'objets censés assurer la protection de leur propriétaire. « Les Scrutoscopes sont les plus concernés, nous révèle un employé du Département des accidents et catastrophes magiques. Nous venons de confisquer une centaine de faux modèles prêts à être commercialisés. Les études ayant été effectuées ultérieurement sur ces objets ont confirmé un défaut de fabrication qui aurait pu provoquer de sérieux incidents. Et bien entendu, aucun de ces Scrutoscopes n'auraient pu vous prévenir du danger, même si Vous-Savez-Qui se trouvait dans la pièce d'à côté. » Ces inquiétantes révélations ne concernent pas uniquement les contrefaçons. Ces derniers mois, de nombreuses inventions ont été lancées sur le marché sans obtenir l'aval du ministère. « J'ai fait l'acquisition d'un piège à Mangemort, nous avoue-t-elle. En me le vendant, le fabricant m'a assuré que seuls les détenteurs de la Marque des Ténèbres y seraient sensibles. » Le piège, une poignée de porte d'entrée ensorcelée, paralyse ceux qui ont le malheur d'y toucher. La victime, qui vit seule, est ainsi restée pétrifiée durant plus de deux jours avant d'être découverte par un proche qui s'inquiétait de ne plus avoir de nouvelles. Face à la multiplication d'incidents de ce type, le ministère de la Magie a promis de renforcer les contrôles en employant une demi-douzaine de sorciers supplémentaires dans la brigade magique. Ces employés auront pour priorité le dépistage des circuits de contrefaçons et le contrôle des boutiques. Monsieur Scrimgeour a également promis de punir les responsables avec la plus grande fermeté. « Nous ne pouvons pas tolérer de tels agissements, a-t-il déclaré. Profiter de la peur engendrée par le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom pour vendre des produits déficients est inexcusable et chaque personne impliquée sera lourdement sanctionnée. » Si la fermeté du ministre et les moyens mis en œuvre pour arrêter les coupables font la joie de beaucoup, certaines voix s'élèvent également pour critiquer ce choix. « Plutôt que de rechercher quelques trafiquants minables, Scrimgeour devrait concentrer ses efforts sur Vous-Savez-Qui, s'énerve un sorcier du ministère. D'ailleurs, ce problème de contrefaçon ne se résoudra-t-il pas lorsque la communauté magique sera enfin en sécurité ? » Le ministre n'a pas encore répondu à ses détracteurs. Il a terminé son discours en recommandant aux sorciers de se fier aux prospectus du ministère qui répertorient les mesures de protection les plus efficaces. Quant aux objets magiques tels que les Scrutoscopes, une liste des magasins agréés par le ministère vient d'être publiée. Elle recense les boutiques dans lesquelles les acheteurs sont certains de ne trouver que des produits de qualité.
La victime d'un de ces nouveaux produits témoigne sous couvert d'anonymat.
« Vous-Savez-Qui, encore et toujours Vous-Savez-Qui ! »
Nauséeuse et agacée, Abigaël jeta le journal sur sa table de chevet. Jusqu'ici, elle avait fait mine d'ignorer la guerre qui faisait rage dans l'ombre mais cela devenait de plus en plus compliqué de faire abstraction des troubles qui secouaient le pays. La sorcière expira longuement. Elle pouvait résilier son abonnement à La Gazette du sorcier mais comment pouvait-elle fermer les yeux sur le brouillard surnaturel qui avait englouti le pays ? Comment pouvait-elle ignorer les Détraqueurs qui s'approchaient parfois du village ? Elle aurait aimé fermer les yeux sur cette guerre dans laquelle elle ne souhaitait pas s'impliquer mais c'était devenu impossible. Le conflit se manifestait partout, même dans les landes du Yorkshire.
Se couper du monde n'était pourtant pas très difficile lorsqu'on vivait à Shiveringstone Hamlet. Le hameau était l'un des villages sorciers les plus isolés de Grande-Bretagne et la plupart des demeures qui se tassaient sur les hauteurs de la région étaient des maisons de vacances rarement occupées. De temps en temps, leurs propriétaires venaient y passer quelques jours d'été pour profiter du calme et de la beauté de la région mais cette année le brouillard sinistre et persistant qui noyait le pays avait dissuadé quiconque de se rendre dans les landes. Abigaël comprenait qu'on puisse bouder la région dans ces conditions. Le paysage qu'elle apercevait à travers sa vitre était tout à fait lugubre.
