Hello ! La fanfic qui va suivre est en réalité une histoire qui a déjà quelques années derrière elle et nombre de refontes (même le nom du héros a changé depuis...). Issue d'une période où j'étais bien évidemment fan de la série animée Pokémon (que je ne suis plus actuellement) mais aussi de l'univers de Shakugan no Shana, j'ai, sous l'impulsion de l'ensemble d'une communauté, réalisé cette histoire.
Après de nombreuses relectures, je m'aperçois, les années passant, qu'elle contient sans doute de nombreux défauts. Mais je trouve dommage qu'elle dorme dans les coins d'un dossier d'ordinateur. Autant en faire profiter, et les critiques sont toujours bonnes à prendre. Quoi qu'il en soit, bonne lecture :)
Chapitre 1 – Seuls dans l'univers ?
Poivressel est bel et bien la magnifique ville que je me suis imaginée, à l'exacte image de ce qui m'avait été décrit. Mon nez ne me trahit pas et me signale la présence d'une délicate odeur : celle des épices, entremêlées dans le marché hebdomadaire de la ville que j'aurai la chance de visiter. Sa renommée n'est pas volée, puisqu'il s'agit du plus grand marché de la région. Elle entretient ainsi la célébrité ce port aux quatre coins de la planète.
La silhouette des premiers bâtiments se dessine. Puis, au fur et à mesure de notre progression, d'autres détails se révèlent. La plage, qui semble s'étendre à l'infini, borde le grand stade qui accueille chaque année les coordinateurs ayant obtenu leurs cinq rubans au célèbre Grand Festival. Poivressel accueille en effet cette compétition qui reste certainement la plus suivie par les médias de la région, après le championnat d'Eternara.
Voilà deux mois que mon voyage se déroule dans la luxuriante région d'Hoenn. Après avoir empoché rapidement mes deux badges, je ne peux m'empêcher de regretter les Îles Sevii, d'où je suis originaire. Ce sentiment se retrouve à chacun de mes voyages « à l'étranger »… Mais je n'oserai jamais me plaindre ! La liberté et l'aventure me plaisent. Les championnats régionaux en deviennent des excuses pour assouvir mes envies de voyage et de découverte du monde me motivent à poursuivre mes voyages. Le goût pour la compétition m'incite à faire encore mieux ce que j'ai pu faire à Kanto. A l'occasion de la Ligue Indigo, j'ai eu la joie de terminer dans les seize premiers du classement. Classement honorable pour ma toute première compétition aujourd'hui, je pense mieux m'en sortir, ayant acquis une forme d'humilité qui me manquait face à mes adversaires du tableau final de la compétition.
Pourquoi me remémorer sans cesse mes erreurs passées ? Ne dit-on pas qu'il faut garder cap vers l'avenir et continuellement river ses yeux vers le futur et le progrès qu'il apporte ?
Houtarou, arrête de rêvasser et va récupérer tes affaires, l'arrivée à Poivressel n'est pas synonyme de terminus du voyage que tu as entrepris.
« Regardez, qu'est-ce que c'est là-bas ? »
Un attroupement s'est formé sur le pont afin de voir ce qu'il s'y passait. Tous les passagers étaient regroupés à l'avant du bateau afin d'observer quelque chose en direction de la ville… Durant une intervalle d'une minute, un rayon lumineux, jaillissant du ciel (sans plus de précisions…), a été projetée jusqu'à « atterrir » quelque part dans la périphérie de la ville, à un point indéterminé. Plus intriguant, l'apparition a été très rapide et silencieuse : après avoir été l'objet de toutes les attentions durant une minute entière, le flot de lumière avait aussi rapidement disparu qu'elle était apparue.
Malgré les regards interloqués des passagers, se livrant aux hypothèses les plus farfelues, une fois sur la terre ferme, plus personne ne semblait s'être plus préoccupé de ce qui venait de se dérouler sous nos yeux. Pas plus que les autochtones, qui, la tête dans leurs affaires ou leurs achats, n'ont pas daigné ou remarqué le trait lumineux qui s'était dessiné au-dessus de leurs têtes. Tout était normal. Tant mieux, tant mieux…
Les premières centaines de mètres parcourues dans la ville m'ont permis de constater qu'en effet, Poivressel méritait sa réputation. Le marché est une pure merveille en plus du ravitaillement que j'ai pu effectuer à moindre prix, j'ai réussi à me procurer des raretés et ainsi à me forger un moral à bloc pour le grand voyage dans les terres qui s'annonce. De tels objets rares, je m'étonnais d'en trouver autant et accessibles à des prix si abordables. Passionné d'histoire et particulièrement de légendes, j'ai pu m'émerveiller –sans toutefois avoir pu acheter et profiter de ces belles occasions– devant des ouvrages, parfois très anciens, portant sur différents sortes de mythes. De la célèbre légende des deux tours de Rosalia à des histoires moins connues comme celle de cette communauté vénérant les Axoloto dans une région reculée de Johto, toutes ces belles histoires, plus ou moins fictives, sont traitées. Mon regard s'est surtout attardé sur les ouvrages portant sur la région de Johto, cette belle région que j'ai toujours rêvé de la visiter un jour. Elle m'a toujours évoqué l'image d'un paradis sur Terre. Encore plus, je suis sûr, que tous les endroits ce que j'ai pu parcourir jusqu'à présent. Tout m'y impressionnerait : son paysage, ses légendes, les Pokémon typiques de la région. J'ai toujours eu une passion pour les Pokémon vivant à Johto, et c'est tout de même grâce au fait que j'habite sur les îles Sevii que j'ai pu en obtenir certains d'entre eux. Mon Xatu, mon Noarfang sont de ceux-là… la chance m'a même souri au point de m'offrir un Cornèbre, qui a à présent évolué.
