Fandom : Star Wars.

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de George Lucas et de Disney.

Personnages, couples : Kylo Ren/Ben Solo, Rey, léger Ben/Rey.

Rating : T pour certains thèmes sombres abordés et des meurtres, massacres et de la violence évoqués.

Genre : Hurt/Comfort/Angst.

Note : je dois avouer que je suis un peu nerveuse à l'idée de publier cette fiction et j'ai même longuement hésité à le faire. Mais plutôt que de continuer à me poser des questions pour rien, je me dis qu'il est peut-être plus sage de vous en faire profiter et de vous laisser juge de sa qualité. Le texte traite de la relation entre Kylo Ren et Rey, écrite du POV de Kylo Ren/Ben Solo. Il y aura quatre ou cinq chapitres d'une taille comparable à celui-ci. L'intrigue est clichée, le titre aussi, mais j'ai pris un grand plaisir de plaisir à l'écrire. D'ailleurs, j'ai plein d'autres idées sur cette relation et je pense renouveler l'expérience une fois la publication achevée. Si ça vous intéresse, je serais ravie d'en discuter avec vous par message.

Maintenant je me tais et je vous souhaite une bonne lecture. N'hésitez pas à me laisser votre avis !


Une parmi les étoiles


– C'EST DE LA FOLIE ! VOUS DEVEZ FAIRE DEMI-TOUR ! VOUS DEVEZ IMMEDIATEMENT –

Kylo Ren coupe le transmetteur et toutes les communications avec le Premier Ordre et la voix de Hux s'évanouit dans le néant. Il est seul désormais ans l'étroitesse de son cockpit avec pour seul compagnie, les bips, les grincements et les cliquetis de son engin lancé à toute allure. Il accélère pour avaler les quelques mètres qui les séparent encore. Il doit absolument suivre sa trajectoire, ne pas la perdre de vue, qu'importe ce qu'en pense Hux et le Premier Ordre. Il est le Suprême Leader désormais et il n'est plus personne à qui il ait à répondre de ses actes.

Les mots de son Général résonnent pourtant dans sa tête.

Quand elle est dans les parages, vous perdez de vue notre objectif. Elle n'est pas la Résistance.

Il est un nombre incalculable de fois où il s'en est physiquement pris à lui pour lui faire comprendre qu'il n'avait pas son mot à dire. Rien n'y fait, Hux persiste. C'est au moins une qualité que Kylo Ren peut lui reconnaître.

Mais Hux n'est pas le Suprême Leader, il n'est pas sensible à la Force et ne sait pas qu'il a besoin d'elle pour ramener l'équilibre – et asseoir la domination du Premier Ordre dans toute la galaxie.

Il active l'hyperdrive et la suit dans l'hyperespace. Il est proche, toujours plus proche et quoi qu'elle fasse, elle ne pourra plus lui échapper – certainement pas avec cette vieille carcasse de Faucon Millénium.

Soudain, l'impensable se produit. Le Faucon ralentit.

D'un geste paniqué, presque paniqué, il coupe l'hyperdrive, mais il est trop tard. La collision est inévitable. Ils sont propulsés hors de l'hyperespace.

.

Il tourne, tourne, tourne encore et encore. Tout dans son vaisseau tourne jusqu'à sa propre tête qui se serait probablement détachée si elle n'avait pas été fermement attachée au reste de son corps. Un projectile gris le dépasse, fonce à toute allure vers ce qui semble être une forêt. Une marée verte s'étend juste sous ses yeux.

Il doit absolument réagir, faire quelque – n'importe quoi – avant de finir en bouille, ratatiné au fond de son engin. Il a imaginé – vu est le mort approprié – sa mort des dizaines et des dizaines de fois se jouer dans son esprit. Jamais celle-ci n'est apparue.

Il ferme les yeux, serre les mains autour des commandes et –

Un tremblement terrible foudroie son vaisseau. L'étau se resserre brusquement autour de lui, tord son corps de douleur et coupe sa respiration. Le cri qui monte de ses entrailles, traverse tout son corps, meurt au fond de ses poumons. Il n'a plus assez d'air pour l'expulser.

Il faut quelques secondes pour qu'il retrouve ses esprits et s'assurer qu'il est bien en vie. Mais il est bien en vie, n'est-ce pas ? Mort, son corps ne pourrait pas être si douloureux.

Il n'a aucun mal à diriger la colère contre la cage de fer qui le retient. D'un mouvement sûr de l'index, il fait signe aux métaux de se plier et ils obéissent. Il réitère l'opération jusqu'à ce qu'il ait suffisamment de place pour extirper son torse. Il libère ses bras d'un coup sec et tire de toutes ses forces dessus pour se s'extraire de la carcasse.

Il tombe la tête la première dans le sable qui égratigne sa joue et roule sur la plage. Lorsqu'il relève la tête c'est pour faire face à la mer qui s'étale à perte de vue. Sur l'horizon repose une énorme boule jaune qui zèbre le ciel de bandes roses.

Il referme ses mains sur le sol jusqu'à sentir ses phalanges crier sous la douleur. Il a bien de la peine à se relever, chancelle sur ses jambes tremblantes, encore sous le choc. Derrière lui, il aperçoit le tas noir et informe qui encore quelques minutes plus tôt traversait l'espace. Les canons sont tordus et hors d'usage, le cockpit réduit à une maigre cage. De l'extérieur, le TIE Silencer fait peine à voir et Kylo Ren a toutes les raisons de craindre que l'intérieur ait autant souffert. Son vaisseau n'est plus qu'un vulgaire tas de ferraille bon pour la casse.

