Note de l'auteur : les personnages de Skies of Arcadia ne sont pas à moi, je fais pas de fric blablabla. Ça se passe dix ans avant le début du jeu, où comment le gentil Rami se retrouve confronté à la dure réalité d'Arcadia.

Warning : Les paroles insérées No Bravery sont de James Blunt ! L'art utilisé appartient à a-amamiya je vous invite à découvrir son deviant art !

Acrystar.


L'Argent et le Noir

1


Je me souviens… je dis au revoir à tout le monde, je serre Fina dans mes bras et je prends mon vaisseau. Les mains contre le hublot, je regarde le noir de l'immensité, je regarde les étoiles et la lune d'argent se faire de plus en plus petites. Je quitte ma maison pour une grande mission. Je vais voir le monde d'en bas, j'en suis si content ! Content d'avoir été choisi ! Je suis brave… je descends encore plus. Je suis brave et je souris. Je mènerai ma mission à bien et je les sauverai tous. Je caresse le hublot et lève la main vers le point minuscule qu'est ma lune.
Je souris, je suis brave et bientôt je les rendrai tous fiers de moi.

« Fier »

Oui, ils le seront tous…
Un bip raisonne à mes oreilles, je regarde autour de moi et m'agrippe à la première chose qui passe sous mes doigts. Mon sourire s'efface, mon air brave s'ébranle alors que la carlingue de mon engin se tord. Je sers ma poitrine, j'ai peur, un bruit sourd… vais-je mourir avant d'avoir réalisé ma mission ?

J'ouvre les yeux avec difficulté, des enfants me regardent en murmurant. Je leur souris. Oui, je suis encore en vie, quoi qu'il se passe, je reste brave. J'ai mal partout, mais je me lève. Une petite fille me sourit, elle me prend par la main et m'emmène dans sa maison. Une jolie maison, même si c'est bien différent de la ville silvite. Elle sent bon…
Leurs maisons sont faites en une chose marron qu'ils appellent bois. Le bois est beau et sent très bon, j'aimerais montrer ça à Fina, elle adorerait ! Et ce n'est pas froid comme là-haut.
C'est étrange… Je souris encore, quelle est ma mission déjà ? J'ai du mal à m'en souvenir… ce n'est pas grave.
La femme a perdu son mari, il a été tué par des pirates noirs, alors je l'aide un peu, en attendant que ma mémoire revienne. Je suis brave, comme toujours, je l'aide, je coupe cette chose marron pour qu'elle fasse du feu, je tue les montres qui rôdent autour de la maison protégeant les enfants qui jouent paisiblement. Son sourire est doux, et triste à la fois. Elle ressemble un peu à Fina, enfin je crois… De jour en jour son visage s'estompe. Je ne sais plus trop à quoi elle ressemble. Ce n'est rien ! La mémoire me reviendra.
Je suis vivant, je me rends utile. Les enfants sont gentils avec moi, je fais maintenant parti de la famille, du petit village. La chaleur humaine… oui je dois les protéger en anéantissant l'ennemi, c'est mon devoir de silvite. Je serai fort et brave, je les aiderai !

Je suis assis sur un rocher et je regarde le ciel tendant la main à une lune, qui n'est pas la mienne… peut-être qu'un jour je retournerais là-bas, et je raconterais tout à Fina. Pour lors, les enfants jouent devant moi et je leur souris les couvant d'une attention particulière. J'ai été élevé seul, Fina est née bien plus tardivement et j'ai tout de suite su être une figure fraternelle. Je pense que je m'impose à eux comme un grand frère protecteur...
Leur chien hurle à la mort, je ne comprends pas ce qu'il se passe sur le moment, un grand bateau flottant passe devant nous, ses canons sortent les uns derrière les autres. J'entends la mère hurler de se mettre à l'abris, puis je la vois courir, laissant son linge dans la terre et la boue. Je suis fort et brave, je me lève soudainement alerté, j'attrape les enfants et les emmène dans la cave, alors que le vaisseau bombarde tout sur son passage.
Je sers les enfants, je leur souris.

