La passerelle mémorielle pour une âme errante

Chapitre 1 :

POV de Kate :

Elle rentrait d'une journée épuisante. Elle avait encore tourné en rond sur cette affaire de meurtre qui l'accaparait, son équipe et elle, depuis déjà près d'un mois. Même Castle son partenaire de toujours, n'avait plus aucune théorie ou piste. Ce qui était assez révélateur de l'impasse dans laquelle ils se trouvaient, et pourtant elle s'acharnait encore et toujours, refusant de lâcher prise, de laisser le coupable s'en sortir aussi facilement. Pas question. Mais elle était épuisée et n'arrivait plus à aligner deux pensées cohérentes. Elle avait besoin de se reposer. Et peut-être qu'alors, la solution s'imposerait à elle. C'était en tout cas ce que Castle lui avait affirmé, et elle s'était laissé convaincre, vaincue par la fatigue et par son regard de chien battu.

Alors qu'elle quittait le 12th district, son cerveau fatigué refusant de se mettre au repos, elle laissa les détails de l'enquête l'assaillir de nouveau, comme pour mieux la narguer face à son impuissance. Des corps avaient été retrouvés dénudés dans des ruelles. Ils avaient été atrocement mutilés sur toutes les parties de leurs corps, et il s'agissait certainement d'un pervers sexuel car il avait mutilé les parties intimes de ses victimes, les humiliant jusque dans la mort. Un frisson la traversa alors que des flashs des corps de ces hommes et femmes défilaient devant ses yeux en un kaléidoscope morbide et provocant. En atteignant sa place de parking, un soupir de lassitude lui échappa.

Elle était si épuisée. Un manque de sommeil évident se peignait sur son joli visage, qu'elle ne parvenait même plus à dissimuler. Castle lui avait dit de se reposer, son inquiétude pour elle visible à chaque instant, comme toujours d'ailleurs. Il s'inquiétait pour elle, toujours… Elle sourit à cette idée, les traits de son visage se détendant durant un bref instant. Oui,, toujours, leur mot à tous les deux. Un mot qui signifiait tant de choses pour eux deux comme une déclaration d'amour à peine voilée qui accompagnait des regards amoureux, intenses. Bien évidement la détective détournait le regard, bien trop troublée par cette connexion, ce lien invisible. Du moins jusqu'à il y a quelque temps.

Car oui depuis la fusillade qui avait eu lieu lors de l'enterrement de son capitaine et mentor Roy Montgomery, depuis ses trois petits mots de Castle pour elle, elle ne voulait plus fuir. Depuis son réveil et sa rupture d'avec Josh Davidson, Kate Beckett avait changé. Elle avait fait comprendre à son partenaire, qu'elle n'était pas prête pour avoir une relation, oui celle qu'elle désirait plus que tout parce que le commanditaire du meurtre de sa mère courait toujours mais c'était plus fort qu'elle car elle savait, elle savait qu'il l'aimait, il lui avait dit. Leurs corps parlaient pour eux, ils étaient attirés comme des aimants. Lorsqu'ils marchaient côte à côte, leurs épaules se touchaient, leurs bras se frôlaient comme si leurs subconscients parlaient pour eux. Ce contact furtif ils en avaient besoin.

Kate Beckett ne faisait plus semblant. Finit la mascarade, et les faux-fuyants. Elle aimait le provoquer, oui, elle adorait cela et s'amusait du trouble que cela provoquait en lui. Parce qu'elle savait que tant qu'elle continuerait d'avoir un tel pouvoir sur lui, c'était qu'il n'avait pas renoncé à elle, à eux. Et elle se raccrochait à cette idée de toutes ses forces pour continuer d'avancer, pour garder espoir en l'avenir, leur avenir. Pour continuer de croire qu'un jour tout serait fini et qu'elle pourrait enfin commencer à vivre auprès de l'homme que son cœur avait choisi au-delà de toute raison.

Perdue dans ses pensées, le cerveau noyé dans une brume de fatigue, la jeune femme ne cessait de bailler, ses yeux restant péniblement ouverts. Elle luttait pour ne pas s'endormir, n'étant plus qu'a quelques mètres de chez elle. Repoussant inlassablement la fatigue, elle cligna des yeux, se concentrant sur la route. Elle n'allait pas s'arrêter c'était si stupide, pourtant cela aurait été judicieux car si elle l'avait fait, rien de tout cela ne serait arrivé. Engourdie par la fatigue, ses réflexes comme inexistants, elle ne réalisa que trop tard ce qui arrivait, et ne put éviter l'inévitable. Elle aurait dû écouter sa raison plutôt que sa fierté, ainsi elle n'aurait pas percuté ce camion qui arrivait à contre sens. Si elle l'avait fait elle ne serait pas dans un coma profond à l'heure actuelle.