Tant de souvenirs ont accompagnés mes différentes découvertes et…
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHH ! »
Que… qu'est-ce que c'est ?
Le cri a eu un effet paralysant sur ma jambe qui a stoppé net le pas qu'il s'apprêtait à franchir en direction d'une petite rue commerçante. Pile sur ma droite se trouvait une petite ruelle, coincée entre deux barres d'immeubles. Il n'y a pas d'erreur : un cri d'effroi est bien parvenu de ces ruelles sombres et anonymes. Il ne m'a pas fallu une seconde de réflexion pour me précipiter, afin de voir qui est à l'origine de cette épouvante et pourquoi.
Courir.
Encore.
Toujours.
Se rétamer par terre, à cause d'un pavé mal posé.
Sans se soucier de savoir si l'on a eu mal.
Ah voilà.
Je le vois !
Mais qu'est-ce que ce Mimigal fait là ? Il attaque quelque chose, ou quelqu'un. Mon premier réflexe aura été –heureusement !– de lancer la première Pokéball qui m'est venue. Coudlangue était prêt à l'attaque.
« Mégafouet ! »
Pourquoi lui avoir ordonné de lancer cette attaque ? Non seulement il s'agit de l'une de ses plus puissantes attaques (une moins puissante aurait suffi à terrasser le Pokémon insecte), mais surtout Coudlangue ne maîtrise pas encore correctement Mégafouet. Le risque était présent, mais il a payé. L'attaque de mon Pokémon n'a pas manqué sa cible. Mimigal se retrouve à terre en un instant. J'ai donc pris rapidement la décision de le capturer. Avec un nouveau succès à la clé. Jusqu'à ce que la Pokéball disparaisse de mes mains. Ah oui…j'avais oublié que je possédais déjà six Pokémon sur moi. Enfin, ce n'est pas grave, mais je dois absolument penser à récupérer le Pokémon pour vérifier l'étendue de ses capacités réelles.
Puis la réalité m'est revenue. Ma joie aura été de courte durée. D'où venait ce cri ? Ah oui, de là…de cette silhouette acculée dans cette impasse sombre et mal famée.
« Euh…est-ce que tout va bien ? »
Pas de réponse, mais la silhouette commence à se mouvoir jusqu'à ce qu'elle décide à sortir de cette pénombre inquiétante pour se révéler sous le soleil encore chaleureux de ce mois de novembre.
Son état inspire l'inquiétude. Du moins ce qui ressortait de mon impression. Pourtant, à ma connaissance, le Mimigal n'a pu lui faire aucun mal. Le choc l'a visiblement rendue sourde à mes appels, mais il est hors de question de la laisser dans cet endroit. Je me suis approché et…
ARGH !
Quelle arme imposante ! Je n'en ai jamais vu d'aussi…près !
« Qui… qui… qui êtes-vous ? Que…que me…voulez-vous ? »
Ça serait plutôt à elle de me dire qui elle est, et surtout, ce qu'elle trame dans un tel endroit. La situation est inhabituelle. Inquiétante, plutôt. Houleuse au point que, si je ne tiens pas à finir au rayon boucherie du centre commercial du coin, je dois trouver une solution d'urgence afin de calmer cette tarée !
« Je m'appelle Houtarou. Par pitié, range-moi cette arme. Je ne suis pas venu t'attaquer, mais seulement te secourir. Imagine un peu que personne ne soit venu ? Allez, viens, il faut voir si tu n'es pas blessée, ne serait-ce que légèrement. »
Son regard semble vouloir transpercer le moindre petit carré de peau qui me composait, à la recherche de la moindre trace d'angoisse, de crainte, peut-être d'hypocrisie ou de mensonge. Mais à mon grand soulagement, la voilà qui range son arme, qui, après observation plus minutieuse, se trouve être un katana. Sa méfiance envers moi reste à son maximum, mais la jeune inconnue se décide tout de même à me parler « normalement ».
― Je ne suis pas du genre à divulguer quoi que ce soit à un inconnu, mais bon, je pense que je n'ai pas le choix ... Je m'appelle Shana, je ne suis pas de ce monde comme tu peux certainement le constater... J'ai atterri, suite à un combat, dans ce monde qui me semble bien étrange et différent au mien…
Un court moment de silence s'ensuivit. Un malaise s'installe. Que ? Quoi ? Quel monde ? De quoi elle parle ? Elle divague complètement ou quoi ? Non, Houtarou, reprend tes esprits. Elle ne peut pas parler de cette manière en étant sensée !