Il jure et donne un grand coup de pied dedans. Les vibrations du métal se répercutent dans tout son corps et il ne peut retenir un cri de douleur. Il manque à nouveau de tomber, mais se retint de justesse à la carcasse du vaisseau.

Il peste alors contre lui-même de n'avoir écouté la voix nasillarde du Général qui lui hurlait d'abandonner – mais c'était hors de question, il ne pouvait lâcher prise et la laisser filer, encore une fois – et de n'avoir pu garder le contrôle de son vaisseau. Il peste plus encore contre Rey qui les a conduit tous les deux ici – et manqué de les tuer.

Rey.

Il réalise alors qu'il ne peut être certain qu'elle soit parvenue à limiter la casse. Le Faucon est un vrai engin de mort qui aurait dû finir en pièces détachées depuis bien longtemps et il n'était pas sûr, jusqu'à ce jour, qu'il soit possible de survivre à une brusque sortie de l'hyperespace. Rey n'a peut-être pas eu autant de chance que lui.

Il prend sur lui et balaye les alentours d'un regard. Il n'y a devant lui qu'une forêt haute et dense et pas la moindre trace d'un autre vaisseau.

Ses yeux tombent à nouveau sur le TIE Silencer – ou ce qu'il en reste. Il se demande s'il peut le faire redémarrer suffisamment longtemps pour contacter quelqu'un du Premier Ordre et envoyer ses coordonnées.

Avec – encore – un peu de chance.

Il doit jouer des épaules pour se faufiler dans la fente de laquelle il s'était empressé de s'extirper quelques instants plus tôt. Une fois à l'intérieur, il tend le bras pour atteindre le démarreur et appuie. Une fois, deux fois, trois fois, mais rien ne se produit. Son vaisseau reste désespéramment silencieux.

Il sort alors et pénètre dans la forêt. Il doit retrouver Rey au plus vite.

.

L'obscurité l'entoure subitement. Il porte la main à sa hanche et dégaine son sabre-laser. Un lueur sombre l'éclaire. Devant lui, les branches s'entremêlent en un mur végétal épais et épineux. Il frappe une première fois et une fumée noire s'élève. Il frappe encore, brûle, esquinte et brise jusqu'à pouvoir avancer.

L'humidité se fait de plus en plus étouffante. Des gouttes d'eau tombent sur sa tête, sur son viisage et s'immisce jusque dans ses vêtements. Elles coulent dans son dos et sur son torse, trempent sa peau et y colle le tissu de sa chemise. Il fait si chaud qu'il doit s'éponger le front pour éviter que la sueur ne l'aveugle.

Il continue de frapper, mais pour cinq coups donnés il ne fait qu'un pas. Il lui semble ne pas avoir fait plus d'une dizaine de mètres et lorsqu'il se retourne la forêt est toujours là, aussi sombre et épaisse que lorsqu'il y est entré.

Il finit par s'arrêter, essoufflé. Il se tue vainement à la tâche alors qu'il ne sait même pas où trouver de quoi boire et manger – et quelque chose lui dit qu'il s'éternisera plus qu'il ne l'espère. Il n'est même pas sûr de pouvoir la trouver dans cette forêt.

Il range alors son sabre et s'assoit à même le sol dans les branchages et les feuilles pourries. Il ferme les yeux.

S'il est une chose que Kylo Ren avait bien retenu de son entraînement avec Luke Skywalker c'était bien la méditation. Il a passé des heures entières assis à côté d'un Jedi imperturbable qui lui répétait encore et encore les mêmes consignes. Mais Ben – Kylo Ren – gigotait, instable et frustré et sa tête restait toujours aussi bruyante. Ce n'est qu'après un terrible cauchemar qui l'a réveillé en sueur et en pleurs que Luke est venu le calmer – pour de bon. Il avait pris cette voix à la fois calme et grave et avait commencé à chuchoter. Ben – Kylo Ren – avait fermé les yeux, respiré profondément et la tempête s'était finalement levée. Sa tête s'était tue pour la première fois depuis des mois – des années en fait – et il avait fait corps avec la Force, en harmonie avec la Force.

Il frissonne. Il lui arrive encore de méditer, dans le secret de sa chambre. C'est une méthode contraire à ses principes – chasser les sentiments, se détacher de tout et ne faire qu'un avec la Force, c'était bon pour les Jedis – et à ce que Snoke lui avait appris – exprimer les désirs et la colère qui pouvaient bouillir en lui, savoir qu'aucune émotion n'était ni positive, négative, mais un carburant qui le rendrait plus puissant et comprendre ainsi la Force qui vivait dans le plus profond de ses entrailles. Mais il atteint dans ces moments de méditation une plénitude et un silence qu'il ne peut retrouver à nul autre moment.

Il inspire profondément et expire, à plusieurs reprises. Sa tête se vide de tous ces bruissements incessants, de ses doutes et des questions auxquelles il n'a pas de réponse. Il n'y a plus rien désormais à part la Force.

Il soupire et entend la forêt lui répondre, le bruissement des feuilles, les troncs qui craquent, les insectes qui sifflent. Il croit reconnaît le chant des oiseaux et se dit qu'au moins l'île n'est pas tout à fait déserte. Il se concentre pour que rien ne vienne perturber son calme, mais ses mains tremblent et son cœur bat fort dans sa poitrine.

Il doit la retrouver.

Une idée, vicieuse, se fait une place au milieu de ses pensées : s'il ne la trouve pas, ce n'est peut-être pas parce qu'elle est déjà repartie, mais parce qu'elle n'a peut-être pas survécu au crash de son vaisseau.