Elle n'avait rien vu arriver, si ce n'était cette lumière intense qui l'avait momentanément aveuglée, lui faisant fermer les yeux en un geste de protection idiot. On prétendait que lorsque l'on va mourir on voit toute notre vie défiler sous nos yeux. Elle pouvait à présent témoigner que c'était complètement faux. Non, on ne voyait rien, rien que la mort arriver pour vous recouvrir d'un manteau glacé.

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POV de Rick :

D'un bond, il s'éveilla, le corps parcourut de frissons et recouvert d'une fine pellicule de sueur. Paniqué, la respiration saccadée, il jeta un regard déboussolé autour de lui avant de réaliser qu'il était dans sa chambre. Se passant une main dans les cheveux, achevant de les ébouriffer, il se leva avec difficulté et sans tenir compte de l'heure plus que matinale, se dirigea vers sa douche. Il laissa l'eau à peine tiède couler le long de son corps, l'esprit préoccupé. Il avait une drôle d'impression, comme si toute sa vie était sur le point de basculée. Et comme pour lui donner raison, son cellulaire se mit à sonner.

Eteignant l'eau, il enroula une serviette autour de ses reins et se précipita dans sa chambre avant que l'appel ne soit basculé sur sa messagerie vocale. Le cœur battant à un rythme bien trop rapide, il écouta la voix monotone au bout du fil, et alors que la signification de ce que lui disait son interlocuteur se frayait doucement un chemin à travers sa conscience, il se sentit vaciller. C'était un cauchemar et il allait se réveiller. Mais il eut beau se pincer, il entendait toujours la voix continuer ses explications.

« J'arrive » souffla-t-il d'une voix éteinte avant de raccrocher machinalement.

Elle avait eu un accident. Et les mots barbares dansaient dans sa tête en une folle sarabande. Etat critique. Coma. Pris d'une frénésie soudaine, il se mit soudain en action et attrapa les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main, se moquant parfaitement de son apparence. Quelle importance puisqu'elle ne serait pas là pour poser son regard sur lui ? Cette pensée le glaça et il se rua hors de sa chambre, indifférent au bruit que fit la porte en venant heurter violemment le mur. Il faillit se rompre le cou en dévalant les escaliers, mais cela ne le ralentit même pas.

Attrapant ses clés de voiture et sa veste, il quitta précipitamment son appartement. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter, pas même l'ascenseur trop lent à son goût. Impatient, les nerfs à vifs, il se rua dans les escaliers, manquant à nouveau faire la culbute et les dévala quatre à quatre pour déboucher, haletant dans le parking souterrain. Ce soir, il prendrait sa voiture. Ironique quand on pensait que c'était justement parce qu'elle avait pris la sienne qu'elle avait eu cet accident.

Dans un dérapage plus ou moins contrôlé, il s'engagea dans la circulation quasi inexistante à cette heure de la nuit, et appuyant de plus en plus sur l'accélérateur, incapable de s'en empêcher, il prit la direction de l'hôpital. Son esprit peinait à réaliser que tout ceci était bien réel. Que Kate se trouvait entre la vie et la mort. A cette idée, tout son corps se crispa et son cœur se serra douloureusement, comme pour se mettre au diapason de la souffrance de la jeune femme. Dans un ultime dérapage, il se gara devant les portes de l'hôpital et se rua à l'intérieur du bâtiment où une infirmière le dirigea vers les soins intensifs.

Et à nouveau le cauchemar revint alors qu'il écoutait les explications dénuées d'humanité d'un médecin aux traits tirés et inexpressifs. Son regard se chargea d'horreur alors que le praticien lui signifiait qu'elle pourrait bien ne jamais se réveiller. Qu'il y avait peu d'espoir.

« Vous ne la connaissez pas, elle va s'en sortir ! » déclara-t-il en serrant les poings de colère face à tant de défaitisme.

« Vous ne semblez pas comprendre… » Commença le médecin en le regardant avec pitié.

« Il ne s'agit pas de comprendre quoi que ce soit ! » l'arrêta-t-il en le défiant du regard « L'important c'est de ne pas baisser les bras ! »

« Mr Castle… » Essaya de nouveau le médecin d'une voix douce, comme s'il s'adressait à un enfant récalcitrant.

« Conduisez-moi à elle, pour le reste, c'est moi qui jugerait » le stoppa-t-il de nouveau d'un ton qui ne soufflait aucune objection.

Voyant qu'il ne servait à rien de discuter pour le moment, le médecin opina gravement du chef et fit signe à une infirmière de l'escorter auprès de Kate. Le cœur battant et les mains moites, il suivit la jeune infirmière jusqu'à une chambre dont elle lui ouvrit la porte avant de s'éclipser discrètement. Mais il le remarqua à peine, toute son attention focalisée sur les bips réguliers qui lui parvenaient. Elle était en vie et elle allait lui revenir. Il ne pouvait en être autrement songea-t-il en pénétrant dans la chambre, refermant la porte derrière lui.

