Bonjour, bonsoir à toutes et à tous.
Cette fanfic n'aurai jamais dû voir le jour… Effectivement, en pénétrant sur le fandom parmi la foule d'auteur, je m'étais dit : « moi jamais je n'écrirais de Minos/Rune ! ».
Pourquoi ? Parce que ce pairing m'énerve tout simplement. Oui, c'est illogique mais c'est comme ça.
Pourtant j'aime bien Rune, mais il ne faut pas chercher à comprendre. A force de me faire harceler par Zexy qui aime bien ce couple, je me suis laissée convaincre (un peu n'exagérons rien). Puis la vision d'Aeter m'a bluffé, carrément, car je n'ai encore jamais vu un Rune aussi classieux. C'était la première fois que je faisais des éloges au Balrog :D
Ceci étant dit, on peut remercier ces deux demoiselles pour m'avoir fait changer d'avis. Je voulais visiter un autre aspect de sire Mimiche et offrir à Rune une idylle avec le juge.
Le mérite-t-il ? A vous de juger.
Il en découle une fic assez conséquente pour le coup, de 9 chapitres pour l'instant.
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Genre : Romance/Angst
Pairing : Minos/Rune
Rating : M
Titre : « Noël sous la neige », inutile de préciser que tous les titres des chapitres porteront des noms imprononçables et que j'aime la Norvège.
Petite précision : la date du début de la publication de cette fic correspond à la Sainte Lucie en Norvège, fête très populaire mais j'y reviendrai plus tard.
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C'est peut être la première et la dernière fois que j'écris sur eux, pardon au tendre Albafica pour cette trahison.
Bonne lecture au cœur des fjords.
Kisses,
Perigrin.
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Jul i snøen
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Chapitre 1
Ved avreise
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La journée se terminait pour Minos, encore une de plus à rajouter au compteur. Le rituel immuable de sa fin d'après-midi ne variait pas, avant de sortir du tribunal il mettait ses affaires en ordre, accrochait sa robe de magistrat au portant. Sans un regard pour sa salle déserte, il refermait la porte puis se rendait une dernière fois dans son bureau, à côté du palais. Parfois il y restait des heures, entamant son début de soirée et d'autres, juste le temps de ranger quelques dossiers. Les jours passaient et se ressemblaient car tout était terne pour le juge, absolument tout.
La mine sévère qu'il arborait divulguait son enfermement. Rares étaient les fois où le Griffon affichait un sourire au coin des lèvres et où ses yeux pétillaient de malice. Ils étaient éteints tels des étoiles filantes dissipées par vaporisation dans l'immensité galactique. Plus aucune vie n'y prenait place, pas même de colère.
Il ne passait rien à travers les perles translucides délavées au fil des années. Tout était gris, autant que ses iris asséchés.
Ce soir il rentrait chez lui, dans ses appartements quand sa route croisa celle de Rune et de Byaku. Ses subordonnés firent un geste de déférence en se courbant légèrement, Minos s'arrêta et pencha juste un peu sa tête pour les saluer. Ces temps-ci le juge en titre parlait moins avec ses soldats, préférant se retirer au calme. Il devenait un peu plus chaque jour inabordable et distant au grand dam de ses proches.
Les visites à ses frères se raréfiaient, quand il se rendait chez l'un d'entre eux, il restait silencieux la plus part du temps. Eaque le raillait en disant qu'il faisait un concours avec Rhadamanthe. En temps normal ce genre de quolibet incitait le marionnettiste à contre-attaquer, ses réponses étaient quasiment toujours impitoyables, étrangement plus maintenant. Il se contentait de hausser les épaules en buvant tranquillement sa tasse de thé ou son verre d'Aquavit (1), ne prêtant aucune attention aux paroles provocatrices de son cadet.
