DISCLAIMER: Pas de disclaimer pour moi, merci beaucoup. Je trouve ça totalement inutile et lassant à la longue. Comme s'il existait quelqu'un d'assez idiot pour penser que les personnages d'Harry Potter m'appartenaient à moi et non à leur auteur J.K Rowling. (et non, ce n'était pas un disclaimer ça)
Chapitre 1: L'art du kidnapping.
Lorsqu'Harry revint, comme il le faisait chaque année, passer l'été chez les Dursley, il ne le fit que de (très) mauvais gré et à coup de violentes récriminations. Bien sûr, il savait très bien que sa retraite annuelle au purgatoire était absolument impérative, mais avait espéré, compte tenu des circonstances et du "deuil déchirant " (comme aimait à la dire Dumbledore en prenant son air le plus soucieux) qu'il vivait présentement, que le directeur ferait une exception. Mais même son air le plus blessé, combiné avec des paupières subtilement rouges et gonflés, ne réussit pas à faire fléchir le directeur. Le deux Juin le trouva donc comme à son habitude, au 4 privet Drive, traînant sa malle excessivement lourde vers l'étage, grommelant chaque fois que son bord heurtait une marche de façon particulièrement violente (c'était dans ces moments qu'il maudissait intérieurement Hermione et les véritables pavés qu'elle lui offrait à Noël).
Après ses retrouvailles avec les murs blafards et lézardés de sa chambre, il redécouvrit les joies de la vie moldue, ses corvées interminables, ses voisins à la curiosité effrontée, ses inévitables sermons à la table du petit déjeuner… Cette année-là, les Dursley s'étaient même surpassés : Ils l'avaient nommé partenaire de jeu attitré de Dudley. S'il avait été dupe au départ, il s'était vite rendu compte que sa nouvelle fonction était de rester debout au milieu du garage expressément vide, jusqu'à ce que son corpulent cousin ait fini de faire de lui une parfaite illustration du manuel de l'apprenti cascadeur.
Les rares moments plaisants dont il put jouir étaient ceux où il ouvrait précipitamment une lettre de Ron ou d'Hermione. Elles contenaient de mordantes critiques de la tournure qu'avait récemment prise la vie politique sorcière, avec l'avènement du nouveau ministre de la magie, ou encore les derniers résultats de Quidditch avec en prime les commentaires enthousiastes de Ron. Cependant, le ton de ces lettres restait plutôt morne et lui rappelait sans arrêt les temps troublés qu'ils étaient en train de vivre.
Il avait plus que jamais conscience de la responsabilité immense qui lui incombait, mais était de moins en moins sûr d'être à la hauteur. Le destin avait vraiment un piètre sens de l'humour s'il avait confié à un simple adolescent la mission de sauver des millions de sorciers majeurs et certainement plus puissants que lui. Harry avait beau pousser ses capacités à leur limite, il ne se trouvait pas plus puissant, magiquement parlant, que ses camarades de classe. Et même sur le plan physique, la nature ne lui avait pas fait de cadeaux : de taille moyenne, pendant que les garçons de son âge exhibaient fièrement leurs gros biceps récemment acquis, lui était l'objet des apitoiements larmoyants de Mrs Weasley. A l'en croire, il avait atteint le comble de la maigreur, le seuil au-delà duquel la matière devenait néant, au-delà duquel les corps s'évaporaient. Il imagina des volutes évanescents de fumée se tortiller dans les airs jusqu'à former un éclair en trois dimensions, puis s'élever lentement pour rejoindre le ciel.
