Dans les couloirs, trois élèves de Serpentard couraient. Ils couraient pour leur vie, poussés par un instinct de survie et par un ras-le-bol ainsi qu'un déshonneur et un dégoût palpables et bien trop présents. Drago, Blaise et Pansy n'en pouvaient plus et ils savaient ce que leur action leur coûterait, ce qu'elle coûterait à leurs familles mais ils avaient réussi à prévoir le coup de ce côté-là et ils espéraient que cela suffirait. La mère de Blaise était bien au chaud en Italie avec son septième ou huitième mari, bien loin de tous les problèmes que pouvait traverser l'Angleterre et de son fils qu'elle laissait se débrouiller seul depuis quelques années déjà. Les parents de Pansy, eux, étaient neutres ou du moins aussi neutres que l'on puisse l'être dans une guerre de cette ampleur. En vérité, ils léchaient les bottes du Ministère, lieu où les deux époux travaillaient et étaient donc plus du côté de Voldemort sans pour autant faire partie des Mangemorts. La jeune femme avait alors pris soin de se brouiller avec ses parents, d'être de plus en plus froide, distante et méchante avec eux en espérant qu'ils prennent soin à leur tour de parler autour d'eux de leur fille unique qui était sortie du bon chemin. Ce n'était peut-être pas grand-chose mais Pansy espérait que cela suffirait. Quant à Drago, il était tiraillé par une irascible peur mais rien ne pourrait plus le faire changer d'avis. A quoi bon être en vie si c'est pour être dépossédé de tout y compris de sa propre demeure ? Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom s'était installé dans l'antique manoir familial des Malefoy et il n'avait pas cessé depuis d'humilier toujours plus Lucius et Narcissa. Le jeune homme avait enfin choisi sa voix et elle incluait de ne pas suivre ceux qui l'avaient élevé pour que les Malefoy survivent.
Le chemin à prendre leur apparut à tous les trois comme une évidence et ils entrèrent en courant dans la Salle sur Demande, cette même salle que Drago connaissait par cœur pour y avoir passé le plus clair de son temps l'année précédente.
A peine furent-ils entrés qu'ils furent également dépossédés de leurs baguettes et les trois adolescents crurent un instant, apeurés, que quelqu'un les avait devancés, qu'ils étaient pris au piège, que c'était la fin.
Pourtant, devant eux se trouvaient une jeune femme qui ne devait pas être beaucoup plus vieille ou plus jeune qu'eux. Elle avait de longs cheveux blonds qui, légèrement bouclés, lui tombaient dans le creux du dos. Elle n'avait pas dû les couper depuis de nombreuses années. Ses yeux étaient de petits diamants d'un bleu argenté magnifique et son corps, mince, ainsi que son port altier avaient un affreux relent de déjà-vu pour les trois fuyards : elle ressemblait à l'une de ces femmes riches et de sang-pur par excellence, l'une de ces femmes de la haute société sorcière qu'ils connaissaient par cœur. Il était alors étrange qu'aucun d'entre eux n'arrive à la reconnaître alors qu'ils avaient également été élevés dans cette société.
« Qui es-tu ? »
L'inconnue ne répondit pas, préféra se retourner et partir dans une autre partie de la salle, les baguettes de ses « invités » toujours en main. Les trois Serpentard n'eurent pas d'autre choix que de la suivre, affaiblis qu'ils étaient sans ces petits bouts de bois d'une importance si extrême. Ils en profitèrent pour regarder l'apparence qu'avait prise la salle.
S'ils n'avaient pas été sûrs d'être à Poudlard, dans la Salle-sur-Demande, ils auraient pu croire qu'ils avaient transplané. Drago, Blaise et Pansy se trouvaient à présent dans une assez belle maison pour ne pas dire un magnifique manoir comme possèdent presque toutes les anciennes familles de sorciers. Le style gothique de la demeure contrastait avec les couleurs claires des meubles. C'était un bel endroit à n'en pas douter.
L'inconnue les avait conduits dans une chambre aux couleurs de Serpentard qui ressemblait avec une exactitude frappante aux dortoirs dont les trois adolescents avaient l'habitude. Trois lits à baldaquins étaient alignés.
« Vous pouvez rester ici, en attendant. »
Drago pensa un instant qu'elle avait lu en eux, qu'elle savait qui ils étaient, pourquoi ils étaient là et qu'elle essayait de les aider mais il se ravisa. Lui qui avait appris la légilimancie et l'occlumancie avec sa tante, sa mère et surtout son parrain, trois experts en la matière, aurait forcément senti l'intrusion à défaut de l'arrêter.
La jeune femme ne leur parla pas mais s'imposa tout de même comme une remarquable hôtesse, leur faisant des plats fabuleux sans l'aide d'elfes de maison, ce qui sidéra Drago, Blaise et Pansy. C'était comme si la blonde vivait là, seule, depuis des années, ce qui était fondamentalement impossible.
Lorsque Drago, Blaise et Pansy s'endormirent, repus et à peu près sûrs d'être hors de danger, leur hôtesse s'éloigna telle une ombre pour rejoindre le bureau du nouveau directeur depuis la mort tragique d'Albus Dumbledore : Severus Rogue.
Ce soir-là, les Carrow parlaient avec leur supérieur mais ne virent pas la nouvelle arrivante, cachée qu'elle était sous un sortilège de désillusion. Le frère et la sœur Carrow parlèrent encore durant un quart d'heure du comportement de certains élèves de Gryffondor et l'inconnue reconnut parmi eux le nom de Ginny Weasley, la petite dernière de la fratrie. Severus n'attendit pas longtemps avant leur départ pour prendre la parole.
« Que me vaut cette visite, Alexis ? »
La dénommée Alexis redevint visible, pas du tout étonnée que Severus ait deviné sa présence. Elle déposa sans cérémonie les trois baguettes sur le bureau. Le directeur ne reconnut pas les deux premières mais n'eut aucun mal à se souvenir de l'identité du possesseur de la troisième.
« Qu'est-ce que ça veut dire ? Tu n'étais pas censée aller à la rencontre des élèves. »
Alexis le fusilla du regard et, de sa voix impériale, répondit presque instantanément.
« Je ne suis pas sortie. Ce sont eux qui m'ont rejointe ! La Salle s'est ouverte et je n'ai pas eu le temps de me cacher. »
Rogue écoutait en silence, attendait la suite. Il doutait fortement qu'Alexis n'ait pas eu le temps de se cacher mais il était de toute façon trop tard.
