L'Esquisse des temps interdits
Chapitre 1 : Les temps insoupçonnés
Tout avait commencé au mois de juin précédent. Les partiels étaient finis et Harry rêvassait sur la pelouse, devant l'université. Depuis plusieurs jours déjà, il venait s'allonger sur l'herbe pour profiter des premiers rayons de soleil. Après avoir passé des semaines entières enfermé dans sa chambre pour réviser, il appréciait avec volupté la chaleur du début d'été sur sa peau. Mais les journées commençaient à lui paraître longues sans le rythme imposé par son emploi du temps. Il fut surpris de constater qu'il regrettait presque de ne plus avoir cours pour occuper son esprit. Les yeux dans le vague et la tête posée sur les paumes de ses mains, il se disait que les études lui offraient une distraction inattendue... mais bienvenue. Elles lui permettaient de ne pas ressasser ses souvenirs de guerre ni d'observer le néant qui régnait maintenant sur sa vie. Avec la fin des examens, il se retrouvait submergé par ses sombres pensées.
Pour tous, Harry affichait un sourire de façade et leur répétait comme un mantra « je vais bien, merci ». Il aurait pu dire la vérité et répondre que, non, il n'aimait pas le silence des fantômes autour de lui. Il aurait pu leur dire qu'il rêvait parfois être englouti par des sables mouvants à la couleur et au goût de sang. Il aurait pu leur dire qu'il se sentait comme un meurtrier qui part vivre incognito mais que l'ombre de ses remords poursuit toujours. Il aurait pu leur dire que sans la haine qu'il éprouvait pour Voldemort, il sentait un énorme creux qu'il ne réussissait à combler d'aucun autre sentiment. Il avait vécu sept ans avec cette fureur aveugle et féroce. Son chemin, alors, était tout tracé. Il n'y avait qu'à suivre le danger, la peur et la vengeance pour savoir ce qu'il fallait faire.
Aujourd'hui, sous le soleil éclatant, Harry était perdu. Maintenant que l'objet de son ressentiment était mort de ses propres mains, il était épuisé, anéanti, vidé de toute substance. Mais qui aurait pu comprendre ses états d'âme ? Il aurait été bien difficile de croire que le héros de l'histoire regrettait le temps où les émotions étaient tellement vives que son corps tout entier lui faisait mal. Il eut soudainement envie de pleurer. Mais à la place, il s'assit lentement et s'ordonna de marcher.
OoOoOo
Il quitta les jardins de la faculté et se dirigea vers le centre ville. Par "centre ville", les étudiants désignaient un petit quartier adjacent où ils se retrouvaient pour boire un verre, faire du shopping ou sortir en boîte. Une ville miniature était installée à quelques pas des salles de cours pour les sorciers qui n'avaient pas envie de se mêler à la foule des moldus londoniens. Harry longea les rues au hasard. Il regardait les gens : les filles dont les sacs chargés de courses marchaient docilement à leur côté, les couples assis aux terrasses des cafés devant de grandes boissons roses et fluorescentes qu'ils partageaient d'une seule paille, les garçons sur leur skateboard volant en train de faire des loopings grâce aux rampes d'escaliers,...
Harry observait les autres vivre en se demandant ce qu'il ferait à leur place. Il se posait la question comme un professeur interroge un élève sur un sujet difficile. Il avait l'impression d'être exclu de cette vie simple et enjouée. Que devait ressentir ce jeune homme assis amoureusement en face de sa copine ? Harry repensait à Cho et leurs timides sorties à Pré-au-Lard puis il la visualisa au milieu du champ de bataille. Elle portait encore aujourd'hui les stigmates de ses combats sur son beau visage. Harry pensait à Ginny et leurs quelques rendez-vous galants mais ne pouvait s'empêcher de revoir son air terrorisé devant le corps inerte de son grand frère. Tous les souvenirs d'Harry étaient ainsi teintés d'horreur et de sang. Tous les bons moments finissaient par se mêler aux moments de douleur et de peine.
