Salut à tous ! Me revoilà avec la suite de la Lune des Moissons. Pour ceux qui n'ont pas lu cette fic' je vous invite à le faire pour comprendre celle-ci.
Le style est un peu différent de la première partie, je pense, j'ai davantage voulu donner à cette histoire une ambiance Dark Fantasy…Donc si vous cherchez du fluff, de la belle romance et des personnages mignons et gentils, je crains que cette fiction ne soit pas faite pour vous.
Rated T pour le départ mais ca évoluera par la suite…
Aussi, cette fiction sera plus "courte" que la précédente, seulement 9 chapitres (+ 1 chapitre bonus éventuellement).
Sinon que dire appart que les personnages de Mai Hime sont la propriété de Sunrise et l'univers des Royaumes Oubliés, celui de Ed Greenwood ? Rien ? Et bien sur ce : bonne lecture !
"Celui qui lutte contre les monstres doit veiller à ne pas le devenir lui-même. Or, quand ton regard pénètre longtemps au fond d'un abîme, l'abîme, lui aussi, pénètre en toi." Friedrich Nietzsche.
Lune Noire
C'était toujours le même rêve.
Ce regard brulant qui se posait sur elle, l'intonation froide de sa voix, narquoise.
Et par-dessus tout son sourire cruel. Aussi blessant que la lame d'un poignard.
La même scène qui se déroulait sous ses yeux.
Impuissante, elle voyait le corps de Kazahana Mashiro étendu au sol. Baignant dans le sang. Une véritable mare qui menaçait de l'engloutir à tout moment.
Et elle, penchée au dessus du cadavre. Livide comme un spectre, un démon qui se repaît de son carnage.
Ses mains étaient trempées du sang de sa victime. De toute ses victimes.
Sa mère, ses compagnons, Takeda, Reito Kanzaki et désormais la prêtresse Mashiro.
Mais pas de celui de Harrach. Celui-ci entachait sa propre conscience.
Dans son rêve, il y avait toujours comme une ombre de folie dans le regard qui lui faisait face, et alors qu'elle comprenait ce qui venait de se dérouler, qui était vraiment cette femme qui se tenait devant elle,celle-ci se contentait de rire, mauvaise, le visage déformé par la démence et les yeux extatiques.
Et elle avait beau serrer ses poings autours de son épée fraichement retrouvée, elle finissait toujours par s'enfuir, la laissant seule et faible avec sa rage.
Toujours.
Mais pas cette fois-ci.
Les yeux encore fermés, Natsuki profitait des derniers lambeaux de son rêve.
Non loin d'elle, elle entendait s'agiter Duran. Surement que l'aube devait se lever, et que son cheval réclamait désormais son attention.
Elle se résolut à sortir finalement de sa torpeur.
Au dessus de sa tête, la nuit, grise et glaciale, s'étiolait peu à peu.
Pas de chant d'oiseau ou de bruissement d'arbre : cela faisait bien longtemps qu'elle avait quitté les prairies verdoyantes et les luxuriantes forêts du Cormyr.
Seul l'écho du vent contre les pierres nues se faisait entendre.
Elle se redressa, frotta machinalement ses yeux dans l'espoir de chasser les derniers vestiges de sa fatigue puis se tourna vers le feu. Il ne restait que quelques braises, tout juste rougeoyantes. Dans un bâillement, elle s'approcha, s'activa à ranimer quelques instants les charbons avant que nouvelles flammes viennent lécher ses doigts.
Elle attrapa sa besace. Un rapide inventaire. Il lui restait une gourde de bière brune déjà entamée, un demi-pain dur et à peine quelques tranches de viande séché.
Natsuki grimaça.
Elle allait devoir se hâter de partir si elle voulait atteindre Amon Romen avant la tombée de la nuit. Sinon, elle devrait encore passé une nuit à la belle étoile, mais le ventre vide ce coup-ci.
Autant préparer Duran tout de suite.
Elle s'avança vers le frison, mâchouillant une lanière de viande trop salée. Le cheval l'accueillit d'un puissant hennissement.