Il secoua la tête et resserra sa poigne autour du balai miteux qu'il avait dans sa rêverie laissé glisser entre ses doigts, et recommença à balayer l'entrée du 4 Privet Drive. Plusieurs semaines étaient passées depuis qu'il avait dit adieu à ses amis sur le quai neuf trois quarts. Ce jour-là, les Dursley étaient partis assister à la soirée annuelle de la Grunnings, la firme de Vernon Dursley. La tante d'Harry avait soigneusement dressé une liste interminable de tâches qu'Harry avait à accomplir avant leur retour, afin d'être absolument certaine qu'il n'aurait pas une minute pour s'amuser durant leur absence, ou pire, s'adonner aux infâmes occupations des gens de son espèce. Harry soupira. Les dernières journées de Juillet avaient été excessivement chaudes à son goût, surtout lorsqu'il devait s'arrêter à chaque instant pour essuyer les gouttes de sueur qui ne manquaient pas de glisser le long de ses tempes, le chatouillant désagréablement. Dans un accès de cruauté vindicative, il prit bien soin à chaque coup de balai de saupoudrer de poussière les Hortensias Hydrangea de tante Pétunia, si bien que le massif ne ressemblait plus qu'à un monticule sablonneux d'où ressortait ça et là un pétale froissé. Satisfait, il était en train d'essayer de déloger un vieux chewing gum particulièrement tenace du tapis de l'entrée quand il sentit le sang affluer soudainement vers sa tête, une sensation d'engourdissement gagnant ses membres.
Il eut un petit cri de surprise et de douleur mêlées lorsque ses genoux fléchirent et heurtèrent durement le sol, tandis qu'un violent vertige lui faisait perdre tout repère. Sa vision s'obscurcit et bientôt il ne put plus distinguer que la forme vaguement convexe du buisson le plus proche. Il tomba sur le côté, une douleur lancinante lui traversant les côtes et tenta tant bien que mal de s'accrocher à quelque chose afin de s'aide à se relever. Mais il ne parvint qu'à faiblement remuer les doigts, ses bras demeurant obstinément cloués au sol, secoués de tremblement convulsifs tout comme le reste de son corps. Son esprit rendu brumeux par le manque d'air parvenait difficilement à former des pensées cohérentes. En vérité, la sensation lui était quelque peu familière : Les malaises de ce genre s'étaient succédé cet été, bien que celui-ci fût particulièrement violent. Quelque part dans les nébulosités de son esprit, il avait l'espoir que la souffrance s'arrêterait bientôt. Quelques secondes plus tard, il sombra dans l'inconscience, sous le soleil particulièrement cruel de l'après-midi.
Harry… Harry…. Regarde-moi.
Il se réveilla en sursaut, avec un haut-le-cœur dont l'écho retentit longuement dans le silence, dérangeant une flopée de moineaux qui s'envolèrent d'un arbre, la mine effarouché. La nuit était tombée à présent. Il passa une main tremblante sur son visage, puis dans ses cheveux trop longs, et tenta de rassembler ses esprits. Avant même que les battements rapides de son cœur n'aient le temps de ralentir, un vrombissement de moteur rompit le calme environnant et Harry aperçut le gigantesque 4x4 de l'oncle Vernon remontant l'allée.
"Qu'est-ce que tu fais planté là comme un imbécile ? "fit l'oncle Vernon dès qu'il le vit assis sous le porche.
Harry se prit le visage dans les mains et pressa doucement les doigts contre ses tempes dans une tentative infructueuse de calmer son mal de tête. Il n'avait aucune envie de se disputer avec son oncle lorsqu'un orchestre de gnomes de jardin particulièrement tapageur semblé avoir élu domicile dans son crâne. Il ne répondit pas et regarda de biais Dudley s'extirper gauchement de la voiture, suant dans son smoking trop serré. Ses résultats académiques avaient atteint des profondeurs si extrêmes cette année-là que ses parents furent obligés de lui faire prendre des cours à domicile. Cependant, chaque professeur restait tout juste assez longtemps pour se rendre compte que rien, pas même la règle de calcul la plus élémentaire ne pouvait pénétrer le crâne coriace de Dudley Dursley.
" Tu as fini de faire ce que je t'ai demandé au moins ? "dit tante Pétunia d'une voix sèche.
Il haussa évasivement les épaules, sachant pertinemment qu'il n'avait encore ni fait les courses, ni rangé le grenier. Il tourna les talons et se dirigea d'un pas chancelant vers sa chambre : il pourrait toujours lui dire que les commerces étaient fermés, et pour le grenier il improviserait. Mais pour le moment, seul la fraîcheur de ses draps et la promesse d'une nuit de sommeil ininterrompu occupait ses pensées.
