Bonjour, Bonsoir,
J'espère que vous allez tous bien, que vous avez profité de vos vacances ou que vous allez bien en profiter :)
N'ayant pas du tout avancé dans la Partie 2 d'Eden (mes excuses pour celles et ceux qui attendent patiemment la suite, mais dur dur côté inspiration), j'ai néanmoins continué à écrire.
J'ai pas mal de projets en tête donc voici l'un d'eux : un OS en trois parties (plus un épilogue) et, je tiens à préciser, un AU. Pour les détails, je préfère vous laissez découvrir et je répondrais à vos questions par la suite.
J'attends vos avis ;)
Pour info, je publierais une fois par semaine, le Mardi.
Bonne lecture chèr(e) fanfictionien(ne)s ^^
REQUIEM POUR UNE TUEUSE
« Les yeux sont le miroir de l'âme, la facette véritable de toute la panoplie de visages qu'un être humain quel qu'il soit est capables de mettre en place. »
- PARTIE 1 -
C'était un jour particulier.
Le jour où elle fêtait ses dix ans. Elle était assise en tailleur parmi les autres enfants, écoutant son professeur lui enseigner l'histoire de leur monde, les lois de leur confrérie. Parfois on lui apprenait à lire, à écrire, à observer le monde qui l'entoure et même à apprendre à méditer, à ne faire qu'un avec son environnement. Chose dont elle était encore incapable, parce que sa magie l'en empêchait. Cette puissance encore en sommeil, au fond d'elle, erratique, instable, régit par sa colère. Cette puissance inconnue qu'elle ne comprenait pas.
Les autres enfants ne lui parlaient jamais, se tenaient à l'écart depuis qu'elle avait détruit le mur de sa chambre à cause des provocations de Baelfire. Il était plus grand, plus âgé de quelques années et se pensait invincible depuis son arrivé du Pays imaginaire, l'un des mondes oubliés. Même s'il n'en parlait jamais, certains le craignait par le simple fait qu'il était le fils d'un mage noir, du Ténébreux. Elle ne le craignait pas, elle le détestait, sans comprendre d'où lui venait cette haine viscérale.
Le cours s'interrompit, la voix de son professeur s'orienta vers l'opportun qui venait d'entrer. Elle n'entendit rien, perdue dans ses pensées, lorsqu'on l'appela. De ses grands yeux bleu-vert au couleur de l'océan, elle observa sans réagir son professeur dont le regard sombre, agacé, ne montrait qu'une dureté habituelle à son égard. Puis une autre voix, plus tendre, souffla son nom. Elle détourna les yeux, passant de son professeur au visage bien connu de sa tutrice et regarda la main tendue vers elle.
« Emma, il est temps. »
Sans un mot, elle attrapa la main et se laissa guider en dehors de la classe sous des regards intrigués.
Les couloirs obscures étaient interminables, la main toujours autour de la sienne, le silence seulement entrecoupé par le bruit de ses pas et de ses battements de cœur.
Elle fût emmenée dans une grande salle éclairée par des flambeaux comme le reste des entrailles de la confrérie. Et leurs pas s'arrêtèrent à quelques mètres de la personne qu'elle entrevoyait, cachée dans l'ombre.
« Emma, je t'ai parlé de ce jour. Celui où tu rencontrerais ton instructrice. »
Elle acquiesça d'un hochement de tête positif, sans même regarder la femme qui était toujours à ses côtés et qui lâcha sa main pour la poser dans son dos, comme pour l'inciter à s'avancer ou à ne pas reculer.
« Ce jour est arrivée. Désormais, tu devras suivre ton apprentissage auprès de Maîtresse Ravena, c'est ainsi que tu l'appelleras jusqu'à la fin de ton enseignement. »
L'ombre en face d'elle s'avança pour apparaitre dans la lumière, faisant claquer les talons de ses cuissardes sur le sol en pierre, un écho en résonance avec les murs et les battements de son cœur. Alors que ses yeux détaillèrent la tenue de cuir semblable à celle des Maîtres assassins qu'elle avait croisés, son regard s'arrêta sur le visage à demi-caché par un voile de soie. Et elle ne vit que ses yeux, juste ce regard sombre et froid sous une capuche noire. Elle aurait pu en être terrifiée mais elle ne connaissait pas la peur.
Pas encore.
Non, elle était admirative.
- Quinze ans plus tard -
Emma attendait, patiemment, comme elle le faisait depuis des mois. Silencieuse, la respiration calme, le corps détendu, elle observait son environnement du haut d'une branche assez large pour s'y tenir accroupie. Le grand chêne avait été un atout, un lieu d'observation depuis qu'elle avait repéré la faille dans les défenses du château.
En plus du haut mur et des sombres montagnes qui l'entouraient, un dôme magique, et invisible pour d'autre, protégeait la grande bâtisse.
Grâce à des sens aguerris, une vision de l'espace, elle avait été entraînée, élevée au plus haut rang pour ce jour, cette nuit qui scellerait alors le destin d'un demi-siècle de terreur. La fin des heures sombres qu'avaient connues les royaumes du monde enchanté. Elle savait son contrat important, elle connaissait sa cible parfaitement pour l'avoir épiée depuis des mois à tout moment de la journée, lorsque celle-ci apparaissait à sa vu perçante. Elle savait quasiment tout ce qu'il y avait à savoir sur elle.
Emma était une machine, la lame d'un idéal et le doute n'était pas permis.
Mais elle ne cessait de se demander : Pourquoi aujourd'hui ? Alors que le monde semblait plus paisible, dans un certain équilibre depuis la fin de la guerre entre les Royaumes Blanc et Noir.
Une haine entre deux royaumes, deux familles se partageant de nombreux territoires. Deux familles détruites, un Roi et une Reine se déchirant pour une rancœur passée ne laissant derrière eux que les cendres de leur vengeance. Elle n'avait rien demandé, aucun détail, ou plutôt, elle savait qu'elle n'aurait eu aucune réponse de la part du grand conseil et de la régente si elle avait été curieuse.