Il a suffi d'une seconde pour le déstabiliser.

Il se ressaisit. Il l'aurait senti dans la Force. Il aurait senti le bouleversement qui aurait secoué la Force – qui l'aurait secoué lui aussi, retourné jusqu'au fond de ses entrailles.

Il sait aussi que cette perspective aurait dû le réjouir, mais ça ne doit pas se passer comme ça. Ce ne peut se passer sans que l'un ne ploie devant l'autre.

Il chasse ses pensées pour un autre moment et son esprit se lie à nouveau à la Force. Il sent d'abord la terre, mouillée, sous ses pieds, les feuilles sur lesquelles il s'est assis, les arbres qui poussent, les insectes qui s'envolent, les oiseaux qui chantent. Il sent le sable sous ses mains et voit l'astre s'étaler à l'horizon. Il voit toute la forêt, toute l'île sur laquelle il a atterri, et l'océan qui recouvre presque toute la planète. Il sent la fumée à quelques centaines de mètres de lui et entend des paroles incompréhensibles – mais frustrées. Il voit une silhouette longiligne entrer et sortir d'un tas de ferraille. Elle l'escalade et tente de s'introduire sous la coque.

Il la reconnaît.

Elle vient de Jakku, y a fait les épaves et sait sans doute bricoler n'importe quel engin dans la galaxie.

Il réalise qu'elle sera sa porte de sortie.

.

Elle crapahute d'un bout à l'autre du vaisseau, se faufile dans les moindres recoins. Elle se déplace avec une taille aisance qu'elle paraît faire corps avec son épave – comme s'ils ne faisaient qu'un.

Accroupi derrière un buisson dans une position peu confortable, il l'observe.

Elle n'a pas bougé, est restée en plein milieu de la forêt, n'a même pas cherché à savoir où il était. Elle n'a clairement pas l'intention de rester, mais elle ne semble pas non plus avoir l'intention de le retrouver. Il ne sait trop quoi faire de cette information, mais il se dit qu'il aurait pu faire la même chose – après tout, il est bel et bien établi maintenant qu'ils sont ennemis et qu'aucun des deux ne fera marche arrière.

Il devrait peut-être attendre, attendre le bon moment pour pénétrer dans le vaisseau sans qu'elle ne puisse l'en empêcher et sauver sa peau. Il vaut peut-être mieux qu'elle le croit ailleurs, puis –

– Par pitié, montre-toi !

Elle s'est relevée et le foudroie du regard. Malgré les branchages, il est sûr qu'elle le voit.

Il se dresse alors de toute sa hauteur et se montre à elle. Il se tient droit comme un piquet au milieu des troncs arrachés et de la terre retournée. L'atterrissage raté du Faucon Millénium a emporté sur son passage une partie de la forêt et pourtant, hormis les quelques de tôles froissés il semble encore en état de marche.

Il entend la voix de Han Solo le morigéner après une critique sur le Faucon Millénium – qu'il avait à l'époque qualifié de vieille boîte de conserve rouillée. Il avait refusé de monter dedans et avait juré qu'il ne le ferait que si sa vie en dépendait.

La voix légèrement étouffée qui lui parvient de dessus une plaque de métal le sort de ses pensées. Rey a plongé à nouveau sa tête dans le vaisseau et semble chercher quelque chose.

– Comment peux-tu t'imaginer que je ne sais pas où tu es ? Tu traînes le côté obscur comme une ombre.

Il ne dit rien, mais peste contre lui-même – encore. Il aurait dû savoir.

– Toujours à me sous-estimer, elle ricane. Ça finira par te perdre.

Il ne relève pas la remarque, garde le silence et s'approche du vaisseau. Il en fait le tour et retrouve Rey, la moitié du corps plongé dans le cockpit.

Il ne sait pas vraiment combien de temps il reste ainsi à l'entendre grommeler. Des bouts de métaux s'entrechoquent, il croit même – il sait – reconnaître des chocs électriques. Puis Rey finit par grogner. Elle sort, les sourcils plus froncés que jamais, le front plissé.

Il voit quelques égratignures sur ses bras dénudés, sur ses mains, son visage. Sa lèvre inférieure est abîmée, sa tunique est en partie arrachée, mais rien de plus. Elle aurait pu s'en sortir avec bien pire. Lui-même n'a pas plus que quelques bleus.

– Ça ne fonctionne pas, dit-elle. Les fils sont grillés, ils ont fondu quand je me suis écrasée.

Elle le fixe alors et le tue littéralement du regard.

Elle ne dit rien, mais il sait ce qu'elle pense. Elle peut toujours attendre ses excuses. Cette fois-ci, elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même. Quelle idée de parcourir la galaxie avec un engin pareil.

Mais il ne sert à rien de le lui faire remarquer. S'il veut sortir d'ici, il va devoir coopérer.

Il pose une main sur son bras pour la retenir. Elle le repousse d'un geste vif et fait volte-face. Il y a dans ses yeux cette colère qui danse là où il avait vu de l'espoir autrefois. Il a au moins la confirmation qu'elle a cessé de se bercer d'illusions.

C'est une bonne chose. En temps venus, ça rendra la chose plus simple pour l'un comme pour l'autre.

– La plage est à quelques mètres d'ici, dit-il sans se formaliser de ce rejet. J'y ai écrasé mon vaisseau. Il est en bien plus piteux état que le tien, mais tu sauras sans doute y trouver ce dont tu as besoin.

Il se retourne et s'enfonce à nouveau dans la forêt. Il n'a pas besoin de lui proposer de le suivre, il sait qu'elle le fait. C'est une trêve qu'il lui propose là et l'un comme l'autre n'ont aucun raison de la refuser.

