SEPTEMBRE
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Samedi 6 septembre 2016
Le maison n'est pas l'endroit où l'on vit, c'est l'endroit où l'on revient.
Tweek n'avait jamais compris cette idée avant de revenir vivre à South Park. Cette bourgade montagneuse qu'il pensait connaître par cœur et qu'il avait cherché à fuir par tous les moyens quatre années auparavant lui avait manqué. Un manque indécelable mais qui avait toujours été présent quelque part en lui, et maintenant qu'il était revenu, un sentiment d'apaisement, de plénitude, envahissait tout son corps.
Tweek se trouvait dans un bar, pour fêter l'anniversaire de son amie Wendy. De retour à South Park, son copain Stan et elle avaient décidé d'organiser une petite soirée qui réunissait leur groupe d'amis de leur ville natale, tous revenus de l'université pour l'été ou pour de bon. Quatre années avaient passé et pour la plupart d'entre eux, la bulle étudiante venait d'éclater et il fallait maintenant revenir à la réalité, revenir à South Park et recommencer un nouveau cycle. En tout cas, c'était ce qui allait se passer pour Tweek. Son diplôme de management spécialisé en hôtellerie en poche, il avait prévu de travailler quelques temps dans le café de ses parents pour souffler un peu, avant de se lancer dans la recherche de son premier emploi.
C'était le plan, ou du moins sa dernière mise à jour. Tweek n'y avait pas encore très bien réfléchi, il était un peu perdu en ce qui concernait son avenir, en particulier à cause de son copain, Craig, qui lui, avait décidé de rester à Denver pour se réorienter - ou plutôt, comme il l'avait énoncé, se spécialiser. Craig et Tweek appréhendaient cette nouvelle phase de leur relation, mais la distance entre South Park et Denver n'étaient pas infranchissable. De toute façon, le problème, ce n'était jamais la distance, c'était l'attitude que chacun adoptait quant à cette distance. Et pour le moment, il était clair que Craig n'adoptait pas la bonne, en tout cas, pas selon Tweek.
_Tweek, viens commander un verre avec moi ! Lui cria Red. Il hocha la tête et se leva pour l'accompagner. On ne pouvait pas dire que Tweek était du genre à suivre le courant mais il évitait de se poser trop de questions, étrangement, ne pas savoir lui provoquait moins de stress. Ils marchèrent jusqu'au bar, mais le serveur était déjà surmené. Red en profita pour lui demander :
_T'es pas venu avec Craig ?
_Non, il a pas voulu venir. Répondit piteusement Tweek.
_Pourquoi ?
_Il n'est pas franchement proche de Wendy ni de Stan, du coup il n'avait pas envie de faire deux heures de route pour les voir.
Même si ces arguments étaient logiques, Tweek n'était pas convaincu de la bonne foi de Craig. C'était le premier week-end qu'ils passaient séparés et le fait que son copain l'abandonne déjà, en changeant d'avis au dernier moment, le dérangeait. Un silence se fit au moment où Red se tourna vers le barman pour commander.
_Eh bien tant pis pour lui ! Répondit-elle en attrapant deux verres, Kilkenny ? Proposa-t-elle.
Tweek n'avait pas envie de bière mais il accepta quand même, touché par l'attention. Il partagèrent une grande gorgée debout devant le comptoir, puis, alors qu'ils comptaient revenir à leur table, Red leva les bras et cria :
_Kenny !
Tweek fit volte-face et remarqua un grand blond, plutôt mignon qui s'avançait vers eux avec un grand sourire.
_Hey Red !
Il la serra rapidement dans ses bras puis se tourna vers son ami :
_Salut, Kenny. Se présenta-t-il.
De toute évidence, il ne le reconnaissait pas. Kenny McCormick ne reconnaissait plus Tweek Tweak. Le cafetier se sentit gêné, se demanda s'il devait dire quelque chose, et au moment où il décida de se taire et de se présenter à son tour, Red éclata de rire :
_Kenny, c'est Tweek Tweak, tu le reconnais pas ?
Kenny se mordit la lèvre, eut un sourire gêné puis passa sa main dans ses cheveux, du front jusqu'à l'arrière de la tête.
_Euh non, désolé Tweek, je t'avais pas reconnu. En même temps ça fait quoi, dix ans qu'on s'était plus vus ?
_Oui. Approuva Tweek.