"Un instant mon garçon !" s'exclama soudain l'oncle Vernon d'une voix tonitruante." Qu'est-ce que c'est que cette chose ?"
Harry se retourna, et fut surprit de voir son oncle arborer ce curieux teint violacé qu'il n'affichait qu'en de rares occasions, lorsqu'il tombait sur un vieux parchemin dans le couloir par exemple, ou lorsqu'Hedwige s'engouffrait par la fenêtre de sa chambre à coucher au milieu de la nuit, ou encore lorsqu'Harry laissait par inadvertance les mots « moldu » ou « Poudlard » se glisser dans l'une de ses phrases.
Harry ne vit d'abord pas l'objet de l'indignation de son oncle. Il retourna dans le jardin, réajusta ses lunettes (légèrement déformées par sa récente chute) baissa les yeux et eut la surprise de voir sur le sol dallé, éclairée par la faible lueur des réverbères, une petite enveloppe rectangulaire qui brillait avec une intensité surnaturelle. Cependant, avant qu'il puisse se baisser pour la ramasser, son volumineux oncle l'attrapa brusquement par le col de son T-shirt et le souleva presque du sol.
"Combien de fois t'ai-je dit de ne jamais, JAMAIS, laisser tes babioles bizarroïdes traîner dans MA maison !" hurla-t-il en postillonnant abondamment." FAUT-IL QUE JE TE LE FRACASSE POUR QUE L'INFORMATION PENETRE DANS TON CRANE EPAIS ?"
Il le secoua de plus belle. Il était réellement furieux.
"Vernon ! Les voisins !" dit tante Pétunia entre ses dents tout en faisant un sourire d'excuse à l'adresse d'une vieille dame qui avait sorti la tête de sa fenêtre dans la maison d'en face.
L'oncle Vernon le relâcha immédiatement mais continua de le fixer avec colère, son visage gardant sa couleur exotique. Dudley, les bras croisés sur le torse, jetait des regards goguenards à son cousin.
"Je n'ai rien fait," répondit Harry d'un ton calme bien que le tremblement ne l'aie toujours pas quitté." Je ne sais pas ce que cette enveloppe fait dans votre jardin …"
"JE M'EN FICHE COMPLETEMENT ! Tu va ramasser TOUT DE SUITE cette saleté ou je te fais passer la nuit dehors !"
"Bien, oncle Vernon."
Ca ne servait à rien de discuter avec Vernon Dursley, Harry aurait du le savoir. Il se baissa, tendit la main vers le morceau de papier, puis se ravisa. Ne jamais entrer en contact avec un artefact magique dont on ignore la nature, c'était une règle élémentaire à observer si l'on ne voulait pas se retrouver mort, ou pire, entre les griffes d'un mage noir. Il sortit un mouchoir en papier de sa poche, et tout en sachant que ce n'était pas une protection suffisante, s'en servit comme d'un gant pour soulever l'enveloppe scintillante. Elle cessa instantanément de luire dans l'obscurité.
Lorsqu'Harry referma enfin la porte de sa chambre derrière lui, il se laissa lourdement tomber sur son lit et déposa l'étrange lettre sur le tapis à ses pieds. Dans la demi-pénombre, il repensa à son évanouissement de cet après-midi. Plusieurs fois, il avait eu de ces moments d'absence, durant lesquels il se sentait trop faible pour bouger, et même pour réfléchir. Jusque-là ils avaient été brefs, et ne l'avaient pas plongé dans l'inconscience comme l'avait fait son dernier malaise. Harry les mettait sur le compte de l'épuisement provoqué par les sollicitations constantes de sa tante. Cet après-midi avait été différent.