Alors qu'elle sombrait dans une morne léthargie, les yeux plongés dans le brouillard, une voix stridente accompagnée de coups secs s'élevèrent de l'autre côté de la porte son appartement.
« Miss Cornfoot ? Vous avez vu l'heure ? Vous allez être en retard ! »
Abigaël se détourna de la fenêtre et lorgna le cadran de son horloge.
« Nom d'une chouette déplumée ! J'arrive madame Ayton ! »
La sorcière se précipita dans sa salle de bains et observa son reflet d'un œil affolé. De larges cernes noirs soulignaient ses yeux gris et ses boucles rousses s'éparpillaient sans grâce autour de son visage.
« Merlin. Je suis insortable », grogna-t-elle, de mauvaise humeur.
Affublée d'une imposante chevelure rousse depuis sa naissance, Abigaël avait tout essayé pour discipliner son indomptable crinière. Malheureusement, ni les potions hors de prix ni les sortilèges conseillés par Sorcière-Hebdo n'en avait eu raison.
Sans conviction, la sorcière saisit une brosse et tenta d'aplatir sa terrible chevelure mais celle-ci prit encore plus de volume, au plus grand désespoir de sa propriétaire.
« Peu importe, songea Abigaël avec une moue dépitée. J'ai d'autres Fléreurs à fouetter. »
Abandonnant d'idée d'être présentable, Abigaël réajusta ses lunettes, enfila une robe de sorcier élimée et se précipita hors de son appartement. Son palier donnait directement sur une volée de marches en bois. Sans perdre une seconde, elle s'engouffra dans l'étroite cage d'escalier et descendit les marches d'un pas rapide, sans se soucier des craquements sourds qu'elle provoquait sur son passage.
Elle dévala les deux étages de la maison et déboula dans une vaste salle à manger. Félicia Ayton, la propriétaire des lieux, l'attendait derrière un comptoir, le nez plongé dans un magazine pour sorcières.
« Ça ne vous ressemble pas de vous lever aussi tard miss Cornfoot », remarqua-t-elle sans lever les yeux.
Félicia était une sorcière d'une cinquantaine d'années, grande et mince, au teint jaunâtre. Ses cheveux noirs permanentés étaient striés de mèches grisâtres et ses yeux marron et inquisiteurs n'avaient pas leur pareille pour mettre les gens mal à l'aise. Elle tenait sa pension pour sorciers d'une main de maître et fournissait à ses clients le logis et trois repas par jour pour un prix imbattable de cinquante-deux Gallions mensuels.
Abigaël habitait cette pension depuis qu'elle avait quitté Poudlard, vingt ans auparavant. Au début, le mobilier vétuste, la décoration vieillotte et les tapisseries démodées l'avaient rebutée mais elle avait dû en prendre son parti : Félicia ne tolérait pas la moindre remarque sur ses goûts, pourtant discutables, en matière d'aménagement.
« Je me suis levée à l'heure mais je n'ai pas vu le temps passer », grommela Abigaël en s'installant à table.
Félicia la couva d'un œil maternel et saisit sa baguette pour faire léviter un verre de jus de citrouille et une assiette couverte de toasts et d'œufs brouillés en direction de sa pensionnaire.
« Faites attention, je ne peux pas venir vous tirer du lit chaque matin », lui dit-elle d'un ton faussement désapprobateur.
Abigaël saisit l'assiette et l'entama sans relever la remarque mais un léger froncement de sourcils trahit son agacement. La façon qu'avait Félicia de la traiter comme une enfant lui hérissait le poil. À presque trente-sept ans elle avait passé l'âge de se faire réprimander à tout bout de champ.
Au début, elle avait bien tenté d'en discuter avec son hôte, mais elle avait vite compris une chose : on n'avait jamais le dernier mot avec Félicia Ayton. Elle avait donc choisi de ne plus relever les nombreuses allusions de la sorcière. Elle n'aimait pas les conflits ouverts et préférait se venger de façon plus subtile, en renversant accidentellement une tasse ou en faisant du bruit dans les escaliers par exemple.
« Au fait, que pensez-vous de ma nouvelle acquisition ? » s'enquit la propriétaire des lieux d'une voix enjouée. Elle n'avait pas remarqué la contrariété de sa locataire et babillait gaiement.
