L'Insurgé
Hey !
Ce n'est pas du tout pertinent de lancer une nouvelle fic pendant les vacances d'été, alors que je vais être surbookée à la rentrée et que j'ai déjà des fics sur le feu, mais que voulez-vous ? J'ai une envie folle d'essayer des trucs nouveaux, de faire des expériences et, comme à chaque fois, je n'arrive pas à me contrôler…
Le pire, c'est que cette fiction se veut longue ! Avec ça, je m'engage pour longtemps, pas comme dans ma précédente fic YoI, que j'avais achevé en un mois ! XD Si ça, c'est pas de l'esprit suicide, je ne sais pas ce que c'est !
Bref !
Pour parler un peu plus en détails de ce projet que vous vous apprêtez peut-être à lire, c'est bien sûr du bon vieux Victuuri des familles, dans un univers scolaire, avec des clichés que j'essaye de rendre original (wat ?). Oui, parce que quand je vous parlais d'expériences nouvelles plus haut, je parlais entre autres de ça ! 8P Je veux partir d'un scénario cliché pour le retourner et tenter de parler de vrais sujets de manière un tant soit peu mature (mais vu que je ne le suis pas moi-même, c'est peut-être trop ambitieux, comme projet…) Bah ! Façon, je l'ai dit : j'expérimente.
Mon but, c'est aussi de développer les personnages secondaires. YoI est un de ces animés où j'aime tous les personnages – et pour me faire aimer tous les persos d'une série, faut envoyer du lourd donc bravo ! – et ce serait dommage de les mettre au placard !
Donc, malgré ce à quoi je vous ai habitué avec ma dernière fic YoI, ne vous attendez pas à du huit clos entre Victor et Yuuri. Je veux de la vie, autour d'eux, bowdel !
Concernant la régularité, je n'avancerais rien ! Je rentre dans ma troisième année de prépa, j'ai deux concours à passer, qui vont venir très vite (trop vite T.T), donc je sens d'avance que ça risque d'être compliqué (mais pourquoi je lance une nouvelle fic, dans ce cas ?! Argh ! Mais quelle conne, celle-là !)
Bref, je parle beaucoup trop dans mes en-têtes de chapitre, c'est insupportable !
Je vous remercie par avance de l'intérêt que vous porterez à ce travail et vous souhaite une bonne lecture !
Chapitre I :
« Shaaaall weee skaaaaate ! »
Yuuri lâcha un rire franc quand son meilleur ami se mit à accompagner le chanteur de son film préféré en grimpant à pieds joints sur le canapé du salon, la télécommande faisant office de micro. Phichit chantait bien quand il était sérieux, sauf que là, il déconnait complètement. Et tant mieux, c'est avec cet air espiègle et joyeux qu'on l'adorait. Par contre, impossible de savoir comment il se faisait qu'il ne soit toujours pas lassé de ce film après l'avoir regardé un nombre indécent de fois.
Yuuri était dans la cuisine, ouverte sur le salon pour lui permettre de suivre le film également – quand bien même il le connaissait par cœur aussi – et cuisinait leur dîner avec aisance et dextérité.
Cette dernière soirée de liberté avant leur entrée à l'université Dmitriev était une initiative de Phichit, qui avait tout simplement refusé que son meilleur ami ne stress tout seul chez lui la veille d'un jour aussi important. N'étant pas chez lui mais gracieusement hébergé, le Thaï avait donc prié ses hôtes de lui permettre d'accueillir Yuuri pour la soirée. Sacrée chance puisque lesdits hôtes avaient de toute façon prévu d'être absents. Vieux amis des parents de Phichit, ils l'accueillaient chez eux pendant toute la durée de ses études. Heureusement, puisqu'il s'agissait d'un couple de photographes, ils n'étaient pas si souvent à la maison. Plutôt pratique, comme situation.
« Tu es sûr que tu ne veux pas d'aide ? s'enquit le Thaï en voyant que son ami faisait absolument tout.
_ De ma vie entière, je jure que je ne te laisserai plus jamais toucher une cuisine.
_ Eh ! J'ai pas fait exprès, la dernière fois !
_ Encore heureux ! »
Phichit leva les yeux au ciel et entreprit de se rendre à son tour dans la cuisine pour sortir des plateaux, couverts, serviettes et tout ce qui leur permettrait de passer une soirée tranquille, les pieds sous la table – façon de parler puisqu'ils allaient manger dans le canapé.
« Je ne réalise toujours pas que, demain, on sera de nouveau à l'université…, avoua Yuuri en découpant précautionneusement les oignons.
_ Moi, c'est le fait que, parmi toutes, on soit accepté à Dmitriev qui me sidère ! Mon cousin est en plein déni ! Même dans ses rêves les plus fous, il n'a pas pu s'imaginer y aller, alors quand je lui ai annoncé que j'y étais accepté… Il croit toujours que c'est une blague, je crois. Fais-moi penser à poster un snap quand on y sera.
_ Je doute que tu ais besoin de moi pour penser à prendre des snaps, railla le Japonais. Je crois même que tu n'as pas besoin d'y penser tellement que c'est inconscient chez toi ».
Pour confirmer ses dires, le Thaï attira son ami dans une étreinte forcée en soulevant son téléphone en l'air, prenant une photo surprise que Yuuri n'avait pas vu venir.
« Alors… Hashtag 'dernier repas de liberté', hashtag 'petit tablier rose de l'inavouabilité', hashtag 'bestfriend', hashtag…
_ Phichit, bon sang ! »
Par réflexe de défense, Yuuri mit les mains autour de son corps pour tenter de cacher cet horrible tablier rose à fleurs – le seul qu'il avait pu trouver, hélas – en baragouinant des insultes en thaï au sujet du comportement d'un certain jeune homme en face de lui.
