Ca y est, la nuit était tombée. Et je n'étais toujours pas rentrée chez moi.
Je devais bien avouer que mon sens de l'orientation n'avait jamais été très probant et que j'aurais sûrement du faire plus attention au chemin que j'avais emprunté durant ma fuite.
Quelle piètre fugueuse je faisais ! Je n'étais partie de chez moi que le matin même et déjà les remords m'assaillaient.
Il faut dire que mon départ n'était du qu'à un coup de tête suite à une énième prise de bec avec ma bien aimée génitrice et le fait de me retrouver seule dans les rues à cette heure ci avait le don de me remettre les idées en place.
Parce que voila, je devais bien l'avouer, je mourrais de peur. J'étais âgée de seulement 13ans et de toute mon existence je n'avais jamais été seule.
Voyez vous, je présente une certaine « particularité » depuis quelques années déjà, et étant donné que j'éprouve le plus grand mal à contrôler cette dernière ma mère s'est escrimée depuis toujours à me suivre en permanence afin de s'assurer que personne ne puisse un jour se douter que j'était douée d'une pareille aptitude .
Autant vous dire que cette opération avait finalement été réduite à l'état d'échec cuisant, étant donné que tout le voisinage me prenait au mieux pour une attardée mentale et au pire pour une dangereuse psychopathe. Bon après tout je les comprenais, qui n'aurais pas été dérangé de constater qu'une petite fille d'apparence si ordinaire semblait pouvoir répondre à leurs questions de façon anticipée, alors même quelles n'étaient chez eux qu'au stade de la pensée ? Ma mère avait fini par conclure que je devais être une sorte de médium, ou peut être un jeune fille simplement douée d'empathie et capable grâce à cela d'interpréter l'état d'esprit des gens. Quoi qu'il en soit, cette part de moi l'horrifiait et c'était la raison pour laquelle elle me cachait le plus possible du reste du monde. Elle ne me le disait pas mais j'avais également saisi au fil de ses pensées à quel point elle avait honte d'avoir donnée naissance à une telle dégénérescence de la nature.
Cela avait d'ailleurs été la cause de notre dispute, et donc celle de ma fugue.
Vous savez, ma particularité me fait capter les fréquences des esprits des gens comme si je me basais sur des fréquences radio. Mais contrairement à une radio je ne peux jamais couper le contact. Mon esprit reste en permanence assailli par les pensées des autres, et à plus fortes raisons celles de ma mère.
Comme je sais que ça la met mal à l'aise, la plus part du temps je me forçe à ne rien laisser transparaître. Mais ce matin, encore engourdie de sommeil je n'ai pas fait attention et ai réagi sur une question qu'elle se posait en son fort intérieur.
-Melina ! Avait elle hurlé. Tu sais très bien que je déteste quand tu fais ça !
J'avais eu beau m'excuser platement, la machine à vociférations s'était mise en route. Excédée, et pour couper court au conflit je m'était précipitée hors de l'appartement, sans prendre le soin d'emporter aucunes affaires. Elle n'avait pas cherché à me retenir.
J'avais pour ma part marché d'un pas furibond dans les rues, sans prêter attention où j'allais. Les pensées des passants s'entrechoquaient dans mon esprit et je m'efforçais au maximum de ne pas y prêter attention.
Au bout de quelques heures mes pieds s'étaient mis à me faire mal, j'avais alors cherché une ruelle isolée du reste des mortels afin de pouvoir me reposer tranquillement sans être perturbée par leurs pensées.
J'y était finalement restée toute la journée et alors que je me décidais finalement à rentrer chez moi, j'avais du me rendre à l'évidence, j'était tout bonnement perdue.
Je me suis mise à marcher calmement, en tentant de me rappeler par où j'avais bien pu venir. L'horloge fixée à la devanture d'une pharmacie non loin de là m'indiquait qu'il était 11heure et quart. Une heure bien trop tardive pour une ballade improvisée dans les rues quand on a que 13ans si vous voulez mon avis…
Cependant je devais me rendre à l'évidence : j'était absolument incapable de rentrer chez moi par mes propres moyens. Je dus donc me résoudre à demander mon chemin à quelqu'un… Et je devais être particulièrement malchanceuse car les rues étaient complètement vides à cette heure-ci.