Kenny avait quitté le système scolaire entre le collège et le lycée pour rejoindre un cursus d'apprentissage, seuls ses amis proches, parmi lesquels Tweek ne comptait pas, avaient continué de le voir. Kenny n'avait pas changé, il s'était contenté de s'embellir. Il était plus grand, un peu plus musclé et il portait bien mieux les chemises. Red le lui fit d'ailleurs remarquer.
_Eh oui, rit Kenny, je suis toute la journée en bleu de travail, alors le week-end j'ai envie de m'habiller bien !
Ils retournèrent à leur table où Kenny salua tout le monde avec un enthousiasme qu'on lui rendit bien. Les conversations reprirent, le temps que tout le monde finisse son verre, puis on décida de continuer la soirée ailleurs. Tout le monde se mit en route d'un même mouvement. Bebe fit remarquer que la prochaine destination n'était quand même pas la porte à côté et, pour la peine, elle s'accrocha au bras de Tweek. Quelques mètres plus loin, Kenny les rejoignit et, emporté par le mouvement, il s'accrocha au second bras de Tweek.
_La team blonde ! S'enthousiasma Bebe. Il était vrai qu'ils formaient une jolie brochette blonde, accrochés ainsi. Naturellement, et sans vraiment s'en rendre compte, ils se mirent à marcher en tête du groupe, jusqu'à les distancer de quelques mètres. Bebe et Tweek échangeaient des plaisanteries auxquelles Kenny riait sans vraiment participer.
_Désolé de pas t'avoir reconnu Tweek, faut dire aussi que t'as pas mal changé. Finit par dire Kenny.
_T'inquiète c'est pas grave, c'est vrai que j'ai changé.
Les lunettes de vue, le cheveu discipliné, la taille allongée, le visage amaigri, la chemise boutonnée correctement, il était vrai que tout cela jouait. Ils arrivèrent en haut d'une rue et s'immobilisèrent pour attendre le reste du groupe. Personne ne savait où aller ensuite, mais tout le monde cessa de s'en préoccuper lorsque Red cria :
_Eh regardez ce truc !
Le truc en question, vers lequel elle courait à présent, était une sculpture qui représentait un tube fragmenté, tel un large fil qui avait des difficultés à s'enrouler ou tel un poing qui ne parvenait pas à se fermer, les doigts figés en l'air. La structure était en métal cuivré, posée au sol, longue de cinq mètres et haute d'au moins trois. Red grimpa à l'intérieur.
_Venez, on va prendre une photo !
Tout le monde apprécia l'idée. Stan et Wendy s'assirent au premier plan, Bebe et Kenny se précipitèrent à leur gauche, tandis que Tweek s'installa tranquillement à leur droite. Les autres invités remplirent l'arrière plan tandis qu'un généreux passant accepta de prendre la photo. Tout le monde adora cette image. Il était vrai qu'elle portait un véritable charme. Tweek se rendit compte que l'idée d'être ici à South Park, avec ces amis, anciens et nouveaux, lui plaisait. Cette vie-là serait peut-être mieux que l'ancienne, mieux qu'à Denver, malgré les souvenirs qu'il y avait. Le groupe se remit en route en direction du prochain bar, mais une fois arrivée là-bas, Kenny s'immobilisa.
_Je vous laisse là les gars, je rejoins un pote au Scatt.
Le Scatt était une boite branchée de South Park, qui venait d'ouvrir dans le quartier rénové de SodaSopa. Tout le monde, en particulier Stan et Wendy, tentèrent de le retenir, mais Kenny ne céda pas, il avait promis à son ami. Kenny vint dire au revoir à Tweek en dernier, qui laissa le reste du groupe s'éloigner.
_C'est dommage que tu partes. Dit Tweek.
_Je sais, mais j'ai promis. Répondit Kenny. Ils échangèrent un immense sourire en se regardant mutuellement.
_Bon, à la prochaine.
Et ils se séparèrent au bout de quelques secondes. Tweek entra dans le club rejoindre son groupe et ne pensa plus à Kenny. La soirée se termina au café des parents de Tweek, vide de tout client, où Bebe et Wendy mangèrent les restes de gâteau affalées sur le canapé et Stan, Kyle et Tweek discutèrent jusqu'à tard dans la nuit. Avec Tweek revenu en ville, le café Tweak Bros devint le QG de la bande des étudiants de retour dans leur ville natale.