Harry était sur d'avoir fait une sorte de rêve. Les détails de celui-ci ne lui revenaient pas de manière précise, mais il avait la certitude d'avoir été en présence d'une personne, d'une espèce d'entité surpuissante. Au seul souvenir de son aura, à la fois imposante et terrifiante, différente de toutes les auras qu'il avait put percevoir dans sa vie, il ne pouvait empêcher un frisson de lui parcourir le corps. Non, ce n'était pas un rêve ordinaire, ni d'ailleurs l'un de ceux nés de sa connexion avec Voldemort. Il n'était même pas sur que c'ait été un rêve l'étrange présence avait semblé si réelle, si proche de lui, le touchant presque, l'enlaçant presque.
Harry jeta un regard à l'étrange enveloppe. Tout cela devenait de plus en plus bizarre, et Harry ne pouvait plus associer ce qui lui arrivait à la fatigue. Peut-être était-il atteint d'une maladie, une de ces maladies qui vous plongeait dans le délire, jusqu'à ce que vous ne puissiez plus distinguer la réalité des hallucinations ? L'enveloppe attirait inexorablement son regard, lui adressait des supplications muettes pour qu'il daigne enfin la décacheter. Il ne pouvait pas, il ne devait pas l'ouvrir. Mais avant qu'il ne puisse s'en empêcher, il était déjà à genoux, tournant et retournant l'objet entre ses doigts.
Il était sur qu'un jour, la curiosité le mènerait à sa perte. Ne pouvait-il pas attendre qu'un membre de l'Ordre y jette un coup d'œil avant qu'il ne se jette dessus comme un affamé ? Néanmoins, il ne s'était rien passé au moment où il avait effleuré le papier blanc de ses doigts : Pas de transplanage indésirable, ni de mort subite et violente. Il ouvrit l'enveloppe avec des gestes rendus fébriles par l'excitation. Deux petits morceaux de papier en tombèrent. Harry ramassa le plus grand. Ses yeux s'agrandirent lorsqu'il l'eut parcouru.
Je viendrais vous chercher demain soir.
Soyez prêt.
Lawrence Alexander
Le lendemain soir trouva Harry dans un état de nervosité démentiel. Si on lui avait posé la question, il aurait été incapable de relater sa journée. Il en avait passé le plus clair dans sa chambre, assis sur son lit, à scruter privet drive par la fenêtre guettant le premier signe d'une attaque de mangemorts. A deux ou trois reprises, sa tante entra en trombe, lui reprochant de sa voix haut-perchée les tâches non accomplies la veille, lui hurlant au visage un nouveau lot de corvées à accomplir, pendant que lui fixait avec un intérêt morbide les veines qui traversaient son cou, et qui palpitaient à chaque syllabe hargneusement crachée.
Mais avant d'être réduit à cet état végétatif, Harry avait adressé tôt ce matin-là une courte lettre à Hermione. Il l'avait écrite dans un accès d'angoisse, ses doigts fébriles donnant de curieuses formes aux mots, qui s'entassaient les uns sur les autres dans des phrases aux tournures obscures. Après réflexion, il n'était pas sur qu'elle comprenne vraiment ce qu'il avait voulu dire … Quelque peu rassuré, il avait alors patiemment attendu le retour d'Hedwige, ou mieux, l'arrivée d'un membre de l'Ordre spécialement affecté à sa sécurité (il n'avait pas trouvé de moyen d'entrer en contact avec ceux qui _ il le savait_ se relayaient pour le surveiller nuit et jour). Il avait été doublement déçu.
En effet, au lieu de voir le plumage blanc de sa chouette de se découper contre le ciel, cela avait été un oiseau d'une toute autre sorte qui s'était posé sur le rebord de sa fenêtre ouverte, émettant un bruit singulier à mi-chemin entre le croassement et le trémolo. Harry avait réprimé un hoquet de surprise à la vue de sa tête vaguement féline, son plumage doré ébouriffé par le vol. Il avait laissé tomber par terre le rouleau de parchemin qu'il portait dans son bec _ ou était-ce un museau ?_ et Harry en avait été reconnaissant : il n'était pas sur qu'il aurait été capable de détacher la lettre des pattes aux longues griffes de l'étrange créature, si celle-ci y avait été attachée.
Ce que Harry avait lu sur le parchemin l'avais glacé d'effroi et il avait du se laisser tomber sur son lit pour ne pas s'effondrer lamentablement sur le parquet :
Bien essayé.