Alors, tout doucement, j'ai fait le vide dans mon esprit, tout en tentant pour une fois, de rechercher les échos d'autres cerveaux humains qui se trouvaient dans les alentours. Bingo ! Je venais de capter plusieurs fréquences non loin de là. Je me suis donc dirigée vers ses dernières. Cela ma mené à la terrasse d'un petit bar, plutôt glauque avec son néon rouge qui indiquait « Le Redmonster Pub », mais je n'était pas en mesure de faire la difficile.
Les clients de l'établissement, une bande de motards plutôt bruyante et un groupe de femmes à la mine patibulaire, ne m'avaient pas remarqués pour l'instant. Je me suis dirigée vers une femme d'un age intermédiaire, maquillée comme un camion volé, et lui ai demandé mon chemin d'une toute petite voix.
Elle s'est tout d'abord renfrognée, en gardant le silence. J'ai capté dans son esprit qu'elle était étonnée de voir une gamine dans un coin aussi mal famé de Cleveland qui plus est à une heure aussi tardive, elle à ensuite pensé que ma présence à ses coté risquait de laisser croire aux autres quelle était ma mère et que cela allais ruiner ses chances d'emballer le beau brun à la longue crinière qui lui faisait des clins d'oeils depuis le début de la soirée. Elle a alors craché un « -Casse toi morveuse ! » tout en me repoussant vers la rue d'un geste sec.
Tandis que j'allais à nouveau tenter une approche, je me suis soudain sentie soulevée de terre. Un des motards m'avais saisie par la taille. Alors que je commençait à paniquer il ma porté face à son visage et ma demandé d'un ton faussement sympathique :
-Et bien ma petite chérie, on s'est perdue ?
Son haleine était chargée d'alcool et il sentait la sueur. J'ai également capté dans ce qui lui servait de cerveau qu'il avait une certaine tendance à apprécier les très jeunes filles. Cédant à la panique je commençais à me débattre et à hurler quand il a plaqué une main de fer contre ma bouche pour m'obliger au silence. Puis il s'est retourné vers ses compagnons en leur expliquant qu'il allait me raccompagner chez moi. La façon dont il avait insisté sur le mot « raccompagner » laissait bien présager de ses intentions réelles mais les autres membres du groupe n'eurent pas l'air de s'en formaliser particulièrement, au contraire, leurs pensées lubriques me vrillaient la tête. J'ai tourné un regard affolé vers le groupe de femmes mais aucunes ne semblaient encline à prendre le risque de me venir en aide.
Alors que je cédait au désespoir et que des larmes commençaient à me piquer les yeux, une voix glaciale a soudain retenti.
-Je pense qu'il serait plus sage de votre part de la laisser en paix.
Le ton était poli mais la menace implicite que contenaient ces mots était à peine voilée.
Mon « ravisseur » s'est précipitamment retourné pour contempler quel était l'imprudent qui avait osé proférer une telle remarque.
-Qu'est ce que t'a, gamin ? Lui a-t-il demandé d'un ton rageur.
Je pus lire son soulagement dans son esprit. En effet, le jeune homme qui lui faisait face n'avait absolument rien de menaçant. Il semblait être âgé d'une vingtaine d'années tout au plus, ses cheveux châtains clair étaient coupés court et ses yeux étaient marrons aux reflets dorés ce qui allais plutôt bien avec la pâleur extrême de son teins. Ses habits de lins blancs laissaient entrevoir une musculature fine et sa taille n'excédait pas un mètre soixante dix sept.
Il avait l'air robuste certes, mais même une jeune fille de 13ans comme moi pouvais comprendre qu'il ne ferait pas le poids face à la masse de muscle qui me tenait actuellement sous le bras.
Cependant il y avait chez lui quelque chose d'étrange. Au-delà de l'exceptionnelle gravité qui habitait ses traits pour quelqu'un de son age, grâce à mon 'talent' je pouvais sentir qu'il était différent… Justement parce que je ne sentais rien ! Il n'émanait aucun signal cérébral de cet individu. Et pour moi cela ne signifiait qu'une chose : il était anormal, donc, particulièrement dangereux.
Mais bien évidemment mon ravisseur n'avait pas pu sentir cela…
-Viens par ici que je t'éclate ta gueule d'ange. A-t-il vociféré en faisant un geste de la main au jeune homme pour l'inciter à venir près de lui.