Minos reprit son chemin une fois ses salutations rendues, ses pas lents l'amenèrent jusqu'à son palais. Si grand, si désertique et si mort. L'étoile céleste de la Noblesse se rendit directement dans son bureau personnel, pour y faire quoi ? Il ne le savait pas lui-même. Seule certitude qu'il avait : rester seul pour cogiter. Ce soir il n'était pas en mesure de supporter les babillements ou les attaques d'Eaque, ni les regards chargés de questions de Rhadamanthe. Ce soir, l'argenté voulait oublier. Oublier l'amertume de son présent, le souvenir de son passé et la douleur de son futur. Il s'endormit d'un sommeil sans rêve entre les lettres exaltées de son amour défunt et de son image floue s'estompant au fil du temps.
Le trouble qu'il gardait en lui ne transparaissait jamais aux yeux des autres, comme d'habitude le juge siégea toute la journée et celles d'après à son tribunal ; droit, majestueux et intraitable. Les âmes défilaient, les jugements se suivaient, se ressemblaient. Rune remarquait les traits tirés, le teint blafard et l'absence d'entrain de son supérieur. Depuis qu'il était à son service il connaissait ses mimiques sur le bout des doigts, Minos n'avait nul besoin de parler pour que le Balrog ne déchiffre ses attitudes.
— Messire Minos… laissa planer Rune.
— Oui, que se passe-t-il ?
— Et bien…
— Pourquoi hésites-tu ? Dis ce que tu as à dire… ordonna l'argenté d'un ton sévère.
Nullement impressionné pour un sou, Rune continua.
— Vous avez l'air épuisé, dormez-vous bien ?
— Pourquoi cette question saugrenue ? Cela te regarde en quoi au juste ? s'offusqua le juge en dévisageant durement son subordonné.
— Cela me concerne parce que votre concentration est amoindrie messire, et que par conséquent cela se répercute sur vos jugements.
Le juge posa brusquement son stylo plume, intensifia son cosmos noir pour menacer son procureur.
— Je trouve que tu deviens presque insolent Rune…
— Et après ? Ce n'est que la stricte vérité messire. Vous-même prônez le sérieux et l'assiduité comme valeur fondamentale, pourquoi échapperiez-vous aux doctrines que vous imposez aux autres ?
Abasourdi par cette remarque judicieuse, le marionnettiste ne répliqua rien, étant à cours d'arguments. Il replaça ses dossiers dans une pile bien rangée puis décréta.
— Reprenons nos tâches, tu n'as pas à te mêler de ma vie privée.
Le spectre n'insista pas, cependant il surveilla son supérieur du coin de l'œil le restant de la journée.
Minos était d'une morosité à faire peur, tout le monde l'évitait, déjà qu'il n'était pas doté d'une bonne réputation, elle s'aggravait très nettement. Même Eaque ne parvenait pas à le sortir de sa léthargie dépressive, quoi que le Griffon se targuait d'aller parfaitement bien. Les rumeurs amplifiaient au sein de la Giudecca pour s'étendre dans les autres prisons : Minos négligeait sa fonction ainsi que ses troupes. Une âme bienveillante rapporta ce racontar à sa majesté en personne, qui convoqua le juge prestement.
Zélos l'interrompit pendant ses jugements pour le conduire auprès de leur souverain. Dans la salle du trône, Hadès siégeait imperturbable et immuable. De suite Minos posa genou à terre, tête baissée, main sur le cœur en attendant de pouvoir prendre la parole. Il fut invité à le faire par un geste de la part du dieu.
— Minos, relèves-toi. J'ai ouïe dire que tu n'étais pas au mieux de ta forme en ce moment…
— Non, je vous assure votre majesté je vais parfaitement bien.
— Tu n'es pas obligé de mentir devant moi. Au contraire, cela m'attriste… Tu n'as donc pas confiance en moi pour me cacher tes états d'âmes ? Ne suis-je pas là également pour vous ?
— Si bien sûr votre majesté… Mais je vous le répète : je vais bien.