Néanmoins elle sentait, rien qu'aux frissons sur sa peau, la magie noire qui émanait du château.
Alors elle essayait de croire en cet acte salutaire. Du moins, elle faisait ce pourquoi elle s'était tant entrainée.
Fière, puissante dans le silence, frappant en un éclair, en un clignement de cil. Elle était de loin la meilleure. Invisible, une ombre dont la piqûre ne pouvait être que mortelle pour celui qui croisait son chemin.
Elle était la lame d'un idéal mais en cette fin de soirée où le doute ne pouvait être permis, elle doutait parce que sa cible n'était pas n'importe qui. Malgré tout, aucune peur ne l'avait fait reculer. Non, cela n'avait rien à voir avec une sensation d'effroi, un frisson qui remonte la colonne vertébrale et signale au cerveau que quelque chose n'est pas habituelle, que quelque chose nous fait peur. Emma n'était pas effrayée par sa cible, parce qu'elle ne connaissait plus ce sentiment, parce qu'elle ne l'avait pas ressenti depuis longtemps.
Et parce qu'on ne connaît vraiment la peur qu'après l'avoir réellement rencontrée.
Un vent vint effleurer son visage, faisant virevolter quelques mèches de cheveux dorés devant ses yeux. Il avait tourné, et la température plus basse lui signalait que ce n'était plus qu'une question d'heure. Elle ferma ses paupières pour se recentrer et ainsi mettre ses doutes de côté.
Dans quelques heures elle sera dans sa chambre, dans quelques heures le regard de sa cible se voilera, son souffle et son cœur s'apaiseront pour ne laisser que le silence de la nuit.
Rien qu'en imaginant son acte irréversible, son cœur s'accéléra au flux plus conséquent de sang, son corps entier emporté dans une vague d'adrénaline époustouflante, enivrante, qui lui donna des fourmillements dans les doigts.
Elle était prête.
Elle savait tout du fonctionnement de ce royaume et de ce château. Des heures de rotations des gardes, des entrées et des sorties des chevaux, des charrettes remplies de provisions, de matériaux en tout genre. Là résidait la faille. Le seul moment opportun où les portes ouvertes lui permettraient de pénétrer discrètement dans la cours du château.
Elle ouvrit les yeux et vit au loin la charrette de marchandise approcher. Dernière de la journée et son seul passe droit pour l'entrée de la forteresse. Alors elle se leva pour mettre sa capuche, cachant une partie de son visage.
Elle sauta dans l'herbe avec légèreté et, en quelques enjambées, courues jusqu'à arriver au niveau du convoi. Seulement deux gardes pour ce genre de transport, un à l'avant et un à l'arrière. Une protection faible car peu oserait s'attaquer à un convoi du Royaume Noir.
Les plus fous avaient connu le goût du fer et du sang.
Elle se cacha derrière un arbre et siffla pour attirer l'attention du garde arrière qui, intrigué, alerta le convoi et descendit de son cheval pour observer les alentours. Au bout de quelques minutes, l'autre relança la marche sans même attendre le retour de son coéquipier qui se pressa pour remonter sur son cheval.
Accroupie entre les sacs de blés et autres denrées alimentaires rassemblés sous une toile de protection, Emma ne pouvait que sourire à l'incrédulité des gardes. Alors la charrette passa les portes jusqu'au garde-manger et réserves du château.
« Range les sacs en vitesse et proprement, tu sais que la Reine n'aime guère le travail bâclé. »
Le paysan enleva un pan de toile et attrapa un sac sur son dos vouté pour le ranger dans la réserve de nourriture. Du haut de la petite bâtisse en bois, Emma observait le garde à l'armure noir presser l'homme d'un certain âge en le poussant pour que le travail avance rapidement.
Elle n'était pas là pour lui, mais sa lame la démangeait.
Parce qu'elle n'avait jamais aimé l'injustice.
L'air était doux, de plus en plus frais. Pensive, elle leva les yeux sur le filet de lumière rose-orangé qui coupait l'horizon.
Et la nuit tomba rapidement tel un voile silencieux et paisible parsemé de lumière. Elle avait escaladé aisément le mur, s'aidant du lierre et des aspérités dans la roche pour arriver en haut de la plus haute tour du château. Elle savait sa cible en train de finir de dîner. Et même de loin, Emma avait pu voir les habitudes qu'elle prenait. Comme celle de venir sur le balcon de ses appartements pour sentir l'air frais de la nuit effleurer ses traits fatigués, tirés, par une journée intense. Elle avait noté, grâce à des serviteurs trop bavards, les habitudes de sa proie.
Il y a quelques mois, lorsqu'on lui avait parlé d'elle, Emma s'était fait une étrange image de cette femme. Cette jeune femme qu'on avait essayé de marier au Roi pour mettre fin à la guerre, cette Reine vivant dans l'ombre de sa mère même après son couronnement et cela jusqu'à sa disparition. Cette femme seule depuis des années dans un château sur des terres aussi sombres que son cœur. Elle ne connaissait pas toute son histoire, elle ne saurait dire ce qui avait bien pu la rendre si mauvaise, craint de tous dans son Royaume et même au-delà. Ses terres étaient pourtant prospères, ce que même le Royaume Blanc ne pouvait nier. Au final si les villageois la craignaient, peu s'en plaignaient, puisqu'ils avaient sa protection et la richesse de ses terres. Peu la connaissait, peu l'avait vu de près voir aucun d'entre eux hormis ses serviteurs, ses soldats et son plus fidèle Commandant. Les rumeurs allaient bon train mais son ancien mentor lui avait souvent dit de ne pas se fier à ces dernières. De se faire sa propre idée, car pour cerner, pour approcher un individu quel qu'il soit, il faut déjà l'observer.
Elle l'avait vu lors de ces sorties sur son étalon noir mais n'avait réussi à l'approcher de près qu'une fois.
« Qu'importe le moment, tu ne dois jamais croiser le regard de ta cible. Jamais.