Lawrence Alexander.
Ces simples mots avaient jeté le jeune homme dans un état de frénésie sans pareil. Qui était donc cet Lawrence Alexander ? Si un mangemort avait pu approcher le 4 privet drive jusqu'à pouvoir intercepter son courrier, il n'aurait pas hésité à venir le chercher jusque dans sa chambre non, ça ne ressemblait pas aux mangemorts de jouer aux kidnappeurs mentalement dérangés. Lawrence Alexander devait travailler pour son propre compte, et c'était justement ce qui inquiétait Harry au plus haut point : il ignorait parfaitement les motivations de ce total inconnu, et c'était ce qui rendait la situation si dangereuse.
Il avait ensuite pensé à appeler quelqu'un par téléphone avant de se souvenir qu'Hermione était avec Ron, et qu'aucune maison de sorcier de sa connaissance ne possédait le téléphone. ( De plus, il avait cru entendre l'oncle Vernon se plaindre parce que « il n'y avait pas de tonalité », ce qui le rendit livide.)
Finalement, il avait résolu de s'en aller et avait fais ses valises.
Lorsqu'il se retrouva dans sa chambre, assis sur sa malle verrouillée à chercher en lui-même le courage nécessaire pour franchir le pas de la porte, il se sentit stupide. Comment avait-il pu penser un instant pouvoir survivre seul avec un inconnu passablement dérangé à ses trousses, sans même avoir le droit d'utiliser la magie ? Un petit rire irrépressible s'échappa de ses lèvres sèches lorsqu'il s'imagina remontant lentement privet drive, transpirant, ahanant à chaque mètre qu'il faisait parcourir à la lourde malle qu'il traînait derrière lui. Si le mystérieux émetteur des lettres lui barrait soudainement la route, il était perdu.
Tout ce qui lui restait à faire était d'attendre calmement dans sa chambre, priant pour que la protection de sa mère soit aussi efficace contre les dangereux psychopathes qu'elle l'était contre les mages noirs, ou alors que les membres de l'ordre chargés de sa protection personnelle interviennent pour le tirer d'affaire.
Les minutes passaient et Harry suivait, le regard absent, les aiguilles de sa montre dans leur voyage inexorable autour du cadran. Le petit rire aigu de tante Pétunia, semblable à un hennissement, ainsi que celui guttural et fort de Dudley lui parvenaient du living room où ils étaient tous deux en train de s'esclaffer bruyamment devant leur programme télévisuel favori. Qu'arriverait-il si un inconnu faisait irruption dans la maison pour le kidnapper ? Sa tante aurait-elle le courage de prévenir l'Ordre ? Il vérifia encore une fois que sa baguette était bien dans sa poche : il ne comptait pas rendre la tâche facile à cet homme qui voulait l'emmener sans lui demander son avis. Il avait aussi griffonné à la hâte un message qu'il avait laissé sur son bureau au cas où un membre de l'Ordre viendrait inspecter les lieux après sa disparition, lui expliquant la situation.
Le soleil s'était complètement couché et la rue n'était illuminée plus que par la faible lumière orange des réverbères, lorsque sa tante l'appela du rez-de-chaussée, le silence s'étant soudain abattu sur la maisonnée. « Ça y est » pensa-t-il le cœur battant. Il attrapa fébrilement sa baguette magique et la glissa dans la poche arrière de son jean avant de descendre prudemment les escaliers. Sa tante l'attendait à leur pied, la mine sévère.
" La nouvelle tutrice de Dudley est là," murmura-t-elle presque." Mon petit champion a besoin de se concentrer, alors pas un seul bruit sinon tu passeras la nuit chez madame Figgs, est-ce que c'est claire ?"
Harry déglutit et acquiesça d'un signe de tête. Il avait vraiment cru… Une jeune femme aux cheveux roux serrés en un énorme chignon accrochait sa veste au porte-manteau du vestibule. Elle croisa on regard, et il eut juré qu'elle tressaillit brièvement, puis s'approcha, un porte-folio orné de petits poneys roses sous le bras.
