Avant de commencer :

Ceci est une histoire courte, qui comportera trois chapitres et un épilogue. Je voulais faire un one-shot, mais cette histoire est trop longue pour être publiée en un seul morceau. Du moins à mon avis.

L'intégralité de ce texte devrait être mis en ligne en un laps de temps assez court.

Je voudrais remercier tous ceux qui ont reviewé la note de mise en stand-by de Antje. Vous êtes tous très gentils. Le prochain chapitre de cette fic sera publié le 19 septembre dans la soirée.

Pour finir, dans cette histoire, presque rien ne m'appartient : les personnages sont l'œuvres de J.K. Rowlings, et l'histoire m'a été inspirée par la bande dessinée Quartier Lointain de Jirô Taniguchi. Je remercie par ailleurs ma Zelia de m'avoir prêté ce bouquin fabuleux.

Gros bisous à tous et bonne lecture.

Un si lointain passé: partie 1 :

Ce matin-là, je me regardai dans le miroir, et me trouvai vraiment une sale tronche. Décoiffé, le teint blafard et une barbe de trois jours. Que du bonheur. En plus, j'avais un sacré mal au foie, et la tête sur le point d'exploser. Eûrk. La glace de la salle de bain me fit la morale comme à un gosse : "Voilà ce qui arrive quand on se bourre la gueule toute la nuit".

— Camembert, répliquai-je.

Il n'empêche que l'état dans lequel je me trouvais — une gueule de bois particulièrement sévère — me faisait comprendre que je n'avais plus vingt ans, et qu'avec le temps, l'addition allait devenir de plus en plus salée. Avec un soupir, j'ouvris un placard, et réussis à attraper le savon à raser sans faire tomber le pot de crème de beauté de Luna.

La veille, je venais de fêter avec Ron et Hermione la troisième grossesse de cette dernière. Tous les deux, ils sont fiers comme des poux. Ron espère que ce sera un garçon, car ils ont déjà deux filles, Kriemhild et Adeline. Kriemhild a le même âge que ma propre fille Vera. Elles entrent toutes les deux à Poudlard cette année, et elles sont inséparables. Normal, me direz-vous, elles ont grandi ensemble, comme des frangines.

Ron et moi, on a bu plus que de raison. Hermione n'a pas avalé une goutte d'alcool, d'abord parce qu'elle est toujours très à cheval sur les principes, et puis elle refuse de prendre le moindre risque pour son bébé. Elle m'a forcé à rentrer à la maison tant que j'étais encore assez lucide pour transplaner. "Rentre chez toi, Harry, elle m'a dit. Ta femme t'attend."Alors je suis rentré. Je me suis faufilé dans la chambre de ma fille. Elle dormait comme d'habitude, roulée en boule au fond de son lit, serrant contre elle son deuxième oreiller. Vera dort avec deux oreillers. Je me demande comment elle fera à Poudlard. Peut-être que je glisserai subreptissement un oreiller supplémentaire dans sa malle. Faut voir. Ma fille est la chose la plus fabuleuse qui me soit jamais arrivée. Tout s'était passé avec une simplicité déconcertante. Luna avait eu une grossesse sereine, un accouchement tout ce qu'il y a de plus facile, et à la naissance, Vera pesait trois kilos. Elle avait mes yeux verts, et une touffe de cheveux blonds au sommet du crâne. Maintenant, ils sont très longs, et elle porte toujours deux nattes. Ron dit qu'elle ressemble à une Allemande.

Après avoir veillé cinq minutes sur le sommeil de ma fille, je suis allé retrouver Luna. Elle dormait, elle aussi. Le sommeil avait dû la saisir par surprise, car elle se tenait à moitié assise dans le lit, le journal encore ouvert sur les genoux. Luna. Mon amour, ma femme, ma rédemption. Elle avait tellement changé depuis que je m'étais trouvé dans le Poudlard Express avec elle, au début de ma cinquième année d'études. La gamine rêveuse tenant des propos bizarres était devenue une adulte responsable et lucide, quoique toujours un peu fantasque quelque part. Elle me comprend mieux que personne. Ça a commencé très tôt. Elle a été la première à trouver des mots qui m'ont remonté le moral quand Sirius est mort. Je suis sorti avec elle alors que j'étais en septième année. Elle m'a soutenu et aidé, alors que mon moral était au plus bas. Peut-être que si elle n'avait pas été là, j'aurais laissé Voldemort me tuer. Mais à travers elle, je voyais mon avenir, la perspective d'une existence plus heureuse que ce que j'avais vécu auparavant, alors je me suis battu. Et quand j'ai tué Voldemort, elle m'a empêché de devenir complètement marteau. Son amour et ses histoires parfois un peu idiotes m'ont maintenu à flot. Quand je l'ai épousée, j'avais vingt-trois ans. Aujourd'hui, j'en ai trente-cinq.