Tout doux, elle pensa, posant sa main sur son encolure. Et sa monture se calma.
Elle commença à l'harnacher, profitant de la chaleur qui se dégageait de son pelage. Un agréable contraste avec l'air ambiant, froid et sec.
Machinalement, elle resserra le col de sa longue tunique de cuir noir. Vêtue en dessous d'un simple bustier de lin, elle frissonnait sérieusement dans cette température matinale.
On était pourtant à peine aux portes de l'Automne, mais dans les plaines de Tilverton qui s'étendaient au Nord du Cormyr, les saisons ne semblaient pas avoir de prise.
Les plaines, elle ricana. Un désert de roche plutôt !
N'importe où son regard se posait, elle était sûr de tombé sur de la caillasse.
Des cailloux bruns qui roulaient sous les sabots de son cheval.
Des pierres acérées qui s'élevaient parfois, à pic, au bord de sa route.
Un horizon de roche terne, parsemé d'herbes sèches et de buissons arides, qui s'étalait à perte de vue, jusqu'à se confondre dans le ciel de plomb.
Un ciel lourd grondant d'un orage qui ne semblait pas vouloir se déclarer. Enfin, c'est ce qu'avait d'abord pensé Natsuki.
Mais au fur et à mesure que sa marche la conduisait vers La Citée du Nord, elle avait compris que ce bourdonnement sourd, qui s'amplifiait de jour en jour, était seulement le vent qui s'engouffrait dans Les Cornes Des Tempêtes : une chaine montagneuse bordant le Nord du Royaume.
Un bon présage également : Amon Romen se trouvait sur son flanc.
Elle finit de brosser sa monture avant de retourner s'assoir prés du feu pour terminer son déjeuner.
Son pain était rassis, et même accompagné de bière, il gardait un mauvais gout de terre.
Comme ces foutus rochers ! elle pesta.
Son appétit coupé, elle attrapa un chiffon huilé et une pierre ponce dans ses affaires et commença à affuter ses épées.
Ses deux armes. Le petit falcata offert par Takeda et son long fauchon, qu'elle lui avait gracieusement redonné. Et Natsuki s'était promis de la remercier de ce geste. Dés qu'elle la retrouverait.
Elle vérifia minutieusement le fil de la lame, fit glisser la pierre sur le fer pour s'assurer de son tranchant, puis entreprit d'huiler longuement l'acier.
C'était son rituel matinal.
De bonnes épées.
Ses deux camarades de route, si elle ne tenait pas compte de Duran.
Même lorsqu'elle avait dû subir les avaries du premier Hiver, où errant au hasard de sa colère, elle s'était vue plus d'une fois mourir de faim ou de froid. Même à ce moment là, elle n'avait pu accepter l'idée de s'en séparer que se soit en échange d'un abri ou d'un bol de soupe chaude.
Pas plus que de Duran.
Le cheval, tout comme ses épées, n'avait pas une si grande valeur sentimentale, si elle y réfléchissait bien.
Non, ils avaient de l'importance, car il lui fallait une monture pour la pourchasser, il lui fallait être rapide si elle voulait pouvoir la capturer.
Et surtout, il lui fallait des armes, si elle voulait la tuer.
Sa fureur était suffisamment ardente pour la réchauffer dans le plus glaciale des Hivers et sa vengeance assez tenace pour remplir son estomac.
Natsuki renfourna ses épées et se redressa, dépoussiérant d'un revers de main son vieux pantalon de cuir crouté.
Son fauchon vint se glisser dans un passant de la large ceinture qui enserrait sa tunique tandis que sa deuxième arme rejoignit le reste de son maigre paquetage.
Autours d'elle, le paysage commençait à se teinter de carmin.
Le soleil est entrain de se lever, elle constata. Le vent aussi.
Déjà, des nuages terreux se massaient à l'horizon, portés par la brise. Une brise du Sud, douce. Pas la peine qu'elle revête son épaisse cape. Elle se contenta de nouer autour de ses épaules une légère étoffe, rabattant le tissu sur sa tête en guise de cache poussière.