Hadès se leva de son siège pour descendre la volée de marche qui le séparait de son juge. D'un pas calme mais déterminé, il s'avança vers Minos qui ne put prononcer aucune parole. Cette promiscuité subite avec son souverain le surpris grandement. Il pouvait sentir le cosmos enfler et l'envelopper d'une douce aura. Le Griffon décelait la mélancolie résiduelle du monarque, mais aussi de la bonté, pure et éblouissante. Hadès se concentrait pour sonder l'âme de son juge, chose prohibée en temps normal car il ne se permettait pas une telle familiarité. Ayant toute confiance en ses troupes, le dieu des Enfers ne pénétrait pas dans l'esprit de ses soldats. L'exploration dura des minutes entières, Minos somnolait entre réalité et songe, se laissant bercer par le cosmos de son roi. Une fois sa quête achevée, Hadès réceptionna le Griffon qui vacilla dans ses bras.
Ce dernier se reprit en voyant son geste, confus il s'excusa.
— Je vous prie de me pardonner votre majesté, je…
— Inutile de t'excuser, je sais que c'est une chose éprouvante pour vous que de me laisser entrer dans votre subconscient. Minos… Je sais de quel mal tu souffres, ton étoile se ternit au fil des ans. Bientôt elle ne brillera plus, tout t'indiffère, j'en suis navré.
— Désolé votre majesté, répondit le juge en baissant sa tête honteux de paraître si faible devant son roi.
Les poings serrés, il tremblait de rage de ne pouvoir demeurer fort devant Hadès. Minos redoutait la suite, la sentence…
— Aller, relève la tête et regarde-moi, poursuivit la déité d'une voix empathique.
Au lieu de déceler de la déception ou de la colère, le Griffon lut une profonde tristesse dans les prunelles limpides. Il n'y avait aucune trace de rancune ou autre, Hadès comprenait la lassitude qui affublait son juge.
— Tu me sers fidèlement depuis les temps antiques, je te suis gré de tout ce que tu fais pour ce royaume. Mais il faut penser à toi, à te ressourcer pour te retrouver. Si plus rien ne capte ton attention, que vas-tu devenir ? Je m'inquiète pour toi, d'ailleurs tes frères aussi sans oublier tes soldats.
— Que voulez-vous que je fasse votre majesté ? Vous servir est un privilège et comble déjà ma vie. Je n'ai besoin de rien d'autre, je vous assure, tenta de convaincre l'argenté.
— Je le sais oui… Je parle de toi et uniquement de toi… Prends du temps, coupe net avec tes obligations pendant quelques temps. Tu as besoin de repos.
— Qui va prendre ma suite ? Non ! Je ne peux pas abandonner mon tribunal, déclama un peu trop vivement le Griffon.
— Ce n'est pas une suggestion Minos mais un ordre. Je te somme de rendre ta robe de magistrat ainsi que ton surplis, le temps que tu te reprennes en main. Pour se faire, tu te rendras à la surface de la terre, tu iras où bon te sembleras et pour la durée que tu jugeras nécessaire. Je ne veux pas de réclamation, ne discute pas. Tu as compris ?
— Oui, oui votre majesté. Je ferais ce que vous m'ordonnez, soyez assuré que je ne serai pas absent longtemps.
— Tu n'as pas compris ce que je t'ai dis apparemment… Ne reviens que lorsque tu seras en mesure de reprendre ta place ici, pas avant. Cela s'avérerait inutile, je te renverrai sur le champ. Va maintenant. Prépares-toi pour ton départ, par contre j'aimerais que tu m'indiques le lieu de ta destination quand tu l'auras choisi.
— Bien, je vous le donnerais, conclut Minos en s'inclinant. Puis-je disposer ?
— Certes, à bientôt Minos.
— Majesté.
Au moment de franchir l'immense porte, Hadès somma son juge.
— Une dernière chose… Tâche de reprendre goût à la vie, ce n'est pas parce que tu ne crois plus en rien que le monde ne peut t'offrir de nouvelles joies. Il est temps de tirer un trait sur le passé et d'aller de l'avant, ne reste pas bloqué sur une étape de ta vie. Va.
Sans se retourner le juge sortit de la salle du trône sans trop savoir quoi faire de son temps libre. Errant dans les couloirs du palais infernal, il se dirigea au hasard des prisons. Dans l'ombre, satisfait de sa petite manigance, Zélos riait bêtement en mettant sa main devant sa bouche. Grâce à lui, Minos se voyait destitué de son précieux titre pour un temps indéterminé sans comprendre que leur majesté voulait l'aider. Il fut interrompu dans ses ricanements par la voix posée mais stricte d'Hadès.