"Alors, jeune homme, pourrait-on commencer ?" dit-elle d'une voix haute perchée, aux accents étrangement artificiels. "Votre mère a l'air inquiète à votre sujet, très très inquiète… (Elle s'éclaircit bruyamment la gorge) .Enfin, on verra ce qu'on peut faire."ajouta-t-elle avec un soupir.
"Mais je…"
"Oh mais miss Barney," intervint la tante Pétunia d'une voix doucereuse. "Ce garçon n'est pas mon Dudley. C'est juste heu… le fils des voisins. Dudley en revanche est dans sa chambre à l'étage, consciencieusement tra…"
"Pas lui vous dites ? " interrompit miss Barney étonnée.
Elle s'éclaircit encore la gorge et toisa Harry d'un regard pénétrant. Il eu la vague impression d'être soigneusement étudié.
"Dans ce cas ce jeune homme peut sans doute me montrer le chemin de la salle de bain ? Je crois que j'ai bu un peu trop de whiskey tout à l'heure."
Pétunia Dursley fronça le nez et sembla pendant un instant se demander quel genre de tutrice elle avait embauché, puis d'un mouvement sec de sa tête chevaline elle fit signe à Harry de s'exécuter.
" Par ici," fit-il de mauvaise grâce, impatient de revenir se barricader dans sa chambre.
Les marches de l'escalier craquaient sous les talons aiguille de la jeune femme. Des bruits suspects de détonations lui parvenaient de la chambre où Dudley était censé être absorbé par la préparation de ses examens de rattrapage. Arrivé devant la porte de la salle de bain, il s'écarta pour la laisser passer. Dans le corridor exigu, l'épaule de la jeune femme l'effleura légèrement et il s'immobilisa soudain, pétrifié.
Une sensation étrange l'avait assailli, semblable à celle qu'il avait lorsqu'il descendait en piqué sur son éclair de feu, ou lorsque du haut de la tour d'astronomie, il se penchait pour regarder les silhouettes arpentant la pelouse du parc de Poudlard. L'odeur suffocante du danger…
"Vous êtes une so-"
Tout se passa très vite : il vit d'abord le reflet de son propre visage ébahit se refléter dans les yeux étincelant de son vis-à-vis, puis avant il fut saisit par le col de son t-shirt, soulevé du sol et déposé sans ménagement sur le carrelage glacé de la salle de bain trop propre des Dursley. La porte claqua. Il sortit sa baguette et la pointa sur la jeune femme qui lui tournait à présent le dos.
"Vous … c'est lui qui vous a envoyé ?"
"Baissez votre baguette," dit-elle simplement de sa voix trop aigue.
Ebahi, la mâchoire pendant légèrement, Harry vit l'imposant chignon se défaire tout seul, les cheveux roux tombant en cascade sur le dos de la jeune femme, puis raccourcissant à vue d'œil jusqu'à ne plus dépasser les épaules. Ses membres s'allongèrent, s'élargir, même son accoutrement de jeune moldue se changea en une sorte de robe bleu et or. Lorsque miss Barney se retourna, elle n'était plus cette jeune femme à l'air pincé mais un homme d'une trentaine d'année, à la taille imposante, et aux yeux noirs perçant, brillant d'une énergie indicible. Harry n'avait pas baissé sa baguette, mais sentit un peu de son courage le déserter sous cet étrange regard. Il recula d'un pas, et se retrouva acculé au lavabo.
"Bonsoir, Harry Potter." Dit l'inconnu.
Sa voix était suave et mielleuse. Il amorça un geste, comme pour tendre la main, mais se ravisa, réalisant sans doute que le jeune homme n'allait pas la serrer.
"J'aurais voulu que l'on se rencontre dans d'autres circonstances, mais la protection soigneusement orchestrée dont vous faîtes l'objet ne m'a pas laissé le choix. J'espère ne pas vous avoir causé de …désagrément."
Il s'inclina, comme pour s'excuser. Un désagrément ? Il avait été sur le point de quitter définitivement little Whinging, au risque de se faire exclure de l'école, ou pire, de se faire rattraper par les mangemorts !