-Quelle importance ? Vous savez Maîtresse Ravena, ma lame finira dans sa gorge quoi qu'il arrive.
-Ne soit pas impétueuse Emma et retient bien cette règle. Il y a de ces regards qui peuvent te perdre, te faire douter et sache que les yeux sont les portes de l'âme, de nos émotions. Certains sont assez malins pour lire au travers de cette ouverture sur notre conscience. Si tu doutes et si tu ne tues pas ta cible dans l'instant, c'est elle qui le fera. Elle n'oubliera pas le regard de son assassin et tu deviendras sa cible.
-Alors je ne douterais jamais.»
Elle avait toujours suivis cette règle, ne donnant la possibilité à sa proie de se plonger dans son regard seulement lorsque sa lame avait déjà percé sa gorge.
Mais pourtant elle avait dérogé à cette loi primordiale. Elle avait rencontré son regard, ses yeux sombres et perçants reflétant l'assurance, la supériorité du titre qu'on lui revêtait. Elle avait été troublée pour elle ne savait quelle raison, se savait perdue depuis ce jour.
Seulement, elle ne pouvait abandonner.
Par fierté, par orgueil elle devait terminer ce pour quoi elle avait été envoyée dans les contrées étendues de la Reine noire. La Méchante Reine, comme certains l'appelait, cette femme qu'on disait magnifique et qui, fût un temps, tyrannisait tout un peuple. Tant de détermination, tant d'actes qui poussent des individus dans leurs retranchements, les plongent dans la noirceur de leur âme au point de perdre toute humanité. Sans que quiconque ne puissent les sauver de leur folie.
Sa témérité à porter une vengeance ancestrale sur ses épaules, rendait la Reine admirable et effrayante.
Pourtant avant même qu'elle ne soit Reine, avant même qu'elle ne soit concernée par la guerre entre le Roi Léopold et la Reine Cora, la Princesse Blanche allait perdre bien plus qu'un royaume.
Celle qui devint son ennemie direct, la dénommée Blanche-Neige de la même génération que la Reine, avait perdu un à un ce qu'elle avait de plus précieux à ses yeux.
Sa mère, sa petite sœur, son père. Sa famille.
Et cet acte aura eu pour effet de les plonger une nouvelle fois dans une guerre, dans une haine qui n'avait alors pas de fin, la Méchante Reine avait perdue sa mère, son âme, mais avait tout un royaume à ses pieds.
Les affrontements sanglants étaient peut-être terminés mais la haine, elle, était toujours présente attendant patiemment le bon moment, l'étincelle, pour enfin s'exprimer.
Cependant, Emma doutait parce qu'elle n'avait pas vu le monstre dont tout le monde parlait. Elle avait vu la femme qui se cachait derrière, la beauté dans ses traits, la grâce dans ses gestes et la lumière presque éteinte de son regard.
Et elle se disait qu'il n'y avait ni bien, ni mal, ni bon, ni mauvais, que le monstre est parfois caché sous les traits d'un ange, et que le miséricordieux se terre derrière une forteresse sombre.
Dans un mouvement souple, sans effort et avec désinvolture, elle passa par dessus la rambarde du balcon et se redressa. Elle déverrouilla et ouvrit sans difficulté la porte-fenêtre pour entrer dans les appartements privés de la Reine. La fraîcheur de la nuit chahuta le voile, comme si une âme errante avait pénétrée la chambre pour souffler les bougies. Elle s'approcha de la coiffeuse, évitant de passer devant les miroirs, afin d'échapper aux regards inopportuns. Parce qu'il était connu que la Reine usait de cette magie et elle n'avait guère envie de croiser le regard de son fidèle prisonnier.
Parcourant les bijoux et cosmétiques des yeux, elle avait cette envie de tout toucher, de mettre sur ses lèvres ce baume qui accentuait le teint soutenue de celles de la Reine. Elle effleura la soie des robes, sentant presque la chaleur du corps encore jeune qui les avait porté, car malgré ses trente ans passés, la Reine ne semblait pas vieillir.
Déesse, immortelle à la beauté immuable.
Elle avait religieusement fait le tour de la chambre lorsque le claquement continu de talon sur le marbre l'alerta de l'arrivée de sa cible. Elle se cacha à l'extrémité des portes-fenêtres, dans l'ombre d'un pan de rideaux. De là elle pouvait voir la chambre au travers du voile, et n'avait qu'à tourner la tête pour voir la coiffeuse.
Les portes s'ouvrirent et se refermèrent après le passage de la maîtresse des lieux. La Reine vêtue d'une robe rouge et noire parsemée de quelques diamants, observait la chambre d'un air contrit. Bien sûr qu'elle devait sentir que quelque chose n'allait pas et que ce n'était pas seulement la fenêtre restée ouverte. Après tout on disait de la Reine qu'elle était la plus puissante magicienne des royaumes enchantés, puisque le Ténébreux avait depuis longtemps disparu dans le Royaume des Ombres.
Derrière le voile, son souffle était si lent et bas que quiconque aurait pu croire qu'Emma ne respirait plus. Tout dans son attitude montrait le calme, la sérénité dans l'attente de l'ultime moment. Mais son cœur lui ne voulait pas se contrôler. Une main remonta sur sa poitrine, elle réussit à le calmer lorsque la Reine s'approcha du balcon pour fermer la porte-fenêtre et tirer les rideaux. Ce soir elle avait changé ses habitudes, ce soir elle ne sortirait pas sur le balcon. Etait-ce un signe, l'avait-elle déjà détecté ? Ce ne pouvait être possible.
La main délicate de sa cible glissa le long du tissu, perdue dans ses pensées et son profil triste n'en était que plus beau.
La tenue qu'Emma portait ainsi que son entraînement lui permettaient de passer inaperçue même de la magie, mais son cœur lui ferait défaut si elle continuait de frôler l'anévrisme en l'observant ainsi.
Sa main se serra sur son veston de cuir, comme si elle voulait étouffer les battements de son cœur redevenus irrégulier.
