Bonjour, les ami-e-s ! Me revoilà ici, et putain que ça fait du bien. Une petite idée me trottait dans la tête depuis un moment, à la suite d'un visionnage d'un épisode des Contes de la Crypte, mettant en scène des jumelles isolées de la ville. J'espère vraiment que je n'ai pas régressé depuis.
Comme d'habitude, les personnages ne m'appartiennent pas, sauf Eliza. Ceci est un AU, et ne suit pas la trame de la série. Cependant, quelques éléments ont été conservés, donc ça risque de spoiler un peu.
Bonne lecture !
- Je t'ai déjà raconté cette journée où je devais panser les nombreuses plaies de mon camarade de régiment ?
- Oui.
John Watson soupira longuement avant de se mettre sur le dos, épuisé. Il avait beau extérioriser ses peurs en les transformant en une série de mots cohérente, ce prétendu remède ne fonctionnait pas. Ses cauchemars revenaient le hanter chaque nuit, inondant son esprit d'horribles images de la guerre. Du sang, des obus, des rafales de balles, des hurlements de douleur, des morts. Alors qu'il tentait de se calmer en pensant à autre chose, la jeune escort-girl à ses côtés alluma une cigarette, glissant ses jambes sous la fine couverture.
- Trois fois. Reprit-t-elle.
- Je suis vraiment navré, Eliza… Murmura le médecin militaire, je suis aussi perdu que toi, je ne sais plus quels sont les rôles que nous jouons. En tout cas, je te remercie de rester avec moi quand j'en ai besoin.
- Y a pas de quoi, John. C'est normal de ne pas vouloir être seul le soir. C'est à moi de m'excuser, je dois pas porter de jugement sur toi. Après tout, je suis ici pour te tenir compagnie quand tu le veux.
Alors qu'elle s'amusa à réaliser des ronds de fumée, John les regarda s'élever dans la chambre, pensif. Sa vie n'avait jamais été aussi misérable. Vers vingt-trois heures, il traînait les pieds dans les pubs les plus malfamés de Londres, se perdait dans les quartiers peu fréquentables, batifolait avec les femmes et rentrait chez lui complètement bourré. Il ne maîtrisait plus rien, son existence lui était devenue insupportable. Le propriétaire des appartements avait failli le mettre à la porte plusieurs fois à cause de loyer payé en retard, les voisins s'étaient plaints du bruit qu'il causait lors de nuits torrides, sa famille ne lui venait pas en aide. Le docteur Watson se sentait incroyablement seul, malgré les services que lui offrait Eliza. Pourtant, il reconnaissait que malgré son caractère imprévisible, elle faisait tout pour maintenir sa tête hors de l'eau troublée par tous ces souvenirs de bataille. En échange d'une poignée de livres sterling, elle acceptait de rester avec lui pendant des heures pour écouter son traumatisme, et interrompre parfois ses tirades par quelques baisers et caresses sans sentiments, cherchant à apaiser John quand il était dans le besoin.
- Hier, j'ai revu un ami de la faculté de médecine, un certain Mike Stamford. Poursuivit le docteur, il est devenu professeur et ça m'a fait plaisir de recroiser son chemin. Nous avons pris un café et nous sommes installés dans le parc.
- Vous avez parlé de quoi ? De banalités ? Demanda Eliza en écrasant son mégot dans le cendrier sur la table de chevet.
- De nos professions respectives et du temps passé à la fac. Puis il a enchaîné sur un fait divers qui m'a pas mal intrigué ! D'après un journal local, leur équipe était allée à l'extérieur de Londres pour faire un reportage sur la campagne anglaise. Mais ils ne s'attendaient absolument pas à tomber sur une grande propriété en plein milieu de nulle part. Une grande bâtisse rappelant l'architecture des maisons à colombages que l'on peut trouver en Allemagne, avec un jardin et une piscine. Pour les journalistes, c'était un comble ! Personne ne leur avait mentionné l'existence d'une demeure au fin fond de la campagne reculée.
- Ah oui, une de mes amies m'en avait brièvement parlé. Selon les rumeurs, les gens qui vivent ici ne seraient pas reconnus en tant que citoyens.
- Le rédacteur et le photographe de l'équipe sont allés explorer le terrain autour de la maison par simple curiosité, et ils ont aperçu deux hommes habillés en costume trois-pièces au bord de la piscine, sûrement des frères vu leur ressemblance. L'un lisait un livre, l'autre braillait en faisant de grands gestes. Il parlait tellement vite que personne ne pouvait comprendre ce qu'il disait. Quand les deux frères ont repéré les deux intrus, l'un d'eux s'est emparé d'une carabine tandis que l'autre s'est réfugié dans la maison. Le rédacteur et le photographe ont dû filer, remballer leurs affaires et rentrer à Londres avec le reste de l'équipe.
- Ce gars a eu raison de les coucher en joue avec son fusil, il était tranquille et on vient le déranger.
- Selon Mike, le journaliste chargé d'écrire cet article a gonflé ses paragraphes en incluant encore plus de rumeurs. Ça l'a beaucoup fait rire.
Eliza lâcha un profond soupir et se rapprocha un peu plus de John, lui offrant une douce étreinte.
- Je suis tout de même curieux. Continua l'ancien militaire, j'ai envie de voir ces inconnus, je suis sûr qu'ils sont gentils au fond.
- Dans le meilleur des cas, ils te chasseront à coups de batte de baseball. Dit la jeune femme d'une voix monotone, dans le pire des cas, tu leur serviras de pâture. Hé. S'il faut, ils cachent une pile de cadavres et on le sait pas.
- Voyons, tu ne les connais pas !
- Toi non plus, je te signale.
Le médecin eut un petit rire puis jeta un coup d'œil à son réveil, qui indiquait deux heures du matin. L'heure d'aller dormir. Quelque peu déçu, il quitta le lit pour fouiller les poche de son blouson, attraper son porte-monnaie et en sortir quelques billets de dix livres sterling qu'il tendit aussitôt à Eliza, qui s'était redressée. Ce geste était devenu presque mécanique, elle faisait partie de son quotidien.
- C'est plus que ce que j'avais demandé. Remarqua-t-elle en comptant l'argent.
- Garde-les, je te dis que ça en vaut la peine. Assura le médecin en souriant, après tout ce que tu as fait pour moi, tu mérites un peu plus que soixante livres.
- John…
- Tu es toujours là pour moi et ça me fait énormément plaisir. Crois-moi, tu le mérites.
Jamais elle n'avait eu affaire à un client aussi généreux et adorable. Un petit sourire se dessina sur son visage alors qu'elle mit l'argent dans son sac. Elle renfila son pantalon, boutonna sa chemise, mit ses sandales et quitta l'appartement non sans avoir laissé une bise sur la joue de son client. Une fois de plus, l'ancien militaire se retrouva seul avec ses pensées infinies et ses rêves brisés. Après sa journée de travail, il irait se perdre dans la campagne anglaise et rencontrer ces fameux frères qui vivaient hors de la société. Il pourrait y avoir un échange entre eux, même une dispute ou un simple « bonjour ». Cela lui serait amplement suffisant. La curiosité lui brûlait les doigts. Après avoir fermé les volets, il inscrivit au stylo baveux sur la paume de sa main gauche « 6:35PM ».