" Vous… vous n'êtes pas un mangemort ? " dit-il d'une voix tremblante.
"Pas plus que votre tante n'est ministre de la magie, soyez en convaincu. "
" Pourtant, tout à l'heure dans le couloir, j'avais senti comme si… comme si vous étiez dangereux … "
L'homme esquissa un demi-sourire.
"Je suis un vampire, Harry. Bien sûr que les vampires sont dangereux. Cependant, soyez assuré que je n'ai en ce moment aucune envie pressante de vous dévorer. "
Au mot vampire, Harry était devenu livide, et avait serré sa baguette un peu plus fort. Il le voyait maintenant : la peau pâle, presque translucide, les yeux aux reflets rougeoyants.
" Et pourquoi vous croirais-je ? Vous pourriez tout aussi bien être un mangemort, quelle raison ais-je d'avaler votre tissu de sottise ? "
"Aucune, je vous le concède, mais réfléchissez un instant… " Dit patiemment le vampire en écartant d'une main gantée le rideau de douche qui pendait du plafond. "Pourquoi la protection de votre mère, qui a empêché pendant des années Voldemort et ses sbires de vous atteindre, me laisserait-elle entrer, si je n'avais pas les intentions les plus pures à votre égard ? "
A ces mots, Harry fut légèrement perturbé. Non seulement le vampire était au courant de la protection de sa mère, mais il ne craignait pas de prononcer à haute voix le nom du mage noir le plus puissant de tous les temps. Ou Le vampire disait vrai, ou la protection de sa mère s'était pour la première fois montrée défaillante. Harry ne savait pas que croire. Il se rendit soudain compte à quel point la situation était surréelle : il était en train d'avoir une conversation avec un vampire dans la salle de bain trop propre de sa tante et de son oncle. Il résista à l'envie de se pincer pour vérifier qu'il ne s'était pas endormi sur sa grosse malle.
"Dans votre lettre, vous parliez de m'emmener… "
"Mon intention n'était pas de vous enlever contre votre gré, rassurez-vous, " repris Lawrence Alexander de sa voix sirupeuse. "Je voudrais simplement vous escorter, si vous le permettez, là où mon seigneur nous attend. "
"Votre seigneur ! "S'exclama Harry horrifié. Il avait tant de fois entendu le mot dans la bouche des individus les moins fréquentables que sa simple mention le faisait tressaillir.
"Pas ce genre de seigneurs ! Lord Leonard Linsen of Black Hill n'est pas un mage noir assoiffé de pouvoir. "
" Mais c'est un vampire ! "martela Harry d'un ton accusateur.
"Non, c'est un sorcier , tout comme vous Harry Potter. Je ne suis cependant pas le mieux placé pour vous parler de ces choses là . "
Harry pouvait déceler dans sa voix qu'il commençait à s'impatienter. Un ange passa. Le gryffondor continuait d'examiner l'homme qui lui faisait face d'un air soupçonneux. Il passa en revue l'étrange accoutrement bleu et or, le visage aux traits élégants spécifique à son genre, et plissa les yeux.
"Ecoutez… bien que vous sembliez être un homme charmant, qui, je n'en doute pas, est animé par les plus louables intentions, comprenez que je ne peux simplement pas suivre un parfait inconnu là où il lui plaît de m'emmener , par les temps qui courent… qu'est-ce que vous faîtes?"
Lawrence Alexander avait tendu la main devant lui, paume tournée vers le plafond et souriait gentiment.
"Prenez ma main."
Harry n'en fit rien.
" Allez-y prenez là!"
Le jeune homme resta immobile pendant plusieurs secondes, pesant le pour et le contre, avant de poser une main hésitante sur celle plus grande d'Alexander.
"Si vous aviez pu déceler mon aura tout à l'heure, c'est que votre Réveil a déjà commencé. Vous êtes du genre précoce je suppose." Dit le vampire d'un air pensif.