Contre toute attente, et devant tous le reste du groupe assis à la terrasse qui regardait la scène d'un air ébahi, mon sauveur s'est avancé vers lui. Choqué par son aplomb, le motard s'est exclamé :
-Tu signes ton arrêt de mort gamin !
Cette grosse brute a alors préparé un coup de poing, bien décidé à mettre sa menace à exécution… Alors que je m'attendais à tout moment à voir mon mystérieux sauveur se faire casser le nez sous mes yeux impuissants, le motard a soudain interrompu son geste.
Il fixait le jeune homme dans les yeux de façon intense, comme s'il était incapable de détourner le regard.
-Ca suffit. A calmement asséné mon sauveur de sa voix grave. Tu va la reposer par terre, puis tu va aller te rassoire bien gentiment au bar avec tes amis. D'accord ?
L'homme semblait bercé par les intonations suaves de sa voix de ténor. Il a hoché la tête et s'est contenté de marmonner un « d'accord » étouffé. Puis il s'est lentement dirigé à la table de ses camarades qui le regardaient d'un air médusé. A la façon dont il se mouvait on aurait pu croire voir un zombie. C'était vraiment étrange !
Je n'ai pas eu le temps de plus m'appesantir sur le sujet car un instant plus tard j'ai senti une main fraîche et ferme saisir la mienne et m'entraîner plus loin dans la rue avec autorité. Une fois qu'il a jugé que nous nous étions assez éloigné du bar, mon sauveur s'est retourné vers moi et m'a demandé mon adresse. Il est reparti de plus belle une fois que je lui ai répondu, mais il n'a pas lâché ma main. Nous avons fais le trajet en silence, il ma paru beaucoup plus court que le matin même. Sûrement parce que je savourais avec délice la présence du jeune homme sans être perturbée par aucunes pensées parasites.
Enfin, bien trop tôt à mon goût, nous sommes arrivés devant le 12 Magnolia's street où j'avais ma résidence. Débordante de reconnaissance je me suis alors retournée vers mon « ange gardien » pour le remercier.
-C'était un plaisir. M'a-t-il répondu de sa voix grave. Mais s'il te plait fais plus attention à l'avenir, à cette heure-ci les rue regorgent de créatures bien plus dangereuses pour une petite fille que quelques motards avinés.
Même si je n'ai pas bien saisi sur le coup à quel genre de personnes il faisait référence j'ai décidé de passer outre et de lui demander quel était son nom avant qu'il ne s'éclipse. Après m'avoir une dernière fois scrutée de son regard profond, il a précisé :
-Godric.
Puis il a fait demi tour et s'est enfoncé dans la nuit.
…
Je fus réveillée par le hurlement persistant de mon téléphone portable.
C'était un fait assez rare pour être remarqué étant donné qu'en général personne ne m'appelait. Encore dans le cirage mais néanmoins piquée au vif je me suis empressée de décrocher.
-Melina Parker au téléphone. Ais-je annôné.
-Bonjour Melina, c'est Sam Merlotte, je viens de recevoir votre lettre de candidature au poste de serveuse dans mon établissement et je dois vous avouer que cette dernière m'intéresse beaucoup. Quand seriez vous prêtes à faire un essai ?
Oulala il me prenait de cour ! J'étais arrivée dans la petite bourgade de Bon Temps il y a à peine une semaine, bien décidée à m'y installer pour une longue période. J'avais alors entrepris de trouver un job et envoyé des CV un peu partout. Ce type devait vraiment être en manque de serveuses pour m'avoir contactée aussi vite !
J'ai rapidement consulté mon emploi du temps, qui n'était pas très chargé je dois bien l'avouer, et je lui ai aussitot répondu :
-Et bien, Monsieur Merlotte, si cela ne fait pas trop tôt pour vous je suis libre dès aujourd'hui.
-Au contraire ! (Il s'emblait absolument ravi). Venez cet après midi à partir de deux heures. En général c'est plutôt calme, ainsi nous pourrons voir si le job vous conviens !
Après avoir échangé quelques politesses, j'ai finalement raccroché.
Après réflexion j'était plutôt contente, certes un job de serveuse n'était peut être pas une profession de rêve mais pour une télépathe en manque d'argent comme moi, c'était parfait.
Ma mère était décédée d'une leucémie foudroyante alors que j'allais sur mes 16ans et j'avais été placée en foyer jusqu'à ma majorité. J'en avais 24 à présent et le temps était venu pour moi de me débrouiller par moi-même.