Lassé de regarder les gens rire, il suivi au hasard une rue un peu moins peuplée qu'il ne connaissait pas. En plein milieu de cette rue, sur toute sa largeur, un fin voile de vapeur semblait flotter dans l'air. Harry ne pouvait rien distinguer au-delà de ce rideau blanchâtre. Il s'approcha rapidement, de plus en plus excité par la curiosité. Son cœur commençait à battre plus vite et cette sensation lui fut douce. Au moment de passer à travers le rideau de brume, il hésita une seconde. Mais la vapeur qui s'enroulait autour des ses bras et ses chevilles lui semblait bienveillante. Il se laissa lécher un instant par le souffle léger puis avança d'un pas et passa de l'autre côté. Il cru d'abord que rien n'était différent. Il s'enfonça un peu plus dans la rue, le regard attentif.
Il s'attendait à voir surgir à tous moments quelques monstres velus ou sorcier loufoque comme la première fois qu'il était entré dans Diagon Alley. Mais rien ne se produisit. Il continua son chemin et longea les boutiques sans rien remarquer d'inhabituel. Lorsqu'il passa devant un café, il comprit enfin. Les couples en terrasse, attablés tendrement autour d'une Butterbeer comme l'étaient les couples de l'autre côté, n'étaient pas tout à fait pareils. Il n'y avait ici que des amants du même sexe. Les hommes faisaient face à d'autres hommes, les femmes à d'autres femmes. Harry eut un petit sursaut de plaisir quand il comprit que le "centre ville" avait son quartier gay !
Il se détendit immédiatement, rassuré et amusé de sa découverte. Maintenant, il remarquait ce qu'il n'avait pas vu de prime abord. Les deux hommes devant lui marchaient main dans la main. Les deux femmes sur le perron s'embrassaient pour se dire au revoir. Et personne ne les observait avec un air réprobateur. Harry se souvint avec amertume de la réaction du serveur du bar où il avait échangé son premier baiser avec un homme. Lui et son petit ami du moment avait été prié de quitter les lieux sur le champ. Harry avait été choqué de découvrir que, même dans le monde de la magie, l'homosexualité n'était pas acceptée partout. Le monde qui lui avait ouvert les bras huit ans auparavant, l'accueillant comme un ami de longue date, n'avait pas envie de le voir aimer un autre homme. Il pouvait sauver le monde, oui, mais ne devait pas afficher ses préférences sexuelles.
Il se sentit immédiatement à l'aise dans cette petite rue cachée. Il s'installa à la table d'un troquet, commanda un thé qu'on lui servi avec des petits gâteaux en forme de cœur... ou... en forme de fesses... Harry hésita quelques secondes avant de rire franchement et de se tourner vers la serveuse pour la remercier. Du haut de ses talons, elle fit danser ses faux cils dans un clin d'œil aguicheur qui le fit rougir de plaisir. Il revint souvent à Bright Street.
Lors d'une de ces balades quotidiennes, il découvrit une petite galerie d'art engoncée entre un sex shop (qu'il visita par ailleurs) et un magasin de sous-vêtements féminins (qu'il n'aurait, se dit-il, peut-être jamais à visiter). Il fut attiré par l'affiche qui annonçait « Exposition exceptionnelle de la section Art de l'Université de Plumberg ». L'idée de voir ce que les étudiants de sa propre faculté pouvaient faire l'attira fortement. Il poussa la porte vitrée et se promena parmi les œuvres disparates qui ornaient les murs.
Il s'arrêta un instant, hypnotisé, devant le dessin animé d'une méduse dorée qui, à chacun de ses gracieux mouvements de tentacules, traçait une ligne de couleur primaire. Il se retint de pouffer de rire devant une toile blanche sur laquelle apparaissait, quand on la regardait assez longtemps, un magistral doigt d'honneur. Il continua sa visite, de plus en plus intéressé par la créativité et l'originalité de certains artistes.
Il entra ensuite dans une grande pièce où plusieurs toiles aux gigantesques dimensions étaient exposées. Son sourire s'effaça en un instant devant la force des tableaux. Il s'avança timidement et se retrouva au centre de la pièce, submergé par la présence des couleurs et des formes. Il frissonna. Ce n'était pas la peur qui le faisait réagir mais l'excitation. Il était comme un gamin qui venait de découvrir un trésor rayonnant de milles joyaux. Il s'approcha d'une œuvre qui l'interpellait par ses tons éclatants et chauds. Il fut émerveillé de voir la peinture se mouvoir et onduler. Les taches de couleur étaient vivantes. Le rouge écarlate dansait comme un morceau de soie au rythme d'un vent invisible, le grenat chatoyait comme un lourd pan de velours, l'ocre se lovait sous ses comparses comme une couleuvre qui ne cessait de traverser la toile.