Elle reste cependant à bonne distance, méfiante.

Ils avancent en silence avec une grande difficulté. Le chemin ne lui paraît pas beaucoup plus aisé qu'à son premier passage. Il reconnaît bien la trace de son sabre et les coups qu'il a donnés, mais d'autres branches sont venues les remplacer et il lui faut à nouveau agiter son arme.

De retour sur la plage, Kylo Ren peut constater que son vaisseau n'a pas bougé. Quelques oiseaux se sont perchés dessus et crient avant de s'envoler. Il la laisse se glisser dans le cockpit pour tenter à son tour de l'activer. Elle ressort presque aussitôt.

– Impossible à activer …

– Je sais, coupe-t-il.

Mais elle poursuit, l'air contrariée.

– Certains fils sont encore en état, je pense que je pourrais en tirer quelque chose.

– Combien de temps ça te prendra ?

Elle hausse les épaules.

– Ça peut me prendre quelques jours, voire plus. Je n'en sais trop rien. Je n'ai jamais vraiment réparé de vaisseau, mais je peux essayer. Au moins, certaines des pièces du TIE sont compatibles avec le Faucon.

Elle longe la plage et s'éloigne alors.

– Je vais me préparer pour la nuit. Je te conseille d'en faire autant.

Il n'ajoute rien.

Ils devront coopérer pour sortir d'ici, mais ça ne signifie pas qu'ils s'entraideront.

Qu'il en soit ainsi.

ooo

Elle ne dit presque rien lorsqu'elle le rejoint tout près de son vaisseau. Il y a monté une cabane avec le peu de bois sec qu'il a trouvé, s'il peut appeler ça une cabane. Une planche suffisamment grande pour le protéger de la pluie est recouverte de feuilles. Il a surélevé sa couche par un plancher improvisé qui lui évite de dormir dans le sable – et de finir rongé par les insectes. C'est précaire et loin d'être parfait. Il a connu bien pire à la fin de son adolescence, lorsque Snoke s'est chargé de son apprentissage.

Elle ne vient que tôt le matin travailler dans son vaisseau, en sortir quelques débris. Parfois le bruit du métal qu'elle frappe, tord et casse le réveille. Il ne dit rien alors et l'observe, concentrée et transpirante. Elle s'enfonce ensuite dans la forêt pour retourner à son propre vaisseau et le bricoler. Il lui arrive de la suivre. Il ne dit toujours rien, se contente encore de le regarder de loin. Il n'est pas sûr de savoir ce qu'elle fait, mais préfère ne pas l'interrompre.

Le soir, avant que le soleil ne commence à se coucher, elle disparaît et il n'a plus qu'à attendre le matin suivant pour la revoir.

Il l'a vue – dans la Force – à son campement. Il l'a épiée, une fois pour savoir où elle s'était établie, mais n'y est jamais allé. Ils restent l'un comme l'autre muré dans un lourd silence et c'est peut-être mieux ainsi.

Ses journées restent cependant rythmées par les allées et venues de Rey. Elles le réveillent, lui rappellent les heures auxquelles il doit manger, marquent la fin de ses journées. Après son départ il reste des heures assis dans le sable à contempler l'horizon. Il lui arrive de longer la plage, de s'introduire en forêt et de se rationner – principalement de fruits, de quelques petits animaux, de l'eau surtout. La nuit, il lève la tête vers le ciel et y lit les étoiles. Il aimerait se dire qu'il attend que quelque chose apparaisse, mais il n'en est même pas sûr.

Le ciel reste infiniment calme.

Personne ne sait où ils se trouvent. Il lui est impossible de contacter qui que ce soit, même à travers la Force.

Ils pourraient rester des années sur cette île s'ils ne parviennent pas à faire redémarrer leur engin – même jusqu'à la fin de leurs jours.

Son cœur se sert dans sa poitrine. Il se dit qu'il peut imaginer son avenir comme une succession des allées et venues de Rey dans sa vie, juste avant de se rendre compte que c'est déjà le cas. Elle apparaît, disparaît, se cache assez longtemps pour qu'il ne la retrouve pas, puis finit toujours par réapparaître là où il l'attendait le moins pour le surprendre.

Il pourrait en rire s'il était suffisamment cynique.

Sa vie n'est bien qu'une succession d'ironies.

ooo

Il grave une énième entaille dans une branche qu'il a ramassée au bord de la plage. Plutôt que d'alimenter son feu, elle lui permet de compter les jours. Déjà une semaine passé et il déteste cette île.

Le sable s'immisce dans ses vêtements à chaque coup de vent, il se réveille presque toutes les nuits à cause de la chaleur qui ne le quitte jamais, la forêt lui rappelle Endor – et son enfance –, l'astre qui brille au-dessus de sa tête tous les jours est trop lumineux et par-dessus tout il n'a rien à faire. Quoi qu'il fasse, rien n'y change, il reste toujours aussi loin du Premier Ordre et de ses responsabilités, prisonnier d'une planète déserte quelque part au fond de la galaxie.

Pire encore tout repose entre les mains de Rey. Il se sait incapable de bricoler quoi que ce soit sur son vaisseau – il maîtrise la Force et pilote, mais n'a rien d'un mécanicien.

Ce sentiment d'impuissance le rend fou et il lui arrive, parfois plusieurs fois dans la même journée, de passer sa colère sur ce qui lui tombe sous la main.

Il sait qu'il va devoir faire un effort.

Il laisse tomber son bâton dans le sable et rejoint Rey dans la forêt.

