Songfic basée sur la chanson "Putain vous m'aurez plus" de Saez. J'ai changé le texte à ma convenance, toutefois.

Bonne lecture!


"Raphy, prends ma lanterne

Car j'ai perdu ma flamme

Mon amour est parti, il a jeté ma grâce

A brûler au néant, me laissant le cœur vide

Il a fait des fertiles, des averses l'aride."

Son pas est chancelant, la scène de bois craque sous ses pas. Il s'agrippe au micro, tandis que la musique retentie - sur un écran, à ses pieds, défilent les paroles qu'il modifie sans le vouloir - un mot à la place d'un autre, l'Histoire change.

La voix de Michael est éraillée, trop vieilles cordes vocales qui s'épuisent, sa gorge est en feu, le reste de son corps est fiévreux. Depuis combien de temps ce corps gelé ne s'est pas glissé contre le sien, se souvient-il seulement de la dernière fois où cette peau de glace a su équilibrer sa température trop haute ?

Leurs étreintes étaient tièdes, quelque peu humides, aussi. Samaël lui manque.

"Et l'horreur du monde n'est rien en comparaison

A ce que l'amour fait, à ceux qui dans l'union

Semblent oublier un peu qu'on est triste juste là

Et qu'ici solitude est le dernier repas."

Le premier des Archanges revoit son petit frère adoré tomber à toute vitesse ; Etoile du Matin, Etoile Filante, mais personne n'était là pour faire un vœu. Des larmes menacent de rouler sur ses joues, quand son regard tombe sur ce garçon, au fond de la salle. Il est de dos, semble un peu trop haut, des cheveux d'un blond délavé, un blond dégueulasse, un blond qu'il adore. Sa voix se fait plus forte, plus désespérée, encore - est-ce seulement possible ?

"Il avait les yeux noirs desquels on voit du bleu

Qu'on prend pour l'océan, dans lequel on voit Dieu

Qui font toucher du bout des doigts les horizons

Mais toujours à la fin on est seul au milieu

Des vagues de sanglots et du sel dans la gorge

Et du sel sur la plaie de ce cœur tatoué

À son nom que l'on crie au fond des verres de vin

À se dire que la vie, oui, n'était qu'une putain."

Retourne-toi, retourne-toi. Ses pensées s'entrechoquent, se fracassent les unes aux autres. Quelques songes viennent s'écorcher sur les débris coupants, des espoirs sont meurtris par la raison ; pourtant, ces illusions avancent, gagnent du terrain. Retourne-toi, Sam. Le surnom est lâché, comme ça. Est-ce qu'il l'a prononcé à voix haute ? Il n'en est plus très sur. Le plancher craque sous son poids mal répartit, un de ses genoux menacent de flancher. Il se redresse toutefois, la chanson n'est pas terminée.

"Raphy, regarde-moi, j'ai le cœur qui renverse

La mémoire de ses yeux qui me colle à la peau

Et dans les bars du port, je cherche magie noire

Pour délivrer mon corps du sort qu'il m'a jeté

Et le sourire des autres, non, ne me fait plus rien

Et je commence à croire que les hommes qui ont pris

Quelques femmes pour amour

Ont réglé la question, après tout, dis-moi

Qu'est-ce qu'on a de plus qu'elles ?"

Merde, il a envie de vomir. Il est ridicule - Raphy. Raph. Ah, oui. Où est-ce qu'il est, Raphy ? Son estomac se retourne une fois de plus, cours de récréation pour des putains de gamins - la culpabilité qui le ronge. Ah, Raph - et si son petit frère retirait son tee-shirt, hein ? Et s'il dévoilait la colère de son aîné, qui l'a tant maltraité, de rage et de frustration ? Michael renifle un coup, on le regarde maintenant - et alors ? Allez-y, regardez-le, ce pauvre con pathétique. Ouais, ça doit être ça, un pauvre con pathétique.

"Si ce n'est cette force qui fait qu'il m'oublie

Cette horreur au fond de lui, ouais

Ce monstre qui crie, quand il me fait l'amour

Je sais qu'il n'oublie pas

Qu'il n'y a personne à qui il tienne parole"

Sa voix se fait un peu plus douce, un peu plus perdue. Il se remémore des doux étés, il se rappelle les yeux, les lèvres, l'intonation - il se souvient de Samaël. Il se rappelle avec une tendresse qu'il tente de cacher de sa petite étoile adorée.

Il serre les mâchoires, la suite de la chanson sonne comme un hurlement - Samaël est mort, le serpent l'a mordu.

"À tous ceux dans ses bras qui sont faits prisonniers

J'ai l'âme solidaire et puis ma sympathie, à ces fous qui comme moi

Finiront pas la nuit, je vous le dis

Putain, putain, il m'aura plus !"

Michael ne sait pas s'il a hurlé ou murmuré le dernier vers, mais qu'importe. Les paroles marquent un temps d'arrêt, il n'y a que la musique. Le garçon s'est retourné, ses yeux bleus néants dirigés vers le pathétique Archange - mais ce n'est pas Sam, ce n'est pas Lucifer, ce n'est personne. Et ça le rend malade.

"Que je meure à l'instant si l'envie me reprend

De remettre ma tête dans la gueule du Serpent

De me laisser encore crucifier le cœur

Pour un joli sourire au parfum de sa fleur

Marguerite ou tulipe et de rose à lilas

Tu sais, Raphy, pour moi toujours ici-bas

Quand il m'a montré le ciel

Et répété « je t'aime »,

Il a toujours eu pour moi l'odeur des chrysanthèmes"

Et putain, sa voix déraille complètement. Et putain, les larmes qui saturent ses yeux, et putain la vie, et putain les années qui doivent encore passer - et putain, les jours qui le séparent de l'Apocalypse, et putain cette bataille à la con, et putain cette existence de merde, et putain, ce Père infidèle à ses fils ; et putain, putain, putain, putain, putain.

Pourquoi personne ne l'a prévenu que ça pouvait faire si mal ? Pourquoi est-ce qu'on ne lui a pas dit que son petit frère pouvait mourir de sa main ? Pourquoi a-t-il fallut que ce soit lui, l'assassin ? Pourquoi est-ce qu'il ne peut accuser personne d'autre ? Il sent une main sur son épaule.

"Adieu, les gentils, adieu, les j'en pleure

Adieu, Ce Maudit qui a pris ma lueur

Qui a jeté dans le noir mes yeux

Et puis les tiens contre le chant du cygne!

Et les beautés ? Qu'elles crèvent ! Toi!

J'en peux plus de ces jeux qui nous tuent

J'en ai marre de ce cœur, mon Père, qui ne bat plus

Et qui toujours s'incline au pied de l'immonde

Qui me mène à la cime, qui me traîne à la tombe"

Sa voix n'est plus, quand il hurle ce dernier mot ; "tombe". Tombe, le corps de Samaël ; tombe, Michael bourré. Tombe, là où tout se finira. Des bras plus solides le rattrapent, une voix familière - il reconnaît Raphaël et, sans avoir le temps de dire quoique ce soit, il entend une main qui frappe contre sa sœur jumelle. Le spectateur, d'abord seul, et rejoint par le bar ; "félicitation pour cette souffrance", ça sonne douloureux. Mais Michael s'en fout, maintenant - il tend juste la main, murmure un peu. "Sam ?". Mais personne ne comprend, personne ne peut - et un mouvement d'ailes.

Posé sur son lit, les yeux à demi-clos, le système sanguin ravagé par l'alcool, il a un léger soubresaut, un hoquet, une larme - un espoir.

"Putain, tu m'auras plus."