Harry resta un temps infini à regarder cette peinture et ses évolutions. Car le dessin qu'il avait vu en entrant n'était maintenant plus du tout le même. Il racontait une nouvelle histoire, toujours aussi belle et fascinante, mais différente. Lorsqu'Harry reprit ses esprits, il était l'heure de la fermeture. Le gardien lui fit gentiment quitter les lieux. Il regagna sa chambre d'université dans un état second. Quand il arriva devant sa porte, il ne se souvenait pas d'avoir fait le chemin. Il s'allongea sur son lit et tâcha de songer à ce tableau avec objectivité pour comprendre ce qui lui plaisait tant.
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Il retourna à l'exposition le lendemain... et les jours qui suivirent. Il se concentra chaque jour sur une toile différente du même artiste. Il s'appliquait à mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Ainsi, lorsque la responsable vint le voir, ayant repéré ses fréquentes visites, il fut capable de lui dire clairement ce qu'il aimait dans ce travail et qu'il résuma en un mot : « l'intensité ». Il aimait, continua-t-il, le débordement de vie qui émanait de chaque trait. On pouvait presque toucher du doigt les émotions. Là, il voyait la colère et la violence dans leur dégradé de rouges sang. Ici, il remarquait le blanc sali de l'amertume pris au piège du rose velouté de l'amour, la peur cachée au milieu de furieux coups de pinceau noirs. Il avait l'impression de voir un cœur disséqué sous ses yeux. Il se tut soudainement, son propre cœur au bord des lèvres, avant d'ajouter mentalement qu'il pouvait y lire tous les sentiments qu'il n'arrivait plus à ressentir. La directrice respecta le silence qui s'était installé. Harry se reprit et susurra timidement : « J'aime beaucoup ». Il se maudit instantanément de ne pas trouver de meilleure conclusion.
« Vous savez que l'exposition se termine dans quelques jours, glissa la jeune femme sur un ton respectueux comme si elle voulait s'excuser.
- Non, je ne savais pas, répondit Harry, profondément déçu.
- Peut-être... hum... souhaiteriez-vous rencontrer l'artiste ? Je le connais personnellement. Je peux vous le présenter. »
Le cœur d'Harry fit un bond mais il ne répondit rien et se mit de nouveau à fixer la toile avec intensité. « Vous n'avez qu'à venir dans deux jours, pour le décrochage » continua-t-elle sans prêter attention à son air paniqué. « Je suis sûre qu'il sera ravi de vous rencontrer. Il est du genre à aimer les compliments ». Elle agrémenta ses paroles d'un petit clin d'œil et se retourna pour sortir de la pièce.
Harry resta quelques instants complètement perplexe et affolé par la perspective de rencontrer le peintre. Sur le pas de la porte, la responsable tourna la tête une dernière fois vers lui : « À vendredi, donc ! ». Et sans attendre de réponse, elle disparut dans les salles privées de la galerie. Harry resta bouche bée. Il sentait déjà une boule se former dans le creux de son ventre. Excité. Il était excité et angoissé comme si elle lui avait imposé un rancard amoureux. Il sortit dans une sorte de stupeur et se retrouva devant la porte de sa chambre sans se souvenir du chemin qu'il avait parcouru... une fois encore.
Les jours suivants lui parurent extrêmement lents et dépourvus d'intérêt. Les entraînements de Quidditch ne parvenaient pas à le divertir. Son esprit revenait inlassablement à la perspective de la rencontre de vendredi. Il essayait d'imaginer le visage de l'artiste mais ne parvenait pas s'en faire une idée précise. Tantôt, il le rêvait brun, les cheveux longs et les yeux clairs pétillants d'une vie intérieure riche et débordante. Tantôt, il le supposait blond avec des bouclettes indomptées qui voltigeaient autour d'un visage guilleret. Puis il se résonnait en pensant qu'il était impossible de déduire une physionomie à partir d'une peinture.