Cachée dans l'obscurité, elle vit la Reine se rapprocher de sa coiffeuse pour se défaire de ses bijoux. Chaque geste, précis dans une mécanique routinière, restait gracieux. Seule cette femme arrivait à montrer autant de volupté dans ses mouvements que de rigueur et de fermeté. La Reine s'assit et leva une main à sa coiffure pour enlever ce qui tenait simplement son chignon. Sa chevelure sombre comme la nuit tomba sur ses épaules et la souveraine la coiffa longuement, déliant ses boucles brunes et soyeuses. Puis mit à nue une partie de son cou en rassemblant cette longue chevelure sur le côté avant de se lever de sa chaise.
Emma suivait des yeux les mains qui effeuillaient ce corps attrayant. Elle déglutit, sa bouche sèche, son ventre se serrait alors que l'objet de son attention retira le bandeau qui entourait sa taille, le laissant tomber sur le sol. Elle n'arrivait pas à se détourner, à lui laisser un peu d'intimité et son corps entier frémissait d'un sentiment nouveau. Elle imaginait tirer sur les cordons qui retenaient son corset dans son dos, toucher sa peau jusqu'à lui retirer cette robe outrageusement provocante. Elle imaginait ses lèvres suivre la caresse de ses mains. Son épiderme frissonnait d'envie, réagissait agréablement à cette vision. Sublime, parfaite. Elle le sentait au creux de ses reins, entre ses cuisses et cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas éprouvée ce genre d'émotion.
A la lueur des bougies, elle voyait la nudité la plus parfaite qu'elle n'avait jamais observée. Elle se sentait à la fois privilégiée et voyeuse, et ne retenait plus les battements de son cœur. Elle ne pouvait pas ôter la vie d'une telle perfection. Elle ne pourrait jamais.
Elle mordit nerveusement sa lèvre et baissa les yeux. Elle était la meilleure de sa confrérie, elle n'avait jamais perdu le contrôle. Elle ne pouvait pas le perdre maintenant, pas face à cette femme, aussi sublime soit-elle.
Lorsqu'elle releva les yeux, la Reine avait revêtu une chemise de soie. Un voile si fin qu'on apercevait les monts bien formés, aguicheurs, et ce corps svelte aux formes si attirantes pour qui sait où poser les yeux.
Puis elle souffla les bougies, la chambre de nouveau dans l'obscurité, seulement entrecoupée par les quelques rayons de lune passant à travers les rideaux. Il était presque temps, cependant, elle attendit quelques secondes de plus que ses sens s'apaisent, affolés par ce qu'elle avait osé regarder.
Au bout de ce qui devait être d'interminables minutes, elle sortit silencieusement de sa cachette et se rapprocha du lit de la Reine. Prenant en main la fine lame qui servirait à mettre un terme à la vie de la Magicienne, sans que celle-ci ne sente quoi que ce soit, sans aucune douleur. Juste une simple piqure.
Une belle mort, un sommeil éternel.
Elle se positionna à côté du lit et se pencha vers le visage endormit, entendant la respiration régulière. Elle la contempla, parce qu'elle avait ce privilège, celui de voir la fragilité et l'innocence de la Reine.
Peut-être n'était-ce que de la négligence, cependant elle posa une main gantée sur le matelas et se rapprocha encore en fixant les lèvres séduisantes et légèrement entrouverte. Elle n'entendait que sa respiration lente et profonde tandis que ses yeux caressèrent son cou jusqu'à la naissance de sa poitrine, à peine cachée par son vêtement. Et les effluves de son parfum ne cessaient d'embaumer agréablement ses narines, l'envoutaient pour la détourner de son acte premier. Elle ne devait pas avoir ce genre d'envie, ce n'était pas le moment, et ce n'était sûrement pas la femme pour qui elle devait ressentir cela.
La pointe de sa lame à quelques centimètres de cette peau qui appelait ses baisers, elle ferma les yeux pour se reprendre encore une fois et serra les dents susurrant les mots tant de fois prononcés.
« Requiescat in pace » (Repose en paix)
Depuis qu'elle était devenue un Assassin, elle ne s'était jamais sentie aussi déstabilisée, autant emprise par ses doutes.
Parce qu'après tout, qui étaient-ils pour choisir si une personne doit vivre ou mourir comme la création, le destin le ferait ? Qui était-elle pour se présenter comme étant la main qui couperait le fil de cette vie ?
Qui était-elle réellement ?
Une femme comme les autres, avec des convictions, avec un passé. Une femme qui devait aller au bout de ce contrat. Une arme.
Cependant, lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle tomba stupéfaite face à deux sombres perles plongées profondément dans ses émeraudes.
Elle n'arrivait plus à bouger, à respirer. La Reine la regardait sans aucune peur, sans aucune colère qui déformerait ses traits, juste un regard d'une curieuse douceur. Emma n'arrivait plus à contrôler le tambourin dans sa poitrine. Cette cacophonie qui s'accélérait en rythme et devenait plus forte lorsque des doigts délicats effleurèrent sa joue, caressèrent ses cheveux jusqu'à abaisser sa capuche pour les libérer. Son souffle erratique, la chaleur monta en elle, la fit suffoquer et frémir en même temps. Elle ne comprenait plus son corps, elle se sentait tomber dans les abîmes du désir et de la peur.
Parce que ce regard…
Les doigts longèrent sa mâchoire et suivirent la courbe de ses lèvres entrouverte par la surprise.
Ce regard était différent des autres.
La Reine se redressa et dans un même mouvement Emma se recula pour se retrouver presque assise, sur un genou, gardant sa lame menaçante. Non, elle ne voulait pas la blesser, ni même la tuer mais elle n'avait plus le choix. Si elle-même arrivait à la voir, ses pupilles s'habituant à l'obscurité lunaire, alors la Reine aussi pouvait détailler ses traits.
Et de ce fait, elle deviendrait la cible.