J'ai retiré doucement le journal de sur les genoux de Luna, et je l'ai allongée dans le lit. Je me suis couché à côté d'elle, et j'ai dormi comme une masse.

Et quelques heures après, le réveil a été difficile.

Je me rinçai le visage, et me redressai pour revoir une fois encore ma gueule de déterré. J'ai toujours cette satanée cicatrice sur le front. Et une autre sur la joue gauche, un cadeau de cette garce de Bellatrix Lestrange, que j'ai tuée avec un plaisir quasiment sadique. J'ai toujours eu une figure plutôt maigre. Et pour finir, ça fait dix ans que j'ai les cheveux longs et que je les attache sur la nuque : le seul moyen pour ne pas donner l'impression de sortir du lit. Parfois, je me demande ce qu'en aurait pensé mon père. Je demanderai à Remus un jour.

Alors que j'étais en train de m'attacher les cheveux avec un élastique, Luna se montra. Elle portait une robe de chambre tilleul décorée de fleurs de cerisiers. Ça lui allai très bien. Elle se haussa sur la pointe des pieds, et m'embrassa :

— B'jour mon cœur, dit-elle.

— B'jour.

— Tu es rentré à quelle heure, hier soir ?

— Tard. Tu dormais.

— Hum. Je suis désolée de ne pas avoir pu venir. Je t'aurais peut-être évité le coma éthylique...

— Qui te dit que je suis rentré bourré, Luna Lovegood épouse Potter ?

— Je te connais comme si je t'avais fait. Ne sois pas vexé, Harry, ajouta-t-elle en voyant ma tête. Elle m'embrassa, et sortit. Plus tard, tandis que je cherchais désespérément une paire de chaussettes qui ne soit pas dépareillée, une douce odeur de café envahit l'atmosphère.

xox

J'ai toujours pris le métro pour aller bosser. J'aime bien. En plus, ça me permet de faire un peu de provoc' au ministère, car de ce fait, je suis obligé de me saper moldu. Assis sur ma banquette, je repensais à la conversation que je venais d'avoir avec Luna, à la table du petit déjeuner. Nous étions mi-août, et nous n'avions pas encore pris de vacances. Aussi mon épouse avait proposé que nous partions nous mettre au vert quelque part, une fois que Vera serait entrée à Poudlard. J'hésitais un peu : l'entrée de ma fille à l'école m'angoissait plus que ce que j'aurais cru. Je savais qu'elle serait dans de bonnes mains en présence de Minerva McGonnagal, qui avait pris la direction de Poudlard lorsque Dumbledore avait quitté ce monde. Cependant, j'avais un peu peur. Peut-être qu'avoir grandi sans parent véritable m'avait rendu un peu trop possessif. Alors que je me faisais à moi-même cette constatation, une image furtive de Sirius me traversa la tête. Je soupirai. Mon parrain était mort depuis près de vingt ans, et quelque part, il me manquait encore. La perte de Sirius fait partie de ces vieilles cicatrices qui ne s'effacent jamais. Pour me changer les idées, je pensai à Ron et Hermione. Ils passent leur temps à s'engueuler, mais ils forment un des couples les plus unis que j'aie jamais connus. Leurs prises de bec, c'est plus pour la marrade que pour autre chose. Et d'ici quelques semaines, le ventre d'Hermione commencera à s'arrondir, elle sortira du placard son horrible robe de grossesse à fleurettes, et elle devra à nouveau s'arrêter de travailler. Hermione est directrice d'un laboratoire indépendant de recherche en potions. Et Dieu merci, elle a laissé tomber les associations caricatives d'aide aux elfes de maison. En pensant à leur nouvel enfant à venir, je me sentis un peu jaloux. J'avais envie de faire un autre bébé à Luna, mais je n'avais jamais osé aborder la question avec elle.

Sans me rendre vraiment compte de ce qui m'arrivait, je m'endormis dans le métro.

Lorsque je me réveillai, j'avais loupé la station pour aller bosser. Je me trouvais dans un coin que je connaissais bien, et dans lequel je n'étais plus retourné depuis mon mariage. Le quartier où se trouvait la maison de Sirius. Pris d'une inspiration subite et venue de je ne sais où, je me levai, et descendis à la station la plus proche du square Grimmaurd. J'arriverais en retard au boulot, mais comme ça n'était jamais arrivé, je n'aurais pas trop de problèmes. À la limite, mon supérieur direct, qui était un obsédé notoire, se foutrait de ma poire en disant que j'avais passé trop de temps au lit avec ma femme.