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Jeudi 29 septembre 2016
Tweek s'habitua facilement à sa nouvelle vie : travailler au café de ses parents était fatiguant mais bien plus agréable qu'il ne l'aurait cru. Les clients étaient aimables avec lui et l'appelaient par son prénom (du moins il lui semblait, ses deux patronymes sonnaient pareil, mais qui s'adressait à un cafetier uniquement par son nom de famille ?) et leurs habitudes alimentaires n'avaient pas évolué depuis qu'il avait quitté le lycée. En moins d'un mois, Tweek avait mémorisé les choix quotidiens de chacun. Autre point positif, ses amis, en particulier les filles, passaient régulièrement lui rendre visite et consommer leur commande au comptoir pour pouvoir discuter avec lui. Kenny aussi était venu deux ou trois fois depuis qu'ils s'étaient croisés à cette soirée au début du mois. Il ne restait jamais boire son café dans la salle mais il discutait toujours quelques minutes avec Tweek, qui en était ravi.
Le seul problème, c'était Craig. À cause de son travail en alternance qui le stressait grandement, ils enchaînaient les disputes, au téléphone ou en vis-à-vis. Les deux jeunes hommes étaient censés se voir tous les week-ends, mais ils avaient déjà réduit la cadence à un week-end sur deux tant ils étaient tendus, chacun pris dans la nouvelle spirale de leur vie. Tweek sentait qu'ils s'éloignaient de jour en jour, ce n'était pas dû uniquement à la distance physique, et il en ressentait de la peine. Cependant, il n'était pas prêt à rompre, il n'en avait pas envie. Quand les choses se passaient bien, cette relation était agréable, confortable, appréciable, mais ces derniers temps elle était devenue si difficile que Tweek avait du mal à la gérer. En définitive, Tweek se sentait un peu perdu et n'arrivait pas vraiment à prendre de décision.
De plus, sa vie amoureuse n'était pas vraiment sa priorité en ce moment, Tweek s'était mis à chercher du travail dans les grands hôtels de la région, en tant que manager, mais sans grand succès - manque d'expérience principalement. Cette suite d'échecs commençait à lui peser, en particulier dans la mesure où il se limitait (inconsciemment) à des établissements du Colorado afin de ne pas trop s'éloigner de Craig, qui ne supporterait pas d'augmenter la distance kilométrique entre eux. Cette donnée entrait également en compte : à chercher à ménager Craig par tous les moyens, Tweek était en train de se pénaliser et ses sacrifices commençaient à perdre leur sens. Tout ce qui concernait l'avenir, professionnel ou son couple, devenait une source d'angoisse grandissante pour le cafetier.
Tweek passa une journée ordinaire au café et rentra chez ses parents. Il finissait tôt aujourd'hui, ainsi il avait encore du temps avant l'heure de dîner. Il décida de lire un livre, mais avant, pour se donner bonne conscience, il consulta ses mails afin de vérifier qu'il n'avait reçu aucune réponse d'hôtels auxquels il avait postulé. Rien du tout, en revanche, il avait un mail de Facebook lui indiquant que Kenny McCormick l'invitait à son événement. Tweek se rendit tout de suite sur le réseau social et découvrit que le blond l'invitait chez lui, pour son anniversaire, avec vingt-cinq autres personnes, le quinze octobre. Tweek se sentit flatté d'avoir été convié et ouvrit tout de suite son agenda. Il devait se rendre à une conférence à Jefferson sur la sécurité alimentaire dans l'après-midi mais il réussirait bien à en partir assez vite pour arriver à la fête. Il acheta ses billets de train en ligne - Tweek ne conduisait quasiment jamais et ses parents n'avaient qu'une voiture qu'ils n'aimaient pas lui confier - et répondit immédiatement à l'invitation par un oui qui fit sonner le clic de sa souris.
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OCTOBRE
Samedi 15 octobre 2016
Toute la journée Tweek sentit qu'il ne tenait pas en place. Il travailla de huit heures jusqu'à midi puis laissa le relais à sa mère pour se rendre à la conférence à Jefferson. Durant la présentation, Tweek n'écouta rien. Il était censé prendre des notes, mais il était tout simplement incapable de se concentrer. Il mangea de la noix de coco qu'il avait apportée et fit des commentaires taquins sur les intervenants avec un groupe d'autres jeunes cafetiers du Colorado qui étaient, comme lui, envoyés à ce genre d'événement par des supérieurs qui cherchaient à se débarrasser de cette corvée.