« Tu es sûr que tu le mérites, ton kai pad met mamouang ? Je peux toujours aller le manger avec les voisins, si tu me cherches trop ».
Phichit lorgna sur son plat préféré avec un début de salive au coin de la bouche.
« Tu ne ferais pas ça à ma si sublime personne…
_ Je peux faire subir mille vices culinaires à ta si sublime personne.
_ Oh mon dieu ! Choqué-déçu ! Je retourne voir mon seul ami, puisque c'est comme ça ! annonça-t-il en retournant poser ses fesses sur le canapé pour contempler son film ».
Les meilleurs amis non-humains de Phichit étaient étrangement tous des objets électroniques…
Malgré ses menaces, Yuuri revint tout de même un peu plus tard avec deux plateaux bien garnis du plat favoris de Phichit, qu'il installa sur leurs genoux. En totale symbiose, ils se mirent à réciter les dialogues en même temps que les personnages avec des airs très parodiques, manquant de se salir au moins huit fois chacun de ce met délicieux. Parce qu'évidemment, Yuuri avait plus que réussi son plat : c'était une tuerie.
« Fais-moi penser à t'épouser, un de ces quatre. De la bonne bouffe tous les jours, c'est un bon investissement.
_ Tu n'auras pas mon cœur, vil démon. Je te connais trop bien, ce serait une torture de satisfaire ton estomac d'ogre.
_ Choqué-déçu, répéta Phichit avec une fausse moue outrée ».
Leur dernière soirée de vacances se passa dans une ambiance bonne enfant telle qu'ils la connaissaient. Ils juraient ne s'être jamais disputés de leur vie, tous les deux ayant des cœurs d'artichauds et une tendresse presque fraternelle l'un pour l'autre. Et la famille, c'est sacré.
Les deux jeunes hommes se connaissaient depuis déjà huit ans, ils étaient allés au même lycée en Thaïlande, puis à la même université les deux années passées, et se suivaient encore jusqu'en Russie par un sacré tour de force. Etre à même de rester l'un avec l'autre aussi longtemps malgré les mouvances de la vie, c'était tout de même pour eux le signe que leur amitié était sincère et devait être préservée à tout prix. De toute façon, ils n'avaient pas besoin de se forcer pour s'adorer.
Pour en revenir à cette incroyable université Dmitriev, située dans l'aire périurbaine de Moscou et plus particulièrement dans une zone connue comme très bourgeoise, elle avait la réputation d'être l'une des meilleures qui soit, même si le fait qu'elle n'accueille quasi-exclusivement que des enfants de riches rendait sa légitimité contestable. Dmitriev souffrait d'une image de petit club de nobles, où seuls les futurs grands de ce monde étaient autorisés à aller car ayant les moyens de se payer l'inscription.
Mais ce n'était pas le cas de Phichit et Yuuri.
Dans l'optique de se défaire de cette image quelque peu dégradante, la nouvelle directrice de l'institution avait décidé – voilà quelques années – de lancer un projet d'ouverture aux classes populaires, si ceux-ci avaient eu des résultats excellents au lycée. Avec ce genre de politique, les riches parents toléraient l'arrivée de prolétaires sous couverts qu'au moins ces nouveaux étaient intelligents et, d'une pierre deux coups, Dmitriev brisait sa politique isolationniste qui lui avait valu le surnom d'Université de la Noblesse.
Le Thaï et le Japonais faisaient partis de cette politique d'ouverture. Leurs excellentes notes au lycée ajoutées à celles de leurs deux premières années à l'université de Chulalongkorn – également prestigieuse dans son genre – les avaient propulsés en tête des listes d'admission. Qui que soit cette nouvelle directrice, elle semblait être une femme très moderne et ouverte. Paraissait-il même qu'elle favorisait la pluralité culturelle en acceptant des étudiants du monde entier – bon, toujours sur des critères d'admission liés à la richesse car elle ne pouvait pas tout réformer d'un seul coup, mais c'était déjà le signe d'un avenir meilleur pour Dmitriev !
Phichit se reprit en photo avec Yuuri juste derrière qui ne s'y était pas attendu, ce qui donna un cliché très naturel, qui rendait bien l'ambiance détendue.
« Tu es intenable, jugea Yuuri.
_ Ma mère me demande ce que je fais ! Et comme preuve de ma bonne foi, je lui envoie une preuve !
_ Oui, oui, bien sûr. Je pense que c'est plutôt parce que tu te sais photogénique et que ça te plait de donner des dossiers photos à ta mère pour qu'elle t'en sorte un album chaque année.
_ Faux ! J'aime la photographie ! Plus qu'une passion, c'est un art ! »
Ironique, Yuuri leva les yeux au ciel mais choisit d'abdiquer sur ce débat. En vrai, il croyait volontiers Phichit sur ce sujet, et devait reconnaître qu'il était assez doué pour photographier tout ce qui lui passait sous le nez.
Le Japonais remarqua alors le bijou pour téléphone qui pendouillait librement pendant que son propriétaire faisait courir ses doigts sur l'écran tactile. C'était une fine cordelle de moins de dix centimètres, stylisée avec des minces pierreries parcourant quelques nuances de gris et de noir – exactement comme les yeux de Phichit, à vrai dire.
« Qu'est-ce que c'est que ça, encore ? demanda un Yuuri intrigué. Tu aurais osé faire des emplettes sans moi, toi qui me tire presque du lit chaque samedi pour t'accompagner ?
_ Ahahah ! Mais quelle image as-tu de moi ? rit Phichit en mettant sa décoration de téléphone en évidence. Ne t'inquiète pas, je ne me serais pas permis cet outrage à ta personne. C'est un cadeau d'au revoir de ma mère, fait main, avec tout son amour. Elle aime beaucoup tout ce qui est porte-bonheur, gri-gri et autres petits objets symboliques comme ça.