Son cœur se serra douloureusement lorsqu'il la vit, pâle comme la mort, entourée par toutes ces machines barbares. Sa poitrine se soulevait doucement, les battements de son cœur relayés par la machine, sonnant à ses oreilles comme la plus douce des mélodies. Malgré sa pâleur et les pansements qui recouvraient son corps blessés, il la trouva plus belle que jamais. Délicatement, par peur de la faire souffrir plus que ce n'était déjà le cas, il s'empara de sa main et la porta à ses lèvres.

« Kate… » Souffla-t-il en laissant ses larmes couler alors que seul le silence de la pièce répondait à sa détresse.

OoOoOoOoOoOoOoOoO.

POV de Kate :

Kate se réveilla perdue, une sensation bizarre lui nouant l'estomac. Elle n'arrivait pas à se rappeler ce qui lui était arrivé. Elle ne sentait pas grand-chose de particulier ou qui sortait de l'ordinaire. Tout ce qu'elle voyait, c'était un ciel bleu magnifique au dessus d'elle. La jeune femme s'assit et regarda autour d'elle, cherchant à comprendre où elle se trouvait et comment elle y était arrivée. Elle se trouvait dans un square où les enfants jouaient. Un square qui éveillait un écho en sa mémoire.

Se levant elle sentit sa tête lui tourner et elle regretta de s'être levée si rapidement. Se stabilisant en se retenant à un jeu de gamin, elle leva la tête lentement de peur de réveiller la nausée qu'elle venait tout juste de refouler. Mais que faisait-elle là, allongée dans la pelouse? Elle n'avait vraiment aucun souvenir de sa venue dans ce parc pour bambin. Complètement déboussolée, la jeune détective commença à errer le long de cet endroit qu'elle avait connue enfant.

Elle réfléchissait aux circonstances de sa présence ici, cherchant une explication logique et rationnelle qui ne venait pas, lorsqu'elle entendit une altercation entre plusieurs enfants.

« T'as même pas de père ! Ta mère elle sait même pas qui c'est, personne t'aime, t'es toujours tout seul ! » Entendit-elle distinctement à travers un bosquet.

Ces paroles la touchèrent en plein cœur, la poussant à avancer pour voir qui pouvait se montrer si méchant. Mon Dieu que les enfants pouvaient être cruels, songea-t-elle tristement en se frayant un passage à travers la verdure, arrivant devant un attroupement d'enfants. Et bien évidemment, pas un seul adulte à l'horizon, à se demander ce que faisaient leurs parents !

« Ouais en plus ta mère elle a pleins de chéris. Elle change tout le temps, elle est bizarre! » Renchérit un second garçon, un sourire cruel sur les lèvres.

Elle vit l'enfant persécuté sauter sur l'auteur de ces paroles insultantes, ses petits poings serrés de rage. Il le plaqua au sol et le frappa, mais les autres arrivèrent et le jetèrent au sol le ruant de coups. A ce spectacle, son sang ne fit qu'un tour. Elle ne pouvait pas assister à ça sans réagir. Alors sans plus attendre, elle s'interposa, en grondant les bambins.

« Vous n'avez pas honte ? » lança-t-elle de cette voix dont elle n'usait qu'avec les criminels.

Ils la regardèrent puis détalèrent comme des lapins sans demande leur reste. Elle reporta son attention sur le pauvre petit garçon qui se trouvait à terre, recroquevillé sur lui-même. Son petit corps était secoué de spasmes, mais pourtant elle savait qu'il ne pleurait pas. Il n'aurait pas fait ce plaisir à ses attaquants. Si petit et déjà si courageux. Attendrie, elle sentie un sourire naître sur ses lèvres, et elle s'approcha de lui lentement, ne voulant pas l'effrayer plus qu'il ne l'était déjà.

Elle se mit à genoux près de lui, lui posant une main sur l'épaule afin d'attirer son attention et lui faire comprendre qu'il était en sécurité à présent. Il sursauta sous son touché délicat, se crispant brutalement comme en attente d'un nouveau coup avant de se détendre en comprenant que celui-ci n'arriverait pas. Se défaisant de son emprise, il se leva d'un bond, le regard empli de défi. Son visage ensanglanté lui fendit le cœur en deux, de même que son attitude bravache. Il avait un air dur, mais elle percevait une infinie tristesse dans ses magnifiques yeux bleus. Son cœur s'emballa sans qu'elle ne sache véritablement pourquoi, lorsqu'elle plongea son regard dans celui de cet enfant. Des yeux qui lui rappelaient ceux de Castle…