« Où suis-je ? Quel est ce monde ? Pourquoi y a-t-il des monstres aussi bizarres ? »
La situation n'est plus seulement embarrassante, elle en devient kamikaze. L'état mental de cette fille a dû prendre un coup. Si, depuis le début de notre étrange conversation, je ne me suis attardé que sur sa personnalité qui m'inspire déjà un profond scepticisme, son apparence ne m'en provoque pas moins. Sa longue cape lui donne l'apparence d'une aventurière. Elle contrastait pourtant avec ce que la jeune fille portait en-dessous, à savoir un uniforme d'écolière. Celui-ci était composé d'une chemise agrémentée d'un long ruban et de boutons dorés. L'ensemble s'accordait avec la jupe verte olive et les bas noirs que la jeune fille portait. Une tenue que l'on retrouve rarement dans le cadre d'un voyage et encore moins dans les recoins les plus sombres d'une ville… Le personnage sort lui-même du commun : la jeune fille –je pourrais presque dire fillette– ne devait pas être âgée de plus de 10-11 ans mais paraît, sans prononcer grand-chose, avoir la maturité d'un adulte d'une trentaine d'années ! Même ses longs cheveux noirs, qui lui descendaient jusqu'au bas du dos, dégagent une aura mystérieuse…
Mais peut-être qu'une fois de plus, je pense de trop. Elle essaie de me calculer. A mon tour d'analyser les moindres mouvements de cette fille. D'un côté, je la perçois comme une attardée, mais d'un autre…pourquoi ne m'a-t-elle pas encore attaquée ? Afin d'en savoir plus, il vaudrait mieux répondre à ses interrogations. Rentrons dans son jeu.
« Tu es à Poivressel, dans la région de Hoenn, dans ce monde qu'est Pokémon Island. Ces monstres comme tu dis, sont des Pokémon. Des gens qu'on appelle des dresseurs peuvent en capturer et en faire des amis. Il en existe à l'état sauvage comme celui qui t'a attaqué. Maintenant, viens. »
J'espère ne pas avoir été trop « brutal » dans mes explications et surtout dans le dernier ordre que je lui ai donné. La manière dont elle pourrait le prendre me persuade de rester sur mes gardes. Grande surprise et soulagement : elle lâche son arme et se contente de croiser les bras et me répondre :
« Donne-moi une seule bonne raison de te suivre, surtout dit sur ce ton si précipité. Pourquoi ? Je ne te connais même pas et je ne vois aucun intérêt à ce que tu m'emmènes dans un centre... J'arrive très bien à récupérer toute seule, ma bonne capacité de récupération me suffit. Ce qui s'est déroulé là n'est rien en termes de souffrance, comparé à ce que j'ai déjà vécu… Et puis, c'est quoi ce monde de fou où les gens font amis-amis avec des monstres ? Ne sont-ils pas dangereux ? Ne sont-ils pas ici pour vous contrôler et détruire le monde ? »
Que de questions auxquelles j'aimerais bien pouvoir répondre, mais tellement de réponses et d'autres questions disputent une course dans ma tête. Je n'ai même pas eu le temps de placer une phrase, d'esquisser un mouvement que soudainement :
« JE NE COMPRENDS VRAIMENT MAIS VRAIMENT PLUS RIEN. POURQUOI M'A-T-ON ENVOYÉE DANS CE MONDE ? COMMENT SUIS-JE CENSÉE RENTRER ? AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! »
Ne sachant déjà plus où me mettre dans une telle situation, il devient plus que nécessaire de faire face à cet être désemparé.
« Je veux rentrer chez moi tout de suite ... je veux revoir mes amis et surtout Yuji ... (mais où es-tu donc baka* quand j'ai besoin de toi ...) Et où est passé Alastor... je suis vraiment toute seule... »
Malgré des explications un peu plus claires, sa stabilité mentale continue de me mettre en doute. A moins qu'elle ne soit vraiment malheureuse. Mais pour l'instant, il n'y a pas beaucoup à comprendre de ce qu'elle raconte. Voyant qu'elle ne compte rien rajouter, je romps le monologue, malgré mon envie d'en finir vite, très vite.
« Je ne te connais pas. Je ne sais pas non plus quel est le monde dont tu parles. Tout ce que je sais, c'est que tu ne peux pas rester ici seule. Va au moins quelque part te reposer, c'est tout, où tu voudras. Ensuite tu aviseras. Que tu récupères vite, je peux comprendre, mais crois-tu que, seule, perdue ici, tu vas arriver à ton but ? Désolé pour toi, mais comment puis-je te prouver que je suis quelqu'un de bien ? Tu sais, je pourrais être très méfiant, je ne l'ai pas été. Je cherche seulement à aider. C'est tout. Par la suite, après avoir repris des forces, rien ne t'obligera à me suivre. Mais si tu le souhaites tant je peux partir, te laisser dans ton désespoir... »
Assez fier de moi, je pense avoir dit ce qu'il fallait. Rien n'est à me reprocher, la sincérité ayant primé. Mais ses larmes ont continué à couler.
Encore et toujours.
Comme si tout était si simple. Comment être plus perdu qu'au moment présent. Elle aussi, et malgré ses pleurs, elle arrive à bafouiller :
« Je suis tellement perdue, sans savoir quoi faire... Je ne connais rien de ce monde qui est si étrange... de toutes ces bêtes que vous appelez Pokémon... Visiblement, il n'y a pas d'autre choix que d'accepter ton aide… »
Bingo.
J'avais peur que la fatigue et la tristesse ne la rendent colérique et qu'un moindre faux mouvement ou une parole lancée de travers lui fasse commettre l'irréparable. Mais elle n'avait plus l'air d'avoir l'intention d'attaquer qui ou quoi que ce soit, et ne serait pas en position d'esquisser le moindre mouvement d'attaque. Elle finit par se relever, le regard beaucoup moins calculateur qu'au début de notre conversation, voilà une trentaine de minutes. Tant mieux, je n'aime pas être dévisagé.