_ Oh ! cette femme est décidément un ange ! C'est adorable de sa part !
_ Je lui demanderai de t'en faire un, un de ces jours ! Elle en serait ravie !
_ Et moi donc ! »
A force de discussions, ils loupèrent la totalité de la fin du film sans s'en formaliser – puisqu'ils connaissaient de toute façon chaque scène sur le bout des doigts. Lorsqu'il commença à se faire tard, sur les coups de dix heures du soir, Phichit mit son ami à la porte en lui ordonnant d'aller se reposer sans stress – ce qui ne serait sans doute pas forcément évident pour cette boule d'angoisse japonaise.
A peu près vingt minutes plus tard, il fut de retour chez lui, repus et relaxé d'avoir passé ce moment de complicité avec son meilleur ami. Il était au septième étage d'un appartement aisé de la banlieue de Moscou – payée par sa mère malgré les plaintes gênées d'un Yuuri détestant qu'on en fasse trop pour lui. Sincèrement, il se serait contenté d'une petite location dans un quartier plus pauvre, s'il avait pu choisir, plutôt que cet appartement trop grand pour lui et terriblement vide sans la présence de sa mère. Cette dernière était en ce moment en voyage d'affaire aux Etats-Unis, lui laissant l'immense endroit pour lui seul.
Suivant donc les consignes de Phichit, il ne tarda pas à aller se coucher, sans oublier de faire son sac et de préparer ses vêtements pour le lendemain.
Cependant, une fois allongé sous ses draps, il demeura anxieux, se demandant sincèrement si un garçon comme lui pouvait dignement passer sa troisième année d'université à Dmitriev, parmi la haute noblesse de ce monde, sans se ridiculiser complètement.
Apparemment, de là où il était, Phichit dû sentir sa crainte – à moins que ce ne soit l'habitude – car Yuuri reçut dans la foulée un dernier SMS de son ami le sommant de lâcher son téléphone et de se détendre.
Oh mais lui, alors !
Il rit puis consentit à éteindre définitivement les lumières.
Ça ne pouvait pas si mal se passer que ça, de toute façon !
0*O*o*O*0
« C'est une blague… ? se chuchota Yuuri pour lui-même en relisant une troisième fois le message de son meilleur ami ».
Quelle était la probabilité pour que Phichit se retrouve avec une inondation dans les sous-sols de la maison de ses hôtes ? Hôtes absents, qui plus est ! Le ballon avait apparemment cédé, vaincue par son âge, obligeant le Thaï à rester sur place en attendant le réparateur. Autant dire qu'il ne risquait pas de venir à cette première journée d'université, ce qui avait le don de rendre à Yuuri toute son angoisse, d'autant plus que c'était déjà le trente-quatrième élève qu'il voyait lui passer devant en descendant d'une voiture de luxe. Parce que même en vivant dans un rayon de cinq à dix kilomètres maximum, ces enfants de riches venaient en voiture plutôt que de se donner la peine de prendre les transports en commun. Comment expliquer en quelques mots le malaise du Japonais à voir ça ?
Phichit se rependait en excuses, lui envoyant moulte snap de lui, les pieds dans l'eau, avec une mine confuse.
Tant pis, il n'y avait rien à faire de plus. Yuuri allait devoir survivre seul pour aujourd'hui.
Il n'était même pas encore entré dans le campus – cela faisait bien quinze minutes qu'il campait devant le portique comme un ermite dans sa grotte en montagne – que l'endroit lui semblait déjà irréel.
Le nombre d'étudiants inscrits était assez risible par rapport à toute autre université du monde – à peine trois cents personnes en tout et pour tout – mais pourtant, les locaux avaient l'air immenses. De là où il se tenait, le Japonais voyait trois grands bâtiments de style moderne s'élevant sur cinq étages, une cour incroyablement grande et organisée en étoile pour rejoindre chaque bâtiment, avec visiblement des chemins annexes s'enfonçant dans un petit bois qui, selon les panneaux disposés çà et là, menaient à la piscine, aux terrains de sport et autres activités.
Ecole de riches.
Et les étudiants n'en menaient pas large avec leurs apparats en tout genre, lui passant devant sans le voir – parce qu'il était trop quelconque pour retenir leur attention, sans doute. Il en résultat pour lui ce fameux malaise que l'on ressent tous lorsque l'on sent que l'on devrait être ailleurs. Yuuri était tellement gêné que ses yeux se posaient partout et nulle part à la fois, comme si ses innocents iris noisette n'avaient pas le droit de s'attarder plus de trois secondes sur chaque élément de ce nouvel environnement. Par conséquent, le monde lui sembla alors découpé, fugace, et fatalement éloigné.
Jardins à la françaises. Buissons taillés en formes olympiques. Fontaine centrale faite de bacchantes et d'amours. Feuille d'or sur la façade principale de la bibliothèque. Bagues Gucci. Parfum Dior. Sacs Louis Vuitton. Maquillage L'Oréal New York. Chemisiers Yves Saint Laurent. Chaînes Cartier. Et encore beaucoup trop de placements de produits pour une seule fiction.
Et puis Yuuri, en pull artisanal acheté dans une rue ouvrière de Bangkok par une vieille créatrice méconnue et en jean, portant une sacoche qui semblait antique – un souvenir de son père –, le tout sous un manteau rafistolé par ses soins, et aussi l'un des rares Asiatiques à des kilomètres à la ronde. Clairement, il faisait tâche.
Un groupe de demoiselles ne se gêna d'ailleurs pas pour le montrer du doigt, cachant leur rire de l'autre main.
Sans Phichit, il se sentait en terrain hostile, esseulé tel la biche tombée sur une meute de loup, et toutes ses angoisses revinrent décuplées. Quelle attitude adopter ? Rester la biche et faire les yeux doux en espérant être oublié ou bien se transformer en cerf pour empaler tout ennemi de ses bois aiguisés ?
