DANS LA BOUCHE

La suite du Silence des agneaux —

Résumé : Clarice est désormais agent spécial au FBI. Elle vit seule dans une petite maison à l'ouest de la ville. Elle a décidé de vouer sa vie au FBI à poursuivre Lecter, se sentant responsable de son évasion. Lecter s'agace de ce comportement. Il lui avait dit, au téléphone, juste après s'être enfuit : " le monde est vaste ". Il aurait souhaité que chacun s'occupe de ses affaires.

Confrontation très particulière entre Hannibal Lecter et Clarice Starling. Si Lecter s'en prend à Clarice, que peut-il bien vouloir d'elle ?

Place de la fic : Un an après le Silence des agneaux.

Classement : R.

Note de l'auteur : pour moi, Clarice ne peut être que Jodie Foster.


Chapitre 1

Clarice reposa la tasse de café vide devant elle et releva les yeux vers Ardelia. Son amie, qui était devenue agent spécial du FBI en même temps qu'elle, un an plus tôt, était assise en face d'elle, à la terrasse d'un café du centre de Washington. Quantico était bien loin aujourd'hui. Désormais, chacune avait sa vie. Clarice se mit machinalement à jouer avec un sucre :

- Bon, alors, le trafic de stups, ça te branche ? Tu comptes rester définitivement au DEA ?

- Je ne sais pas encore, mais pour l'instant j'aime bien travailler dans ce service : beaucoup d'action, c'est violent, mais ce n'est pas… comment dire… glauque ».

Clarice eut un sourire en coin et plaisanta, geignant l'indignation :

- Quoi ? Insinuerais-tu que mon département baigne dans une ambiance malsaine ?

Ardelia se mit à rire :

- C'est glauque, oui ! Franchement, les horreurs des tueurs en série me glacent et je ne sais pas comment tu fais pour travailler dans ce département, vivre avec la mémoire de ces corps torturés, ces souffrances, ces photos morbides, ces corps violentés, éventrés… Moi, ça me filerait des cauchemars.

- Je ne dis pas que ça ne perturbe pas mes nuits…

- Tu ferais mieux d'en faire autre chose, de tes nuits ! » soupira Ardelia. Elle enchaîna aussitôt : « Tu as des nouvelles de Mike ? » Clarice secoua la tête et regarda au loin, fuyant les yeux inquisiteurs de son amie. Ardelia prit une voix toute douce :

- Ca fait combien de temps que vous êtes séparé ? Trois mois ?

- Quatre…

- Il te manque ? » questionna Ardelia. Clarice la regarda un instant fixement, cherchant une réponse honnête, cherchant à expliquer la réalité de ses sentiments. Elle finit par répondre : « Non ». La réponse la surprenait elle-même. « On était comme deux étrangers, sans intérêts communs, sans projets… Rien…

- Ah… » fit Ardelia, gênée. « Et cet ancien copain de lycée dont tu m'as parlé ?

- Terry ? » Clarice haussa les sourcils, comme étonnée. « Oh, tu sais, ce n'est pas parce qu'on a été diplômés la même année qu'on peut construire un couple. On a dîné ensemble, la semaine dernière. Franchement, la soirée fut ennuyeuse… Oh ! Il est gentil, ce n'est pas le problème, mais il ne s'intéresse qu'aux assurances, aux placements financiers. J'ai même cru un instant qu'il allait essayait, entre le dessert et le café, de me placer une épargne retraite ! »

Ardelia éclata de rire :

- Ah ! Tes amours sont toujours savoureuses !

- Surtout pour les autres… » fit Clarice, entre sourire amusé et moue boudeuse. Elle se sentit un peu amère : « Le célibat, c'est bien mais… bon… De temps en temps j'aimerais avoir quelqu'un avec qui partager mes pensées, les choses de la vie…

- Clarice… » commença Ardelia avec prudence : « Ne te vexe surtout pas mais tu es difficile. Tous les hommes t'ennuient…

- Non ! Ce n'est pas vrai !

- Mike t'ennuyait. Ce Terry t'ennuie. Rappeles-toi ! Déjà, à Quantico, Peter t'ennuyait ! Tu ne lui as même pas donné sa chance, repoussant toutes ses invitations à sortir !

- Mais j'étais sur le cas Lecter !

- Oui, et aujourd'hui, Clarice, c'est encore la même chose… Le bon docteur Lecter est toujours là, au centre de tes préoccupations.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? » demanda la jeune femme, la voix soudainement un peu faible.

Ardelia se mordit la lèvre, hésitant à dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle finit par se décider :

- Je t'en prie, surtout, ne le prends pas mal mais les tueurs en série sont au centre de ta vie… Et Lecter tout particulièrement… Y a-t-il encore de la place pour quelqu'un d'autre ? »

Clarice marqua le coup. Elle se laissa couler en arrière sur sa chaise, secouée.

Ardelia, avec prudence et douceur, ajouta : « Sois lucide et regarde : rien que pour arriver à prendre un petit café avec toi aujourd'hui, ça a été toute une histoire. Tu n'avais pas le temps. Tu n'as jamais le temps. Et sincèrement, l'homme de ta vie doit passer avant Lecter, pas après.

- Tu as parlé avec Mike, toi » fit Clarice, soupçonneuse. Ardelia secoua négativement la tête.

- Non… Je n'ai pas eu besoin de lui parler. Toute son attitude, ses soupirs, ses regards exaspérés lorsque tu parlais de Lecter.

- Mais c'est mon boulot ! C'est normal que j'en parle.

- Clarice… » soupira Ardelia. « Tu ne t'en rends même pas compte ! Tu ne parles que de ça. Tout le temps, à tout le monde. Lecter le cannibale t'a dévorée, à sa façon… Il a pris toute la place ». Clarice se sentit blessée.

- Mais tu ne comprends pas que je me sens coupable ?

- Coupable ? » Ardelia tombait des nues : « mais coupable de quoi ? Ne me dis pas que tu te sens responsable de son évasion ? » La jeune métisse fut soudainement très triste pour son amie : « Oh ! Clarice, non ! Tu ne dois pas te sentir coupable ! Ce n'est pas de ta faute ! C'est Krendell le responsable ! C'est lui qui a pris les mauvaises décisions, pas toi.

- Tu te trompes ! Dans l'enchaînement des causes, Crawford et moi, on est en première ligne. C'est moi qui ai fait cette proposition stupide de coopération contre une semaine de vacances à Lecter.

- Clarice, arrêtes ! Si tu dois blâmer quelqu'un, alors blâme Crawford ! Il est le chef du service, c'est lui qui t'a envoyée, en bon petit soldat, exécuter ses ordres.

- Et moi, j'ai obéi car je voulais tellement réussir ! Tellement ! Je voulais sauver cette fille, impressionner Crawford, duper Lecter…

- Et tu as sauvé la fille…

- Et j'ai laissé échapper Lecter. Maintenant, je dois le retrouver.

- Ne mets pas tout sur tes épaules. C'est le FBI qui doit retrouver Lecter, Crawford, tous les agents… » tenta de plaider Ardelia. Mais Clarice leva vers elle un drôle de regard :

- Non, c'est moi. Je suis 'en charge' ». Clarice eut un drôle de regard, mi fier, mi excité : « Crawford m'a donné le dossier Lecter ».

Ardelia poussa un soupir exaspéré :

- Oh ! Non ! Clarice… »

A suivre…