Mais son imagination reprenait le dessus et, cette fois-ci, il essayait de mettre en scène leur première entrevue. Encouragé par l'esprit de Bright Street, il espérait rencontrer un homme charmant avec qui il pourrait... peut-être... Il ne doutait pas que la personne en face de lui serait avenante, amicale et souriante. Quelqu'un capable de peindre avec une telle énergie ne pouvait pas être antipathique. Harry essayait de se rassurer par tous les moyens possibles. Mais la panique grandissait inexorablement et quand il se réveilla vendredi matin, son corps était crispé par la nervosité. Il traîna un peu devant son petit déjeuner, écouta vaguement Ron lui parler de sa vie de couple, passa la matinée à tromper son impatience avec des livres de stratégies de Quidditch. Mais les phrases qu'il lisait glissaient sur lui comme des gouttes d'eau sur un parapluie. Il se sentait étanche à toute distraction. Il avala un rapide sandwich à midi avant de prendre finalement la direction de la galerie.
Sur la porte d'entrée pendait un écriteau : « Fermé pour décrochage. Merci de votre compréhension ». Harry hésita un moment sur le pas de la porte. Le gardien l'aperçut et l'encouragea d'un signe de la tête sans pour autant venir à sa rencontre. Il était affairé à emballer un tableau récalcitrant dans une grande feuille de carton. Le cadre ne cessait de se tortiller ce qui rendait la tâche difficile. Un jeune homme vit le regard interloqué d'Harry et lui expliqua spontanément : « Les œuvres d'art sont faites pour être regardées. Elles n'aiment pas qu'on les recouvre. Les décrochages... c'est toujours un peu dramatiques pour elles ». Sa bouche se tordit dans un sourire qui trahissait un amusement teinté de pitié. Il serrait contre lui un petit tableau déjà emballé qui bougeait encore imperceptiblement en protestation. Il tendit la main vers Harry : « Je suis Rupert. T'es aussi dans la section Art ? J'ai pas l'impression de t'avoir vu avant... ». Harry se présenta :
« Non, je suis juste là en spectateur..., ajouta-t-il. Mais si j'peux te donner un coup de main...
- Oh, non, c'est bon, merci. Mes tableaux sont petits, c'est pas très compliqué. Mais si tu veux aider, j'pense qu'ils vont avoir besoin de bras forts dans la grande salle. Les peintures sont vraiment grandes là-bas. »
Harry fut déçu de réaliser que Rupert n'était pas l'auteur de ses toiles préférées. Ses pupilles noisettes pétillaient d'étoiles jaunes et son sourire était franc et chaleureux. Harry se serait bien vu avec lui, dans un atelier envahi d'œuvres d'art, lui passant amoureusement la main dans les cheveux pour enlever des restes de peinture séchée dans ses mèches brunes. Il continua son chemin.
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« Mais pourquoi diable as-tu exposé cette peinture ? », s'écriait une voix haut perchée et agacée. « Scyllaaaaaa... C'est une horreur cette toile, tu t'en rends compte, au moins ? On n'voit que ses défauts. Faudrait la foutre au feu ! D'ailleurs... ». Harry entendit des pas précipités et plusieurs personnes parlèrent en même temps. On venait, apparemment, d'éviter de justesse l'autodafé d'un des tableaux qu'il affectionnait. La colère lui piqua la gorge. Et cette voix arrogante, reconnaissable entre toutes ! Il se précipita dans la grande salle d'exposition et là, sans erreur possible, avec son air renfrogné et aristocratique, se tenait Draco Malfoy. La directrice de la galerie se trouvait devant lui, lui retenant un bras qu'il pointait en direction d'une toile, sa baguette en position et le sort d'inflammation au bord des lèvres. Elle secouait la tête dans un geste de dénégation.
« Laisse-moi..., reprit Malfoy dramatiquement. Cette peinture est une abomination. Une honte.
- Malfoy ! », cracha Harry.