De caractère soumis, Yuuri ne se sentait pas à attaquer qui que ce soit sans bonne raison. Et les bonnes raisons peinent à arriver. Sans incident majeur qui le forcerait à quitter son état semi-passif, rien ne justifierait qu'il sorte les crocs, bien que cela le condamne à passer une année fantomatique, ignoré de tous.
Ça commençait mal. Très mal. N'y avait-il pas au moins une personne dans cette université avec laquelle il pourrait sympathiser ? Bien sûr que Phichit lui suffisait, mais rester en groupe fermé était triste et Yuuri prônait l'ouverture sur les autres.
Il maugréa dans sa barbe inexistante, son air de chiot abandonné plaqué au visage, puis le monde autour de lui s'arrêta.
Littéralement.
Ceux qui marchaient s'arrêtèrent, les discussions demeurèrent en suspens, les regards convergèrent, les bouches muettes s'ouvrirent en 'o' émerveillé, et Yuuri essaya de suivre les points de fuite pour déceler le centre de ce tableau.
Descendu de la Maserati argentée la plus chic qui soit – parce que les Lamborghini et les Ferrari, c'est surfait de nos jours –, un jeune homme traçait son chemin entre ces hordes d'élèves arrêtés pour l'admirer, emmitouflé dans des vêtements de couturier comme un coq en pâte, un café à la main, son sac dans l'autre. Ses yeux fins se confondaient avec l'azur du ciel, ses cheveux platines rendaient la sensation de froid qu'inspirait la saison, mais surtout, son élégance et sa maîtrise en faisait la star du moment. Sa gestuelle était maîtrisée, sa démarche soignée, son sourire charmeur.
« Qu'est-ce qu'il m'a manqué pendant les vacances…, commenta une jeune fille à proximité de Yuuri. Je lui ai pourtant proposé de venir à Miami avec moi, dans notre maison de vacances, mais il avait déjà des obligations, m'a-t-il dit.
_ En même temps, son père le fait travailler dur pour prendre la relève.
_ Pauvre Victor. Si sollicité mais toujours tendre et d'agréable compagnie. Qu'est-ce qu'il est courageux.
_ Qu'est-ce qu'il est beau.
_ Et cet esprit.
_ Et ce panache.
_ Et gnagnagna, acheva Yuuri en se détournant de la scène pour poursuivre son chemin ».
Il était d'accord, ce Victor était aussi beau que chic, mais tout ça ne l'aidait pas à savoir quelle voie il devait prendre pour trouver la suite des hostilités. Puis voir des poulettes dandiner du cul devant les fils à papa ne l'attirait pas. Déjà que sa journée commençait mal, il préférait ne pas tendre davantage ses nerfs déjà trop sollicités.
On lui lança des regards noirs qu'il ignora sciemment.
Eh bien quoi ? pensa-t-il. On est obligé de tous contempler ce gars dès qu'il apparait, ou bien ?
Ça ne l'intéressait pas. Surtout que s'il avait déjà une centaine de regards portés sur lui, ce Victor pouvait donc se passer de celui de Yuuri.
Une grande affiche placardée devant la fontaine du milieu de cour indiquait que les étudiants étaient invités à passer par le bâtiment principal pour être dirigés selon les besoins. De ce qu'il avait entendu, paraissait-il que les premières et deuxièmes années faisaient leur rentrée ensemble, de même que les troisième et quatrièmes années – et ainsi de suite pour les deux niveaux au-dessus. Il n'y avait donc, à cette heure-ci, que des troisièmes et quatrièmes années, qui avaient au moins le mérite de savoir où aller, eux.
Yuuri avança donc au petit bonheur la chance jusqu'au bâtiment principal, où des étudiants faisaient la queue devant une grande table drapée de blancs, occupée par visiblement le personnel administratif de l'école. Il attendit son tour sans impatience, se sachant en avance, puis arriva à la table.
Comme il était de coutume à Dmitriev, on lui parla en anglais – comme les profs comptaient le faire dans tous les cours – et c'était pour l'heure un grand jeune homme qui s'occupait de son cas, brun, grand, puissant, au regard un peu hautain et, selon son étiquette, qui se nommait Jean-Jacques.
« En quelle année rentres-tu, mon garçon ?
_ Troisième, répondit-il sans se formaliser de la familiarité de cette interpellation.
_ Tiens, voilà pour toi. C'est un badge de reconnaissance, pour que l'on puisse distinguer votre niveau, tout le monde doit en avoir un. Quant à la conférence de madame la directrice, elle commencera dans une heure, au gymnase. Tu le trouveras facilement, il est derrière ce bâtiment, bien indiqué par les panneaux. Et bienvenue à Dmitriev ! »
Puis il le congédia poliment.
Yuuri se retrouva donc avec un Pins couleur lilas dans les mains, dont il ne sut quoi faire qu'après avoir vu d'autres étudiants l'arborer fièrement sur leur poitrine, côté cœur. Il en fit donc de même, comprenant maintenant que tous les troisièmes années seraient lilas, tandis que les quatrièmes étaient en vert bouteille.
Parce qu'évidemment, ce ne pouvait être des couleurs simples comme rouge, bleu, vert, jaune, non, bien entendu, c'était des couleurs chiantes !
Ce devait être à la mode…
A défaut d'avoir mieux à faire, Yuuri sortit du bâtiment pour chercher ledit gymnase où aurait lieu la conférence de bienvenue par madame la directrice. Le panneau indiquait une direction précise qui nécessitait de passer par le petit bois. Il chercha dans ses souvenirs s'il avait déjà entendu parler d'une université où il fallait traverser une foutue forêt juste pour aller au complexe sportif. En vain.