Il ne l'a pas vue passer aujourd'hui. Il est rare qu'elle lui adresse la parole, parfois pour lui demander de lui expliquer à quoi sert telle ou telle commande. Rien de plus.

Elle fait sans doute son possible pour l'éviter, encore sur ses gardes – elle sait, qu'au moment de passer à l'acte, il hésitera moins qu'elle.

Il s'approche sans dire un mot d'abord, puis fait connaître sa présence par un raclement de gorge.

– Je veux t'aider.

Elle n'a encore jamais explicitement refusé son aide – et lui n'a jamais proposé la sienne. Ça ne lui coûte rien de lui proposer.

– Je n'ai pas besoin de ton aide, dit-elle sans sortir de l'engin. Plus vite j'en aurais fini, plus vite on pourra oublier toute cette histoire et retrouver le cours normal de notre vie.

– Mais c'est justement pour en avoir fini plus vite que je veux t'aider.

Elle sort cette fois-ci et lentement se dresse de tout son long. Il la surplombe de toute sa hauteur et ils se jaugent quelques secondes. Leur combat est silencieux, rapide. Il n'y a encore une fois pas de gagnant.

Elle soupire.

– Tu ne saurais même pas comment m'aider.

Elle le prend vraiment pour un imbécile et il doit garder son sang froid pour ne pas s'emporter.

– Je connais mon vaisseau mieux que toi.

– Bien, dit-elle en lui mettant entre les mains ce qui s'apparente à une pince, j'ai besoin de ta batterie. Elle est coincée sous ton vaisseau qui s'est retourné et je ne suis pas encore allée la chercher. Je te conseille, plutôt que de le retourner et d'endommager plus encore ce qu'il nous reste, de couper l'intérieur de ton vaisseau.

Il reste planté quelques secondes devant elle, la bouche ouverte. Il n'avait pas songé une seule seconde qu'elle accepte aussi vite, pas sans affrontement. Il ne sait même pas exactement à quoi va lui servir l'outil qu'elle lui a mis dans les mains.

Il s'aperçoit qu'elle affiche un rictus moqueur sur le visage et ô comme il déteste ça.

Il fait volte-face pour ne plus la voir et se précipite dans la forêt en direction de la plage. Il ne veut pas lui donner raison et s'il peut décoller cette horreur de sourire de ses lèvres il s'en fera un plaisir.

Mais il entend, derrière lui, sa voix lui crier :

– Essaye de ne pas l'endommager !

.

Il se retrouve un peu démuni devant son vaisseau et il doit chercher dans ses souvenirs ce qu'un mécanicien a essayé de lui expliquer avant qu'il ne l'envoie valdinguer à l'autre bout de la pièce pour avoir sous-entendu qu'il ne comprenait pas ce qui lui était expliqué.

Il n'avait eu la moindre idée de ce que le mécanicien lui racontait.

Il finit par se lancer et pénètre dans le vaisseau. Il découpe une à une les couches de métal, trouve une utilité à la pince et plie avec attention la tôle. Il parvient à ouvrir une cavité à l'intérieur de laquelle il plonge l'avant de son corps. Il se retrouve dans la tête dans la coque de son vaisseau et il doit bien avouer que jamais dans toute son existence il n'aurait imaginé se retrouver un jour dans cette position.

Il sait au moins à quoi ressemble une batterie et lorsqu'il la reconnaît dans l'obscurité, il la détache délicatement et l'extirpe du vaisseau.

Lorsqu'il s'enfonce à nouveau dans la forêt, la nuit commence à tomber. Leurs nombreux passages ont rendu plus praticable le chemin. Il ne lui faut que quelques minutes pour se retrouver devant Rey qui profite encore des quelques minutes de la journée pour bricoler sa boîte de conserve.

Il annonce cette fois-ci sa présence par un grognement et laisse tomber la batterie à ses pieds. Rey sort, pleine de sueur. Il ne peut s'empêcher de remarquer qu'elle repousse d'un geste brut de la main les cheveux collés sur son front humide.

– Elle a l'air en bon état, dit-il.

Rey le détaille quelques secondes avant de baisser le regard sur ses pieds. Sa bouche s'entrouvre, mais aucun son ne sort.

Il la quitte sans attendre une réponse.

Un sourire s'esquisse sur ses lèvres, mais il ne sait exactement s'il est causé par le sentiment de fierté qui l'envahit ou parce qu'il sait qu'il vient de surprendre Rey.

.

La nuit est complètement tombée et il n'y a que le feu devant lui qui l'éclaire. Il sent sa chaleur lécher son visage. Le soleil s'est couché, mais il fait toujours aussi lourd. Il s'est débarrassé depuis longtemps de son manteau.

Il se laisse glisser dans le sable et regarde le ciel. Il se demande parfois comment les choses se passent depuis qu'ils ont disparu. Il se demande même si le Premier Ordre est à sa recherche. Après tout, ils n'ont eu aucun mal à se remettre de la mort de Snoke, le chercher serait une perte de temps. La Résistance, quant à elle, amputée d'un de ses membres les plus précieux, est plus affaiblie que jamais – plus encore que lorsqu'elle lui a échappé sur Crait. Ce serait le moment parfait pour les chasser et Kylo Ren ne doute pas un seul instant que le Général Hux s'en fait un plaisir.

C'est là un avantage que le Premier Ordre a toujours eu sur la Résistance : ne compte que leur projet. Ils n'ont jamais eu de pitié pour personne, pas même pour les leurs.

Rey lui dirait au contraire que c'est là tout l'avantage de la Résistance, de toujours se serrer les coudes peu importe la situation, mais les bons sentiments n'ont fait que causer leur perte.