Sans entrain, Abigaël leva les yeux de son assiette et chercha du regard la « nouvelle acquisition ». Elle remarqua presque aussitôt le tableau de taille respectable qui avait pris place sur un mur de la pièce.
« Un membre de votre famille ? » demanda-t-elle sans manifester d'enthousiasme.
Sur la toile, un homme d'une soixantaine d'années au visage sévère la toisait d'un œil redoutable. Ses sourcils frémissaient et sa bouche formait un pli sévère.
« Ne soyez pas ridicule, gloussa Félicia. Il s'agit d'Hercule Hamer, chef du Bureau des Aurors de 1756 à 1798. Un autre tableau se trouve au ministère et si nous nous faisons attaquer par des Mangemorts, Hercule pourra prévenir les Aurors ! »
Sceptique, Abigaël fronça les sourcils. L'article qu'elle venait de lire lui était revenu en mémoire et elle lorgna le prétendu Hercule Hamer avec une méfiance affichée. À côté d'elle Félicia exultait, fière comme un paon et Abigaël soupira. Il était inutile de lui faire part de ses soupçons, elle ne la croirait probablement pas. Renonçant à briser l'entrain de son hôte, elle repoussa son assiette vide et marmonna :
« Je dois y aller, Basile déteste les retardataires.
- Et ce vieux renard serait capable de retenir la moindre minute perdue sur votre salaire », acquiesça Félicia en lui faisant signe de partir.
Abigaël traversa la pièce et poussa le battant de la porte d'entrée. Aussitôt, une bouffée d'air humide la submergea. La sorcière regretta de ne pas avoir pensé à prendre sa cape, il faisait vraiment frais pour un premier août.
Elle soupira et s'engagea sur la place du village d'un pas rapide, longea l'imposante statue de granit qui trônait au centre du hameau sans lui jeter un regard et se retrouva bientôt devant son lieu de travail. Une enseigne rongée par les vers surplombait la vitrine sombre d'une boutique. Sur le bois grisâtre quelques mots de peinture verte indiquaient le nom de l'endroit :
Magasin d'apothicaire Fergesson
Abigaël posa la main sur le battant de la porte qui tourna sur ses gongs en grinçant sinistrement. Une clochette tinta et la sorcière s'engouffra dans la boutique.
« Basile ? Vous êtes là ? »
Un vieux poste de radio égrenait quelques notes de musique et une bonne dose de grésillements. Contrariée, Abigaël reconnut le dernier morceau de Rock'n troll, un groupe célèbre. D'un coup de baguette magique, elle éteignit le transistor : la chanteuse principale, Opale Bristympan était plus connue pour son extravagante chevelure verte que pour ses performances vocales.
« Vous êtes en retard Abigaël ! »
La sorcière tressaillit, surprise, et se dirigea vers le fond de la pièce. Un vieil homme se prélassait dans une antique chaise à bascule, un exemplaire de La Gazette du sorcier entre les mains.
« J'ai une minute d'avance, répondit calmement la sorcière, désignant du menton l'horloge monumentale qui encombrait l'un des coins de la pièce.
- Un bon employé arrive toujours cinq minutes avant l'heure », répliqua Basile Fergesson.
Abigaël se renfrogna, irritée. D'abord Félicia, maintenant son patron. Ils s'étaient tous donné le mot pour la contrarier.
Basile quant à lui la regardait fulminer avec malice. Ce vieil homme de plus de quatre-vingts ans, au crâne chauve et à la moustache spectaculaire aimait taquiner son employée. Il s'y employait toujours avec délice, accueillant d'un sourire espiègle les œillades meurtrières d'Abigaël.
Les deux sorciers travaillaient ensemble depuis près de vingt ans et passaient encore la plupart de leur temps à se chamailler comme des enfants. Abigaël avait conscience de se faire mener par le bout du nez mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Chaque pique de son patron la faisait immédiatement sortir de ses gonds.
« Je vais dépoussiérer les fioles et les bocaux », marmonna-t-elle en se glissant entre deux étagères.
Un plumeau à la main, elle se mit à frotter la verrerie avec rage, soulevant le plus de poussière possible et c'est avec satisfaction qu'elle entendit Basile éternuer et jurer derrière elle.