« Je vois le doute, l'incertitude, siffla la Reine dans un murmure. On vous a demandé de m'assassiner, alors qu'attendez-vous ? »
Elle ferma la bouche et fronça les sourcils, surprise par ces mots dit d'une voix calme. Elle avait déjà entendu le son, l'intonation de sa voix grave, ferme et stricte, mais ce qui la surprit fut qu'aucune de ces cibles n'avaient été aussi sereine face à la mort.
« Avez-vous peur ? » Emma sentit le souffle chaud caresser ses lèvres. Elle n'avait qu'un mouvement à faire pour combler le vide mais n'en fit rien tant elle n'arrivait plus à réfléchir. Elle était en train de connaître à nouveau ce sentiment de peur qui noue le ventre et tétanise les muscles. Son passé qu'elle avait voulut oublier lui revint encore floue par les fragrances du parfum de la Reine. Cette irrésistible volupté qu'elle avait l'impression de connaître. « Je crois que vous ne m'assassinerez pas cette nuit. »
D'un claquement de doigts les bougies se rallumèrent tandis qu'une main attrapa fermement son poignet armé et le repoussa légèrement sur le côté.
Emma ouvrit les yeux encore plus en sentant la pointe d'une lame piquer ses côtes.
D'où la sortait-elle ?
« Je connais bien votre confrérie chère assassin.» Susurra la Reine à son oreille, tenant fermement son poignet pour la rapprocher un peu plus alors que son souffle chaud caressait son cou, sa bouche effleurait sa peau frissonnante. Elle réagit instantanément et se mordit la lèvre presque jusqu'au sang, ne voulant pas gémir par fierté. Immobilisée par cette aura exaltante, par un plaisir intense et terrifiant. Elle ne saurait dire à quoi jouait la Reine en cet instant, mais elle avait réussi à la rendre vulnérable. « Puisque j'en suis l'une des fondatrices. »
A ces mots, ses muscles retrouvèrent leurs ténacités et, d'un bon, elle se recula le plus loin possible de la Reine. Elle l'observa ahurie alors qu'un sourire mêlant amusement et sadisme se dessina sur les lèvres charnues de cette dernière.
Elle la fixait en se reculant jusqu'à la poignée de la porte-fenêtre pour l'ouvrir dans son dos.
« Je connais vos règles. Lorsqu'une cible croise le regard d'un assassin cela signifie que la lame mortelle est déjà enfoncée dans sa gorge. Et si ce n'est pas le cas… alors l'assassin devient la proie. »
Elle ouvrit la porte-fenêtre d'un coup et disparue dans la nuit, laissant à la Reine Regina l'opportunité de la reconnaître, de la retrouver et de mettre un terme à son existence.
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Ravena l'avait mise en garde.
Un regard, un simple regard pouvait tout changer et la rendre faible.
Alors qu'elle chevauchait sa jument, alors qu'elle s'éloignait du château de la Reine, les dents serrées par la colère causée par son échec, elle se souvint de ce jour, il y a deux semaines.
Ce jour où elle avait croisé son regard par mégarde.
Le vent printanier faisait virevolter les feuilles en un bruissement apaisant. Un souffle dans la clairière emporta les brins d'herbe comme une vague créant l'écume sur les rivages. Des rouleaux verdoyant vinrent effleurer les sabots de l'étalon à la robe noire et brillante.
Cachée derrière un imposant tronc d'arbre dont les racines massives s'étendaient sur le sol comme des doigts filandreux, Emma n'avait pas quitté sa cible des yeux.
Dans un pantalon de cavalière en cuir, une cape tout aussi sombre que le reste de sa tenue enveloppait un veston d'un rouge carmin. Surélevée par des cuissardes, la Reine Regina faisait face au museau de son équidé.
Elle était seule.
Emma aurait pu en profiter et ainsi prendre moins de risque que pour les autres plans qu'elle avait échafaudés mais elle ne pouvait briser cette scène. Et elle n'était pas encore prête à commettre l'irréparable.
Le sourire, la tendresse et même l'air pensif qu'affichait cette femme l'avait irrémédiablement marqué. Elle l'avait vu de loin, prenant toujours une distance de sécurité, elle avait suivit certains de ses agissements afin de montrer son autorité mais aussi la crainte à qui voudrait la défier. Alors ce qu'elle voyait là était bien différent, et elle était la seule à en être témoin.
Sa curiosité la poussait à sortir de sa cachette, à se montrer, mais sa raison elle, lui disait de ne pas céder à une telle folie.
Pourtant le destin en voulait autrement lorsque, perdue dans sa contemplation, elle bougea de quelques centimètres et une racine craqua sous son pied. Le silence de la clairière alors interrompu par une envolée d'oiseaux, tel un nuage fuyant et sombre dans le ciel bleu turquoise.
Et comme si elle avait suivit le mouvement, la Reine avait disparu.
Elle la chercha longuement des yeux dans toute la vaste clairière et vers le ruisseau qui la bordait. Ce fût au frisson parcourant son échine qu'elle comprit où se trouvait sa cible.
« La vue vous plait ? » Susurra suavement une voix rauque dans son oreille.
Baissant la tête pour se cacher sous sa capuche, elle se détourna et recula promptement pour espérer fuir, mais se prit les pieds dans les racines et tomba lourdement sur les fesses.
Tétanisée et honteuse de s'être fait repérer aussi bêtement, elle fixait les bottes noire ne voulant pas croiser son regard tranchant et peut-être même inquisiteur.
« Puis-je espérer une réponse ou êtes-vous sourde voire muette en plus d'être maladroite ?
-Pardonnez-moi, Majesté. Je ne suis qu'une simple roturière à la recherche de champignons pour nourrir ma famille, répondit-elle d'une voix aussi tremblante qu'elle le pouvait, jouant son rôle improvisé.
-Des champignons ?
-Oui, Majesté. »
Elle eut un hoquet de surprise lorsqu'une main enserra son col pour la relever d'une force impressionnante. Plaquée contre l'écorce craquante du tronc, Emma n'avait jamais imaginée que cette femme puisse avoir autant de poigne.