— Zélos, va me chercher Rune sur le champ.
Notre juge quant à lui s'interrogeait sur la nature d'une telle exigence et aussi sur sa future destination. L'hiver sur la terre des hommes arrivait à grand pas, à part sa tendre Norvège il ne voyait pas où il pourrait bien se rendre. Les pays tropicaux n'étaient pas fait pour lui, encore moins les touristiques. Il fallait dire que cette contrée apaisait Minos, même si dans un autre temps elle évoquait une certaine nostalgie. La Norvège représentait peut être un souffle d'air pur où il se ressourcerait malgré la fêlure du passé… Sans plus de conviction, l'argenté donna sa réponse au Dieu quelques jours plus tard.
Minos trainait chez lui et s'occupait comme il le pouvait en attendant le départ, l'accès à son tribunal lui était formellement interdite. Il n'eut même pas la permission d'étudier des dossiers chez lui, heureusement que son procureur veillait au bon déroulement des jugements, c'était bien la seule consolation dans son lot de malheur. A l'heure du dîner, Minos entendit des bruits puis quelqu'un parler en sommant un quelconque domestique de le laisser rentrer… Une minute plus tard Eaque entrait dans son bureau et se posta au milieu de la pièce, bras croisés, sourire énigmatique incrusté sur ses lèvres.
Le deuxième juge souffla, abandonna sa lecture avec résignation. Quand son frère était là, nul ne pouvait l'ignorer.
— Que me vaut le plaisir de ta visite Eaque…
— Moi aussi je suis ravi de te voir mon frère, chantonna le Garuda.
— Epargne-moi tes minauderies veux-tu ? Je n'ai pas la tête à plaisanter ni à recevoir du monde. Fais vite et va-t-en !
Sans écouter les injonctions de son grincheux de frère, le brun vint se poser contre le bureau en chêne.
— Ah là là… Bon Minos je ne vais pas y aller par quatre chemins, tu me connais, je dis ce que je pense sans détours…
— Oui ça je sais merci, s'agaça le Griffon en posant son menton dans la paume de sa main.
— Bien. Je m'inquiète pour toi, si, si ça peut m'arriver je t'assure. D'ailleurs Rhad aussi se fait du souci. Tu es morose, de plus en plus…
— Stop ! le coupa Minos en levant sa main devant son visage. Je sais ! Notre majesté m'a fait une remontrance. Je n'ai plus le droit de présider au tribunal ni de revêtir mon surplis alors merci de ton analyse perspicace ! Je n'ai pas besoin de ton deuxième avis.
— Oh mais je le sais ça ! Ca a fait le tour des Enfers tu penses bien… D'ailleurs au passage beaucoup de spectres sont satisfaits de cette décision, mais je ne t'apprends rien n'est-ce-pas ?
Minos se contenta de croiser les bras et de grommeler.
— Je reprends, poursuivit son frère. Cela te fera le plus grand bien de te changer les idées, et j'espère bien que tu y mettras du tiens… Avec Rhad nous savons ce qui te tourmente, nous sommes attristés de te voir dans cet état là.
— Je ne suis pas au bord du gouffre, cesse de dramatiser, à t'entendre on croirait que je suis devenu une loque !
— Mais oui c'est ce que tu es, tout du moins tu t'engages sur le bon chemin.
Le marionnettiste se para de son plus terrible rictus de menace mais son frère n'en tint pas compte.
— Tu veux que je fasse quoi ? Que je danse sur les tables ? Que je chante à tue-tête n'importe quelle chanson paillarde ? Eaque ! Redescends sur Terre de temps en temps et arrête de divaguer.
Le Garuda, fatigué de la mauvaise fois de son aîné, affaissa ses épaules dans un soupir de lassitude et leva la tête au plafond.