Je trouvai rapidement le chemin de la vieille maison. Elle était à l'abandon depuis la fin de la guerre et la dissolution de l'Ordre du Phénix. Remus avait habité un moment la maison, puis, après divers pourparlers avec le ministère, il avait obtenu le droit de toucher l'or que possédait Sirius. Il avait donc quitté cet endroit sinistre que personne n'avait vraiment réussi à rendre habitable, et il s'était acheté un appartement pas loin de chez moi.

Le bâtiment lépreux m'apparut. Sinistre, laid, aux fenêtres aveugles. Les sentiments, les souvenirs et les regrets m'envahirent l'esprit. Pris de vertige, je m'assis sur un banc, le regard toujours fixé sur la maison. Je repensai à mes quinze ans, à mes angoisses, à mon incompréhension, et à tous les trucs qu'on me cachait à l'époque. À ma frustration. Celle de l'adolescent que j'étais, un gosse portant sur les épaules les soucis d'un adulte. Tout ça, c'était il y a pile vingt ans. Et aujoud'hui, à trente-cinq piges, je suis un peu revenu de tout.

Et pour la deuxième fois en une période assez courte, je m'endormis. Assis sur mon banc. Et quand je me réveillai, tout avait changé.

Quand le sommeil m'avait pris, on était en plein mois d'août, et la canicule sévissait sur Londres. Un gros soleil cognait sans merci sur les êtres vivants. Le ciel était bleu vif, et pas un seul nuage ne le décorait. Et aucun souffle d'air ne perturbait la chaleur. Or, quand je me réveillai, il faisait un froid de canard. Les troittoirs défoncés, la chaussée, tout était couvert de neige. Il faisait gris moche, et le ciel obscur annonçait la nuit. Un vent glacial me fouettait les joues. Je me redressai, et constatai que je portais une cape sur les épaules. Je me passai une main dans les cheveux pour chasser machinalement une mèche rebelle... Et faillis me mettre à hurler. J'avais les cheveux courts. Comme quand j'étais à Poudlard. Courts et décoiffés, comme ceux de mon père. Qu'est-ce qui m'était arrivé ? Je me levai, et mes jambes ankylosées par le froid et le sommeil me portèrent jusqu'à la vitrine d'un magasin, où je vis ce qu'il en était.

J'avais réintégré mon corps d'adolescent. J'avais à nouveau quinze ou seize ans. Et au vu de mon reflet, j'avais l'air terrorisé.

Qu'est-ce qui s'était passé ?

Je portai ma main à ma joue, et la pinçai violemment pour vérifier que oui, c'était un rêve, j'allais me réveiller, dans le métro, au bureau, au lit près de Luna, ou ailleurs...

— Aïe, merde !

Non. Ce n'était pas un rêve. J'étais bel et bien redevenu un ado.

Je retournai m'asseoir sur mon banc, et tentai de réfléchir. Il fllait que je sorte de là. Que je réintègre ma vie. Mais que faire ? Je ne connaissais aucun sortilège qui puisse m'aider, moi qui pourtant étais considéré comme un des meilleurs Aurors du pays...

— Harry, qu'est-ce que tu fabriques ici, nom de Dieu ? Je croyais t'avoir fait comprendre que c'était trop dangereux pour toi de sortir tout seul !

Je sursautai. Devant moi, se tenait Remus Lupin, avec vingt ans de moins. Je le regardai avec stupéfaction, et lui avec mécontentement. Il se lança alors dans un discours dont je ne compris pas la moitié. Je venais de réaliser que je venais non seulement de changer de corps, mais aussi d'époque.

Remus me prit par le bras, et m'emmena dans la maison du square Grimmaurd. Un peu angoissé, car j'ignorais en quelle année je me trouvais exactement, je me demandais ce que j'allais bien pouvoir y trouver.

J'obtins ma réponse dès que la porte s'ouvrit.

Devant moi se trouvait Sirius. Vivant. Toujours grand et maigre, avec sa tignasse noire perpétuellement emmêlée. Il souriait d'une oreille à l'autre, visiblement mort de rire.

— Ben alors, fit-il, t'as voulu faire un tour tout seul ? C'est pas malin !

— Sirius, t'es aussi inconscient que quand t'avais seize ans, râla Remus. Molly a raison de se méfier de toi. Tu te rends compte s'il lui était arriv quelque chose ?

— M'enfin, Lunard, laisse tomber. Il est revenu, il va bien, l'incident est clos. Viens Harry. Tu devrais boire un truc chaud. Il fait un froid atroce, dehors.

Je venais de me retrouver à l'hiver de mes quinze ans. Eberlué, incapable d'émettre la moindre parole, je descendis dans la cuisine avec Sirius. Il me servit un bol de chocolat chaud. Assis devant la grande table, je ne pensais même plus à regagner ma vie. J'avais une étrange envie de revivre cette période, tout en sachant que qui arriverait par la suite, pour tenter de changer mon propre passé.

A suivre.