« Saperlipopette ! Vous voulez me tuer ? » hoqueta-t-il, furieux.
Il balaya le nuage de poussière de la main et la fusilla du regard. Le cœur léger, Abigaël se remit à la tâche avec ardeur mais cette fois-ci, l'octogénaire ne se laissa pas faire. Il repoussa la poussière d'un coup de baguette magique avant de narguer son employée d'un œil triomphant. Celle-ci l'ignora et plusieurs minutes s'écoulèrent dans un silence pesant.
« Vous ne devinerez jamais ce que ces crétins de l'Association de Protection des Créatures Magiques ont encore inventé », s'exclama soudain Basile.
Abigaël cessa d'astiquer la verrerie et se tourna vers l'octogénaire. Le vieil homme détestait les membres de l'APCM et se plaignait régulièrement de leurs exigences excentriques.
« Je vous lis l'article, il vaut le détour », annonça Basile en hochant la tête d'un air consterné.
L'APCM frappe encore
Les membres de l'Association de Protection des Créatures Magiques n'avaient plus fait parler d'eux depuis quelques mois mais ils viennent d'effectuer un retour fracassant sur le devant de la scène. Hier, les meneurs de l'organisation ont déposé une proposition de loi auprès du Magenmagot afin de faire interdire les pièges à gnomes qu'ils qualifient d'inhumains. « Les gnomes sont bénéfiques à tout point de vue, affirme l'un des chefs de l'association. Cette croisade abominable qui s'est organisée ces dernières décennies doit cesser. » Faisant fi de la situation actuelle, l'APCM insiste pour que la protection des créatures ne soit pas laissée de côté. « Le retour de Celui-Dont-On-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est bien entendu une source de préoccupation importante, reconnaît le leader du groupe, mais il n'excuse pas le manque d'intérêt des autorités pour la condition des créatures. Beaucoup de sorciers se sont insurgés contre ces propos, jugeant ridicule et indécente cette revendication de l'association. « Comment peut-on demander au Magenmagot, qui est débordé, de se pencher sur un problème aussi insignifiant ? Et comment peut-on juger qu'un piège à gnome devrait être considéré avec la même attention que le retour de Celui-Dont-On-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ? » s'indigne un sorcier ayant assisté au discours de l'APCM. L'association, déjà peu appréciée du grand public, subit même les reproches de Gribitte Darbot, une fervente protectrice des créatures magiques. « Ce n'est pas en jetant du jus de Burlop sur les sorciers qui portent de la fourrure de Fléreur ni en multipliant les provocations qu'ils arriveront à quoi que ce soit, regrette l'ancienne chanteuse. J'appelle l'APCM à plus de retenue. La sensibilisation de la communauté magique à la cause des créatures magiques est importante, mais ce comportement nuit gravement à nos idéaux. » Le Magenmagot n'a pas encore fait le moindre commentaire quant au projet de loi qui lui est soumis et nul ne sait s'il sera examiné prochainement mais tous s'accordent à dire qu'il n'est pas une priorité.
« Vous-Savez-Qui est de retour mais ces imbéciles nous bassinent avec leurs revendications ridicules. C'est sur eux qu'on devrait utiliser ces maudits pièges à gnomes », conclut Basile avec un reniflement méprisant.
Le vieil homme jeta le journal sur son bureau et s'extirpa du fauteuil avec peine. Il claudiqua en direction d'une armoire et fouilla dedans avant d'en extraire un colis soigneusement emballé. Il se tourna vers Abigaël et le lui tendit.
« Trêve de bavardages, Barbara a commandé quelques ingrédients et souhaite qu'ils soient livrés à son domicile. »
La sorcière fit une grimace en récupérant le paquet. La cliente habitait une chaumière isolée, légèrement à l'écart du village et Abigaël n'était pas enchantée à l'idée de s'enfoncer dans le brouillard opaque qui s'étalait sur les landes.
Toutefois, elle aurait préféré s'arracher les yeux plutôt que de laisser Basile se moquer de sa poltronnerie.
« J'y vais tout de suite, dit-elle, le visage stoïque, avant de se diriger vers la sortie.
- Encore une chose Abigaël ! » l'interpella Basile.
La sorcière se retourna, une moue agacée sur le visage.
« Profitez-en pour vous passer un coup de peigne, vous ressemblez à une harpie ! »