— Tu es navrant, tout simplement navrant Minos ! Je suis là parce que je m'inquiète pour toi, tu ne comprends rien ou tu le fais exprès !? Et que tu le veuilles ou non je resterai toute la soirée pour te tenir compagnie. En ce qui concerne la solution à ton problème moi je l'ais mais elle ne te plaira pas, donc je m'abstiendrai… Bref, pour le moment profite de ton séjour, va visiter le pays même si tu le connais par cœur. Oublie ton statut de juge et essaie d'apprécier tes vacances comme un humain, en redécouvrant les choses simples de la vie. Bois, sors que sais-je ! Mais fais quelque chose ! Arrête de te morfondre sur ton passé et va de l'avant !
Pour toute réponse, l'étoile de la Vaillance eut droit à un regard noir, terriblement noir… Atrocement noir de la part de son frère qui se pencha sur l'argenté en le secouant par les épaules.
— Tu vas te remuer non d'un Garuda sans bec oui ou non ? J'en ai marre de te voir déprimer comme ça ! Redeviens le sadique juge que je connais, et l'enquiquineur de frère par la même occasion. J'essaie de provoquer Rhad pour pimenter nos entrevues mais il ne réplique pas, je m'ennuie moi.
— Tu m'épuises Eaque, tu m'épuises, répliqua mi-amusé, mi-fatigué Minos. Arrête de me secouer comme ça ou dans trente secondes je t'arrache ta colonne de mes mains nues.
Satisfait de la réactivité de son aîné, le brun se redressa tout fier et croisa ses bras contre sa poitrine. D'un mouvement affirmatif de la tête il déclama.
— Voilà qui est un bon début, le voilà mon ronchon de frère ! Aller, allons manger moi j'ai faim.
Le lendemain ce fut au tour de Rhadamanthe de venir visiter son grincheux de frère en essayant de le distraire comme il le pouvait. Les jours suivants, Minos ne resta pas seul à ruminer le vide de son existence, en compagnie du népalais c'était peine perdue de toute façon.
Au moment du grand départ, le Griffon fit ses au revoir à ses frères, ses bras droits et alla voir Hadès une dernière fois. Accompagné de Pandore, ils petit-déjeunèrent les trois en parlant de choses variées et sur le but de ce séjour forcé. Puis, le juge emprunta un portail dimensionnel pour se rendre au château des Heinstein. Sa majesté lui avait spécifié de n'utiliser ses pouvoirs sous aucun prétexte et de voyager comme le plus commun des mortels. Autant dire que cela ne réjouissait aucunement notre juge préféré… Avec son paquet de valises, il quitta la bâtisse pour s'engouffrer dans un taxi qui l'attendait devant le portail. Taxi commandé par Pandore elle-même. Tout le long du trajet, Minos s'efforça de ne penser à rien, plutôt de se convaincre que cette coupure serait bénéfique.
Bénéfique mon œil tiens ! Comment profiter quand notre esprit est saturé de pensées moroses ? Que faire pour s'occuper sans s'ennuyer ?
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Avec un entrain mou, Minos débarqua à l'aéroport de Munich puis attendit son avion en direction d'Oslo. Attendit. Patienta longuement… Son vol était en retard, comme par hasard, ce qui n'arrangea pas son humeur de cochon pendu. Quatre heures plus tard, le juge donnait son billet à l'hôtesse qui figea son sourire à la vue de ce client particulier. Sa mine patibulaire ne donnait certes pas l'envie de faire plus ample connaissance. Il s'installa en bout d'allée, près du hublot – première classe naturellement – son emportement ne s'étant pas tassé. Il s'énerva pour tout et n'importe quoi, la climatisation trop forte, les secousses dues au décollage, les boissons pas fraiches, les amuses bouches trop fades… Plus aucune hôtesse ne voulut le servir. Pour couronner le tout, une mère de famille s'installa devant son siège avec ses deux enfants. Des êtres niais, poisseux et inutiles se dit Minos. Pendant que le petit bonhomme lui tirait la langue en se retournant, la petite fille piquait crise de larme sur crise de larme. Si seulement il était resté aux Enfers ! Si seulement Hadès l'autorisait à utiliser ses pouvoirs pour les cas de force majeur… Inutile de préciser qu'il s'en serait servi dès à présent afin d'arracher la langue de ce garçonnet imprudent.