Il ne la comprend pas. Elle continue de s'attacher à ce qui n'est plus qu'un poisson agonisant sur le rivage. Quelques minutes dans l'existence de la galaxie viendront à bout de ses souffrances, si ce n'est la botte impitoyable du Premier Ordre qui finit par l'écraser. Voilà là l'un des enseignements qu'elle n'a pas su retenir de Luke si tant est qu'il lui ait seulement assuré une formation digne de ce nom. Rey est guidée par la peur, la colère et l'amour, tant d'émotions auxquelles elle devrait s'abandonner définitivement.

Elle n'est pas un Jedi et c'est un don considérable qu'elle gaspille en fuyant son destin.

Il sait qu'elle ne changera pas d'avis et qu'elle préférera sans doute succomber sous son sabre plutôt que de la rejoindre, mais il ne peut s'empêcher de laisser divaguer son esprit à quelques onirismes. Il l'imagine parfois lui tendre la main et le rejoindre. Il voit la lueur bleue de son sabre éclairer les traits durs de son visage. Elle serait à ses côtés, l'autre moitié du Premier Ordre, la raison à sa passion, la lumière dans ses ténèbres. Ils guideraient à deux toute la galaxie dans la Force, l'ordre et l'harmonie.

Il soupire.

Il n'a plus que ça à faire – rêver. Il ne quittera peut-être jamais cet endroit, aussi Rey soit-elle douée de ses mains. Le Premier Ordre n'aura alors plus aucune importance, le reste de la galaxie non plus. Il n'y aura que sa vie passée sur cette île à attendre que la mort ne vienne le chercher, en solitaire.

Il soupire à nouveau, du moins il le croit, mais un bruit recouvre son propre souffle.

Une voix l'interpelle.

– Je n'ai jamais aimé le gaspillage.

Rey se tient derrière le feu de son campement. Les flammes dansent sur son visage. Elle lui tend une carcasse à moitié entamée. Ses lèvres sont serrées, son regard froid, mais c'est la première fois qu'elle le rejoint autrement que pour bricoler dans son vaisseau.

– Est-ce que tu as déjà mangé ? elle demande.

Il secoue la tête, lui ment, mais ça n'a pas vraiment d'importance. Il ne dit pas non à un peu de viande après le maigre repas qu'il a fait ce soir, ni à un peu de compagnie. C'est après tout ce qu'il espère. S'il accepte ce qu'elle lui a apporté, elle s'installera peut-être près de lui.

N'entendre d'autres sons que son propre souffle, la mer et le chant des oiseaux lui pèse de plus en plus. Il n'y a rien autour de lui qui lui soit familier. Il n'est pas dans son élément et il n'y a bien que la présence de Rey qui lui rappelle d'où ils viennent.

Il prend la carcasse et détache un morceau de viande qu'il mange sans un mot.

Il entend le bruit de chaussures qui s'enfoncent dans le sable, mais Rey ne s'est pas éloignée. Elle s'est assise, à quelques mètres de lui.

S'écoulent plusieurs minutes avant qu'il ne dise un mot. Il n'est pas sûr de ce qu'il doit dire, ni de ce qu'il peut dire. Au moindre faux pas elle pourrait le quitter et ne plus jamais l'approcher.

Me laisser pourrir sur cette île.

– Quand penses-tu que nous pourrons repartir ? demande-t-il.

Au moins leur départ est-il un sujet sur lequel ils semblent tous les deux s'accorder.

– Est-ce que tu penses pouvoir bientôt essayer de tenter de démarrer ton tas de ferraille ?

Elle ricane et secoue la tête.

Il ricane à son tour, mais son rire s'évanouit tout aussi vite qu'il est venu. Rey le fixe, incomprise et presque embarrassée par la situation. Il fronce les sourcils. Il y a quelque chose qui lui échappe.

– Tu n'as pas compris, n'est-ce pas ? dit-elle.

Son cœur rate un battement.

Elle le regarde droit dans les yeux. C'est une seule habitude qu'elle a prise de chercher à sonder son âme et parfois, il se sent ployer.

– J'ai déjà essayé, souffle-t-elle. J'ai déjà essayé quatre fois de le faire redémarrer, mais rien n'y fait. J'ai essayé tout ce qui me passait par la tête et ça n'a pas fonctionné. Le choc a été trop violent, les pièces sont presque toutes endommagées et les batteries sont à plat. Toutes les deux.

Elle se laisse tomber dans le sable, comme épuisée. Elle a les yeux rivés vers les étoiles.

– Je ne vais pas abandonner. Je ne veux pas mourir ici.

Il entend le « avec toi » silencieux qu'elle a pris le soin de ne pas pas prononcer.

– Mais je crains qu'il ne nous reste plus qu'à espérer qu'ils nous retrouvent.

Et pour la première fois de sa vie Kylo Ren serait près à soutenir la Résistance. Rey sait aussi bien que lui que leur disparition fait les affaires du Premier Ordre. Il a beau être le Suprême Leader, il n'en reste pas moins un monstre qui les effraie tous avec la maîtrise de la Force, pratique d'un autre âge que plus personne ne comprend hormis les quelques initiés qui y sont sensibles – et dans tout cet univers, il ne reste bien que Rey pour le comprendre.

– Tout prendra donc fin ici, peu importe l'issue.

Elle se redresse.

Il l'observe de derrière les flammes. Elle éclaire son visage d'un teinte orangée. Sa peau semble couverte de sang.

Il déglutit, se souvient de toutes ses images qu'il a vues pendant son sommeil et de toutes les fois où il l'a imaginée le surplombant.