Étant en cet instant si proche de la Reine, elle pouvait user de l'effet de surprise et remplir son contrat. Oui elle en avait l'opportunité mais lorsqu'une main sous son menton l'obligea à rencontrer son regard, elle sut qu'il était trop tard.
S'il était vrai que les yeux sont les portes de l'âme, le reflet même de nos émotions, alors elle s'engouffra dans les profondeurs abyssales qui lui faisaient face.
Et elle n'y voyait qu'une colère empreinte de tristesse.
« J'aime que l'on me regarde dans les yeux lorsque je converse. »
Les mots claquèrent dans l'air comme un coup de fouet. Et son cœur s'affola lorsque le regard plus perçant et bientôt d'une étrange douceur glissa plus bas. Intriguée, la Reine arqua un sourcil tandis que ses doigts se faufilaient déjà sous un pan de veste pour tenter d'attraper le pendentif qu'elle portait autour du cou, mais Emma arrêta la main d'une poigne ferme. Elle ne lui laissa pas l'opportunité d'en voir plus, d'en dire plus, et même de répliquer d'une quelconque façon qu'une fumée blanche les encercla.
La Reine agita une main devant elle afin de faire disparaître la fumée de son champ de vision, aucunement surprise par ce qui venait de se passer.
Du haut d'un arbre, Emma vit le sourire pensif que la Reine esquissa avant de rejoindre son cheval.
Son inconscience s'était retournée contre elle.
Perdue dans ses pensées, sans même écouter le martellement continu des sabots sur le sol, Emma avait calmé sa fidèle jument. Le galop qu'elle lui avait fait faire, avait fini par la fatiguer. Dans un rythme de croisière elle repensait à cette première rencontre, et à son échec.
« Tu parles d'un maître assassin d'élite, grogna-t-elle. Même pas foutue de prendre son courage à deux mains pour y retourner. »
Cacahuète, sa jument à la robe blanche tachetée, hennie bruyamment et s'arrêta en plein milieux du chemin.
« Je sais que tu es fatiguée, moi aussi, mais on arrive bientôt. »
La jument souffla fortement et força sur les rênes pour faire demi-tour.
« A quoi tu joues ? Je ne vais pas y retourner maintenant ! J'irai quand je serais bien mieux préparer en espérant que la Reine ne me retrouve pas avant… j'ai besoin d'un remontant. » Souffla-t-elle pour finir.
Elle attira Cacahuète dans la bonne direction non sans que la jument n'émette un son plus proche du ronchonnement que du hennissement.
Sous un ciel étoilé et de bon augure d'une nuit bien avancée, elle s'arrêta dans une taverne à l'orée d'un petit village. A peine eue-t-elle passée le seuil dans un grincement de porte que le silence rompit subitement l'effervescence du lieu et les regards se posèrent sur elle. Intrigués, surpris, intéressés, embués par l'alcool, elle voyait de tout et pour son plus grand bonheur les conversations reprirent lorsqu'elle s'avança vers le tavernier.
« Bonsoir, j'aurai besoin d'une chambre et d'un repas chaud si c'est possible.
-Y a une chambre de libre. En revanche on ne sert plus à cette heure-ci mais j'veux bien faire un effort pour une jolie 'tite dame comme vous, sourit l'homme qui essuyait méticuleusement les verres.
-Je vous remercie, répondit-elle avec un sourire pincé et sincère. Je prendrais aussi une chope de bière.
-J'vous ramène ça. »
Elle acquiesça d'un hochement de tête pour s'asseoir sur le tabouret de bois du bar. Tandis qu'elle enlevait ses gants et sa cape, elle sentait encore certains regards peser sur son dos mais préféra se focaliser sur la chope de bière que le tavernier lui ramena.
Une heure plus tard une jeune femme brune, lui apporta sa deuxième choppe et reprit son assiette vide.
« Vous désirez autre chose ? »
Emma la dévisagea et eut un moment de flottement en remarquant qu'elle avait des airs de la Reine ou peut-être commençait-elle à la voir partout. Bien plus innocente, plus jeune et beaucoup moins belle mais de long cheveux châtains foncés, soyeux, un regard ambré et profond qui la captiva aussitôt. Pour sûr elle ne l'avait pas remarqué de la soirée mais au vue de ses rougeurs, de son regard plus charmeur, elle pouvait parier que la jeune femme attendait quelque chose d'autre. Son regard effleura ses courbes de haut en bas, s'arrêtant sur le décolleté plongeant que formait son bustier. Une envie soudaine de prendre possession de ce corps alléchant la submergea, tandis que son regard plein de gourmandise se planta profondément dans les prunelles quelque peu déstabilisées.
« Que vous vous joignez à moi pour boire un verre. Si le cœur vous en dit bien sûr. » Répondit-elle avec aplomb d'une voix doucereuse, un sourire séducteur sur les lèvres.
Son assurance avait toujours été un atout surtout lorsque ce genre d'opportunité se présentait. La jeune femme ne put s'empêcher de toucher ses cheveux, intimidée, et se rapprocha de son oreille, posant une main sur son bras.
« Je viens justement de finir mon service. »
Un sourire ravageur et carnassier s'élargissait déjà sur son visage. Oui, elle avait vraiment besoin de se détendre, d'évacuer cette affluence d'émotion qu'avait provoquée la Reine. Et elle avait besoin d'oublier l'échec cuisant de cette nuit, alors que sa peau encore échauffée ne cessait de le lui rappeler.
Quoi de mieux qu'un peu d'alcool et une nuit en agréable compagnie.
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Elle avait attendu que la plupart des clients disparaissent ou regagnent leurs chambres, s'accaparant la jeune serveuse pour l'emmener tout droit dans celle qu'elle avait louée pour le reste de la nuit. A peine eurent-elles passé la porte qu'elle la claqua pour bloquer la brune entre le pan de bois et son corps puis l'embrassa à pleine bouche sans aucune forme de cérémonie. Son envie féroce était telle que ses gestes pour délasser le bustier se faisaient pressant, tout comme les baisers qu'elle parsemait sur la peau délicieuse et sucrée de la jeune femme. Elle entendait sa respiration, ses gémissements étouffés et cela n'en était que plus excitant.