« Tout ira bien »

Que de mensonges, je ne suis pas courageux, j'ai peur, peur que je ne sois pas assez fort pour les vaincre, pour vaincre les ennemis et les sauver. Je ferme les yeux et attends avec eux, dans un silence mortuaire. Je n'ai jamais vécu ça... que dois-je faire ?
Au petit jour je me décide à ouvrir la trappe. Le ciel est gris, l'aube sanglante, la maison de bois a disparu parmi les flammes, il y a un grand trou au milieu des cultures, les enfants appellent le chien. Un chien qui ne reviendra jamais

Je verse une larme. Je n'ai pas réussi à les protéger tous… La petite fille me traîne par la main. Il faut rejoindre le QG. Nous marchons en silence, parmi les cadavres... C'est horrible ! J'ai envie de vomir, je viens de marcher sur quelque chose de mou, ça a fait un bruit atroce, qu'est-ce que c'est ? C'est sanguinolent, on croirait... des entrailles ! Je protège les enfants de cette vision angoissante, nous sommes dans un cauchemar. Le ciel est poussiéreux, des femmes ensanglantées serrent des cadavres d'enfants, des hommes pleurent devant leurs parents, le monde que je regarde n'existe pas, ça ne peut pas !
C'est horrible de voir ça !
Tous ces gens qui ont été gentils avec moi.
Tous ces gens qui m'ont accueilli chaleureusement ont été réduits en corps calcinés...
Es-ce ça l'humanité ?
Je dois sauver ça ? Pour que des enfants pleurent sur les cadavres immondes de leurs proches ?

There are children standing here,
Arms outstretched into the sky,
Tears drying on their face.
IT has been here.
Brothers lie in shallow graves.
Fathers lost without a trace.
A nation blind to their disgrace,
Since IT's been here.

Mon regard se tourne vers autre chose que ses enfants qui pleurent. Là, on fait des tombes pour des gens. Mon regard se fige. Je le connais. Il venait m'aider à planter les légumes. C'était un ami de la famille, un grand frère pour les enfants. Je baisse la tête… alors que mes yeux se posent sur ses enfants, désormais seuls au monde.
Voilà le monde que je dois protéger, on m'avait dit que seuls les méchants à abattre, étaient les Valuans. Mais ce n'étaient pas les Valuans qui ont attaqué ce paisible village... ce sont... les pirates noirs.
C'est trop dur, je ne suis pas assez brave, je ne peux affronter ça seul !
Mes mains serrent celle de la gamine, nous avançons, laissant les autres face à leur malheur, on ne peut rien y faire de toute façon. Les enfants grelottent de froid et de terreur. On doit retrouver leur mère… Nous avançons parmi les décombres, parmi les pleurs, les cadavres et le sang. On se retrouve dans un long sous-sol, un homme parle de guerre. C'est elle qui arrive et qui décidera qui survivra. La petite fille court vers quelqu'un, que la lune d'argent soit louée ! Elle est là, le visage grave sans un sourire, elle attrape sa fille. Je m'approche avec les garçons et je la prends dans mes bras.

La guerre… comme avant, c'est le même rituel. Ce qui a décimé la terre à l'ère des gigas va recommencer…
Les hommes se bousculent, des coups de canons refont surface. J'attrape ce que l'on me tend, une épée et j'emboîte le pas derrière les autres. Je suis brave, je vais y arriver, c'est le rôle des hommes : se battre pour sauver les femmes et les enfants ! J'embrasse du regard la famille, ma famille et je cours.

Les pirates noirs investissent l'île où je me suis crashé. Je dois les aider ! Mon épée fend les airs et tue les méchants. Es-ce qu'ils ont des enfants ? Des femmes qui les attendent au loin ? Je verse une larme alors que je tue un autre homme. Je fais comme les autres, ma lame fend des corps qui se vident de leur sang, je ne vois plus leur visage, leur humanité, non je ne veux pas voir les atrocités que je fais ! Mes camardes tombent, une lame frôle ma tempe. J'ai mal… Va-t-il me tuer ? Un obus éclate à côté de moi, l'homme hurle et est répandu un peu partout. La terre, le sang coagulé, des morceaux de chair humaine recouvrent mes cheveux, ma peau, j'étouffe, mais je continue de tuer. Je ne suis pas brave, non, j'avance, c'est la seule volonté de survivre qui me fait avancer.
Je tremble, j'ai peur, je pleure, je suis à bout de force et malgré tout je tue encore alors que mes yeux sont noyés de larmes. Que fais-je ? Je tue des humains, alors que je suis venu les protéger, pourquoi je ne peux pas protéger tout le monde…

And I see no bravery,
No bravery in your eyes anymore.
Only sadness.