Depuis leur rencontre Rey le hante, jour et nuit, qu'il soit éveillé ou endormi. Il a longtemps lutté contre, mais s'est résigné. Il ne peut aller à l'encontre du désir de la Force.

Il l'a vu tant de fois au milieu des flammes et il a cru longtemps – espère encore – que ces visions la dépeignaient du côté obscur.

Mais il a compris, après avoir tué Snoke et lui avoir offert la galaxie toute entière qu'il s'était trompé. Toute cette rage qu'il sentait était dirigée contre lui et lui seul.

– Qu'est-ce que cela veut dire ? demande Rey.

– Toi et moi savons parfaitement que personne ne viendra me chercher. Si nous pouvons sortir d'ici ce ne sera que grâce à la Résistance et ils ne me laisseront pas partir d'ici. Ils essayeront de me tuer et …

Il se redresse et lui jette un regard froid.

– Tu sais comment tout ça se terminera, aussi bien que moi.

Elle ne lui en veut pas. Elle n'attend plus rien de lui.

Elle se contente de soupirer.

– Pourquoi n'as-tu pas essayé de me tuer ? demande-t-il. Puisque c'est comment ça que nous finirons. Je sais que tu n'espères plus rien de moi alors pourquoi ?

Elle ne répond pas tout de suite et semble chercher ses mots. Ses yeux sont toujours fixés vers le ciel.

– Je n'ai aucune raison de te tuer.

Mais il sait que ce n'est qu'une question de temps.

Elle se relève alors et quitte son campement.

ooo

Elle revient le soir suivant avec une nouvelle carcasse et il se dit qu'elle pourrait très bien chercher une excuse pour ne plus être si seule.

Elle a pourtant passé des années à errer dans le désert. Elle est habituée à la solitude aussi bien que lui.

Elle a beau prétendre qu'elle ne vient pas pour faire la conversation, il sait qu'elle cache quelque chose. Elle croit sans doute qu'elle n'a pas tout entendu et qu'il lui reste des réponses à ouïr, mais il le lui a dit il y a bien longtemps et elle le sait mieux que personne qui il est – mieux que Luke lui-même ne l'avait compris.

Il est un monstre et c'est la seule affirmation qui compte réellement.

– Pourquoi ? Pourquoi avoir choisi ce chemin ? demande-t-elle.

Mais elle ne le regarde pas.

– Tu le sais parfaitement, répondit-il calmement en mangeant. Je suis un monstre.

– C'est l'excuse que tu donnes à tes agissements pour supporter les horreurs que tu commets et pouvoir croiser ton regard. Ça n'explique pas pourquoi, ce qui te motive.

Il a pendant si longtemps exécuté les ordres de Snoke comme s'il était ses désirs propres qu'il en a parfois oublié pourquoi il le faisait. Mais il croit en ce qu'il défend, qu'un nouvel ordre doit régner sur la galaxie pour tourner la page sur des années d'errance et de misère.

– Tu m'as dit un jour qu'on devait en finir avec toutes histoires d'un autre âge, mais les Siths, les Troopers, Dark Vador … tout ce qui t'entoure est figé dans le passé. Alors pourquoi ?

Elle regarde, confuse. Elle n'a jamais compris – elle ne comprendra jamais si elle ne le rejoint pas. Elle a su résister à l'appel du côté obscur, pas lui.

– Ça n'a pas de sens.

Il ne répond pas, parce qu'il ne sait pas. Il ne reste qu'une petite flotte à la Résistance et les rébellions ont beau se soulever aux quatre coins de la galaxie, il ne suffit que de quelques hommes pour les mater. Il a réussi à parachever ce que Snoke avait commencé à entreprendre, mais Snoke n'était qu'une vieille ruine de l'Empire qui n'avait plus sa place dans la nouvelle ère à venir. Sans Suprême Leader pour le guider, sans Premier Ordre à instaurer, il n'y a plus que la poursuite de Rey qui ait vraiment du sens.

Mais il ne peut rien reconnaître devant elle.

– J'ai fait ce que je devais faire, se contente-t-il de dire.

Il ne répond pas vraiment.

Rey se redresse. Ses sourcils sont froncés, ses lèvres pincées et ses poings serrés. Il est depuis tout ce temps habitué à la voir ainsi. Il est le trouble qui vient perturber l'équilibre dans la Force, celui qui ravive ses doutes et bouleverse tout ce en quoi elle croit. Elle a toutes les raisons du monde d'être en colère après lui.

– Mais tu avais le choix.

Elle se lève, contourne les flammes et vient se poster devant lui.

– Tu avais le choix sur le pont lorsque tu as tué Han.

Son sang se glace dans ses veines et sa tête pèse des tonnes tout à coup. Il se dresse à son tour et la toise de toute sa hauteur, comme s'il pouvait encore l'impressionner. Il doit se concentrer pour ne pas chanceler.

– Ne prononce pas ce nom, crache-t-il. Nous en avons déjà parlé, l'affaire est close.

– N'as-tu toujours aucun remord ?

– Là n'est pas la question. Ce qui est fait est fait.

– Mais tu avais le choix, tu as toujours eu le choix. Tu avais le choix lorsque l'on a affronté Snoke. Tu avais le choix de faire un pas vers moi, dans la lumière. A chaque fois et tu ne l'as jamais fait. Tu as préféré te raccrocher à l'obscurité. Es-tu donc si lâche ?