Le chemin était pavé pour que la végétation n'y empiète pas et ils étaient à cette heure peu nombreux à l'emprunter, donnant une légère impression d'exclusivité. Yuuri rajusta son écharpe lorsqu'un coup de vent un peu plus puissant que les autres s'engouffra dans son manteau. Un rire narquois manqua de le trahir lorsqu'un groupe d'individus se plaignit d'avoir froid, et pour cause, à force de vouloir porter des habits de couturiers et de les exhiber, ils en avaient oublié la froideur de l'automne russe.
Riches mais cons comme leurs pieds.
Yuuri ravala sa méchanceté en arrivant au gymnase, calmé par l'apparat de cette architecture massive. Décidemment, tout ici était fait pour le rabaisser… Mais il garda la tête haute en pénétrant le luxueux bâtiment, suivant ceux qui savaient où aller. Deux couloirs plus loin, il entra dans une immense salle où quantité de chaises étaient alignées sur plusieurs rangées, face à une estrade vide, hormis un piédestal avec micro.
Bien sûr, il était encore tôt. Le rendez-vous était prévu pour dans une demi-heure, ce qui lui laissait du temps à tuer. D'ailleurs, la salle n'était pas bien pleine et les rares étudiants étaient réunis en groupes soudés, à part quelques-uns qui trainaient sur leur téléphone.
Yuuri choisit un siège côté couloir intérieur, pour pouvoir partir dans les premiers. Il n'était ni trop devant, ni trop derrière, et remarqua après s'être assis qu'un autre jeune homme était là, deux rangées devant, en diagonal, en train de bouquiner tranquillement son livre. Par politesse, Yuuri ne voulut pas se relever pour chercher une autre place, par crainte de paraitre hautain. Il ne bougea donc pas et attendit patiemment en imitant ses collègues : il avait pris son téléphone.
Phichit lui demandait si tout allait bien, s'il survivait seul – et puisque Yuuri n'avait pas répondu depuis une bonne heure, il menaçait d'appeler le FBI pour le retrouver – mais entrecoupait ses inquiétudes de snaps. Sacrée inondation, tout de même.
Yuuri avait à peine envoyé que tout allait bien que sitôt son portable sonna.
Dans le brouhaha que faisaient les autres, cela ne s'entendit pas trop. Il répondit le plus naturellement du monde en thaï, prenant soin de ne pas parler trop fort.
« Ne me dis pas que je te manque déjà ?
_ Devine ! J'ai les pieds dans l'eau depuis ce matin et crois bien que j'aimerais être ailleurs.
_ Mais sors de là, enfin ! Tu veux attraper la mort ?
_ J'essaye de tirer la pompe et pour ça, je suis obligé de me mouiller !
_ Et tu utilises ton téléphone dans ce cadre ? Tu es fou, Phichit. Fou à lier.
_ T'inquiète, j'utilise l'oreillette pour te téléphoner. Les photos, c'est fini pour le moment.
_ Tu m'en vois ravi. Le réparateur n'est toujours pas arrivé ?
_ Penses-tu ! Je suis au garde-à-vous pour le recevoir mais monsieur sait se faire désirer ! Et mes proprios ont eu la délicatesse de s'excuser pour l'incident. Comme si c'était de leur faute ! Ces gens sont adorables !
_ Ils sont amis avec ta mère, c'est normal. Elle sait bien s'entourer.
_ C'est sûr ! Et toi ? Tes messages ne sont pas rassurants !
_ J'étouffe un peu mais ça va. C'est surtout la solitude qui me pèse.
_ Et dire que dans un mois, tu ne pourras plus me voir en peinture tellement que je serai constamment sur ton dos…
_ Je t'ai supporté huit ans. Pourquoi pas une année de plus ?
_ Oh ! Choqué-déçu ! »
Yuuri se mordit la lèvre pour ne pas rire. Il y avait du bruit de l'autre côté du combiné, accompagné de quelques jurons en thaï.
« Et c'est juste quand je t'appelle que le réparateur arrive ! Le monde veut nous séparer, aujourd'hui !
_ On se rattrapera.
_ Y a intérêt ! Bon, je te laisse, Yuuri. Prend soin de toi ! On se rappelle ce soir, je veux un compte-rendu détaillé de ta première journée à Dmitriev.
_ Sans faute, commandant. Bon courage pour ton opération drainage des eaux ».
Ils raccrochèrent. Yuuri avait gagné un peu de temps sur l'ennui qui le gagnait grâce à ce coup de fil éclair. C'est toujours plaisant de se sentir écouté.
« Tu parles thaï ? demanda une voix tierce qui tira le Japonais de son état de béatitude ».
Un jeune Occidental aux cheveux châtains et au regard un peu ensommeillé vint prendre place sur le siège derrière lui. Ses cheveux aux épaules lui permettaient d'arborer une petite queue de cheval et rien dans ses habits n'égalait la prétention de certains autres. Aussi, son sourire amical vint à bout des suspicions infondées du Japonais.
« Euh… oui. J'y ai vécu pendant plusieurs années. Je le parle mieux que ma langue maternelle.
_ Tu es polyglotte alors ?
_ En quelques sortes… Enfin, j'apprends tous les jours.
_ C'est hyper classe ! Moi, je parle anglais et espagnol mais sans plus. Le thaï, c'est tellement plus exotique ! Et l'écriture est belle !
_ Je trouve aussi ».
Le courant passa bien. Yuuri était même étonné de ce jeune homme qui ne faisait pas de manière et qui ne parlait pas du dernier parfum Hermès.
« Je m'appelle Leo de la Iglesia, se présenta-t-il. Je suis venu des Etats-Unis il y a trois ans pour entrer dans cette université.
_ Yuuri Katsuki. C'est ma première année ici.
_ Oui, je me disais bien que je ne t'avais jamais vu.
_ Tu connais tous les étudiants ? s'ébahit le Japonais.