« Ne t'inquiète pas… Houtarou, c'est bien ton prénom ? Je te raconterai plus en détail le monde dans lequel je vis ... En espérant juste ne pas le regretter. »
J'espère également que je n'aurai pas à le regretter. Malgré tout, elle se prépare à me raconter quelque chose qui lui est cher. Naît alors le pressentiment que cette histoire va répondre à beaucoup de mes interrogations. Mais l'esprit plus en éveil, plus rassuré –tout comme elle-, j'ai pu me donner seul une réponse à une de ces questions : je suis à peu près certain que la lumière apparue quelques heures auparavant et cette histoire surréaliste sont liées. En y réfléchissant, je me suis bien éloigné du centre-ville, et à y réfléchir je dois bien être du côté où le phénomène étrange s'était produit. Cette mise en relation me rassure encore plus : malgré le caractère fantastique des événements, cette fille ne semble pas débouler tout droit de l'asile du coin. D'abord emballé par l'idée de vivre des aventures plus mouvementées, les événements actuels ne peuvent pas rester ainsi. Je dois faire quelque chose.
Il y a une base Ranger à l'autre bout de la ville. Il n'y a pas meilleur endroit pour pouvoir, au moins en partie, tenter de résoudre ce mystère. La fille commence à s'approcher de moi, en réponse à ma main tendue. Je lui fais signe de venir me suivre. Malgré ma garde baissée qui me dispose à l'écouter à présent, mes deux mains étaient toujours prêtes à saisir une Pokéball en cas d'attaque provenant de ma mystérieuse interlocutrice. Le climat qui règne reste toujours aussi ténébreux, mais il n'empêche en rien à la fille de commencer son récit :
« Le monde d'où je viens, comme tu as pu t'en douter, est totalement différent par rapport au vôtre. Pour faire simple, la métaphysique du monde, la perception que nous avons du monde, est vraiment très particulière. Les humains possèdent en eux une Torche, une lumière flamboyante qui représente la vie pour eux. Quand elle s'éteint, l'humain disparait. Certes, tout cela peut te sembler simple. Mais voilà, il y a des complications à ajouter. Il existe d'autres êtres parmi les humains... Ces êtres sont les Tomogara, plus précisément, des êtres qui se nourrissent essentiellement des Torches des humains, de leur âme. Est-ce que les humains s'en rendent compte me diras-tu ? La réponse est simple : non. Les Tomogara provoquent un Fuzetsu, c'est à dire une barrière protectrice, sur la zone qu'ils ont décidé d'occuper pendant qu'ils « dévorent » les humains. Durant ce laps de temps, les humains sont inertes, ce qui facilite le travail des Tomogara... En conséquence, tous les humains qui disparaissent à cause des Tomogara sont oubliés... Oui, tu as bien entendu, quand un humain disparait, personne ne s'en souvient. C'est comme s'il n'avait jamais existé... »
J'en reste sans voix. Autant ses explications sont passionnantes, autant le monde dont cette jeune fille arrive m'inquiète quand même, surtout si cela devait arriver un jour dans ce monde, le mien. Si elle a pu arriver ici, n'en est-il pas de même pour toutes ces horreurs ? Qui dit qu'elle n'est pas « contagieuse » ? Elle a dû remarquer mon expression abasourdie car elle se met à ajouter :
« Ne tire pas une tête comme ça. Je suppose que tu te demandes pourquoi je sais tout ça alors que normalement les humains ne se rendent compte de rien ? En fait, dans mon monde il existe aussi une autre catégorie d'êtres, les Flame Haze, dont je fais partie. Pour faire simple, ce sont des êtres qui se sont associés à un des rois de Guze, qui lui confie leur pouvoir. Leur rôle principal est d'empêcher les Tomogara d'arriver à leur but, c'est-à-dire de les arrêter avant qu'ils ne mangent l'âme des humains et prennent leur vie. Maintenant, à savoir pourquoi je suis dans ce monde... c'est plus compliqué et je n'arrive pas à avoir une explication précise moi-même ... »
Après avoir parlé de son arrivée dans ce monde, elle dévoile une expression assez troublée, comme si elle-même ne comprenait rien de ce qu'elle racontait. Mais après avoir remarqué que je ne comprenais pas les tenants et aboutissants de son histoire, elle finit par le poursuivre :
« C'était un soir, il pleuvait. Je me dirigeais vers la maison d'un ami... puis d'un coup, j'ai ressenti la présence d'un Tomogara qui s'approchait de moi... J'ai utilisé mon Fuzetsu pour neutraliser la zone, et me suis dirigée à l'encontre de ce Tomogara... J'ai sorti mon katana et me suis transformée en Flame Haze afin de l'affronter... L'avantage m'a tout de suite été offert... et quand j'ai voulu lui porter le coup de grâce, une lumière a surgi de son corps et m'a aspiré, et j'ai atterri dans ce monde... Le pire dans cette histoire est que j'ai perdu mon médaillon, qui enfermait Alastor, le roi de Guze avec qui j'ai établi un pacte. Je ne sais vraiment pas où il est... Je n'avais jamais vu auparavant un Tomogara capable d'utiliser un tel pouvoir... je ne savais même pas que ça existait. S'il n'avait pas été là, je serais toujours dans mon monde et je serais arrivée chez Yuji sans problème ... »
A partir de ce moment, elle se met à nouveau à verser des larmes. Malgré mon ignorance quasi-totale de cet univers, je ne peux pas m'empêcher d'éprouver de la compassion. Déjà, dans mon cas, quitter la famille, les amis pour partir en voyage, en sachant qu'on ne les reverra pas de sitôt est assez dur, mais se retrouver dans un univers totalement différent, sans raison, sans explication, sans savoir si l'on pourra un jour retourner chez soi, dépasse l'entendement. Impossible de concevoir une telle idée. C'est bien la première fois que j'entends parler d'un voyage entre deux mondes… En tant qu'éternel curieux et soucieux, j'ai été entièrement satisfait par les explications, au-delà de ce que je pouvais espérer. En tant que passionné de légendes, en voilà pour mes frais. Maintenant que le contexte était bien mis en place, je pouvais espérer trouver une solution, ou du moins un espoir de découvrir cette solution. Tellement plongé dans l'histoire passionnante de ma nouvelle compagne de route, je n'avais pas remarqué que nous étions arrivés dans la rue principale. Un doute me prit d'un coup : qu'arriverait-il lorsque les gens s'apercevraient de la présence d'une inconnue toute aussi « extravagante » telle que cette fille ? Je ne tarderai pas à le savoir…
Une fois dans la grande avenue, à la lumière du jour, je constate, au fur et à mesure que nous avançons, que de nombreuses personnes nous dévisageaient, nous regardaient avec stupéfaction, voire avec de l'appréhension. Bien que les regards ne se tournaient pas en particulier vers moi mais plutôt vers Shana, l'ambiance qui règne est loin d'être plaisante. On pourrait croire qu'une maladie contagieuse s'était abattue sur nous.