Dès que la conférence fut terminée, Tweek salua ses compagnons d'une après-midi et fila à toute allure vers la gare. Plus l'heure de la fête approchait et moins il tenait en place. Le trajet en train lui sembla durer une éternité (et encore plus interminable quand le train fut immobilisé dix minutes en gare de North Park à cause d'un début d'incendie sur la voie ferrées). Heureusement, une fois en gare de South Park, Stan et Wendy l'attendaient déjà à bord de leur voiture. Ils avaient gentiment offert à Tweek de le récupérer en chemin quand celui-ci leur avait dit arriver à presque vingt heures à South Park, ne pas faire un détour par chez lui pour récupérer la voiture lui faisait gagner une bonne demi-heure. Tweek monta dans la petite Ford de Wendy.
_Salut ! S'exclama-t-il.
_Salut ! Lui répondirent-ils, ça va ?
_Super !
_T'as apporté quoi ? Interrogea Stan.
Kenny avait demandé à tous ses invités d'amener de la nourriture ou des boissons.
_J'ai fait un cake salé, j'ai réussi à le couper en petits bouts et à le mettre dans un grand tupperware au fond de mon sac. Expliqua Tweek.
_Tu vois j'étais sûre qu'il prendrait un truc. Entendit-il Wendy chuchoter à Stan. Celui-ci haussa les épaules en signe de défaite et ils se mirent en route. Tweek profita de l'obscurité de la voiture pour se changer : il troqua son polo contre une chemise et ses baskets contre des chaussures de ville. Il n'avait pas fait vraiment attention aux tenus des autres mais Stan et Wendy étaient toujours habillés chiquement, ils ne faisaient pas vraiment un bon baromètre.
Une dizaine de minutes plus tard, ils arrivèrent chez Kenny. Malgré le retard du train et un petit détour de trop dans le quartier résidentiel, ils étaient dans les premiers arrivés. Tout le monde se salua puis on installa le buffet. Tweek ne voulait pas être impoli et commencer à manger, il alla donc déposer ses affaires dans la pièce désignée pour - la chambre de Kenny - puis il fit le tour de la demeure en solitaire. Pour un célibataire, Kenny vivait dans une maison de bonne taille. On comptait deux grandes chambres et une mezzanine qui accueillait une chambre d'ami de fortune, ainsi que deux petites salles de bain. Le salon était très grand et donnait sur une terrasse plutôt charmante. La cuisine, séparée du reste séjour, était peut-être la plus petite pièce, mais elle restait fonctionnelle. Une gamelle d'eau et de nourriture était posée dans un coin, probablement pour un chat au vu de sa taille modeste.
Tweek revint dans le salon parmi les invités. Une dizaine de personnes supplémentaires étaient arrivées et on avait déjà attaqué le buffet. Tweek se servit un verre et commença à manger. À partir de ce moment-là, le rythme devint effréné. Tweek se mit à manger, à boire plus que de raison, à parler avec des tas d'inconnus et à danser. Tweek ne connaissait pas la majorité des invités qui étaient des amis que Kenny avaient rencontrés au lycée de North Park ou à son travail. Vers minuit, il décida de ne plus boire d'alcool sous peine de s'écrouler et il s'installa sur la terrasse avec Stan, Wendy et Cartman pour discuter. Environ une demi-heure plus tard, Bebe revint avec des shots au contenu inconnu et proposa à tout le monde de les partager. Tweek oublia sa résolution et se joignit au groupe.
C'est au quatrième shot que Tweek se rendit compte qu'il avait bu le verre de trop. Sa tête devint lourde et son ventre se tordit. Il essaya de rester assis avec les autres mais il comprit vite que ça allait être impossible : il déclara à voix basse qu'il reviendrait bientôt et fonça aux toilettes. Même la noix de coco fit le chemin en sens inverse, à sa plus grande surprise. Au bout de vingt minutes, Tweek dut se rendre à l'évidence : il ne serait plus capable de réintégrer la fête. Il se traîna jusqu'au seul lit qu'il connaissait, celui où les sacs étaient entreposés. Il prit deux secondes pour enlever ses chaussures qu'il abandonna au milieu de la pièce et s'écroula sur le lit sans prendre la peine de se couvrir.
Tweek eut cinq minutes de répit avant de sentir le matelas s'enfoncer légèrement. Il entreouvrit un œil et eut confirmation d'une réflexion qu'il s'était faite en arrivant chez Kenny : il y avait bien un chat dans cette maison et celui-ci se dirigeait vers lui. L'animal vint se rouler contre son bras puis grimpa sur son corps et se mit à lui pétrir le ventre.