_ Pas tous, mais j'ai déjà vu tous les troisième et quatrième année à force de côtoyer les locaux. Et on n'est pas si nombreux que ça ».
Le regard de Leo dériva sur la droite au fil de la conversation, jusqu'à remarquer que le jeune homme qui lisait devant eux s'était discrètement retourné pour écouter la conversation.
« Tu es nouveau, toi aussi, affirma l'Américain en lui souriant avec bienveillance. Ne sois pas tout timide, tu risques de rester seul ».
Le jeune homme, également Asiatique, rougit d'embarras mais hocha la tête. Il n'avait pas voulu être impoli, c'est juste que la discussion bon enfant derrière lui avait attiré son attention.
« Quel est ton nom ?
_ Guang Hong Ji…
_ Oh, tu es Chinois ? s'intéressa Leo.
_ Oui, je viens de l'université de Xian… qui est aussi la ville où travaille mon père.
_ J'espère que vous vous plairez ici. Dmitriev est très agréable à vivre, si tant est qu'on suit les règles imposées. Il faut juste éviter de chercher les problèmes avec certains… »
Sur le coup, Yuuri ne dénota pas l'ombre qui était passée voiler les traits pourtant joyeux de l'Américain. Il ne fit pas non plus grand-chose de cet avertissement car il savait d'avance que personne n'allait se lier sincèrement avec lui, pauvre Japonais qui ne souhaitait pas jouir d'une quelconque richesse matérielle.
Cependant, Guang Hong se montra plus curieux.
« Alors c'est vrai ce qu'on dit au sujet des…, et il continua presque à demi-mot : au sujet des bizutages ? ».
Leo, visiblement mal à l'aise avec le sujet, baissa la tête le temps de rassembler ses idées.
« Oui. Quelques grandes gueules ont déjà essayé de tenir tête aux mauvaises personnes, si je puis dire. Essayez de vite repérer ceux qui ont une forte influence : ce sont eux qu'il faut éviter. Tout le monde n'est pas comme ça, heureusement, mais cette université est composée du haut du panier. Certains ont déjà compris le prestige dont jouissent leurs familles et n'hésitent pas à en abuser ».
La retenue avec laquelle parlait Leo laissait percer son désappointement face à cette situation.
« Même l'administration de l'école ne peut rien y faire ? demanda Yuuri avec consternation.
_ La nouvelle directrice a une forte poigne mais les choses continuent de se faire dans son dos et malgré ses menaces. Quand un élève se fait bizuter pour avoir tenu tête à un gros poisson, personne ne témoigne en sa faveur. Au contraire. Plus le poisson est gros, plus les petits se font bouffer. Et avoir toute l'université à dos n'est pas souhaitable, donc les fortes têtes se font vite à ce système et arrêtent aussitôt de se débattre…
_ C'est terrible… »
La discussion demeura en suspens. Leo avait apparemment envie de changer de sujet et Yuuri était trop dégoûté pour poursuivre la discussion sur ce terrain-là. Il avait toujours eu une sainte horreur de l'injustice et des discriminations. Et les petits gosses de riches qui jouaient de l'influence de leur famille pour acquérir un respect qu'ils ne méritaient pas, c'était aussi prohibé dans sa philosophie de vie. Humilité et travail, voilà ce qui lui suffisait.
Il était d'ailleurs respectueux de la bonne éducation de Leo, qui leur faisait la conversation sans égo exacerbé, les considérant tous comme égaux.
Néanmoins, son sourire humble s'effaça rapidement pour laisser place à une vive inquiétude, alors que ses yeux se jetaient derrière Yuuri, apparemment happé par quelque chose. Par réflexe, le Japonais se retourna et cligna mécaniquement des yeux lorsqu'il vit le bel albâtre de ce matin marcher tranquillement vers eux avec son sourire angélique. C'est Victor, son nom… je crois. Mais ses airs bienveillants étaient gâchés par le fait qu'à ce simple déplacement, toute la salle baissa d'un ton pour observer ses mouvements. Yuuri ne comprenait pas cette admiration surjouée pour ce garçon qui, certes, était d'une insolente beauté, mais qui n'était pas non plus un Messi à ce qu'il sache.
L'arrivant fit un signe de main amical à Leo, qui répondit par un « bonjour, Nikiforov », puis un clin d'œil à Yuuri, qui n'eut aucune réponse parce que c'était beaucoup trop familier pour lui. Non, vraiment, le Japonais n'apprécia pas ce numéro de Casanova complètement ridicule adressé à sa personne, comme s'il n'était pas digne d'un bonjour. Il se croyait en colonie de vacances, celui-là ? Mais par acquis de conscience, il préféra ne rien dire, surtout que Leo était clairement passé sur la défensive.
Mais le Nikiforov ne s'attarda pas plus sur eux, apparemment venu jusque-là pour Guang Hong, qui ne sut quoi faire de cet intérêt pour sa personne.
« Dis, ce ne serait pas le nouveau best-seller de Francis Gwandel que tu lis là ?
_ Euh… si, en effet…, répondit le Chinois avec un air ahuri – comme on le comprend.
_ J'ai voulu le lire cet été mais ça m'est sorti de la tête ! Tu me le prêtes ?
_ Eh bien… là, tout de suite, je suis en train de le lire, mais si tu veux, ça ne me dérange pas de te le passer dès que je l'aurais fini…, rougit Guang Hong en s'exprimant avec toute la politesse qu'il put. Tu peux me donner ton nom et ton numéro de casier pour que je l'y laisse… »
Sa petite voix timide le rendait doux comme un nounours, surtout qu'il avait le regard tendre et un visage encore enfantin pour son âge. Mais malgré ça, on sentait une certaine maturité sous-jacente qui plut à Yuuri. Guang Hong sentait l'humilité et le respect à plein nez, c'était très plaisant à voir.