Une dernière gorgée de bière, un coup botte dans le feu pour l'éteindre et elle saisissait la bride de son cheval, marchant à ses cotés pour dégourdir ses jambes encore roides du froid nocturne.
.
La fin du voyage, elle pensa en voyant peu à peu le ciel s'éclaircir.
Son départ du sanctuaire avait été pour le moins chaotique. Tout comme les saisons qui avaient suivi.
Elle s'était précipitée, pensant à peine à prendre de quoi se nourrir ou se vêtir. Juste flanquée de ses deux épées.
Quelle direction prendre? Est-ce qu'elle avait quitté la forêt de Hullack ou bien l'attendait-elle, terrée dans les sous bois?
Natsuki ne s'était même pas posé la question, aveuglée par ses larmes et sa colère.
Encore aujourd'hui, lorsqu'elle y repensait, elle se faisait l'effet d'une voleuse et d'une imbécile.
Une voleuse, car elle était partie sans un mot prenant avec elle Duran, le cheval du paladin assassiné. Et une imbécile car elle ne s'était jamais doutée que sa traque durerai aussi longtemps.
Elle avait battu toute la péninsule Sud du Cormyr, sans la moindre idée d'où chercher, passant de ville en ville, revenant sur ses pas, traversant les forêts et les plaines, tournant en rond. Comme un véritable chien enragé, fou de douleur et de hargne.
Les premiers flocons de neige avaient calmé ses émois. Elle avait alors réalisé qu'elle était affamée, épuisée tout comme sa monture. Et sans ressources au seuil de l'Hiver.
Ses pas l'avaient conduit à Arabel où Natsuki avait pensé pouvoir trouver plus facilement de quoi se nourrir et se loger.
Une grave erreur : la citée était un terrain hostile. Les rues grouillaient de mendiants, et elle, avec son luxueux cheval faisait mauvaise figure de tendre la main avec eux. De toute façon, même de cette manière elle n'aurait pu se payer un toit : le prix des auberges, même les plus minables, était horriblement cher.
Elle avait pensé un instant demander l'hospice à L'Eglise de Séluné mais son instinct l'avait tenue éloignée du temple. S'ils avaient appris ses intentions, elle ne doutait pas qu'ils se seraient joints à elle dans sa quête. Et de ca il n'en était pas question : elle était sa proie, à elle seule.
Alors Natsuki avait erré en ville, trainant derrière elle sa monture amaigrie, volant à l'étalage lorsque l'occasion se présentait.
Sa colère était retombée et elle avait ressenti à présent tout l'épuisement de la course de ces dernières Lunes.
Elle aurait dû attendre au lieu de la pourchasser ainsi. En parler avec les rôdeurs. Chercher une piste.
N'importe quoi de plus intelligent que de s'élancer aussi aveuglement sur les traces d'un fantôme.
N'importe quoi qui l'aurait empêché de mourir misérablement dans cette ville.
Après quelques jours de vagabondage, elle avait pris la décision de quitter Arabel : au moins dans la campagne, elle avait plus de chance de survivre. Son cheval se nourrirait librement et elle, elle pourrait toujours dormir au chaud dans les granges.
Des jours qui suivirent, elle n'en garda qu'un souvenir fiévreux.
Probablement qu'elle était tombée malade. C'est la conclusion que Natsuki en avait tiré après s'être réveillée dans un hospice d'Ilmater, le dieu brisé et martyr, dont les disciples se vouaient aux soins des souffrants et autres mendigots.
Les moines lui avaient offert l'hébergement jusqu'à la venue des beaux jours et Natsuki avait accepté avec gratitude.
Elle avait profité de sa convalescence pour méditer et organiser sa traque. Et dès les prémices du Printemps, elle avait quitté le dispensaire pour reprendre sa route vers Arabel.
Il lui fallait de l'argent, et elle s'était donc résolue à vendre son armure de cuir. Elle en avait tiré une bonne cinquantaine de pièce d'or. On lui en avait proposé plus d'une centaine pour son cheval, mais elle avait refusé tout net. Elle avait besoin de sa monture.