En s'imaginant toutes les tortures qu'il infligerait à ce maudit bipède, Minos se calma un peu. Sa respiration reprit son cours normal, sa fièvre meurtrière disparut. La seule chose positive là dedans, était le changement d'émotion. En effet, pendant que l'intraitable juge enrageait en se retenant d'éventrer les sales geignards, sa mélancolie le quitta le temps du vol. Sans s'en apercevoir, il délaissa ses ongles rognés pour apprécier le paysage nébulaire.
Plus de milles cinq cents kilomètres plus tard, il débarqua sur le sol neigeux de sa patrie natale. A Oslo pour être exact. Minos réitéra son expérience humaine de voyageur lambda en faisant la queue au guichet pour prendre son billet. Le flot d'usager ne désemplissait pas, au contraire la file d'attente s'allongeait pour son plus grand désarroi. Quelques malotrus essayèrent de grappiller quelques places en s'infiltrant parmi les clients, ce qui mit le juge dans tous ses états… Ses états d'emportement. Malheureusement il ne pouvait rien faire ici, donc il se contenta de serrer les dents et les poings et de retenir ses fils qui le démangeaient au bout de ses doigts. Outre les petits bipèdes agaçants, il existait parmi les humains une espèce encore pire… Les personnes âgées. D'une on ne pouvait rien leur dire car s'en prendre à un vieillard c'était mal, et de deux ils en profitaient sournoisement pour irriter leur monde, mettant en avant leur grand âge et leur état fragile. Perfides petits bonhommes ridés, pensa Minos se faisant bousculer par une octogénaire à grand coups de coudes dans les côtes. Au bout de sa raison, l'argenté laissa la vieille dame passer avec la jeune personne qui l'accompagnait mais devant ce n'était pas mieux… Minos avait des odeurs nauséabondes lui chatouillant les narines, décidément ce séjour commençait plus que mal.
Arrivant presque à son tour, il entendit derrière son dos une voix familière l'appeler. Au début il n'y prêta pas attention, qui pouvait bien le connaître dans ce pays ?
Puis…
— Seigneur Minos ?
Ledit seigneur eut quelques secondes de flottement, ses sens fonctionnèrent de nouveau et il se retourna vivement. Présentement, Rune le regardait de son air indéchiffrable en poussant un chariot avec des tas de bagages dessus. Son long manteau en lainage descendait en bas de ses jambes, le couvrant totalement. Seule sa chevelure blanche rehaussait son apparence austère. Minos se ressaisit puis interrogea.
— Que fais-tu ici Rune ? Et qui siège à mon tribunal pendant ton absence ? Qui t'a donné l'autorisation de quitter ta fonction ? Que fais-tu ici ?
— Vous l'avez déjà posé cette question messire… indiqua le spectre du Balrog en ne se départissant pas de son air sévère.
— Quoi donc ?
— Mais la question messire… La première que vous avez formulée…
— Laquelle est-ce ?
— Celle où vous me demandez ce que je fais ici voyons.
— Alors qu'attends-tu pour y répondre ?
Toujours en gardant son calme légendaire, Rune apprit.
— Seulement l'opportunité de parler sire… Je vous laissais finir, maintenant si vous le permettez, je vais vous répondre… Le seigneur Hadès m'envoie en personne pour vous accompagner pendant votre périple à travers la Norvège. Quant au tribunal il est entre de bonnes mains, rassurez-vous.
Minos roula des yeux en prenant une moue contrariée, il caressait son menton en signe de réflexion.
— Comment cela le seigneur Hadès t'a sommé de m'accompagner ? Je ne suis plus un enfant et encore moins un simple d'esprit, je suis capable de me gérer à la surface non ! Et dis-moi qui exactement est en charge de mes jugements ? Je suis curieux…
Rune observait son supérieur sans fléchir, en restant droit, les yeux rivés sur les ardoises sombres.
— Rune… roula menaçant Minos, s'impatientant un tantinet.