Elle fulmine et il sait que ses doigts ne sont plus qu'à quelques centimètres de son sabre-laser. La rage qui gonfle le cœur de Rey est palpable, tellement que ça l'électrise. Ses doigts le démangent maintenant, il aimerait effleurer rien que sa peau pour ressentir tout ce qui bout en elle. Il n'a que faire des insultes, la seule chose qui compte c'est cette colère qu'il y a entre eux.

Si seulement elle pouvait lâcher prise.

– J'ai choisi le côté obscur et rien n'y changera, tranche-t-il.

Sa respiration se fait de plus en plus hachée, il a du mal à respirer.

– Si tu penses que quelques insultes vont changer quelque chose. Que cherches-tu à faire ?

Elle brandit son sabre cette fois-ci, mais il a le temps de dégainer le sien et d'arrêter la lame à quelques centimètres de sa tête, juste au-dessous de la marque qu'elle a déjà faite lorsqu'elle l'a laissé pour mort dans la forêt de Takodana.

– Tout ce que tu fais c'est tuer, sans cesse et pas une seule fois tu ne ressens de la peine. Comment est-ce possible ?

Elle hurle et frappe une fois encore, puis encore et encore, sans cesse. Le sabre fait partie de son bras. Elle semble être infatigable et il a beau parer ses coups les uns après les autres, il doit reculer. Elle a l'avantage tant qu'elle utilise correctement ses émotions, mais il lui manque encore de la technique.

– Quel genre de monstre es-tu pour ne jamais avoir de remords ?

Il ne comprend pas ce qu'elle cherche à faire, mais il ne l'a jamais vue dans un tel état.

Cela ne fait qu'une semaine qu'ils sont prisonniers de cette planète et c'est sans doute la perspective de finir ses jours avec lui qui provoque une telle colère chez elle. Il pourrait exploiter son manque de contrôle sur ses émotions. Il suffirait que ses espoirs ne s'estompent que légèrement et sans avenir, sans futur, le côté obscur ne lui paraîtrait plus si repoussant.

Il pourrait lui tendre la main à nouveau, l'amener à lui – mais ça ne changerait rien à leur avenir, ils resteraient tous les deux à jamais coincés sur cette planète.

Il tressaille. A quoi bon amener Rey du côté obscur s'ils restaient prisonniers ici à tout jamais ?

Ce n'était pas ce qui était censé se produire. Ils n'auraient jamais dû se perdre au fin fond de l'univers. Tout est de sa faute.

Ses mains se resserrent sur le sabre, son visage se tend. Il entendrait presque ses dents grincer si les vibrations des sabres qui s'entrechoquent ne résonnaient pas dans tout son corps.

Il frappe alors à son tour, plus fort, plus vite et la repousse. Elle est plus forte, mais il a repris le contrôle de la situation – la fin n'aura pas lieu ce soir.

Il attaque, profite de quelques secondes d'inattention pour la déséquilibrer. Elle s'immobilise brusquement, sa main fend l'air au ralenti, mais finit après plusieurs vaines tentatives par attraper sa chemise. Ils s'écrasent tous les deux à terre, roulent dans le sable. Leurs sabres s'embrasent encore et encore.

Il finit par pousser un cri.

– Tu ne comprends pas !

La surprise qui se lit sur le visage de Rey est grande. Elle lâche prise, s'écarte brusquement et c'est comme un mur dans la figure que vient de se prendre Kylo Ren.

Rey éteint son sabre et il reprend son souffle. Sa poitrine est douloureuse. Son cœur bat si fort qu'il le sent prêt à bondir.

– Explique-moi alors.

Elle le regarde, à nouveau avec cette lueur d'espoir dans les yeux qu'il croyait éteinte. Des larmes coulent le long de ses joues.

Il ne sait quoi lui dire et son silence dure si longtemps qu'il finit par entendre le souffle de Rey se calmer.

Un ricanement lui échappe.

– Peu importe, dit-elle finalement. Je ne devrais pas m'énerver pour ça. Tu n'en vaux plus la peine.

Elle se lève et le quitte, les pieds s'enfonçant toujours un peu plus dans le sable à chacun de ses pas.

Il croit l'entendre pleurer, mais il n'en est pas certain.

Il n'a pas quoi su lui répondre, mais que pouvait-il après tout ?

Il est un monstre et les monstres ne connaissent ni le remord, ni la peine – pourquoi alors ses mains tremblent-elles ?

Un cri se coince d'abord dans sa gorge, puis les larmes naissent au bord de ses yeux. Il se redresse et brandit son sabre. Il s'acharne sur le premier arbre sur son passage. Il frappe encore, encore et encore jusqu'à ce qu'il ne vole en milliers d'éclats. Les échardes égratignent son visage, ses mains, ses bras. Il continue jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une souche calcinée.

D'autres cris lui échappent et il continue de détruire autour de lui.

– Ça t'amuse hein ? hurle-t-il, la tête tournée vers l'océan. Je sais que tu m'entends de là où tu es, je sais que tu en ris !

Mais personne ne lui répond. Luke est mort et il ne pourra même pas l'entendre rire de lui.

Il continue alors de frapper et de crier, de tout détruire jusqu'à ce que ses jambes cèdent et qu'il s'écrase la tête dans le sable, trop fatigué pour continuer.

Les remords ne l'accablent plus autant qu'avant. Il s'est habitué à répondre à des ordres pour le bien de sa cause. Le sang, quelles que soient les mains qui sont salies, finit toujours par disparaître.

Ses désirs valent bien toutes les vies qu'il prend.

Il soupire. Dans le feu qui continue de brûler sur la plage il voit l'image de Rey qui le juge. Ses yeux lancent des éclairs. Il tremble, pétrifié sur place.

Mais ce n'est qu'un mirage. Elle n'est pas revenue.