Il venait de retrouver toute la haine et le mépris qu'il éprouvait pour son ennemi d'Hogwarts. Draco laissa retomber son bras, surpris et furieux d'être interrompu en plein milieu d'une de ses meilleures scènes de tragédien classique. Il se ressaisit rapidement et se tourna vers Harry : « Potter ! Que nous vaut le déplaisir de ta présence ici ? Oh, peu importe après tout... J'étais sur le point de réparer une injustice... ». Il voulu se retourner vers la peinture incriminée mais Harry fut plus rapide et lui attrapa le coude pour le forcer à rester face à lui. « Pas touche », ordonna-t-il en resserrant sa poigne. Malfoy le fixa droit dans les yeux, ses pupilles grises animées d'une froide détermination. Un rictus sardonique se dessina sur ses lèvres :
« Et pourquoi pas, Potter ? Personne ne voudrait d'une telle merde...
- T'as toujours été à la ramasse, Malfoy. On te mettrait un Picasso sous les yeux, tu lui reprocherais de ne pas savoir dessiner. »
Harry flancha légèrement à l'idée d'utiliser une référence qu'il avait découvert seulement quelques jours auparavant. Mais toutes les armes étaient bonnes pour clouer le bec de son adversaire. Draco fut étonné d'entendre le nom d'un de ces artistes moldus favoris dans la bouche si détestée de Potter et profondément vexé d'être ainsi rabaissé dans son orgueil d'esthète. Son sourire se figea et l'expression de son visage se fit défiante. Il se libéra brutalement :
« Qu'est-ce que tu en sais, Potter ?
- Plus que toi, apparemment. Cette toile... »
Il désigna du menton le tableau que Malfoy voulait brûler. Il avait passé assez d'heures à l'étudier pour pouvoir la défendre. Il avait même profité de son temps libre pour lire quelques ouvrages d'histoire de l'art. Il tenait absolument à comprendre les œuvres de cet artiste. Cette peinture était plus petite que les autres et moins intense. Elle n'était pas la plus belle certes, mais « ses défauts font partie de son charme », finit-il après une pause. Malfoy haussa les épaules avec indifférence comme si le jugement d'Harry importait peu.
« Donne-moi une bonne raison de la garder si tu l'apprécies tant que ça », dit-il pourtant. Il avait lancé le défi sur un ton blasé, certain qu'Harry n'allait pas s'aventurer sur un terrain qu'il ne maîtrisait pas. Et si l'imbécile le faisait, Malfoy était prêt à le couvrir de ridicule. Harry ne se déconcentra pas et chercha patiemment les mots qui décrivaient avec précision ce qu'il pensait :
« C'est simple pourtant... C'est LA toile qui explique les œuvres de cet artiste. C'est grâce à elle qu'on comprend pourquoi les autres sont aussi violentes dans leurs émotions. Regarde, dit-il en s'approchant du tableau, peu mécontent de prendre un ton condescendant pour s'adresser à son interlocuteur. Les traits se veulent assurés et véhéments mais quand on regarde de près, ils bougent avec hésitation. Aucune couleur n'est éclatante (contrairement aux autres peintures). Elles sont, elles aussi, hésitantes et incertaines. C'est la seule peinture de cet artiste qui reflète vraiment ses doutes. Elle est son côté humain, fragile et secret quand les autres représentent son caractère fort et puissant...
- "fort et puissant", c'est tout à fait ça, Potter ! », répondit Draco dans un éclat de rire.
Harry le regarda avec inquiétude. Il avait débité son petit discours sans interruption. Il sentait encore ses muscles tendus par l'effort qu'il avait fourni pour rester maître de lui. Devant cette réaction incongrue, il se sentit soudainement épuisé. Le rire de Malfoy était un peu forcé maintenant, comme s'il le prolongeait indéfiniment pour éviter d'avoir à répondre. Tous deux furent soulagés d'entendre la directrice de la galerie s'approcher d'eux pour interrompre leur échange. Son visage était profondément bienveillant quand elle se plaça à côté d'Harry, mais son sourire trahissait un certain amusement. Elle prit le bras de Draco qui se calma instantanément.
« Vous vous connaissez, apparemment ? » commença-t-elle avant d'enchaîner. « Draco, je te présente... hum... Harry Potter, si je comprends bien ? », demanda-t-elle en se tournant légèrement vers Harry. Il acquiesça, inquiet de la tournure que prenait la discussion. « Harry, je te présente Draco Malfoy, l'auteur des toiles que tu défends si bien ».