_Non, le chat. Gémit Tweek. Il tenta de le repousser d'un geste de la main, mais il était si fatigué et surtout si soul que sa main retomba mollement dans les airs. Habituellement Tweek se serait trouvé absolument pathétique, mais il était dans un trop mauvais état pour s'en rendre compte. En dernier recours, Tweek roula sur le côté et fit tomber le chat de son ventre, mais celui-ci ne fuit pas, au contraire, il se roula en boule contre Tweek. Au moins, l'humain n'avait plus à subir le poids de l'animal. Tweek put enfin fermer les yeux.
Le blond se réveilla une première fois quand Wendy vint vérifier s'il allait bien et lui donner couverture, puis une seconde, quand il entendit Kenny parler à quelqu'un. Il entreouvrit un œil : la chambre était plongé dans le noir, Kenny était allongé à côté de lui, sous la couette (Tweek lui tournait le dos mais entendait le son de sa voix et sentait une présence dans le lit), et il parlait à une femme. Tweek ne pouvait pas la voir, mais il entendait également sa voix. Pendant une seconde, le blond se dit qu'il était peut-être un obstacle pour Kenny, il devrait lui montrer qu'il était éveillé et proposer d'aller dormir ailleurs, mais il ne le fit pas. Il était bien trop fatigué pour bouger de là. Il se rendormit quand la femme quitta la pièce.
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Dimanche 16 octobre
Tweek se réveilla le lendemain avec la nausée. Il se dit que c'était vraiment désagréable de dormir habillé et qu'il avait encore un sale goût dans la bouche. Il voulut se brosser les dents mais se souvint que son sac était resté dans la voiture de Wendy. Puis il se retourna et vit que Kenny était là et dormait à poings fermés. Tweek tenta de se lever, mais aussitôt debout, il fut pris de nouvelles nausées et dut courir à la salle de bain (heureusement, elle était attenante à la chambre). Il rinça le lavabo, se passe un peu d'eau sur le visage et partit à la recherche de son téléphone. Celui-ci se trouvait dans la poche de son manteau, abandonné ici hier soir. Sept heures trente, indiquait l'écran. Tweek grogna - silencieusement - et se recoucha, mais il ne parvint pas à se rendormir. Il ne pensait qu'à une chose : Kenny était couché à trente centimètres de lui, torse nu, et ils n'étaient séparés que par une couverture (Kenny était sous la couette, Tweek dessus). Le cafetier ne cessait de se demander si Kenny dormait véritablement et s'il allait se réveiller bientôt, s'il viendrait l'enlacer, bien qu'une part de lui savait que ça n'arriverait pas, probablement parce que Kenny n'en avait aucune intention, mais surtout parce que Tweek n'était pas libre.
Quand il comprit que la faim et la soif l'empêcheraient de se rendormir, Tweek se leva. Il remit ses habits en place, contourna le lit et se dirigea vers la porte. Au moment où sa main toucha la poignée, il tourna la tête vers Kenny et leur regard se croisèrent. Kenny, tourné vers lui, à peine conscient, avait à demi-ouvert un œil et semblait le regarder sans vraiment comprendre. Tweek resta figé là, à regarder Kenny, sans savoir quoi faire ni quoi dire. Il sentit son cœur se serrer et eut envie de revenir se coucher, mais rien au monde ne pouvait justifier ça. Tweek n'était pas libre. Il était en couple, et même s'il en avait envie, il ne pouvait pas revenir s'allonger à côté d'un homme qui lui plaisait. Tweek fit un sourire embarrassé et quitta précipitamment la pièce en refermant la porte derrière lui.
Dans le salon, il croisa une des invités qui s'apprêtait à partir. Elle l'aida à ouvrir les stores électriques afin que la salon s'éclaire puis elle s'en alla, pressée, son grand appareil photo à la main. Tweek se souvint qu'il avait fait l'idiot devant l'objectif la veille, pourvu que Kenny ne voit jamais ces images… Il erra ensuite seul dans le salon. Le chat revint à sa rencontre et se frotta contre ses jambes, mais l'animal n'avait plus envie de câlin, il faisait uniquement les yeux doux à cet humain pour qu'il lui ouvre la porte. Tweek le fit, au moment où Bebe entra dans le salon.
_Salut, dit-elle, bien dormi ?