Sa locution avait été correcte et distincte, son verbe poli, sa proposition accommodante. Il était même prêt à se déplacer vers le casier du Nikiforov pour l'arranger ! N'est-il pas attendrissant ?
Eh bien, malgré tout cela, malgré tout ce que Yuuri avait intérieurement félicité, la salle retint son souffle, choquée, outrée, affligée, et même Leo avait perdu de son joli teint caramel pour finir blanc comme un linge. Pourtant, Guang Hong n'avait rien dit de choquant ou d'insultant. Pourquoi la salle le fusillait-elle du regard ?
Victor se redressa doucement pour étirer son dos et, sans faire la moindre remarque, s'en alla avec simplement l'esquisse d'une moue déçue sur les lèvres. C'était toujours le silence. Et ce le fut encore lorsqu'il retourna s'asseoir dans son groupe, composé d'un grand blond aux yeux verts, d'une fille teinte en un rouge-rosé esthétique et un autre homme aux cheveux bourrés de gel qui partaient en avant. Tous des quatrièmes années.
Une tension montait crescendo dans le gymnase, étouffante, dangereuse, incongrue.
Les fesse du Nikiforov à peine posées sur leur siège, quelques étudiants lambda se levèrent, tournés en direction de Guang Hong Ji avec des airs furibonds, et se précipitèrent d'un coup d'un seul vers lui pour le tirer sans ménagement hors de son siège. Le Chinois glapit d'étonnement et de peur, ses beaux yeux clignotant comme des ampoules en fin de vie. Une vive peur se lit alors sur ses traits doux, auquel seule l'aversion du visage de ses agresseurs lui répondit. Par réflexe, Yuuri se leva dans l'espoir de lui venir en aide mais Leo fut plus rapide et le retint par le bras avant qu'il ne se jette sur les agresseurs, ce qui castra totalement les bonnes intentions du Japonais.
Cette ambiance électrique était tellement palpable qu'on aurait pu la trancher au couteau. Leo et Yuuri d'un côté, le groupe d'agresseurs de l'autre, qui se regardaient en chien de faïence. L'Américain prenait visiblement beaucoup sur lui dans cette histoire, contrairement à Yuuri, dont le regard grave trahissait ses sentiments. Guang Hong continuait de se débattre mais les mains sur lui étaient trop nombreuses et trop puissantes. Il resta impuissant et suppliant, sans comprendre ce qu'on lui reprochait.
« Dites, les gars, commença l'Américain. Ji est nouveau, on pourrait peut-être parler avant de…
_ Laisse tomber, Iglesia, coupa un élève. Occupe-toi de ton Asiat' à toi et on verra après ».
Touché par l'insulte sous-jacente, Yuuri le fusilla du regard, essayant d'ignorer la poigne brutale de Leo sur son bras. Plaintif et implorant sous cette poigne brutale, Guang Hong avait disparu, emporté par le groupe, vers la sortie de secours. Seul son livre demeurait, explosé à terre et oublié.
Sentant que son camarade allait craquer, l'Américain tira le Japonais en direction des toilettes pendant qu'une animation normale revenait. Yuuri se retrouva bloqué dans une cabine, porte fermée, avec un regard lourd posé sur lui. La colère montait.
« Katsuki… Ecoute, je…
_ C'est quoi, cette énorme blague ?!
_ C'est Victor Nikiforov, celui parmi tous que tu dois éviter…
_ Mais on en parle de ce qu'il vient de se passer ou il n'y a que moi que ça choque ?! Pourquoi ils ont fait ça ?! Qu'est-ce que Ji a fait pour mériter d'être traité de la sorte ?!
_ Ecoute-moi, Katsuki ! N'envenime pas les choses, s'il-te-plait ! C'est… compliqué…
_ Alors va à l'essentiel avant que je ne tourne fou.
_ L'empire commercial des Nikiforov est colossal, ils font partis des dix fortunes les plus conséquentes du monde et ont même des appuis en politique. Personne… Personne ne refuse jamais rien à ce type. S'il te demande quelque chose, il n'y a qu'une seule réponse possible : oui. Ne le déçois pas, ne le contredis pas, ne lui tiens surtout pas tête. Lui ne te fera jamais rien mais les autres, pour entrer dans ses bonnes grâces, sont prêts à tout pour le défendre lorsqu'ils le jugent 'agressé' ou 'insulté'. C'est le roi, ici. Et plus encore ! c'est un dieu.
_ Mais c'est révoltant !
_ C'est comme ça. Plus on essaye de lutter et plus fort on s'écrase. J'ai vu des entreprises disparaitre à cause d'un mot de trop. Heureusement, un bizutage suffit généralement à faire comprendre de quoi il en retourne. Demain, tout le monde aura oublié Ji et ça ira mieux.
_ Ah parce qu'en plus, on doit juste attendre que la tempête passe ?!
_ S'il-te-plait, Katsuki. Essaye de comprendre… On ne peut rien faire contre Victor Nikiforov. L'école entière est à ses pieds, tous les étudiants rêvent d'une simple discussion amicale avec lui, ne serait-ce qu'un bonjour. Il est convoité par tout le monde pour son prestige et sa richesse. Reste loin de lui et tout ira bien. Je vais aller m'occuper de Ji. Toi, retourne t'asseoir et pense à autre chose. Si tu n'emportes rien avec toi, il n'aura rien à te demander. Reste à distance, c'est tout ce qui te sauvera ».
Puis, pressé par son inquiétude pour le Chinois, Leo quitta les latrines à pas vif, abandonnant un Yuuri au bord de la rupture nerveuse. Si l'école lui avait fait un effet mitigé à son arrivé, il était désormais formel : c'était l'enfer sur Terre.
Evite le Nikiforov, lui avait dit Iglesia ? Oh mais pas de problème ! Yuuri allait éviter cet enfoiré comme la Peste !