Harry qui ne savait absolument pas de quoi il parlait, se sentait de plus en plus stupide debout dans cette salle de bain étincelante, sa main dans celle glacée de ce parfait inconnu. Celui-ci la serrait doucement , comme on serrerait une délicate petite chose ce qui, pour une raison qui lui était inconnue, énerva quelque peu Harry.
"Voyons, concentrez vous, ça n'est pas si difficile" repris Lawrence Alexander légèrement contrarié.
"Vous voulez que je me concentre sur quoi au juste?" rétorqua Harry, agacé.
Avant que la dernière syllabe n'aie quitté ses lèvres, au moment ou il croisait le regard de son interlocuteur, la même sensation de danger qu'il avait ressentie plus tôt le submergea de nouveau. Il ne se sentait pas vraiment en danger de mort: c'était d'avantage une espèce de sentiment d'alarme, de ceux que l'on a lorsque quelque chose d'inattendu nous fait sursauter ou lorsque l'on dévale une pente particulièrement raide. Cependant ladite sensation laissa bien vite place à quelque chose de doux et de tiède qui arracha à Harry un frisson de contentement : une bienveillance indubitable et inconditionnelle. Elle submergea le jeune homme comme une vague protectrice, bien vite remplacée par quelque chose de plus dur, une sorte de pulsion instinctive, presque primale… mais Alexander avait relâché sa main.
"Qu'est-ce que c'était?" demanda-t-il intrigué. Ses sens n'étaient plus en alerte et il avait instinctivement abaissé sa baguette. Aussi saugrenue que la chose puisse lui paraître, il sentait qu'il pouvait faire confiance au vampire qui lui faisait face. Celui-ci le prit par les épaules.
"Un des pouvoirs insoupçonnés qui dormaient en vous pendant toutes ces années, et l'empathie n'en est que le moindre" répondit-il alors de sa voix sucrée."Ils sont en train de s'éveiller en vous, Harry. "
Harry réfléchit un instant et s'appuya sur le lavabo derrière lui. Ca expliquerait peut-être les malaises, cette sensation fugitive d'être vidé de toute énergie. Harry avait entendu parler de l'héritage magique, cette phase pendant laquelle certains jeunes sorciers connaissaient une augmentation sensible de leur potentiel magique. Il sentit l'excitation monter en lui.
"Lord Linsen est… le mieux placé pour vous aider à tirer le meilleur de votre héritage. C'est un homme admirable, vous verrez" fit-il d'une voix où perçait une admiration non dissimulée. Harry qui n'avait jamais entendu un vampire (ou toute "créature magique" similaire) parler d'un sorcier avec un respect aussi sincère, fut réellement intrigué. Il resta néanmoins silencieux, écoutant le pas pressé de la tante Pétunia s'approcher dans le couloir.
"Et donc … si je vous suivais, aurais-je le droit de garder ma baguette ? "
"Bien entendu, bien que je doute qu'elle vous soit d'une quelconque utilité. "
"Qu'est-ce que vous voulez dire ? "
" Disons que nous autres, nous pratiquons un tout autre genre de magie. " répondit le vampire, les commissures de ses lèvres s'ourlant imperceptiblement. "Si je décidais soudain de vous attaquer, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose que vous puissiez faire. A part peut-être courir"
Le jeune homme n'aimait pas la lueur qu'il voyait briller dans ces yeux noirs.
"Alors, vous venez ? " dit Lawrence en offrant son bras.
"Et mes affaires?"
"Je m'en chargerais plus tard"
Harry pensa alors à Hermione et Ron qui se feraient un sang d'encre s'ils ne recevaient pas dans une semaine sa lettre hebdomadaire, à Dumbledore qui lui reprocherait sans doute, même sans le dire, d'un simple regard gentiment réprobateur, son manque total de vigilance et à Hedwige, qui devait l'attendre , quelque part, hululant tristement dans une cage, puis il empoigna fermement le bras qui lui était tendu.
Voilà. Merci d'avoir lu !
Prochain chapitre dans une semaine, si tout se passe bien.
à bientôt
P.S: J'aime la critique, qu'elle soit positive, négative, constructive ou sous forme d'une série d'insultes hargneuses, en d'autres termes: review pl0x.