« Qui sont ces deux, là ? Surtout elle, elle est bizarre... »
― J'lai déjà vu lui, je ne sais plus où. C'est un dresseur. »
― Mais elle, elle n'est pas d'ici. Elle me fait froid dans le dos ! »
Cette affaire ne sent pas bon. Peu habitué à ce genre de remarques péjoratives, dégoûtées et dégoûtantes, je m'inquiétais beaucoup plus pour autre chose : comment réagirait cette fille en entendant tant de remarques injustes sur elle ? Préférant éviter le pire, j'ai essayé de la rassurer :
« Ne fais pas attention à ces remarques, Shana, ils ne savent pas ce qu'il t'arrive... »
Pensant l'avoir raisonné, je tente de passer outre des regards appuyés de cette masse oppressante. Malgré tout, je sens que Shana n'aime pas du tout cette atmosphère hostile à notre égard, surtout au sien. C'est ainsi qu'elle finit par lancer bien fort :
URUSAI ! URUSAI ! URUSAI !*
J'ai failli avoir un arrêt cardiaque tellement ces mots furent lancés d'une manière forte, imposante. La voix a pu être entendue au loin : toute l'avenue s'est figée en l'espace de quelques secondes, comme s'ils avaient subi le sortilège dont m'avait parlé Shana auparavant. Après une bonne minute de stupeur totale où la vie s'est arrêtée, son cours reprend, excepté que personne n'ose nous regarder, de faire des remarques désobligeantes sur nous. Face à mon air surpris et admiratif d'une telle capacité à s'imposer et après s'être énervée de cette façon, il est normal que plus calmement, elle me dise :
« Je pense qu'ils vont nous laisser un peu tranquille pour l'instant. Enfin j'ai encore quelques questions à te poser. Tout d'abord, à propos de ces bêtes que vous appelez Pokémon, j'ai vu tout à l'heure que tu avais une sorte de petite boule pour capturer cette horrible araignée. Comment ça s'appelle ? Comment un tel phénomène peut se produire ? Il me semble aussi que ces bêtes ont des noms ? Par logique, chacune a son propre nom, n'est-ce pas ? Et leur utilité première semble de combattre ? Mais combattre dans quel but et pourquoi ? »
A nouveau une rafale de questions, mais je me dois aussi de lui donner des explications. Mais avant de répondre, je préfère mettre mes distances avec cet endroit hostile. Je perçois malgré tout que dès qu'une personne nous regardait, Shana répond d'un regard très méfiant, froid. Incapable de deviner ses moindres faits et gestes, il m'est aisé de deviner que s'il devait y avoir une parole de trop venant de la part d'une seule personne, la réaction de Shana peut être grave de conséquences.
Il ne vaut mieux pas y penser. Heureusement, l'arrivée dans une rue peu fréquentée m'a permis de commencer à mon tour, mon récit. Mais à présent, je vérifie de temps en temps les réactions de Shana afin qu'elle ne se méfie pas trop à cause de la mésaventure qui vient de nous arriver :
« Je suis désolé. J'aurai peut-être dû te prévenir que les gens allaient réagir comme ça. C'est que des gens comme toi, il ne doit pas y en avoir des masses. Ils ne se doutent pas de ton origine, mais ton apparence et ton aura a dû les perturber. Tu dois être un cas unique. Enfin... désolé, je te dois des explications. Ces petites boules sont des Pokéball. Elles servent à capturer ces monstres que nous appelons Pokémon. Je te rassure, il ne s'agit pas de les réduire à l'esclavage ! Il n'y a rien de maléfique dedans. Malgré tout, il existera toujours des personnes malintentionnées qui se servent de Pokémon comme de machines de guerre. Mais bon, comme dit, on fait toujours tout pour les arrêter ! Bref, passons. Je ne peux pas t'expliquer ce phénomène de capture, je ne fabrique pas de Pokéball. On peut les acheter dans toute boutique ou les recevoir d'un professeur expérimenté. »
Petite pause nécessaire afin de reprendre mon souffle et de ne pas noyer Shana sous les informations.