Elle devait également savoir où chercher. Rien de plus simple en somme et elle se maudissait de pas y avoir pensé avant.
Moyennant quelques piécettes de cuivre, un colporteur lui avait apporté les dernières nouvelle du Cormyr. Et l'informa du meurtre d'un sélunite, dans une bourgade à quelques jours d'Arabel. Bien sûr ce crime avait eu lieu au début de l'Hiver et Natsuki se doutait bien qu'elle n'avait pas attendu gentiment sa venue.
Mais cela constituait un point de départ dans ses recherches.
Elle avait par la suite échangé ses légers vêtement de lin, contre d'autres plus robustes, acheté des provisions pour la route, économisant du mieux son pécule. Comprenant cette fois-ci que sa chasse serait une course de longue halène.
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Natsuki avait fonctionné de cette manière pendant un long moment. Tendant l'oreille sur la moindre information de meurtre, flairant des pistes qui semblaient à chaque fois la rapprocher de sa proie.
Mais quelque soit sa rapidité, Natsuki arrivait toujours trop tard.
Si elle voulait la capturer un jour, elle ne devait pas se contenter de la suivre à la trace. Non, elle devait devancer ses pas.
Oui mais comment ?
Natsuki avait donc essayé de faire le lien entre toutes les victimes. Certes elles étaient toutes des sélunites. Mais en y regardant de plus prés, elle réalisa qu'ils appartenaient tous au même Ordre, celui des Epées de la Dame. Le meurtre suivant confirma ses soupçons.
Elle choisissait donc avec soins ses proies.
Finie la poursuite éperdue aux quatre coins du Royaume, Natsuki décida d'orienter ses recherches sur cet Ordre. Combien étaient-ils ? D'où venaient-ils ? Où se rassemblaient-ils ?
Elle ne lui courrait plus après, c'était inutile. Elle allait se contenter de filer ces sélunites et de guetter son arrivée.
Elle saurait s'armer de la patience nécessaire, jusqu'à ce que ce qu'elle se jette dans son piège.
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Et le piège était sur le point de se refermer.
Amon Romen.
Elle avait entendu dire que la ville du Nord comptait accueillir d'ici peu une délégation de sélunite.
Son instinct lui avait soufflé qu'elle agirait forcement à ce moment là.
C'était logique.
Si ses premières victimes avaient semblé être prises au hasard, les derniers morts étaient systématiquement des prêtres de haut rang. Et ce colloque allait réunir une majorité de prélats, de dirigeants de cet Ordre. Elle frapperait. Natsuki en aurait mis sa main à couper.
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Natsuki stoppa son destrier.
Le voyage touchait à sa fin. Devant elle, dans le soleil couchant, se dressait les pans abrupts et gris des Cornes des Tempêtes, semblable à une gigantesque frontière de roches clôturant les landes blêmes. Tellement hautes que leurs cimes affilées semblaient crever le ciel orageux.
Et sur une des avancées rocailleuse, comme une sentinelle postée sur son flanc, s'élevait Amon Romen.
L'air tiède du soir était empli du murmure impétueux du vent contre la pierre, du fracassement des torrents dans les montagnes proches. Autours d'elle, les champs qui bordaient la ville se vidaient peu à peu des paysans, regagnant avec hâte leurs chaumières. Et par moment la cavalière pouvait sentir dans la brise, l'odeur alléchante d'un souper en préparation.
Son ventre gargouilla et elle éperonna sa monture la remettant au pas.
Oui, le voyage arrivait à terme…un long voyage qui avait vu passer prés de cinq Automnes.
Mais Natsuki savait que tout cela prendrait fin dans cette citée.
Plus qu'une intime conviction, elle l'avait vu.
Pour une fois dans son songe, elle ne l'avait pas laissée s'enfuir, elle n'avait pas courbé la tête face à son rire cruel.
Non, au contraire. Natsuki avait empoigné son épée et d'un geste sûr, s'était redressée.
Elle avait oublié sa peur, laissant seulement sa fureur guider son geste. Guider sa lame jusqu'au fond de ses entrailles.
Dans son rêve Natsuki l'avait tuée.
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