Emma écarta les pans du bustier qu'elle laissa tomber au sol et embrassa le galbe de la poitrine aguichante. Elle posa ses mains sur les hanches graciles et se rua à nouveau sur les lèvres douces pour les prendre entre ses dents. Elle lécha sa morsure, pour l'inciter à entrouvrir cette bouche désirable afin d'y plonger sa langue avec possessivité. Elle voulait oublier son regard, ses opales qui la hantaient, elle voulait chasser son visage de son esprit et ne plus penser à son échec. Elle y penserait demain. Demain serait un autre jour, et peut-être son dernier si la Reine la retrouvait.
Ses ongles courts décrivirent des sillons sur la cuisse fuselée de la serveuse qu'elle plaça contre sa hanche. La brune s'accrochait à elle pour la rapprocher, la maintenir contre son corps et enroula sa jambe. Emma colla sa main à la peau dénudée et glissa ses doigts sous la jupe pour suivre la courbe de sa cuisse quand une main l'arrêta. Des ongles enfoncés dans sa chevelure dorée l'incitèrent par un léger tiraillement à arrêter le baiser. Incrédule, elle observa la jeune femme dont le visage semblait soudainement plus confiant, les lèvres s'étirant en un sourire satisfait et presque sardonique.
La blonde ouvrit la bouche pour parler mais l'éclat mauve dans les yeux bruns perçant la fit tressaillir bien malgré elle.
Elle se retrouva projeter sur le lit avec une force magique qu'elle n'avait plus connu depuis longtemps, n'eut pas le temps de réagir que des cordons s'enroulèrent d'eux-mêmes autour de ses poignets et de ses chevilles tel des serpents venimeux. L'un après l'autre ses poignets furent plaqués à la tête de lit, tout comme ses chevilles également attachées, laissant ses jambes ouvertes mais immobiles.
Stupéfaite, elle releva la tête voyant la jeune serveuse se rapprocher de façon féline pour venir s'asseoir à califourchon sur elle, remontant légèrement sa jupe afin d'y être plus à l'aise.
« Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu… »
La lame qui scintilla dans le rayon de lune la coupa dans sa phrase.
Était-elle tombée sur une fétichiste de la douleur ?
Elle força sur ses poignets pour se défaire de ses liens mais même sa magie semblait inutile. La panique prenait étrangement le dessus, rendait les battements de son cœur erratique. Et la pointe froide sur sa gorge la fit frémir, malgré son sang froid légendaire.
Elle, une assassin, mise à mal par une simple serveuse.
Parce que le regard meurtrier ne la trompait pas, ce n'était pas simplement du fétichisme.
Elle ne connaissait pas la peur, elle ne l'avait jamais plus rencontré avant ce soir là, avant son échec face à cette femme.
« Vous êtes folle de pensez que vous pouviez m'échapper aussi facilement. »
Cette femme…
Sa voix plus grave et suave, ses traits, son regard, ses cheveux plus noirs, cette bouche. Ce regard. Cela semblait irréel bien qu'elle vivait dans un monde fait de magie et de créatures surprenantes. C'était d'une stupidité sans nom parce qu'elle s'était faite avoir en beauté avec l'apparence d'un appât alléchant. La Reine l'avait retrouvée avant même qu'elle n'ait pu espérer s'en sortir. Elle avait été idiote de croire qu'elle pourrait lui échapper. Et son cœur ne suivait plus la cadence, son souffle devint lourd et saccadé, à nouveau perdu entre angoisse et désir.
« Qui vous a envoyé m'assassiner ? Est-ce la Reine Blanche ? »
Elle resta muette voyant le visage sûr et serein en face d'elle, se muer en une colère palpable.
« Vous ne voulez pas répondre ? »
Le sourire carnassier lui fit serrer les poings d'appréhension tandis que la lame quitta sa gorge pour se poser sur son bas-ventre. Elle releva la tête pour suivre les gestes de la Reine, la lame remontant vers le premier bouton de son pourpoint en cuire.
« Sachez ma chère… » Les premiers boutons sautèrent, et elle frissonna en sentant le lame effleurer par moment son ventre malgré sa chemise. « …qu'en tant que Reine… » D'autre boutons se détachèrent par d'autre coup de lame. « …je n'ai aucune… » Il ne lui en restait que peu, la lame se trouvant au creux de sa poitrine à l'orée de son col de chemise. « … Patience. »
Dans un dernier geste sa tête retomba sur le matelas, son pourpoint s'ouvrit et la lame passa près de son œil, mais dériva et siffla à son oreille pour se planter dans l'un des coussins. Elle ne silla pas, observant fixement la Reine dans un silence enveloppant. Regina se pencha vers elle remontant sa chemise de sa main libre de son ventre jusqu'à sa poitrine, au niveau de son cœur.
« Je pourrais très bien prendre votre cœur, vous obliger à tout me dire et à tuer ceux qui ont fait appel à la Confrérie dans le but de m'assassiner. Mais je ne le ferais pas. Je vous laisse une chance avant de vous torturer et croyez-moi, vous êtes bien la seule à qui j'octroie ce genre de faveur. » Murmura la femme au dessus d'elle, menaçante.
Encore une fois elle ne parla pas, scellant ses lèvres. Son esprit alors submergé par une multitude de questions. Malgré le simple avertissement et la chance qu'elle lui accordait, la Reine plongea ses doigts et sa main lentement dans sa poitrine. Elle se cambra, gémit douloureusement le souffle alors coupé.
« Vous avez peur de moi, mais vous avez bien plus peur de ce que vous ressentez en cet instant, bien plus peur du désir qui prend possession de votre corps... »
Elle sentit la poigne serrer légèrement son cœur et crut défaillir, pourtant elle n'avait pas mal. C'était plus une caresse, un électrochoc qui tétanisa passagèrement ses muscles. Puis Regina retira doucement sa main et la blonde rouvrit les yeux qu'elle avait clos sans le contrôler. Et respira à nouveau, comme si elle avait été en apnée pendant plusieurs minutes.