« Oui, ces Pokémon ont des noms. Celui qui t'a attaqué est un Mimigal. Ce sont des Pokémon assez mal réputés, surtout lorsqu'ils se transforment (on appelle ça une évolution). Celui que j'ai envoyé était un Coudlangue. Pour répondre à ta dernière question, non, les Pokémon ne sont pas fait uniquement pour combattre. D'ailleurs, je dois te nuancer quand il est question de combattre. Il ne s'agit pas de les faire mourir. Dans le pire des cas, on s'en sert pour se défendre. Parfois, des personnes comme moi, des dresseurs, se combattent avec leur Pokémon, mais il s'agit dans la majorité des cas de matchs amicaux. »
J'estime en avoir dit assez pour qu'elle comprenne et ne soit pas excessivement troublée. Si elle venait à me poser des questions, je me ferai une joie de lui répondre, mais je préfère m'en tenir là pour le moment.
« Maintenant, j'aimerais que tu me suives à un endroit qu'on appelle une base Ranger. Il s'agit d'un centre où des experts s'occupent de problèmes de grande gravité. Il se peut bien entendu que nous soyons refoulés, vu ce qu'il nous est arrivé il y a un instant. Dans tous les cas, je te demande de garder ton calme, c'est tout. »
Aucune expression troublée, épouvantée, surprise. Même si je la préfère plus détendue, j'aurai bien aimé avoir un petit commentaire de la part de Shana. Ceci dit, je n'en ai pas dit plus quand elle m'a expliqué de quel monde elle provenait. Tout en gardant son calme, elle me répond :
« D'accord, je te suis. Je te fais confiance. J'espère vraiment qu'il y aura une solution. Je ne veux surtout pas rester à vie dans ce monde... Des choses importantes m'attendent dans le mien... ainsi que des personnes qui me sont chères... Enfin passons… Par contre, en ce qui concerne de garder mon calme, si tout ne se passe pas bien, je ne te garantis rien, mais j'essayerai de faire un effort. Je n'ai jamais eu un caractère facile... Mais bon, t'expliquer le pourquoi, ça prendrait une éternité... »
Le bâtiment auquel nous faisions face à présent est vraiment imposant, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Un instant distrait par la beauté des lieux, je me dirige finalement près d'une hôtesse d'accueil, qui me regarde successivement, puis Shana, avant de froncer les sourcils.
« Bonjour. Vous désirez ? »
― Je voudrais m'entretenir avec un Ranger pour une affaire très importante »
― Puis-je en connaître l'objet ? »
― Voilà, j'ai trouvé cette fille qui ne pas bien. De plus, il se passe en ville des choses étranges. Plusieurs personnes, dont moi, affirment avoir vu une lumière blanche surgir du ciel et s'abattre en ville. »
― Très bien. Je vais vous entretenir avec un de nos Rangers fraîchement muté ici. Allez voir bureau 5, entrez, même s'il n'est pas là : il ne tardera plus à arriver. »
Après ce que je pourrais qualifier de randonnée dans les couloirs de la base, nous voilà à présent devant le bureau n°5. A peine la porte ouverte, un spectacle impressionnant de désordre s'offre à nous. Des piles de livres débordant des bibliothèques s'empilaient un peu partout. J'ai peiné à trouver deux chaises de libre pour pouvoir nous asseoir. Déjà pas habitué aux files et salles d'attente, le silence qui régnait une fois installés m'était insupportable. Je suis déjà, à cause de mes voyages en solitaire, pas très bavard, mais en présence de Shana, le malaise s'empare rapidement de moi. Finalement, au bout d'un quart d'heure, quelqu'un arrive.
« Bonjour. Je m'appelle Simon. Dites-moi tout, comment vous appelez-vous ? Et en quoi puis-je vous aider ? »
Ce gars est le stéréotype parfait qu'on pourrait se faire des Rangers, tant physiquement que mentalement : impressionnant, serviable au premier abord, qui a l'air toujours au contact de la nature, malgré son attirail de technologie pointue.
« Bonjour. Je m'appelle Houtarou et voici Shana. Je suis dresseur Pokémon et viens d'arriver à Poivressel. La majorité des passagers du bateau arrivé au port vers 15 heures vous le confirmeront, et peut-être des habitants de Poivressel : de nombreuses personnes ont aperçu une lumière blanche dans le ciel à notre arrivée au port. Plus tard, vers 15 heures 30, j'ai trouvé cette fille attaquée par un Mimigal. Après avoir battu et attrapé le Pokémon, j'ai essayé de secourir cette fille. Et puis… »
J'ai failli raconter le passage où Shana a failli m'attaquer. Ne préférant pas envenimer la situation, j'ai écarté ce moment de mon récit.
« …et puis elle m'a raconté ce qui lui est arrivé. Maintenant, s'il vous plait, ce que je vais vous raconter doit rester entre nous. Les conséquences en cas de fuite en seraient fâcheuses. »
Le Ranger me regarde avec intérêt et je sens en même temps un autre regard pesant et inquiet à côté de moi.