Bebe Steven était la personne la plus matinale de South Park (Tweek ne comptait pas - son sommeil était si irrégulier qu'il était hors catégorie). Elle lui sourit et offrit de faire du thé. Tweek accepta avec plaisir, ravi d'avoir enfin accès à de l'eau. Il accompagna sa boisson d'une pomme qu'il trouva dans la cuisine, puis, son estomac apaisé, les deux invités se mirent à ranger. Le temps que Kenny se lève, ils avaient presque terminé.
D'autres personnes quittèrent la maison, jusqu'à ce que seuls Tweek, Kyle, Stan, Bebe et Wendy restent pour le petit-déjeuner. Ils discutèrent tous ensemble, dans une ambiance détendue, rêveuse, un peu ensommeillée, puis Bebe et Kyle s'en allèrent en même temps. On débarrassa la table puis Wendy alla se laisser tomber sur le canapé. Tweek la suivit tandis que les deux hommes continuèrent de discuter à table.
_Ils sont trop bizarres ces tableaux. Fit remarquer Wendy en les désignant d'un mouvement de tête.
_Oui, et en plus ils sont pas réalistes : les zèbres sont noirs rayés blancs, pas blancs rayés noirs ! [1]
_De quoi tu parles ?
_Ben, sur le tableau, le museau du zèbre est blanc, or un zèbre a le poil noir avec des rayures blanches, donc son museau doit être noir.
_… Tu dis n'importe quoi. Rétorqua Wendy en riant.
_Si, si je te le jure, j'ai vu ça sur la PBS [2].
Wendy céda, même si elle n'avait pas l'air d'y croire. Les deux amis tombèrent dans un silence confortable. Le regard de Tweek quitta la peinture et parcourut la grande pièce avant de s'échouer sur Kenny. Celui-ci se tenait dos à lui, debout, la tête penchée en avant et les bras ramenés sur son torse. Il devait regarder son téléphone. Stan se tenait à côté et regardait dans la même direction. Quand on prenait le temps de le regarder, Kenny était vraiment beau. Il fallait dire aussi que le temps l'avait gâté. Au collège, il n'était ni mignon, ni populaire, mais aujourd'hui, ses cheveux blonds coupés courts brillaient au soleil, sa barbe aux reflets roux lui taillait un beau visage, ses larges épaules mettaient son dos en valeur (sans être trop baraqué) et il atteignait un bon mètre quatre-vingt cinq.
_On est vraiment bien sur ces canapés. Commenta Wendy.
_Ouais. J'ai pas envie de rentrer, souffla Tweek, j'ai pas envie de revenir à la vie réelle, retourner travailler et postuler pour d'autres jobs…
_Je comprends. Moi non plus, pas envie de revenir à mes recherches reloues sur l'histoire du Mexique…
Wendy s'était engagée dans un master en civilisation des pays de l'Amérique du Sud.
_Tu sais quoi ? Je devrais arrêter de chercher du taff comme manager hôtelier et devenir plante verte.
_Quoi ?
_C'est super plante verte : t'as rien à faire à part te tenir là et en plus les gens te donnent à boire. C'est plutôt cool comme job.
_Avec le réchauffement climatique, c'est un secteur bouché, tu trouveras jamais de travail. Plaisanta Wendy. Tweek rit. Les garçons revinrent s'asseoir avec eux, et la conversation continua. Tweek posa des questions à Kenny sur son emploi quand il se rendit compte qu'il ne savait même pas ce qu'il faisait - à part qu'il portait un bleu de travail :
_Je taffe dans un garage qui répare et modifie des bagnoles de luxe. J'ai fait un apprentissage pour bosser là-dedans. J'ai aussi une spécialisation en informatique, pour pouvoir réparer les logiciels des voitures récentes, et je suis le seul à savoir faire ça, alors je suis plutôt demandé par les clients.
_C'est génial.
Le groupe resta encore une heure de plus, puis Stan et Wendy décidèrent de rentrer. Il était quatorze heures passées et il fallait bien revenir à la réalité. Tweek eut envie de rester mais comme ils avaient covoituré, il ne pouvait pas rentrer seul. Les trois amis dirent au revoir à leur hôte et montèrent en voiture.
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A suivre
[1] si, si c'est vrai !
[2] chaîne de télé publique axée sur des émissions éducatives, équivalent de France Télévision
Je vous présente ma nouvelle fiction longue, qui est très importante à mes yeux. Les chapitre ne sont pas découpés en numéro mais en mois, ce qui rend le décompte des jours plus facile à suivre car c'est un élément très important du récit. J'espère que ça va vous plaire car je m'attaque à un couple mythique !
~Jusqu'à la prochaine fois,
BillySage