« … de ces doutes qui vous empêche de me tuer, des sentiments que vous avez nourrit durant tout ce temps que vous avez passé à m'observer, m'épier pour trouver la faille. Je devrais vous tuer pour avoir vu en moi ce que je cache aux autres.
-Pourquoi n'avez-vous jamais tué Blanche-Neige ? » Demanda-t-elle d'une voix éraillée.
La question surprit légèrement la brune qui se redressa pour que le masque se reforme.
« Pourquoi la tuer alors que quelqu'un s'était chargé depuis longtemps de la faire souffrir sans que j'ai à lever le petit doigt. Je n'ai même pas pris la peine de tuer son père, j'avais bien d'autres choses plus intéressantes à faire à ce moment là.
-Qui s'est chargé de faire souffrir la Reine ?
-Vous êtes curieuse, bien trop curieuse au vu de votre posture.
-Je ne répondrais pas à vos questions alors autant que j'en sache plus sur cette guerre entre Royaume, rétorqua-t-elle, fermement. Et ainsi comprendre pourquoi on m'a envoyée vous tuer.
-Vous ne le savez pas ?
-Non. Je ne connais pas les vraies raisons, car si vous avez semé la terreur, aujourd'hui les temps sont plus cléments.
-Blanche-Neige a toujours cru que ma mère était responsable de tout. De la mort de sa mère, de celle de son père mais avant ça de l'enlèvement de sa petite sœur et, par procuration, que je l'étais aussi. Ma mère a possiblement tué la sienne, mais pour le reste, ma famille n'a pas agit comme le Royaume Blanc semble le croire. Néanmoins, il est vrai que j'ai caché une part de vérité.
-Laquelle ? »
Regina se rapprocha à nouveau, son souffle chaud caressant son oreille.
« Je sais où se trouve sa cadette. » Murmura-t-elle, mystérieusement.
Elle ouvrit de grands yeux.
« Où est la princesse ?
-La princesse n'est plus mais la femme qui l'a remplacée est bien plus forte et téméraire qu'elle ne l'aurait été en restant auprès de sa famille. Vous ne devriez pas vous préoccuper d'elle pour le moment mais plutôt de votre situation. Cela ne vous surprend pas que je sache qui vous êtes, que je sois l'une des fondatrices de la confrérie, celle-là même qui a été engagé pour me tuer ?
-Comment l'avait vous su ?
-Grace à ceci. »
Regina prit la chaine d'Emma entre les doigts et sortit alors le pendentif de dessous sa chemise de soie. D'un regard incrédule elle fixa le cercle qui entourait un arbre argenté.
« C'est celui que je t'ai offert à tes seize ans pour avoir réussi ton combat. Ce combat qui t'a permis d'être un assassin de la Confrérie Noire d'Antares. »
Dans son passé, la femme qui lui avait offert ce pendentif avait été son mentor, Ravena. Elle lui avait presque tout appris en matière de combat et l'avait aidé à maîtriser la magie qui s'écoulait dans ses veines. Elle aurait pu essayer d'utiliser ses pouvoirs contre la Reine, cependant elle sentait la magie noire l'écraser et l'empêcher d'agir. Elle avait voulu obtenir des réponses, elle ne pensait pas en avoir à ce point, et de cette importance. Comment n'avait-elle jamais fait le lien ? Désormais, elle savait pourquoi elle avait été attirée, pourquoi elle avait de nouveau ressenti de la peur, car un disciple apprenait ce sentiment de son maître. Elle n'avait pas voulu voir la vérité dans son regard, elle n'avait pas voulu le reconnaitre. Parce qu'il lui faisait peur, parce qu'il la faisait douter car Regina avait été son instructrice, celle qui lui avait permis de s'élever avant de disparaître.
Regina avait été bien plus.
Se plongeant dans ses yeux sombres, elle se souvenait de son regard, du regard de Ravena, empreint parfois d'une lueur mauve.
« Maîtresse Ravena ? C'est impossible…
-J'étais plus jeune et intrépide, je portais ce nom et un masque pour que personne ne me reconnaisse, j'aurai peut-être dû être plus prudente parce que ce jour dans la clairière, mais aussi cette nuit, je sais que tu m'as reconnue. Il t'a suffit d'un regard. Et pourtant, tu as préféré rester aveugle. »
Désormais elle se rappelait à nouveau de sa voix, se souvenait des intonations bien que plus grave par le passé. Elle s'en souvenait seulement aujourd'hui, étant donné que lorsque quelqu'un disparait, c'est ce qui part en premier. Puis peu à peu le visage s'efface et alors ne reste que les odeurs, les sons, les goûts. Le parfum, la musique et les saveurs gravées en nous comme une marque au fer rouge. Et lorsque nous y faisons face nous nous remémorons le passé, nous les relions à une personne à un événement particulier.
Comme l'odeur d'un sous bois, un fruit que nous aurions goûté ou les muscs d'un parfum.
Elle se souvenait de tout.
De chaque sensation, de chaque émotion et de chaque moment.
« Pourquoi m'avoir choisie ? Pourquoi vous infiltrez aussi profondément dans la confrérie pour devenir mon instructrice ?
-Ce n'est plus toi qui pose les questions.
-Vous connaissez notre credo, vous savez que je ne dirais rien. Alors pourquoi vous ne me tuez pas ? Pourquoi ne pas prendre possession de mon cœur comme vous savez si bien le faire ?
-Silence ! »
Malgré tous les masques que la Reine entretenait constamment, elle vit la fêlure, elle vit ce regard triste et tourmenté, empli de colère. Elle vit la tempête magnifique se lever dans les orbes foncées seulement éclairées par la lune ronde.
Elle devait être folle pour être autant attirée par ce qui allait sûrement la détruire.