« Cette fille vient d'un autre monde. Croyez-en ce que vous voulez, mais je vous défends de penser que je suis malade ou fou ! C'est assez difficile à croire, mais quand on voit un tel phénomène se produire, puis cette fille se trouver au même endroit, parler de choses que personne ne pourrait comprendre... Je ne vois pas d'autre explication. Je connais votre réputation, les Rangers. Je sais que vous êtes les seules personnes aptes à résoudre cette situation. Cette fille veut rentrer chez elle... Shana, je te laisse expliquer de quoi il s'agit, d'où tu viens. »
A présent, il n'y a plus qu'à espérer que Shana veuille bien raconter son histoire une deuxième fois et livrer à nouveau ses souffrances…
« Comme vous l'a dit Houtarou, je m'appelle Shana. Mais je n'ai rien d'autre à vous dire de plus. Je ne tiens pas à ce que tout se sache ici. »
La situation se révèle être plus compliquée que prévue. Mais comment ne pas comprendre Shana, ou du moins, qu'elle n'ait pas envie de tout révéler ? Il est pourtant nécessaire de trouver une solution pour l'aider à rentrer chez elle. Avant d'avoir pu dire quoi que ce soit, le Ranger répliqua d'un ton désabusé :
« Je ne vois pas ce que je peux faire en connaissant si peu d'éléments dans cette affaire. »
Enormément déçu par la réaction du Ranger, l'image que je me suis fait d'eux a pris un sérieux coup. Je les voyais prêts à tout faire lors des situations les plus difficiles, sans buter devant le moindre obstacle. Eviter la confrontation ne fait pas partie de leurs compétences. Certains d'entre eux ont fait parfois tenu tête à des Pokémon légendaires, sans sourciller. Ils ont réussi à ramener l'ordre et la paix dans des provinces entières. Et là… et là, juste parce qu'il s'agit d'une fille perdue et que cela n'a pas l'air de troubler l'équilibre du monde, ce monsieur croise les bras ! Quelle déception…
« Mais enfin, vous avez une réputation à entretenir, telle que vous ne pouvez pas reculer dans une situation comme celle-ci !
― Je vous le répète, je – nous n'avons pas assez d'éléments pour pouvoir mener une enquête sérieuse. De plus, votre amie refuse de parler, je ne vois pas de raison pour faire quelque chose pour elle.
― Mais…
― CA SUFFIT ! »
Shana.
« Je ne sais pas quel est votre rôle, mais je lui ai fait confiance pour que vous puissiez m'aider, mais vous ne faites rien. Vous n'êtes donc qu'une bande d'incapables ! Allons-nous-en ! »
Il fallait s'attendre à cette réaction, mais exaspéré par la tournure ridicule prise par les événements, je quitte la pièce. Shana m'emboîte le pas et claque la porte sur un Ranger Simon désabusé par ce qui vient de se produire à son égard. Totalement confus par la situation, je trouve à côté de moi une fille d'abord furieuse, puis complètement abattue.
« Je ne sais pas pourquoi ils ont réagi comme ça, Shana, mais j'en suis moi-même complètement surpris.
― Oh, toi ! Fous-moi la paix, c'est TOI qui m'as amené ici !
― Je ne pensais pas que l'entretien se passerait ainsi ! Moi aussi je les pensais plus dignes de ce genre de mission, mais ce n'est apparemment pas le cas ! »
Autant le soleil brille et témoigne d'une météo encore magnifique dehors, autant le brouillard s'épaissit dans ma tête. Je ne sais plus quoi faire. Cette après-midi m'a complètement épuisée, et pourtant une belle journée devait s'annoncer. Au bord de l'évanouissement, avec une inconnue, enfin, une personne que je connais à peine, je ressens des relations encore très tendues, pour le moment –espérons-le–. Et pourtant, il ne m'était pas permis de l'abandonner. Je risquerais en plus de le regretter, dans tous les sens du terme. Moi-même sur le coup je me sentais un peu seul. Demande rejetée par les Rangers, mal vu à présent par la population de Poivressel et perçu par Shana comme un bon à rien. Je n'ai jamais ressenti cette frustration que l'on pouvait avoir lorsque l'on était lâché par à peu près tout le monde. A vrai dire, je n'ai jamais eu vraiment besoin de l'aide des autres auparavant. Et je n'ai pas envie que les autres subissent le même sort. Encore moins Shana. Après tout, ma situation n'est pas la pire…enfin je pense. J'espère.
« Viens. Nous allons dans cet endroit que nous appelons un Centre Pokémon. Nous y serons plus à l'aise pour discuter. »
Sans me répondre, elle me suit. Je me sens réellement mal à l'aise et il faut absolument que je me pose quelque part. Mes jambes vont crouler tellement la lourdeur m'accable, maintenant, dans cette situation. Heureusement que le Centre Pokémon n'est pas loin et que nous ne sommes pas obligés de traverser à nouveau la grande rue. Je n'aurais ni supporté de nouvelles remarques, ni les répliques de Shana. C'est donc avec soulagement que j'aperçois le Centre Pokémon. Une fois à l'intérieur, je m'écroule sur l'un des bancs les plus proches, à la limite de dormir sur la table.
« Vous avez vraiment peu de forces pour être dans cet état. Vous êtes vraiment faibles. Je me plains d'être arrivé ici.
― Oh, c'est bon, tranquille hein… »
Si elle commence à me rabaisser de cette manière, je sens que je vais mal supporter ces prochains jours, voire les prochaines semaines, si son séjour à mes côtés devait se prolonger.
« Bon, laisse-moi tranquille. J'ai essayé de t'aider, et je ne comprends pas pourquoi tu t'adresses à moi comme si j'étais un gamin ! »
Elle me dévisage à nouveau, et même si elle ne dit rien, on devine ô combien elle est furieuse. Je ne préfère rien rajouter, car la situation risque de s'envenimer à nouveau, et je risque d'en faire les frais cette fois-ci. La fatigue commence à m'emporter. J'ai du mal à rester vif et ma tête devenue lourde n'a qu'une envie, de se poser sur quelque chose, n'importe quoi. La table devant moi reste l'idéal.