Je m'écroule, je n'arrive plus à tuer, le dernier que j'ai abattu devait avoir mon âge, comment peut-on tuer quelqu'un d'aussi jeune ? Je me dégoûte ! Je vomis mes entrailles dans ce charnier qui sent la mort, l'odeur des cadavres qui brûlent, l'odeur des viscères dans lesquelles je patauge… Je vomis encore et encore, ma main se pose sur ma tempe, je saigne de plus en plus, l'odeur de la mort rôde autour de moi, vais-je mourir ici, aussi ?
Hagard, mon regard vogue autour de moi un cadavre me regarde, on croirait qu'il me dévisage, non, non ne me regarde pas, ce n'est pas moi qui t'ai tué, ce n'est pas moi ! Je commence à perdre la raison… je ne le peux pas, ce sont des humains, comment peuvent-ils, s'entretuer, comment puis-je les tuer ? Comment peut-on en arriver là ? C'est à cause d'elle ? La guerre ? Mais comment la vaincre, pour que tous soient en paix ?
Un homme me soulève, je ne sais pas si je dois le tuer ou le bénir, je suis à moitié sourd, l'obus a dû m'éclater les tympans. Il me parle mais je ne comprends pas, il me tire à l'abri et je me laisse faire, ébranlé par ce qui vient de se passer…

Houses burnt beyond repair.
The smell of death is in the air.
A woman weeping in despair says,
IT has been here.
Tracer lighting up the sky.
It's another families‚ turn to die.
A child afraid to even cry out says,
IT has been here.

Me revoilà au point de départ, la femme se rue vers moi, elle me caresse le visage mais je continue de pleurer, pourquoi ? Pourquoi suis-je venu ici ? C'est l'enfer ici ! Un homme crie, les gens se bousculent, il y a une grande fissure sur le mur porteur. La femme me prend la main et on court, on court dans la cohue générale, je tiens toujours la fillette, et elle, ses frères. Je n'entends toujours rien, enfin comme au lointain.
J'ai mal au crâne, mais je dois rester brave, au moins en apparence, pour elle, pour ma nouvelle famille ! On sort enfin de sous terre, pour courir dans la forêt, je ne regarde plus les autres, ces enfants qui crient au loin, ces femmes qui hurlent. Les s'en prennent aussi à eux, maintenant ! Un nouvel obus tombe du ciel, et c'est de nouveau le silence.
La fillette se met à pousser des cris stridents, je ne sais pas quand il a disparu, mais il manque un des garçons. J'entends les pirates s'avancer, on ne peut pas faire chemin arrière, j'agrippe fermement la mère qui appelle son fils et mets la gamine sur mes épaules, tenant l'autre garçon par la main. Je n'en perdrai plus un, je les protégerai, il le faut !
Voilà la guerre !

And I see no bravery,
No bravery in your eyes anymore.
Only sadness.

La poussière me brûle les yeux, je n'arrive plus à retenir mes larmes, jusqu'où allons-nous courir comme ça ? A l'autre bout du monde ? J'ai mal à une jambe, mais je continue d'avancer.
Une embuscade... je lâche les enfants et la femme, je tue, encore et encore, pardon, pardon maître. Je vais sauver l'humanité dans la mort. J'hurle, alors que mon sang se mélange au leur…
Que dois-je faire, aidez-moi, aidez-moi !

There are children standing here,
Arms outstretched into the sky,
But no one asks the question why,
IT has been here.
Old men kneel and accept their fate.
Wives and daughters cut and raped.
A generation drenched in hate.
Yes, IT has been here.

Malgré ma volonté, nous sommes attrapés, je ne peux rien faire, ils sont trop nombreux… On me met des menottes et on tire les enfants et la femme par les cheveux. J'hurle, comme un dément, de ne pas leur faire du mal, mais ce n'est que du vent.

Nous revoilà, à ce qui a été jadis, un joli village… Je suis jeté vers les autres hommes, on me roue de coups, les autres disent des mots étranges, je demande, on ne me répond pas. Le vieux du village s'agenouille devant les brutes et je vois une lame le transpercer. Ils vont tous nous tuer ?
Les enfants mâles sont entraînés dans les vaisseaux, ils vont en faire des nouveaux soldats, amers et haineux de ce massacre. Je vois la mère qui pleurent qu'on ne lui retire pas son fils. Je ne peux rien faire pour elle à part regarder passivement…
Mes yeux se voilent alors que la petite fille est exécutée sous les yeux de sa mère, qui est en train de se faire violenter par des hommes. Que font-ils aux femmes ? Non… Non… je crie me précipitant vers elle… Tant pis pour ma vie, tant pis pour la douleur... J'arrive pour rencontrer du sang, ils l'ont éventrée. Comment ? Pourquoi ? Ils partent ? Ils tirent sur tous les hommes, ils ne laisseront aucun survivant, je me prends une balle et m'écroule. J'ai mal. Moi aussi, je vais mourir ?

And I see no bravery,
No bravery in your eyes anymore.
Only sadness.

Un faisceau jaune pourfend le ciel, je regarde les volutes de fumée tandis que le vaisseau explose. Que se passe-t-il ? J'ai froid, je crache du sang, je ne veux pas mourir là. Je pleure, pourquoi ceux que je devais protéger m'ont tué ? Pourquoi ?!