— Je ne pense pas que notre majesté bienveillante ne vous fasse pas confiance, il m'a donné pour ordre de vous accompagner point final. Etant un ordre de notre dieu bien aimé je ne peux refuser. En ce qui concerne votre remplacement et bien, les âmes seront partagées entre le seigneur Rhadamanthe et Eaque.
Le juge lâcha un soupir de déprime pure. Il sembla à son subordonné qu'il rapetissa un millième de millimètre.
— Je vais avoir double charge lors de mon retour quoi… Encore, je ne doute pas que Rhadamanthe s'en tire mais Eaque… Eaque… Je n'ai plus de mots…
— Où allons-nous seigneur Minos ? demanda judicieusement le second pour dévier la conversation.
— Comment ça ʺoù allons-nousʺ ? Cela veut dire quoi ?
— Notre majesté m'a bien stipulé que je ne devais pas vous quitter. Je vais où vous irez, logique.
Les prunelles mercures s'exorbitèrent, la bouche du juge s'ouvrit en grand de stupeur. Il n'appréciait pas d'être suivi à la trace et chaperonner par quelqu'un d'autre, surtout par l'un de ses spectres.
— Tu vas me rappeler tout le temps ce que notre majesté t'a dit ? Tu ne t'imagines pas venir avec moi dans mon chalet tout de même ?
— Bien sûr que si messire… Si vous croyez que cela me fait plaisir à moi d'être venu à la surface… Je préfèrerais résider où vous savez plutôt que de côtoyer ces humains navrants. Lors de mon retour j'aurai du travail à rattraper sans vouloir manquer de respect au seigneur Eaque. Mais nous savons tous qu'il est un peu… Comment dire…
— Bordélique ?
— Tout à fait. Par conséquent ce séjour forcé ne me réjouis pas plus que vous, d'autant plus que je n'ai pas envie de partager votre intimité. Un supérieur reste un supérieur, je ne fréquente pas mes chefs, moi.
Abasourdi par une telle révélation, Minos resta coi quelques secondes. Il ne comprit pas l'allusion de fin et encore moins le discours pompeux de son procureur.
— Mais je ne souhaite aucunement que tu partages mon intimité enfin Rune ! Cela veut dire quoi au juste ?
— Rien si ce n'est que je ne me vois pas partager mes déjeuners avec vous ni mes journées et encore moins mes soirées. Et que je n'ai pas envie de vous voir en tenue de nuit ni…
— Ca va, ça va ! coupa Minos en agitant ses mains devant lui. Inutile de détailler la suite j'ai parfaitement compris.
Il souffla mais n'eut pas le temps de se reprendre que l'hôtesse d'accueil l'appela.
— Dans ce cas et bien suis-moi. Je me rends à Molde, la ville de mon enfance, enfin celle-là.
— Bien, répondit formellement Rune en tirant son chariot.
Au moment de l'embarcation, ni l'un ni l'autre des protagonistes ne surent quoi penser de l'idée de leur souverain. Seule certitude : ils ne supporteraient pas une telle promiscuité, aimant chacun la solitude régénératrice.
(suite...)
Lexique :
Ved avreise : Sur le départ.
(1) Boisson Norvégienne à base d'alcool de pomme-de-terre, agrémentée de diverses épices telles que la cannelle, orange-amère, cumin…
~o~
Ceci est ma cinquantième fanfic, je ne l'ai pas fait exprès mais finalement ça tombe bien puisqu'elle présente mon choupinou. Il ne pouvait en être autrement. Je ne vise pas le chiffre de cent, personnellement je trouve que j'en écris beaucoup trop mais bon je n'y peux rien, j'ai de l'imagination à foison (et encore je me retiens de tout publier sinon ça serait l'invasion).
Je tiens à remercier tous les lecteurs qui m'ont commenté, mis en favoris. Merci aux membres ainsi qu'aux anonymes auxquels je ne peux répondre à la fin du dernier chapitre d'une histoire. Je n'aime pas m'autoreviewé mais cela me touche énormément.
Bref, pour le moment je continuerai d'écrire sur mes personnages préférés tant que je prendrais du plaisir et les proposerai ici tant que j'en éprouverais le besoin.