« Montre-moi tes Pokémon. »
Hein, quoi !? Pourquoi me fait-elle une telle demande, alors que je l'ai agressé, et que j'ai été incapable d'être à la hauteur de la situation ? Un espoir de montrer que je ne servais pas à rien se profile. Un élan d'enthousiasme finit par s'emparer de moi, malgré la grande exténuation que j'éprouve. J'accepte donc de faire part une nouvelle fois de mes explications à Shana, et l'emmène dans un coin tranquille, derrière le centre, à l'ombre d'un arbre dans une petite clairière, où personne n'a eu l'idée de se reposer, sans doute à cause du parc qui se trouvait un peu plus loin et du marché qui a rameuté beaucoup de monde. Hormis la grande rue, les environs étaient calmes.
Quel Pokémon présenter en premier ? Je me souviens avoir utilisé Coudlangue lors de la capture de Mimigal, alors autant le présenter à nouveau tout de suite. Ayant la Pokéball en main, je remarque que toute l'attention de Shana est centrée sur l'objet et de ce qui va en sortir. Toujours aussi inquiète ? On verra bien. La Pokéball jetée dans les airs révèle Coudlangue.
« Voilà Coudlangue. C'est lui qui a permis ton sauvetage face au Mimigal qui t'a attaqué ! »
J'espérais déceler au moins un peu de gratitude dans le regard de Shana, mais il n'en est rien. Elle ne semble pas avoir compris qu'elle doit probablement la vie à mon Coudlangue. Enfin, elle estime surement qu'elle s'en serait bien sortie seule avec son katana, mais ce n'est pas l'impression eue lorsque je l'ai découverte, ce qui a donc accentué cette impression d'inutilité. Malgré tout, je lui ai présenté le reste de mon équipe. Indifférente devant mon Zarbi, impassible avec Ramoloss, imperturbable avec Corboss, Shana donne l'impression d'avoir seulement voulu voir mes Pokémon pour tuer le temps. Histoire de ne pas tuer autre chose, pourrais-je penser. Déçu par l'air blasé de Shana, je m'aperçois finalement qu'elle montre enfin un signe d'intérêt.
« Ils ont l'air bien traités ! Tu n'as pas l'air si faible que je le pensais au départ… »
Je ne sais pas si je dois le prendre pour un compliment, mais vu le caractère qui anime Shana depuis notre rencontre, je vais estimer que oui. Après avoir terminé les présentations par Xatu et Noarfang, j'estime qu'il est temps de retourner au centre et de réfléchir à la situation et sur les maigres indices dont nous disposons. Mais avant toute chose, il serait bon de rester ici pour la nuit, et après avoir réservé deux chambres au Centre, Shana et moi sommes allés manger. Après avoir choisi une bonne assiette de spaghetti bolognaise, je regarde, surpris, Shana qui ne mangeait rien.
« Tu n'as pas faim ? Après avoir vécu de telles aventures, il serait plutôt judicieux que tu reprennes des forces, non ?
― Je t'ai déjà dit que nous avions une plus grande capacité à nous régénérer, et je suppose que vous ne connaissez pas les pains-melon.
― Non, mais je…euh…les pains-quoi ?
― Les pains-melon. C'est bien ce qu'il me semblait, vous ne connaissez pas ce qui est bon.
― Je suis dresseur, pas spécialiste gastronomique. Ben regarde s'ils ont de ceci ici. »
Toujours impassible, Shana quitte la table, pour revenir une demi-heure plus tard, sans doute sans savoir que j'ai pu m'inquiéter à son sujet. Elle semble par contre avoir atteint son objectif, puisqu'elle ramène un paquet avec elle. Et c'est ainsi que je découvrais, avec curiosité, à quoi ressemblent ces petites brioches à l'apparence attractive et qui, en effet, dégageait un arôme pas désagréable. Ils n'ont pas l'air si mauvais en apparence, même si je ne me faisais mal à l'idée de mélanger pain et melon. Par contre, au vu de son expression, Shana avait l'air de vénérer les petites brioches. Bien la première fois que je la vois sourire. J'ai du mal à m'imaginer une telle situation. Au moins, je ne le vois plus comme une malade mentale, contrairement à ce que j'imaginais au départ. Elle a son caractère… Puis, je ne connais pas le monde dans laquelle elle a l'habitude de vivre. D'après ce que j'ai compris, elle combat des créatures, qui sont loin d'être tout aussi gentilles que le sont les Pokémon dans ce monde. Je pourrais en fait expliquer ces états de colère, de tristesse, d'impassibilité par plein de raisons… Mais en rien je n'ai oublié la raison de notre présence ici.
« Il serait temps de parler et de trouver un moyen…de te sortir de là, Shana.
― C'est vrai…mais c'est toi qui connait ce monde, pas moi.
― Exactement, c'est pour cette raison que nous allons, dès demain, à la recherche d'éléments qui pourraient déjà expliquer pourquoi, comment, tu as pu atterrir ici, et ensuite un moyen de te ramener chez toi. »
C'est sur une dernière approbation de Shana que nous sommes allés nous reposer dans nos chambres respectives. Ainsi se termine une journée riche, mais qui m'a laissé vivre l'expérience de sentiments que je n'aurais jamais vécu sans cette présence assez…particulière.
1 baka (馬鹿) : un idiot
2 urusai (うるさい)= la ferme !