Combien de fois n'avais-je rêvé que mon mystérieux sauveur Godric ne surgisse sur son cheval blanc pour m'enlever à cette vie de misère ? Je souris devant ma propre naïveté. Ce beau jeune homme avait pendant longtemps hanté mes pensées et était même devenu pendant un temps la source principale de mes fantasmes. Mais bon, je ne l'avais jamais revu et je ne le reverrais sûrement jamais, point important que je m'était peu à peu fourré dans le crâne.
Malgré cela ma vie sentimentale restait lamentable étant donné qu'il est (comme vous pouvez l'imaginer) quasiment impossible de sortir avec un garçon normal quand vous entendez absolument tout de ce qu'il pense sur vous, même les détails les plus osés.
Je menais donc jusqu'alors une existence des plus fade et j'espérais que ce nouveau départ à Bontemps allait m'offrir des perspectives d'avenir plus excitantes.
Après avoir rapidement déjeuné sur les coups de midi je me suis inquiétée de savoir quelle tenue j'allais bien pouvoir porter pour ma mise à l'essai de l'après midi. J'ai finalement opté pour un tee shirt blanc tout simple et un pantalon noir confortable. Après m'être rapidement maquillée je me suis engouffrée dans ma vieille ford et je me suis rendue au Merlotte.
Le bar paraissait légèrement défraîchi vu de l'extérieur mais avais néanmoins l'air sympathique. Sans plus de cérémonie je suis rentrée à l'intérieur. Il y avais une dizaine de clients tout au plus et aucuns n'a semblé me prêter une attention particulière. J'entendais leurs pensées bourdonner en fond sonore mais j'arrivais à ne pas y prêter trop attention. Il faut dire que j'avais fait de sacrés progrès dans la gestion de ma « particularité » et je parvenais à présent à dresser une sorte de barrière mentale avec les gens autour de moi.
Une serveuse blonde était en train de remplir les salières. Peu de temps plus tard j'ai vu un homme surgir de l'arrière du bar. Il se déplaçait avec l'assurance du propriétaire sur son domaine, j'en ai déduit qu'il devait être le patron. Je me suis tranquillement approchée de lui et après lui avoir serré la main, je me suis présentée.
-Rebonjour Mr. Merlotte, je suis Melina, c'est un plaisir de vous rencontrer.
Il avait l'air tout a fait sympathique. Cependant par mesure de précaution j'ai sondé son esprit. Je faisais cela régulièrement avec les gens que je rencontrais, cela m'évitait souvent de mauvaises surprises dans le futur. Je fus étonnée de constater que ses pensées m'étaient difficiles à lire, comme si elles étaient partiellement cachées par la sorte de halo rouge qui les entourait. Malgré cela, le peu que je parvenais à capter m'incitait à la confiance.
Une fois rassurée je lui ai adressé un sourire radieux. Il ma ensuite fait faire le tout du propriétaire et m'a expliqué la façon de fonctionner du bar, je n'était guère surprise étant donné que j'avais déjà eu l'occasion de pratiquer ce travail. Enfin, il m'a présenté aux autres employés présents. Lafayette, le cuistot aux airs de grandes folles qui m'a aussitôt plu de par son coté boute en train , Tara sa cousine qui gérait la partie boisson et qui, bien qu'elle avait l'air d'avoir un sacré caractère, m'a saluée de façon très chaleureuse, puis Arlene , une pétillante serveuse aux cheveux roux. J'avais également exploré tour à tour leurs esprits quand Sam m'a présentée à la dernière employée présente pour le moment. C'était la jeune fille blonde que j'avais aperçue en entrant. Elle s'appelais Sookie Stackhouse et avais l'air ravie de faire ma connaissance. Mais alors que je sondais ses pensées tout en lui serrant la main, j'ai réalisé avec une surprise énorme quelle était en train de faire la même chose. Elle s'en est elle aussi immédiatement rendue compte et s'est extirpée de mes pensées. Nous nous sommes contemplées, abasourdies, dans un silence de plomb, pendant de longues secondes. Puis j'ai laissé germer sur mes lèvres un sourire ravi et j'ai murmuré, débordante de joie, juste à son attention.
-Dieu merci je ne suis plus la seule…
…
Bon ben voila, chapitre de mise en route fini ! Qu'en pensez vous ? Cela vaut il la peine d'être poursuivi ?
Un grand merci d'avance à mes reviewveurs