Que genre de tordu pouvait être ce Victor Nikiforov ? Il ne faisait jamais rien mais tirait tous les profits ? Juste parce que quelques centaines d'imbéciles rêvaient de le sucer ? Tout ça pour le fric et la reconnaissance ? Mais où est la dignité, là-dedans ?
Ce profiteur de Victor Nikiforov jouissait de sa fortune en se laissant servir par tout le monde sans risquer quoi que ce soit ! Il se complaisait dans cette situation, il profitait des espérances d'autrui pour leur faire faire toutes les sales corvées. Parce qu'il n'y avait aucune chance que Victor ne soit pas au courant de ce qui se tramait juste pour ses beaux yeux. Il savait et il se taisait. Il fermait les yeux parce que ça l'arrangeait.
Yuuri se passa de l'eau sur le visage en espérant que le froid fasse redescendre le feu de sa colère. Le justicier en lui criait vengeance mais ce n'était décidemment pas son genre d'intervenir pour ce genre de choses. Par réflexe, il avait voulu défendre Guang Hong en le voyant se faire agresser sans raison, mais que pouvait-il faire contre une université entière ? Yuuri n'avait rien d'un héros courageux, il n'avait pas la richesse nécessaire pour se défendre et son caractère était un peu trop calme pour ça, de toute façon.
Alors quoi ? Il allait devoir subir cette année en regardant des innocents se faire bizuter pour des raisons lambdas ? Oui, sans doute.
Une fois qu'il fut calmé, il s'en retourna au gymnase, devenu noir de monde. Depuis le temps, il aurait cru avoir perdu sa place mais, fort heureusement, personne n'avait touché à son manteau ou à son sac – respect des affaires d'autrui ou dégoût de ces accessoires sans chic ni panache ? Il se fit donc violence pour masquer sa rage et s'assit calmement sur sa chaise, attendant que la directrice n'arrive – elle était un peu en retard, d'ailleurs.
Mais pendant l'attente, alors qu'il se tenait droit comme un pique, il ne put s'empêcher de regarder vers le groupe de Nikiforov. Il ne savait pas ce qu'il cherchait à les fixer ainsi mais c'était plus fort que lui, il sentait qu'il devait les jauger du regard pour montrer sa désapprobation, pour comprendre dans leur geste jusqu'où remontait ce narcissisme qui les rongeait. C'était puéril, cela allait à l'encontre des conseils de Leo, mais il le fit tout de même.
Plus en avant que lui, Victor était de dos et ne vit donc rien. Ses belles mèches d'argent, parfaitement coiffées, reflétaient les lumières étincelantes des halogènes. Il parlait naïvement avec son groupe, intouchable, indifférent à ce qu'il avait provoqué. Et il avait le livre de Guang Hong dans les mains…
Pendant toute la conférence, que Yuuri ignora superbement, il continua de l'étudier en silence, troquant son regard haineux pour un regard plus scientifique, déshumanisé, froid.
La conférence ne dura pas longtemps – et Yuuri pouvait compter sur Leo pour lui faire un compte-rendu de ce qu'il avait loupé. Elle s'acheva mais Nikiforov ne bougea pas, parlementant avec son poulailler au lieu de vaquer à des occupations plus enrichissantes. Ils furent des vingtaines à lui dire au revoir, parfois de vive-voix, parfois d'un signe de main, certains se dandinant sur place, d'autres plus modestement. Yuuri ne pouvait pas les voir autrement que comme des sangsues pathétiques, il avait honte pour eux.
Victor ne vit toujours pas ce regard noisette distant et vide, mais un de ces amis le capta finalement. Le grand blond, habillé glamour comme un hôte de boite de nuit, fronça les sourcils lorsqu'il aperçut cet inconnu japonais qui ne bougeait pas malgré le mouvement de foule.
Finalement lassé de sa propre animosité, Yuuri se leva en attrapant son sac d'une main, puis disparu entre les corps mouvants qui se massaient vers la sortie.
Christophe Giacometti – car c'était là le nom de cette seule âme ayant été capable de sentir le regard particulier de Yuuri – allait pour prévenir Victor que quelque chose avait l'air de se tramer dans leur dos, mais l'incident lui sortit bien vite de la tête, remplacé par l'engouement de la discussion.
Et puis, de toute façon, que craignaient-ils ?
Victor était le roi et toute sa cour était prête à se battre pour lui, si besoin est. Et ce n'était pas ce Japonais sortit de nulle part qui allait bouleverser tout ça !
Voilà pour le premier chapitre !
Je n'ai aucune idée de si ça passe ou pas ! XD Parce que c'est tout de même très cliché de base, vous ne trouvez pas ? Mais j'aime bien le cliché, je vous avouerais. Surtout quand on les déboîte sans vergogne ! Parce que, pour avoir lu une chiée de shôjos manga, je peux vous certifiez que le beau gosse populaire vs la nouvelle (le nouveau, dans le cas de notre fic) qui arrive et qui va le changer, c'est aussi courant que de croiser des footballeurs shootés (popopooooo !) Mais je trouve les héroïnes de shôjos trop fades et trop parfaites. Du coup, j'ai rendu mon Yuuri un peu affable pour insister sur son côté humain (un peu trop affable ?)
Vraiment, j'ai bossé sur cette fic, mais je n'ai comme toujours aucune idée de si c'est vraiment bien fait par rapport à mes espérances… (d'où l'intérêts des reviews XD N'hésitez pas, surtout dans les premiers chapitres d'une fic, parce que c'est là que l'auteur cherche encore à s'aiguiller).
Bon, j'arrête de vous embêter. Si ça vaut la peine d'être commenté, ce sera commenté. Sinon, fuck it !
Merci beaucoup d'avoir lu !
Biz' !
